⛧│ 11. Théories et convictions

𝅘𝅥𝅮 Rockwell - Somebody's Watching Me

Steven

— Vous avez entendu ça, les gars ? Jakob McMoor a disparu.

Tandis que l'adolescent s'attable avec ses copains à la table voisine à la mienne, un frisson glacé me parcourt jusqu'au fond des entrailles lorsque j'entends ces paroles funestes prononcées par Bryan, l'un des compagnons de la bande de Nathan. Non pas par crainte qu'il ne répète sur moi ses gestes violents d'autrefois, entouré de ses acolytes, mais parce qu'il vient d'annoncer la triste nouvelle de la disparition d'un élève. Un autre.

Le corps de celui que nous avons retrouvé hier appartenait à Bill Smith, un élève de troisième année. Depuis ce matin, la nouvelle s'est répandue comme une traînée de poudre au lycée. L'unique sujet de conversation qui semble préoccuper tous les esprits n'est nul autre que cet événement, ainsi que la mystérieuse et soudaine absence de Jakob.

Mon menton serré, je lutte pour contenir la furie qui s'agite dans mon sang.

Ne te retourne pas et fais comme si tu n'avais rien entendu.

Mais mon appétit est désormais coupé. Je méprise ces adolescents qui en parlent comme s'il s'agissait d'un simple sujet pour divertir les élèves de ce lycée minable. Mais c'est bel et bien une tragédie qui se déroule sous nos yeux. On parle de la mort épouvantable d'un élève et de la disparition soudaine d'un autre.

Mais ce qui nous remplit d'une agitation singulière et préoccupante, c'est la présence de la police sur notre campus. Les agents sont les instigateurs de ragots aussi saugrenus que farfelus sur ce qui se passe actuellement. Le tumulte qui nous étreint pourrait probablement s'apaiser si les enseignants, ainsi que le directeur de l'établissement, daignaient nous offrir des explications. Malheureusement, pour notre confusion et notre inquiétude sans fin, le silence persiste avec obstination. Pourtant, nous ne sommes pas idiots. Nous voyons ce qui se passe et l'absence d'éclaircissement pèse sur chacun d'entre nous.

Je connais la raison de la présence des flics. Ils vont nous interroger un à un pour récolter des témoignages sur ces deux élèves. Ce scénario me donne un terrifiant sentiment de déjà-vu. Et je parie que je ne suis pas le seul à être victime de cette sensation.

Manquerait plus que des vautours de journalistes rappliquent pour faire de cette affaire, la une de tous les journaux télévisés. Mais personne ne viendra pour documenter ce qui secoue notre ville. Après tout, aucun journaliste n'a débarqué l'année passée. Seul l'accident de car a été fait les gros titres des journaux quelques jours. Alors pourquoi cela devrait changer ?

Le bruit d'une fourchette qui s'écrase dans l'assiette me ramène sur terre au travers d'un sursaut. La rigidité s'est emparée de Polly, qui ne peut détacher son regard de son plat auquel elle n'a pas touché. Mon instinct protecteur me pousse à poser une main réconfortante sur son dos.

— Hey, ça va ? je souffle.

Sans lever ses yeux vairons sur moi, elle se contente de me donner un faible hochement de tête. Toutefois, je sais très bien ce à quoi elle pense. Ses pensées sont les miennes. Nous sommes connectés d'une façon inexplicable.

Ces morts effroyables, ces disparitions, la présence des policiers au sein du lycée.

Tout cela ravive en elle, les souvenirs des événements agités qui ont ébranlé la ville de Mallory West l'année dernière. Cette ère funeste où elle a été traquée par la police, condamnée à subir les affres de la coïncidence malheureuse et de la fatalité de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Avec lui. Celui qu'elle surnomme McFly. Polly ne m'a peut-être jamais rien confié à ce sujet, mais je ne mettrai jamais en doute son innocence sur ces curieux décès qui sont survenus.

— Polly, tu ne risques rien. On n'a rien fait. On n'était pas là quand la police est arrivée, je lui souffle.

Elle acquiesce de nouveau, la mâchoire et les poings crispés. Cependant, elle demeure effrayée. Je ressens sa peur. Elle saisit ma main et la serre de toutes ses forces. Je l'attire contre moi et nous berce pour calmer le sentiment d'horreur qui grandit dangereusement en elle.

— Je suis là, Polly. Il ne t'arrivera rien.

J'inspire profondément pour la guider, et elle s'avère capable de me suivre dans mon sillage. Ensemble contre tout et pour toujours. Notre mantra afin de survivre aux coups d'uppercut que la vie nous inflige.

— Viens, on se tire en classe, je lui murmure une fois qu'elle s'est calmée.

Sans mot dire, nous quittons la cantine, impassibles face aux œillades moqueuses qui nous sont adressées.



— Tu as une nouvelle idée pour emmerder Sneiders ? je demande en m'installant sur l'une des tables de la salle de classe.

Ma jumelle me répond d'un haussement d'épaules. Il est certain que son esprit erre au-delà de ces murs, happé par les tourments qui agitent l'enceinte du lycée. La présence des policiers est loin de l'apaiser. Au contraire, ils ne font qu'exacerber son état de préoccupation. Je presse légèrement mes lèvres ensemble, incertain sur la façon d'éloigner ma sœur de ses tristes réflexions.

— Monsieur Gubler, je vous prie de vous installer sur une chaise !

Au moment où résonne dans l'air, la voix de M. Douglas, je me raidis, surpris par son apparition soudaine dans la salle de classe. Je me redresse avec vigueur et fais volte-face vers le professeur de littérature, qui défait avec soin son manteau et retire son chapeau noir, tel un gentleman sortant de son carrosse. Mon cœur cesse de battre, mon sang se transforme en glace.

Un chapeau et un manteau noir.

Exactement comme le type sur la terrasse du Café Marc's.

Une vague de panique s'éleva en moi, rugissant comme une mer déchaînée.

— Polly, je souffle en lui insufflant des coups de coude chargé de nervosité.

— Mmmh ?

— Douglas, c'est le type qui a bougé sur la terrasse.

Elle relève un regard confus sur moi. Une courbe s'inscrit sur son front.

— Qu'est-ce que tu racontes ?

Je ne lâche pas des yeux l'enseignant qui prend place derrière son bureau et arrange soigneusement ses notes en vue de son prochain cours. Un affreux pressentiment m'habite pour ne plus me lâcher. Cet homme inspire désormais en moi une telle défiance que mon ventre se contracte douloureusement, telle une corde nouée avec force.

— C'est lui, le type qui était sur la terrasse. Celui que j'ai vu bouger, je chuchote d'une voix stressée.

Son regard suit le mien. Elle demeure sans la moindre réaction le temps de quelques secondes, puis libère un soupir las en roulant des yeux.

— Bordel, Stev', arrête tes conneries !

Ma mâchoire se crispe avec une force déconcertante. Elle refuse de croire à la Prophétie, en dépit des événements auxquels nous avons été témoins. Elle ne perçoit ces fables que comme les légendes urbaines que l'on nous rapportait lors de notre innocence, dans le seul dessein de nous effrayer. Elle persiste à ne pas transgresser la démarcation entre l'illusion et l'existence concrète. Je mordis délicatement ma lèvre inférieure, saisis fermement le bras de ma sœur jumelle et l'entraînai avec force hors de la salle de classe, négligeant ses plaintes véhémentes. Nous nous fondons dans la masse des autres étudiants, qui se dirigent vers leurs salles de classe respectives, chacun empruntant son propre chemin.

— Polly, bon sang, écoute-moi...

— Non, toi écoute-moi, Steven. Arrête avec ces histoires de démons, de sorcelleries et de Prophétie. Ça n'existe pas ! Ce type est complètement... fou.

Je crois les bras contre mon torse, l'air imperturbable. Nous disputer ne conduira à nulle part, excepté de créer un mur entre nous. Et je refuse d'entrer dans une période de froid avec ma voisine d'utérus avec qui je partage ce lien si exceptionnel. Alors que je m'apprête à lui répondre avec un souffle léger, mon discours est interrompu par la révélation soudaine de deux silhouettes qui défient toute attente.

— Qu'est-ce que... ?

Polly se retourne pour découvrir la présence de Daisy et de Nick parmi les autres lycéens. Quand nos regards se croisent, ils avancent vers nous d'un pas déterminé.

— Vous êtes là ! s'écrie Daisy avec un air soulagé qui suscite ma curiosité.

Je ne peux m'empêcher de m'attarder sur son chemisier noir qui dévoile sa petite poitrine. Et elle le remarque. Le grattement de sa gorge a le don de m'empourprer le visage, aussi, j'évite désormais de croiser son regard. La gêne coule dans mes veines. Que va-t-elle penser de moi, maintenant, alors que ce n'est absolument pas mon genre d'agir de la sorte ?

Polly retient un ricanement. Elle a assisté à la scène. Et bien évidemment, elle ne fait rien pour me venir en aide.

— Qu'est-ce que vous faites ici ? je demande en m'approchant d'eux pour éviter que mes mots tombent sur des oreilles curieuses.

— C'était vrai. Frédéric disait vrai à propos de cette Prophétie, déclare Daisy, avec une lueur sérieuse qui scintille dans ses yeux.

Je détourne mon regard vers ma sœur, qui arbore un air méprisant en roulant des yeux, tandis qu'un léger rictus vient effleurer mes lèvres. Nous sommes désormais trois contre elle à y croire désormais.

— Bordel, arrêtez vos conneries. Ça en devient presque gênant.

L'arrière de son crâne repose brutalement contre la porte d'un casier.

— Polly, j'ai vraiment vu cette Prophétie.

— Oui bien sûr. Sauf que tu oublies de préciser que c'est à cause des cachets que tu prends.

Les mots de ma jumelle ricochent jusqu'à Daisy qui lui adresse alors un regard chargé de haine. La tension électrique qui s'installe entre elles est de plus en plus palpable, et je suis confronté à un dilemme : dois-je m'ingérer dans leur dispute ou au contraire, rester en retrait et les laisser résoudre leur conflit ?

— Gubler !

La voix de Sneiders résonne solennellement dans les corridors désormais dépourvus de vie. Au moment où apparaît la stature autoritaire du principal chauve qui se rue vers nous avec fureur, je ressens un frisson musculaire m'envahir, signe de ma réaction nerveuse face à cette soudaine menace. Ses iris sombres nous reluquent un à un avec un mécontentement qui me déplaît.
Je sens qu'on va passer un sale quart d'heure.

— Je peux savoir pour quelle raison vous avez amené deux individus qui ne sont, en aucun cas, scolarisé dans cet établissement ?

— Pour aucune raison, répond Polly avec une assurance qui m'ébahit toujours. Ils se sont incrustés tout seul jusqu'ici, telles des vermines indésirables.

Ces mots ne suscitent aucune émotion chez le proviseur qui nous assassine toujours de son regard obscur.

— Gardez votre sarcasme pour vous Gubler. Et puisque vous êtes d'humeur taquine, je vous propose une petite séance avec monsieur McKinnley avec votre frère, après les cours.

Puis, le regard du proviseur dévie sur Nick et Daisy.

— Quant à vous deux, déguerpissez d'ici sur-le-champ, avant d'avoir de graves ennuis.

Je me mords la lèvre inférieure et ravale un grognement frustré. Super, on avait besoin de tout, sauf de ça !



— Papa ne va pas être ravi d'apprendre qu'on a encore fini en retenue, je lance en quittant la salle de McKinnley.

Ce n'est pas le fait d'avoir été en retenue qui m'agace. Non, ça, c'est une routine à laquelle je me suis habitué. Ce qui me met hors de moi est que Sneiders a désigné Polly et moi comme ses victimes expiatoires, sur qui il a décidé de faire retomber toute faute, quelle qu'en soit la raison. Il ne cherche pas à analyser la situation pour mieux la comprendre. Il nous désigne d'un geste accusateur, sans la moindre once de clémence dans son regard.

Polly s'avance, d'une démarche empreinte de mécontentement, et je m'empresse de la suivre. Nous avons perdu une heure de notre soirée à observer le plafond, tandis que McKinnley se régalait devant sa série. Une heure durant laquelle on aurait pu faire autre chose, comme aller retrouver Nick et Daisy pour reprendre le fil de notre conversation abandonnée. Mais je conserve cette éventualité pour moi. Face à l'agitation qui anime déjà ma jumelle, la simple évocation de la prophétie pourrait suffire à la faire éclater comme un fragile vase.

— Ce type est un véritable tyran, je lâche en quittant l'établissement scolaire.

— Et eux, sont des parasites qui nous attirent que des ennuis.

Je roule des yeux. Polly maîtrise l'art de surenchérir avec une exagération démesurée. Pour moi, la faute ne revient pas à Daisy et Nick, mais au tyran qui nous sert de proviseur. Or, inutile de débattre là-dessus, car Polly fera la sourde oreille, persuadée qu'elle a raison.

En chemin vers les quartiers Clayton, où notre père a élu domicile, nous traversons la route et entendons des bruits de pas se rapprochant de nous.

— Polly, Steven !

Au son de cette voix familière, je demeure interdit et figé, tandis que Polly m'imite. On l'a tous deux reconnus. Ma mâchoire se serre, la fureur se ranime dans mon sang avec une ardeur renouvelée. Polly libère un râle qui m'atteint :

— Oh non. Pas toi !

☆______________________________

• Hey beautiful people ! 🤗

Mais qui est venu les rejoindre ? •

•......•

• Votre avis sur ce chapitre ?

• De la proximité entre Polly et Steven ?

• Mmmh, Steven aurait-il trouvé notre coupable?

• Deux autres personnes ont rejoints le camp de Stev ! Parviendra-t-il à convaincre sa jumelle ?

•......•

☆ Le prochain chapitre sera du PDV de notre cher et bien aimé McFly ☆

Kissouilles !

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