𝅘𝅥𝅮 Olivia Rodrigo - Brutal

Polly

Au moment où mes pas effleurent le seuil de l'enceinte du lycée, une angoisse palpable s'empare de l'air ambiant. Immobile, mon cœur est oppressé par un sentiment d'inquiétude, tandis que j'arpente les environs d'un regard soucieux tout en ramassant mon skate que je place sous mon bras. Un air grave et recueilli habille les visages de tous les lycéens. Ils ont appris pour Jakob. Comme pour Bill Smith, la nouvelle n'a pas tardé à faire le tour du campus dès que les premiers étudiants sont arrivés. Certains l'ont appris ce matin, de leurs parents. Tandis que d'autres l'ont découvert sur Internet, via Instagram et ces autres saloperies de réseaux sociaux.

Aucun résident de Mallory West n'a été à l'abri de cette macabre annonce. À moins de vivre dans une grotte.

En empruntant le chemin qui me conduirait jusqu'au terrain de frisbee, là où je trouverai mon jumeau, je suis attiré par des fragments de discussions provenant d'un attroupement d'élèves de troisième année.

— Bill a disparu avant d'être retrouvé mort, ensuite Jakob. Et voilà que Bryan Owen a disparu à son tour.

L'air se fait dense dans ma poitrine, tandis que mes jambes flageolent, comme si elles allaient s'évanouir sous mon poids. Il s'est à peine écoulé douze heures depuis la découverte de la dépouille de Jakob qu'un autre lycéen est porté disparu.

Plus pour très longtemps, me souffle ma conscience.

Sous la sensation d'une peur indicible, je sais que l'on ne tardera pas à le retrouver. Dans le même état que les deux autres.

Éventré, vidé de leurs entrailles et dépourvu de tête.

Alors je comprends davantage la lourde atmosphère qui s'est abattue sur le campus. Je perçois la peur de la mort qui saisit chacun des adolescents. Je suis presque capable d'entendre les battements sourds de leur crainte. Qui sera le prochain être porté disparu avant d'être retrouvé dans un état effroyable ?

C'est comme si on se retrouvait dans une version immersive et réelle d'une partie d'Am Stram Gram. L'élu connaîtra un sinistre sort qui suscitera les cauchemars des personnes qui parviendront à nous mettre la main dessus. Une fois qu'il sera trop tard.

Ignorant mes jambes flageolantes, je me hâte d'atteindre le terrain de frisbee où j'aperçois la silhouette familière de Steven sur les gradins vides. Installé sur un banc, il s'amuse à bouger son skate sous ses pieds qu'il a fini par récupérer. Sa tête s'élève vers moi, comme pour accueillir ma présence, lorsque je me tiens debout devant lui.

— Tu as entendu la nouvelle ? Un autre élève a disparu. Bryan Owen.

Son teint devenu blême me montre qu'il n'en était pas au courant. Comme moi, Steven n'apprécie guère ce type appartenant aux rangs de Nathan. Mais je suis certaine qu'il ne lui souhaite en aucun cas de finir comme les deux autres. Cela va au-delà de la cruauté d'un être humain. Ceci est l'œuvre d'un être dépourvu de conscience, de compassion et d'empathie.

— Tu veux connaître une nouvelle pire que celle-là ? me demande Steven.

L'effroi et la crainte que je lis dans son regard aspirent en moi un désagréable pressentiment. Un nœud se noue dans l'abîme de mon estomac, tel un tourbillon de ténèbres dans les méandres de mon être. Qu'est-ce qui peut être pire de savoir qu'un autre adolescent est devenu la nouvelle victime de cette chose ? Désormais, je redoute le pire.

D'un mouvement de menton, mon jumeau m'indique de me retourner. D'abord aveuglée par la lumière éclatante du soleil, je place ma main sur mon front pour créer une ombre protectrice. À l'entrée du terrain, je distingue deux silhouettes en uniforme. Or, à la seconde où je les reconnais, des frissons dérangeants parsèment ma peau de frissons. Les ombres du passé qui m'aspirent me donnent la sensation d'être au bord de la syncope. Deux agents de police sont présents sur le campus.

Jamie Mack, la nouvelle recrue arrivée à Mallory West six mois plus tôt, après le départ du fantôme qui l'accompagne actuellement. Cet homme ayant quitté la police suite à l'affaire de l'année passée qu'il n'a jamais pu résoudre.

Derek Tannen.

L'individu qui m'a traqué sans merci, avide de percer le mystère qui a frappé notre communauté, la laissant dans un état de confusion et de terreur. Mais en vain. Cette énigme obscure a eu raison de lui et il a déserté la ville en début de l'année 2017, soit neuf mois plus tôt. Et le voilà de retour en compagnie de son successeur pour résoudre cette nouvelle vague de meurtres inquiétants qui secoue Mallory West.

Ma mâchoire se crispe sous l'emprise de l'inquiétude qui m'envahit soudainement. Le retour de Tannen me laisse le pressentiment qu'il ne me laissera pas le moindre répit.

— Mademoiselle Gubler, c'est votre tour, m'annonce le concierge, interrompant notre cours d'informatique.

Le cœur lourd, je quitte la salle de madame Stoltz et talonne Gray jusqu'au bureau du proviseur. Chacune de mes respirations est difficile. Derrière la porte en bois, je sais ce qui m'attend. Je sais qui m'attend. Mes doigts agrippent avec nervosité les bijoux qui parent mes poignets, tandis que le concierge s'affaire à ouvrir la porte. Je pénètre dans le bureau du proviseur en retenant mon souffle, sentant les battements désordonnés de mon palpitant. L'air toujours sévère de Sneiders m'accueille, tout comme l'aura froide que dégage Tannen, installé sur une table à côté du bureau du proviseur.

— Gubler, voici l'agent Tannen qui vous interrogera pour...

— Inutile de perdre notre temps, monsieur Sneiders, interrompt l'agent en se relevant. Il se trouve que j'ai déjà eu affaire à cette jeune fille par le passé.

Un nœud se forme dans ma gorge. Je pourrais presque jurer avoir aperçu un rictus sardonique apparaître sur le coin de ses lèvres. La joie de nos retrouvailles doit être palpable chez lui, car elles lui procurent la certitude qu'il sera en mesure, cette fois, de démêler cet écheveau d'énigmes. Cependant, il est loin de se douter que la nature de ces événements n'a rien d'humain. Oh non, jamais il ne découvrira que cela relève de forces obscures, d'une œuvre démoniaque. Et je ne compte rien lui dire. Il est plus amusant de le voir tourner en bourrique, tout comme il l'a fait l'année précédente.

— Quelle joie de te revoir, Polly, me lance Tannen en m'invitant d'un mouvement de main, à m'installer sur le siège face à lui.

— Ce n'est pas mon cas.

Un ricanement léger et dédaigneux s'échappe des lèvres de l'homme. Je me demande alors s'il évoquera l'affaire de l'année passée ou s'il a demandé à me voir uniquement pour les récents meurtres et cette nouvelle disparition.

— À ce que je constate, vous êtes de retour parmi nous, agent Tannen.

— En effet. Mais dis-moi, Polly, suis-je réellement le seul à être de retour à Mallory West ?

Mon souffle demeure prisonnier dans ma poitrine quand je saisis le sous-entendu de sa question. Les souvenirs se bousculent en moi, tout comme les mots qui se meurent sur le bout de la langue. Dans un élan de nervosité, mes doigts se promènent sous mes bracelets pour caresser les marques que mes anciens démons ont laissés derrière eux. Les iris marron de l'agent me sondent au plus profond de mon âme, pour m'habiter d'un malaise saisissant. Sait-il que je sais ? De toute façon, je refuse de lui divulguer la moindre information le concernant.

— Si vous espérez trouver des informations à son sujet, vous perdez votre temps, agent Tannen. Je ne l'ai pas revu depuis ce soir-là.

J'espère qu'il ne parvient pas à lire au travers de mon expression impénétrable.

— Et puis, je pensais que vous aviez demandé à me voir au sujet de la disparition récente de notre camarade, Bryan Owen.

Il arque les sourcils, sans doute surpris que je sois au courant de cette fraîche absence.

— Mallory West est une petite ville, agent Tannen. Les nouvelles circulent très vite, souligné-je pour écarter tout soupçon à mon encontre.

L'homme se racle la gorge, comme pour se reprendre et recouvrer son professionnalisme.

— Connais-tu Bryan Owen ?

J'approuve d'un hochement de tête.

— Quels étaient tes rapports avec lui ?

J'arbore une grimace.

— Lui et moi, on ne s'apprécie pas vraiment.

— Pourtant, il est ami avec ton petit ami, Nathan Hanson.

Je grince des dents à l'entente de cette appellation. Petit ami. Seulement en apparence. Mais personne ne doit le savoir, pas même Tannen.

— Et alors ? Est-ce une obligation pour avoir un bon rapport avec ce type qui ne réfléchit pas plus loin que le bout de son nez ?

Il se penche vers moi et me sonde d'un air curieux.

— Je trouve étrange que tu te sois mis en relation avec Nathan qui, si je me souviens bien, était amis avec Alex Rivers. Tu t'en rappelles ? Alex Rivers qui...

— Oui, je m'en souviens parfaitement bien, je réponds d'un ton précipité.

L'ensemble de mes muscles s'est contracté à cette évocation qui a ramené à la vie des souvenirs que j'ai enterré dans les tréfonds de ma mémoire.

— Sauf que ce n'est pas le sujet de cette entrevue, agent Tannen. Il s'agit de ma vie privée et vous êtes là pour m'interroger à propos de Bryan Owen.

Ce fouineur de flic n'a pas à s'immiscer dans des affaires qui le dépassent. Il risque de ne pas apprécier ce qu'il peut y trouver. Notre échange visuel s'éternise durant de longues secondes qui me semblent durer une éternité.

— Tu n'as donc rien d'autre à me dire à son sujet ?

Je secoue la tête, sans lâcher Tannen du regard.

— Lui et moi, on s'évite dès que possible. Mais sans doute que Nathan pourra vous aidez davantage.

Il inscrit soigneusement mes propos sur son carnet, témoin muet de notre conversation. Une délivrance m'envahit lorsqu'il me libère de sa présence. Je quitte toutefois le bureau de Sneiders avec une boule plus grosse que celle avec laquelle je suis arrivée. Cet entretien avec Tannen m'a confirmé deux choses. Il a entamé une nouvelle partie de chasse et pire encore, il est déterminé à achever la précédente, quitte à déterrer d'anciens fantômes du passé.

— T'es en retard, Gubler, m'assène Evy d'un ton sec à mon arrivée sur le terrain de frisbee.

Je jette à la hâte mon sac au loin, déjà lasse de cette confrontation qui ne fait que de débuter. Il est évident que la capitaine des cheerleaders me reprocherait mon retard de quatre petites minutes. Mais si Tannen n'avait pas fouillé les cicatrices de mon passé, je n'aurais jamais eu à subir les foudres de cette peste.

— Désolée, Mitchell, un flic me questionnait sur la disparition d'un élève, réponds-je en feignant un ton attristé.

Ma pique n'atteint pas Evy qui conserve son expression de marbre.

— Il me semblait t'avoir averti qu'au moindre travers...

— Putain, j'ai quatre foutues minutes de retard ! Et sans cet interrogatoire, je serai arrivée à l'heure, alors ravale ta psychorigidité pour une fois et arrête de faire ta tête de garce !

Mes propos ne lui plaisent guère, la lueur sombre qui s'anime dans le fond de ses iris en témoignent. Elle s'avance vers moi, tandis que je dissimule avec art ma fureur sous un masque impénétrable. Elle cherche à trouver ma faille pour mieux m'atteindre. Je ne lui donnerai toutefois pas ce plaisir, car...

Subitement, mon être s'abandonne dans le vide, et je me retrouve alanguie sur l'herbe, avec une douleur vive qui fuse dans la région lombaire de mon dos. Cette garce vient de me faire un balayage à l'instant où j'y étais le moins préparée !

Avec une grimace qui défigure les traits de mon visage pour mieux encaisser les élancements qui m'assomment, je découvre Evy s'abaisser auprès de moi, son visage demeure suspendu au mien. Le souffle ardent de sa fureur s'abat avec force sur mon visage, telle une tempête déchaînée.

— Plus jamais tu ne m'insultes en public, pétasse, me susurre-t-elle d'un ton tranchant.

Sur ces mots, elle se relève pour retourner auprès du reste de l'équipe qui n'a rien perdu de cette confrontation animée. Cependant, je ne compte pas la laisser gagner cette partie. Si elle s'en prend à moi, ça n'est pas sans retour de monnaie. Mes doigts s'enroulent vigoureusement autour la cheville d'Evy pour l'enserrer avec hargne et, d'un geste soudain, je la tire vers moi. Comme escompté, la capitaine, prise au dépourvu, chute en avant pour s'écraser lourdement sur le sol. Cette cascade suscite un murmure d'effroi des autres cheerleaders. Je me redresse avec empressement et me penche au-dessus de la frêle silhouette d'Evy, qui est le choc de ce retournement imprévu.

— T'as oublié un truc. C'est toujours moi qui possède le dernier mot. Pétasse.

Puis, comprenant que ma présence n'est plus très bien accueillie aujourd'hui, je récupère mes affaires pour rejoindre mon frère jumeau. Mon attitude ne sera pas sans conséquence, j'en ai bien conscience. Mais Evy doit comprendre que son titre de capitaine ne lui permet pas de nous traiter tels des esclaves. Le cœur plus léger, j'aperçois Steven quitter le bâtiment scolaire sur son skate.

J'ai oublié le mien à la maison !

— Stev !

Lorsqu'il détourne son regard vers moi et me découvre, il s'interrompt brusquement et pose le pied à terre, quittant ainsi sa planche à roulettes.

— Tu n'as pas tes entraînements ?

Je lui réponds d'un mouvement négatif de la tête. Mon jumeau ne cherche pas à en connaître davantage, pour mon plus grand soulagement. Même si cette altercation doit servir de leçon pour la capitaine des cheerleaders, je préfère la ranger dans un tiroir de mon esprit pour l'instant.

— Tu sais, concernant la chose qui commet toutes ces horreurs ? Je suis certain que c'est Doulgas. Pas toi ?

Un soupir las se libère de ma bouche. L'agitation qui règne au sein du lycée m'empêche de réfléchir davantage à ce point. Car pour moi, j'ai quelque chose de plus urgent à régler. Tenir un agent de police aussi éloigné que possible de moi pour l'empêcher de fourrer son nez dans des affaires qui ne le concerne pas.

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• Hey beautiful people ! 🤗

Mode bad ass activé pour Polly ! •

•......•

• Votre avis sur ce chapitre ?

•  De ce nouvel élève disparu ?

• De l'entretien entre Polly et ce fameux Tannen (il y en a qui le connaissent déjà) ?

• De cette confrontation entre Polly et Evy ? (j'adore écrire ce genre de scène, perso !)

•......•

☆ Le prochain chapitre sera du PDV de Stevy ! ☆

Kissouilles !

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