Chapitre 6 - Hailey
Qu'est-ce qu'il s'était passé ? Elle ne s'en souvenait plus très bien... Kent disait qu'il les croyait. Ah, oui. Il les croyait, ou plutôt, il croyait le docteur Quelque Chose, qui avait décrit ce qu'il appelait la « Transe » à peu près comme elle l'avait fait quand elle en avait parlé à son soi-disant assistant judiciaire qui n'avait que lui poser des questions, mis à part qu'elle nommait ça une possession, à l'époque. Mais sinon, elle avait dit la même chose. Quelque chose, quelqu'un d'autre, presque, qui avait pris le contrôle de son esprit. Elle s'était retrouvée à côté d'un cadavre, avec une arme ensanglantée à la main... sans se souvenir de quoi que ce soit. Donc elle avait raison. Elle avait raison. Tout ces idiots qui lui répétaient sans relâche qu'elle mentait avaient tort... et elle avait raison.
Elle eu envie d'éclater de rire à cette pensée, avant de se rappeler qu'elle ne le pouvait pas, pas encore. D'une, parce qu'on l'avait droguée, et que rire était réservé à ceux qui n'étaient pas plongés dans un sommeil artificiel. De deux, elle allait être envoyée loin, très loin de tout ce qu'elle avait toujours connu. Elle rirait quand ce cauchemar serait terminé, et pas une seconde auparavant. S'il se terminait...
Du bruit.
Enfin ! Elle ne savait pas très bien où elle était – en partie parce qu'elle avait du mal à entendre et qu'ouvrir les yeux était mission impossible – mais il y avait du bruit. Donc elle n'était pas seule. Qui était-ce ? Kent ? Maeve ?
Maeve.
Étaient-elles toujours ensemble où les gardes les avaient-ils séparées, de peur qu'elles ne s'allient pour s'échapper ? Même si ç'aurait été une bonne idée et qu'elles auraient pu avoir de bonnes chances d'atteindre leur but en faisant équipe, Maeve en voulait trop à Hailey pour ça. Lui en vouloir pour quoi, exactement ? Parce qu'elle avait voulu en savoir un peu pus sur elle ? Ce n'était pas une raison valable... et d'ailleurs, pourquoi voulait-elle tellement restée cachée ? Ça n'avait aucun sens.
Une bourrasque d'air froid la tira de ses pensées et elle frissonna. Bien. Elle commençait donc à reprendre le contrôle de ses mouvements. Quelqu'un la prit par les épaules avant de la porter, calant ses bras sous ses genoux et son cou. Il faisait froid, et l'uniforme distribués aux incarcérés de Hansaï n'était constitué qu'avec des vêtements légers, blancs comme neige. Pour qu'ils soient reconnaissable, d'abord, mais aussi pour qu'ils n'osent pas braver le froid des hivers de Laena, plus encore ceux de Komichi, suffisamment proche d'Okuno pour « profiter » de sa neige.
Hailey voulut empêcher ses dents de claquer, pour qu'on ne remarque pas qu'elle commençait à se réveiller, mais le garde qui la tenait s'arrêta un instant et la couvrit de ce qui lui sembla être une veste typique d'Okuno, faite dans un tissus qui attirait et retenait la chaleur.
L'adolescente murmura un « Merci » si faible qu'elle-même douta de l'avoir entendu, et se prit à espérer que Maeve n'était pas encore morte de froid. Si elle avait vraiment redouté la chaleur étouffante de Hansaï, elle ne résisterait pas deux secondes à Okuno.
Elle entrouvrit les yeux pour savoir où elle se trouvait, mais le garde la secoua un instant et elle ferma les paupières, comprenant le message. Peu importait la raison qui poussait l'inconnu à l'aider. Elle avait clairement besoin d'aide, et tant mieux si elle en recevait.
— Écoute-moi, lui souffla une voix plus aiguë qu'elle le pensait – et qui signifiait probablement que son détenteur était une femme, si cela changeait quoi que ce soit. Je ne te connais pas, et tu ne me connais pas. Je ne sais pas non plus ce que tu as fait pour atterrir à Hansaï et je crois que je ne veux pas le savoir. Mais je ne suis pas d'accord pour qu'ils envoient des enfants dans un monde où elles n'auront aucune chance, alors je vais essayer de te permettre de fuir, d'accord ? Normalement, l'agitation laissera assez de temps à ton amie pour s'échapper elle aussi. Si elle est réveillée. Si elle ne l'est pas, je te promets de faire mon possible pour qu'il ne lui arrive rien. Tu as compris ?
Hailey hocha la tête, soudain inquiète. Tant que son destin lui était connu, elle n'avait que faire de ce qu'elle pouvait y changer : si elle avait été obligée de passer dans le Passage, elle l'aurait accepté. Mais maintenant qu'il y avait une possibilité, même infime, qu'elle s'échappe... il fallait la saisir. Et que Maeve réussisse.
La lumière du Passage lui fit mal aux yeux, même fermés, et elle sut qu'elle s'en approchait dangereusement.
— J'espère que tu es prête... il va falloir que tu coures le plus vite que tu peux dans dix secondes.
Dix secondes. C'était peu. Trop peu pour qu'elle puisse préparer ses muscles ankylosés à temps...
— Excusez-moi... attendez. Je vais m'occuper de ces jeunes filles à partir de maintenant. Je dois leur parler.
Kent. Elle reconnaîtrait sa voix entre mille. La garde resserra sa prise, hésitante. Mais elle savait autant qu'Hailey que si Kent décelait le moindre signe de débordement de sa part, il saurait immédiatement qu'elle projetait d'aider la prisonnière.
— Déposez-les ici, j'attendrais qu'elles se réveillent. Ensuite, allez-vous en et ne revenez que demain. Me suis-je bien fait comprendre ?
— Oui, monsieur, lui répondit l'autre garde, celui qui portait Maeve
Kent se tourna vers sa collège, qui hocha la tête rapidement. Elle ne pourrait plus aider Hailey, mais tant pis. Elle aurait fait de son mieux.
L'adolescente sentit le sol froid à travers sa chemise et se remit à trembler. Elle tenta de s'en empêcher pour ne pas se faire repérer par Kent mais ses grelottements ne firent que redoubler. Elle entendit les pas légers de la garde s'éloigner et d'autres, plus lourds, en faire de même. Donc Maeve ne devait pas être trop loin.
— Mlle Solt. Cessez de me prendre pour un idiot et relevez-vous. Oh, et toutes vos petites tentatives d'évasions sont vouées à l'échec, étant donné que vous et votre amie portez un traceur au poignet et que, par conséquent, je peux vous retrouver et vous électrocuter à distance. Au cas où cela ne suffise pas, je vous informe que les décharges peuvent vous tuer si je le décide.
Hailey retint sa respiration pendant huit longues secondes, tâchant de choisit la meilleure option, mais fut interrompue dans sa réflexion par un souffle de vent glacial causé par Kent – qui d'autre ? - qui venait de jeter la veste de la garde une dizaine de mètres plus loin. L'adolescente se recroquevilla sur le sol, tentant de garder le peu de chaleur que la veste lui avait donnée, mais l'homme tira son bras brusquement et elle se releva à grand peine, plus tremblante que jamais.
Sa vision était encore trouble mais elle voyait vaguement Kent, qui tenait encore son bras, et la silhouette inerte de Maeve un peu plus loin. Complètement immobile. C'était probablement parce qu'elle était encore sous l'effet du sédatif. Du moins, c'était ce qu'espérait Hailey. Mais peut-être qu'elle était morte, après tout. Elle n'aurait même pas du s'en inquiéter. Maeve se fichait clairement d'elle, alors pourquoi ne pourrait-elle pas en faire de même ?
— Ce n'est pas mon amie, grommela alors la jeune fille
Elle s'adressait autant à Kent qu'au possible cadavre de Maeve mais elle ne put s'opposer à l'étrange culpabilité qui l'envahit.
Elle serra les dents puis soupira, se résignant à accepter ce que son esprit tentait maladroitement de reléguer au fin fond de ses pensées.
Peut-être que Maeve ne voulait pas d'amis.
Peut-être qu'elle avait envie d'étrangler Hailey dès qu'elle lui adressait la parole.
Mais tant pis, elle devait quand même essayer. De toute manière, si elles étaient envoyées ensemble dans un autre monde, elles seraient bien obligées de s'entraider, alors autant commencer maintenant.
Elle esquissa un mouvement pour vérifier si Maeve était toujours en vie, et celle-ci lui répondit en se redressant brusquement, comme éveillée d'un cauchemar. Son regard fit des allers-retours entre Hailey et Kent puis elle se releva lentement en commençant à frissonner.
— Ça va ? lui demanda Hailey avant de fermer les yeux, certaine d'une réponse cinglante
— Auss-ssi b-bien que t- que toi, lui sourit cependant l'adolescente
— Tu viens de quelle région, pour résister si mal au froid ?
— Okun-no...
Hailey mit quelques secondes à saisir l'illogisme de sa phrase. Okuno ? Impossible. Une fille d'Okuno n'aurait pas les lèvres bleues après quelques minutes de froid.
— Mais c'est pas possible... commença-t-elle
— Excusez-moi de vous interrompre, mais j'ai d'autres choses à faire que de vous regarder discuter, alors je vous remercierais de remettre ça à plus tard. Je dois vous dire deux mots avant de vous forcer à sauter dans le Passage en espérant que vous mourriez immédiatement après.
— Ça a le mérite d'être honnête, déclara Hailey après un silence
L'homme lui adressa un sourire au coin auquel elle ne répondit pas. Elle avait de plus en plus froid et sa tête commençait à tourner. Elle tiendrait sans doute jusqu'à la fin du discours de Kent, mais pas Maeve. Il n'y avait aucune chance pour ça. Elle tenait à peine debout tant ses jambes tremblaient, et son regard n'était même pas fixe.
Hailey se rapprocha de l'adolescente et l'enlaça malgré son mouvement de recul.
— Ne me t-touche pas !
— Tu vas mourir de froid.
— N'imp-porte quoi !
— Ah oui ? Pourtant il me semble que tu n'arrives même plus à parler correctement.
— Qu'est-ce que ça p-peut te f-faire ?!
— Dois-je en conclure que tu as peur de moi ?
Maeve se raidit et baissa la tête.
— Je n'ai pas p-peur de t-t-toi. Mais je... je crois con-naître ton pouv-voir et il ne m-me plaît p-pas, murmura-t-elle
— Pourquoi ? T'as des choses à cacher ? sourit Hailey dans l'espoir de dissiper la tension
L'intéressée lui jeta un regard mi-effrayé mi-énervé et elle partit d'un rire nerveux en essayant de savoir comment rattraper le désastre. Au bout de quelques secondes elle se rendit compte que Kent les observait, amusé, et elle fit mine de s'éloigner mais Maeve agrippa son bras.
— S'il t-te plaît... ne m-me laisse p-pas...
— Tu as froid au point de me laisser t'approcher ? ironisa Hailey en l'étreignant de nouveau
— Je... d-désol-lée, je ne...
— Tout va bien, l'interrompit l'adolescente en serrant plus fort
Un rire aigre lui parvint et elle se retourna sans lâcher Maeve.
— Comme c'est mignon... lança Kent. Tu penses qu'elle est assez faible pour que je la tue en un coup ?
— Si tu fais quoi que ce soit je te jure que tu passera le reste de ta vie à redouter ma vengeance, le menaça Hailey, plus que sérieuse
— Tu crois ça ? Jusqu'où pourrais-tu aller pour tenir ta promesse ?
Il sourit, remonta sa manche et pianota sur la montre électronique qu'il portait au poignet. Maeve cria et s'effondra en entraînant Hailey dans sa chute.
L'adolescente resta figée pendant quelques instants, tentant de sentir le souffle de Maeve. Elle saisit son poignet et chercha son pouls. Quasiment inexistant.
— Alors, le verdict ? Je l'ai tuée ? Ou il faut que je recommence ? demanda l'homme, les doigts à quelques centimètres de l'écran de sa montre
— Elle est... morte, déclara Hailey en priant pour qu'il la croie
S'il avait le moindre doute alors ses dires deviendraient vrais. Il fallait qu'elle joue le jeu jusqu'au bout.
— Vraiment ? Ce n'est pas ce que me disent ses constantes vitales. Elle est extrêmement faible, oui, mais pas morte. Quoi que je n'aie pas besoin de faire grand-chose, elle mourra dans les dix minutes qui suivent à ce rythme.
Eh bien eh bien... Maeva va-t-elle mourir ? Si oui, Hailey parviendra-t-elle à tenir sa promesse et se venger de Kent ? Si non, Maeve fera-t-elle confiance à Hailey après cet épisode ?
À lundi !
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