19 novembre, 10:05 a.m.

Cela faisait en tout et pour tout deux jours que Maeve avait rejoint la classe un des onzième année. Loin de prendre cette nouveauté à la légère, elle donnait l'impression que chaque information qu'elle ne parvenait pas à comprendre signait son arrêt de mort, bien que tous ses professeurs aient été mis au courant de sa situation scolaire et sociale. Ses camarades de classe, peu enclins à risquer leur place au sein de l'Élite de Westwood, et inquiétés à l'idée qu'elle les dépasse, l'ignoraient purement et simplement. À défaut d'encourager ce comportement, Edaline le comprenait. Il était ardu de faire confiance aux autres, surtout aux nouveaux venus, lorsqu'on savait que chacun avait eu une vie suffisamment troublée pour causer l'apparition de démons. Les cauchemars, tout comme les souvenirs, étaient difficiles à oublier.

— C'est à quel sujet ? demanda Aerin en faisant tourner une plume abîmée entre ses doigts, faussement nonchalante

Edaline sursauta et tenta vainement de reprendre le fil de la conversation – bien qu'elle se souvienne à peine d'avoir parlé.

— Pardon, je... il va falloir que tu précises, soupira la directrice en passant une main dans ses cheveux

Elle rejeta sa tête en arrière, savourant la légère douleur dans sa nuque causée par le dossier de son siège, qui lui permettait de retenir son esprit dans le moment présent, ce qui, en toute franchise, était généralement mission impossible, et aujourd'hui plus encore. Elle savait, tout comme les quelques élèves au courant de tous les détails de la situation, que le danger rôdait, leur tournait autour pour repérer les angles morts. Seulement, elle ne savait pas d'où il venait. Pire encore, il pouvait venir de partout.

D'un côté, Kent. Ils étaient à peu près sûrs de tous figurer sur sa liste noire, et il avait à sa portée l'armée de Laena, ainsi que les agents de Hansaï, soit des assassins professionnels. Désagrément non négligeable, il était cependant assez peu inquiétant comparé à elle, cette "K.E." qui ne lui avait pour le moment pas répondu. Or elle avait besoin de réponses, plus que jamais. De savoir contre qui elle croiserait le fer. Mais peut-être Claire n'avait-elle pas tenu sa parole. Elle avait très bien pu brûler la lettre et prétendre l'avoir livrée. Après tout, Edaline ne savait aucunement dans quel genre de lieu se trouvait K.E. Certains systèmes de sécurité moderne employaient la magie pour fonctionner, et pour quelques uns, il fallait se servir de son sang pour que l'accès soit autorisé, mais si elle était déjà à l'intérieur, pourquoi devraient-ils ouvrir à nouveau ?

Ses recherches, bien entendu, n'avaient rien donné.

— Edaline... tu réfléchis trop, lança son élève en la pointant de sa plume avec un air accusateur

— Non, non, ne t'inquiète pas, c'est juste... c'est un peu compliqué en ce moment, tu sais, avec toutes les questions insolubles... mais ça va s'arranger.

— Je sais. Ce n'est pas le problème. Puis-je savoir qui occupe tes pensées ?

Aerin haussa un sourcil, lui précisant que sa question n'en était pas une et qu'elle attendait une réponse exhaustive. Edaline sourit et vrilla le regard couleur or fondu de son élève. Elle se connaissaient depuis trop longtemps pour pouvoir se cacher quoi que ce soit et bien qu'elles adoptent les manières respectueuses d'une étudiante et de sa professeure en public, la jeune fille était la première personne qu'elle prévenait lorsqu'un problème se présentait. Elle faisait partie de l'Élite et présidait l'équipe de recherche démoniaque (qui cherchait présentement un nouveau nom) et l'avait aidée à mettre au point plusieurs des systèmes de sécurité qui entouraient l'école. 

— En fait... commença Edaline en laissant ses yeux glisser vers la missive de K.E., posée au bord de son bureau. Ce n'est rien d'important.

Sachant d'avance que sa réponse était loin de satisfaire l'étudiante, elle chercha rapidement un semi-mensonge, passant en revue sa liste de préoccupations. Une idée lui traversa l'esprit et elle se retint d'afficher un sourire victorieux, lui préférant une mine sombre et quelque peu inquiète – ce qui n'était à vrai dire pas si loin de la vérité.

— Il y a une certaine jeune fille qui... comment dire ? Elle est, mettons, lunatique.

Aerin haussa un sourcil, intriguée, et posa un coude sur le bureau pour y appuyer son menton.

— Tu as besoin que je lui fasse regretter certains de ses choix ? proposa la jeune femme en traçant une ligne nette dans les airs

Edaline leva les yeux au ciel, connaisseuse des suggestions extrêmes de son élève, qui reflétaient bien peu la réalité. Elle n'en avait pas besoin. Il lui suffisait de fixer sa cible avec ce regard si particulier qu'elle n'avait pas manqué d'adresser à la directrice lorsque celle-ci maintenait les autres élèves dans l'ombre à propos du danger qui les guettait, et l'adolescent visé se répandait en excuses, promettant de ne pas réitérer les écarts qu'il avait commis.

— Ce ne sera pas nécessaire, fit l'adulte avec un geste de la main. Elle est nouvelle et a intégré la onzième un il y a deux jours. Elle a réussi le test et érigé des barrières mentales en quelques jours. Elle a trouvé la solution seulement quelques minutes après mon passage dans son esprit, si ce ne sont quelques secondes. Quoi qu'il en soit... elle est douée. C'est le moins que l'on puisse dire.

— Tu veux que je l'entraîne pour qu'elle intègre l'Élite ? Attends... onzième année, tu as dis ? Donc elle doit avoir quinze ans... c'est un peu jeune, mais peut-être... après tout, on a fait une exception pour Arwen aussi. Est-ce-que... une minute... elle est arrivée il y a quelques jours et elle est dans une classe un ?

L'adulte acquiesça puis Aerin fronça les sourcils, remonta ses genoux contre sa poitrine et inclina la tête, adoptant la posture qui trahissait son incertitude. Pianotant distraitement sur le bureau d'Edaline, elle forma un mot, le ravala, en esquissa un autre puis soupira, visiblement agacée.

— Je ne pense pas que "douée" soit le mot approprié, grinça finalement l'étudiante en grattant les aspérités du bois. Quel était son score, exactement ?

— Huit. Un très bon huit, répondit la directrice. Mais je... je pense qu'elle est digne de confiance, franchement, ce n'est pas le problème. C'est plutôt que... elle s'est suicidée le lendemain de son arrivée ici. Avec un poignard. J'aimerais pouvoir te dire que c'est le pire, mais j'ai bien peur de devoir t'ennuyer un peu plus longtemps.

Aerin se redressa pour lui faire face, une lueur d'intérêt s'allumant au fond de son iris.

— Je t'écoute.

≈ ᚖ ᚖ ᚖ ≈

Edaline clôt son récit avec un soupir et s'empêcha d'éviter le regard intransigeant d'Aerin. Elle lui avait dévoilé tout ce qu'elle savait à propos de Maeve au détail près : son frère, le double meurtre de ses parents qui avait tant contrarié Claire et sa famille, l'aversion de cette dernière pour l'adolescente, les "déchirures" qu'elle arborait et qui, couplées aux innombrables cicatrices qui s'entrecroisaient sur sa peau, peignaient le désastreux tableau de son enfance. Puis son arrivée à Westwood, accompagnée de Hailey et Claire – dont elle promit de lui parler ultérieurement – et la légère entorse au règlement qu'elle avait commise en s'aventurant dans l'esprit de l'adolescente, jugeant ses pensées trop inquiétantes. Sa remarquable résistance aux capacités et, en contrepartie, ses pouvoirs incontrôlables. Son auto-torture et sa décision létale, le poignard qui était à présent en possession de Hailey, la tournure incendiaire qu'avait pris l'exercice qu'elle imposait à tous les élèves et enfin son entrée en classe, son dérapage lors de sa présentation, sa crise de nerf incoercible et les élèves qui l'ignoraient.

— Sacré phénomène, grommela Aerin en se remettant à pianoter dans le vide. Il faudrait d'abord découvrir pourquoi elle ne parvient pas à se servir de ses pouvoirs, puis faire en sorte qu'elle y ait accès, bien sûr. En parallèle, affiner ses capacités et, peut-être, lui faire intégrer l'Élite. Si elle le souhaite et qu'elle est assez mature émotionnellement et mentalement pour supporter de voir la douleur des autres sans renoncer. Le côté mental ne devrait pas poser trop de problèmes mais l'émotionnel... enfin, il faudra que je lui parle de toute manière. Seulement si elle est encore viable après examen, bien sûr. Je m'occupe d'elle, et je t'en reparle quand ça a avancé, d'accord ?

Edaline sourit et hocha la tête, sincèrement soulagée. Ce n'était pas que Maeve lui posait problème, mais elle paraissait bien trop liée à ce qu'il se passait pour ne pas receler des informations dont elle n'avait elle-même peut-être pas conscience. Mais il fallait les trouver, et les utiliser à bon escient – l'avenir de tout ce qu'elle avait connu ces dernières années en dépendait.

— Bon... soupira l'étudiante en se relevant, récupérant sa plume par télékinésie. Je vais aller voir si cette jeune fille se balade dans l'école. Les onzième un sont en cours d'arcanes, si je ne me trompe ?

— C'est exact.

— Je vais aller voir ça. Oh, au fait... qui est-ce ?

La directrice éclata de rire en remarquant qu'elle n'avait précisé l'identité de l'adolescente à aucun moment. 

— Maeve, répondit-elle après avoir repris son souffle. Maeve Erin. 

Aerin hocha la tête puis quitta le bureau rapidement en faisant tournoyer sa plume sur sa paume. Edaline, de retour à ses pensées, se prit à faire des excuses mentales à Maeve pour tout ce qu'elle venait de dévoiler à son sujet. Elle n'aurait probablement pas apprécié mais elle savait Aerin assez perspicace pour le déduire sans qu'elle ait à le préciser, et il était peu probable qu'elle s'avance vers la jeune fille en lançant : "Au fait, toi, Edaline m'a dit que ton frère t'avait torturée toute ta vie parce que tu as tué tes parents, c'est vrai ?". Et puis, pour qu'elle puisse l'aider, il fallait bien qu'elle parle tôt ou tard. Le temps lui avait appris que mieux valait tôt que tard.

Après seulement quelques minutes de répit, des coups secs frappés à sa porte interrompirent sa correction de la trentaine de copies qui composaient le résultat du dernier contrôle de la classe des cinquièmes quatre. La moyenne était, à dire vrai, désastreuse – à croire que les capacités n'étaient pas ce qui intéressait le plus les enfants.

— Entrez, lança-t-elle

Le battant de la porte s'ouvrit, révélant une Hailey au regard éclairé par des flammes dignes de l'Enfer. Edaline devina le motif de sa venue et lui fit signe de s'asseoir, ce que la jeune fille ne fit pas, préférant claquer la porte derrière elle en s'appuyer sur le mur.

— Je n'ai pas besoin de votre aide, grinça-t-elle, se retenant difficilement de crier

— Je sais. Tu aurais pu y arriver seule, mais admet que ça t'aurais pris davantage de temps.

— Vous n'aidez pas les élèves, d'habitude. Aucun. Je le sais, j'ai demandé, vous n'aidez jamais les élèves. C'est le but de l'exercice, de voir combien de temps ils mettront, n'est-ce pas ?

L'adulte soupira et repoussa la pile de copies qu'il lui restait à barrer de rouge.

— Tu as raison. Je n'aurais pas dû le faire, mais essaye de comprendre. Il ne se passera pas beaucoup de temps avant que tu rejoignes l'Élite, si ce n'est l'équipe de recherches sur les démons. Seulement, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre la moindre seconde. Je savais que tu trouverais l'astuce si je te donnais un indice. C'est... la première raison. La deuxième te parlera probablement plus, mais je me devais de t'expliquer dans le bon ordre. Tu vois... Maeve est puissante. Incapable de contrôler ses pouvoirs pur le moment, mais puissante. Et elle a des facilités avec les capacités, disons... perturbantes. Généralement, une bonne maîtrise des pouvoirs aide à comprendre et assimiler les capacités, mais passons. Je souhaiterais qu'elle rejoigne l'Élite, mais uniquement si tu acceptes de l'accompagner. Tu peux aussi le faire seule et décréter qu'elle est trop fragile pour une telle pression. Si je lui posais la question directement, je sais qu'elle nierait tout en bloc et qu'elle prendrait sur elle pour faire ce qu'on attend d'elle, mais c'est très loin des principes et des valeurs de Westwood et je resterait intransigeante sur ce point. Je te sais en mesure de faire un choix dans son intérêt, mais pour cela il fallait régler les dernières mesures administratives. Ainsi nous avons pu faire d'une pierre deux coups en te permettant d'accéder aux cours et en aidant Maeve à surmonter sa... légère tendance à paniquer.

Le bureau plongea dans un lourd silence tandis que Hailey, les yeux dans le vague, serrait et desserrait les mâchoires, jetant parfois un coup d'œil accusateur à Edaline.

 — Ça ne change rien au fait que vous n'auriez pas dû, lança l'adolescente d'une traite. Mais je comprends. Et, pour votre gouverne, si je devais faire un choix, ce serait celui de laisser la décision à Maeve. Ce n'est pas parce qu'elle à quelques difficultés à sociabiliser qu'elle est stupide, et si ça dépasse ses compétences, elle vous le dira. 

La directrice hocha la tête lentement, considérant les paroles de la jeune fille.

— Bien. Si c'est réglé, nous pourrions peut-être passer aux derniers détails de ton admission ? proposa-t-elle en ouvrant un des tiroirs de son bureau

Hailey acquiesça, apparemment satisfaite qu'elle n'ait rien eu à redire à son discours. Elle saisit la feuille qu'Edaline lui tendait, s'empara d'une plume qu'elle gardait toujours dans une poche, au cas où, et compléta rapidement le formulaire.

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ACADÉMIE DE WESTWOOD

INSCRIPTION

Nom : Solt

Prénom : Hailey

Date et lieu de naissance : 20 juillet 2007 / Komichi, Laena

Classe : onzième année

Blocage : 18 novembre

Pouvoirs : Visite du conscient

Capacités :

Signature du titulaire :

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Elle signa d'un symbole plein de boucles et de lettres vagues puis rendit le papier à Edaline, qui le parcourut rapidement.

— "Visite du conscient" ? releva-t-elle

— C'est juste... je ne sais pas exactement en quoi consistent mes pouvoirs, je sais juste qu'ils sont complémentaires et qu'ils font en sorte que je puisse accéder à l'esprit actif d'une personne. Mais je n'ai pas accès à l'inconscient. Ou du moins, c'est trop dangereux pour que je m'y aventure.

L'adulte opina prestement puis déposa une sphère lumineuse sur son bureau, l'invitant d'un geste à la toucher. Hailey, peu confiante, effleura la surface tiède du globe puis déposa sa main dessus, ne sachant trop ce qui était censé en sortir. Une étrange sensation s'infiltra en elle, relâchant ses pensées. Elle cligna des yeux, espérant s'éclaircir l'esprit mais, voyant que sa tentative avait échoué, tenta de repousser l'orbe loin d'elle. Edaline l'en empêcha, retenant son poignet contre la sphère, et la maintint en place jusqu'à ce que le décompte qu'elle murmurait atteigne zéro. L'adolescente, une fois libre, se releva d'un bond, tomba au sol, se releva en jurant, puis adressa à la directrice un regard plus noir encore que celui qu'elle avait adopté en entrant.

— Excuse-moi, soupira Edaline. Il faut maintenir le contact un certain temps pour que ça fasse effet. Maintenant, on va pouvoir voir ton score, même si il est possible qu'il soit un peu... enfin, en tenant compte de tes pouvoirs, qui sont déjà axés sur le plan psychique, on peut espérer un excellent huit, si ce n'est un neuf, mais il y a d'autres facteurs à tenir en compte. Par exemple, l'état dans lequel se trouve le sujet. Les conditions optimales pour se genre de test est un esprit reposé et vidé de toutes pensées agitées ce qui n'était, à ma connaissance, pas ton cas.

Comme pour illustrer son propos, des volutes de fumée dorée s'élevèrent de l'orbe pour dessiner un six net dans les airs. 

— Tu vois ? Si tu avais été calme, tu aurais probablement eu plus. 

Hailey leva les yeux au ciel en croisa les bras. La directrice, regrettant de ne pouvoir tricher – Aerin l'aurait su, et elle lui aurait rappelé, d'un air rigoriste, qu'elle devait montrer l'exemple – inscrivit le nombre sur le formulaire puis le rangea, finalement complété.

— Écoute... tu vas m'en vouloir de ne pas respecter les règles une fois de plus, mais tu sais comme moi combien la situation est particulière. Maeve est en onzième un mais, au vu de ton résultat, je devrais te placer en deux ou trois. Cependant, compte tenu de tes pouvoirs mentaux, il serait juste de te faire intégrer la un. Crois-moi, même si tu décidais de te rendre en onzième trois, tu finirais forcément en un. Les classes de début d'année ne sont pas définitives, et tous les groupes d'un même niveau suivent les mêmes cours de base ; mathématiques, histoire, et tout ce qui vient avec. La seul différence vient des entraînements capacitaires et des études d'arcanes, puisqu'elles concernent également l'esprit. Je te laisse donc le choix de la classe que tu intégreras.

Hailey cligna des yeux plusieurs fois, comme pour accoutumer sa cornée à une soudaine lumière, puis fronça les sourcils.

— Donc Maeve est en onzième un ?

Edaline confirma d'un signe de tête, sentant un léger sourire s'épanouir sur ses lèvres. Elle savait que, si Maeve avait intégré une classe inférieure à celle de Hailey, celle-ci aurait immédiatement demandé à rétrograder pour la rejoindre, en profitant peut-être même de l'occasion pour envoyer le système se faire voir. Mais dans le cas présent, la jeune fille avait obtenu un excellent résultat, et si Hailey décidait de rallier la onzième un, elle le verrait sans doute comme de la triche.

— Choisi par rapport à toi-même, lui intima l'adulte en posant sa main sur le coude de l'adolescente, espérant qu'elle ne se dégagerait pas

A son grand étonnement, elle se laissa faire – bien que ce ne fut peut-être que grâce à son manque d'attention.

— Mais, c'est que... ce ne serait pas juste... il y a sans doute beaucoup d'autre élèves qui ont eu six mais eux, ils sont allés dans la classe que ce score leur décernait.

— Tu reconnaîtras que la situation actuelle est plus compliquée qu'auparavant. Je ne t'en parlerais pas si tu n'étais pas déjà au courant, mais Kent est passé à la vitesse supérieure. Depuis peu, il a décidé d'envoyer tous ceux qui ont des démons ici. Vous êtes les dernières. Auparavant, il arrivait que quelqu'un soit envoyé tous les jours, mais plus personne n'est arrivé après vous. De plus, il est rare qu'il expédie plusieurs personnes en même temps or, comme je te l'ai dit, il est capable d'envoyer des groupes entiers, comme son père le faisait avant lui. Je... je crains que nous n'ayons à nous battre. Tous autant que nous sommes. Peut-être même contre plus d'ennemis que nous le croyons.

— Comment ça ? s'étonna Hailey en inclinant la tête

Edaline retint son souffle, consciente d'en avoir révélé trop. Les seules personnes à qui elle avait révélé ces informations étaient les membres de l'Élite, et encore, seulement à quelques jeunes gens triés sur le volet.

— Je ne peux pas t'en dire davantage... pour le moment, s'empressa-t-elle d'ajouter devant la mine contrariée de la jeune fille. Quand je te dis que tu intégreras rapidement l'Élite, c'est pour tes pouvoirs, mais également parce que tu sais des choses que les autres ne savent pas et que je te sais assez forte pour encaisser les mauvaises nouvelles. En attendant... tu dois choisir où aller. Quelle que soit ta décision, je ne te blâmerais pas. C'est simplement que...

— Onzième un, la coupa Hailey d'une voix décidée. Et je parlerai à Maeve de l'Élite. Et des expériences sur les démons. C'est elle qui décidera. D'accord ?

La directrice se retint de sourire face à l'air plus que sérieux de Hailey et hocha la tête sobrement, sachant que la moindre parole trahirait son rire.

— Bon. Et je n'ai pas besoin de votre aide. Je peux m'en sortir toute seule. C'était très gentil de votre part, mais... vous n'auriez pas dû.

L'adulte opina de nouveau, sentant les coins de ses lèvres se soulever malgré elle. Pour ne pas laisser croire à Hailey qu'elle se moquait d'elle – ça lui aurait fait une belle jambe, alors que l'adolescente commençait tout juste à diluer sa colère – elle se répandit en gestes inutiles, tâchant de trouver quelque chose à faire. La vue d'un des emplois du temps de la troisième deux fit s'éclaircir ses idées et elle se leva d'un bond pour faire coulisser la porte d'une grande armoire qui contenait des affaires d'écoles tout à fait banales – et quelques artefacts magiques cachés dans le double fond. Elle saisit une carte enchantée par ses soins, un emploi du temps correspondant à sa classe ainsi qu'un sac à dos noir contenant cahiers, plumes et fioles d'encre.

— Normalement, il y a tout ce dont tu as besoin, lança Edaline en ramenant le tout sur son bureau

Les yeux de la jeune fille s'éclairèrent et elle prit les fournitures que la directrice lui tendait, semblant au comble du bonheur grâce à un simple sac d'affaires scolaires.

— Tu peux commencer les cours dès demain. Familiarise-toi avec la carte, je te conseille de t'entraîner à aller d'une classe à l'autre, bien que tu puisses très bien suivre le reste de ta classe.

— Entraînement capacitaire, étude des arcanes, histoire de la magie... énuméra Hailey en inspectant ses cours. Pourquoi n'avons-nous cours que jusqu'à quinze heures ? demanda-t-elle en fronçant les sourcils. Il y a bien trop à apprendre pour se permettre des horaires aussi laxistes.

Edaline sourit, satisfaite de voir un tel entrain.

— Il y a deux raisons, répondit-elle. Premièrement, de quinze à vingt heures, les gymnases sont ouverts aux élèves pour leur permettre de s'entraîner à manipuler leurs pouvoirs. Étant donnée la diversité de talents et de niveau des élèves, nous ne pouvions pas en faire un cours. Tu remarqueras vite que la plupart des étudiants s'y rendent au moins deux fois par semaine, ce n'est donc pas un problème pour leur apprentissage de ce côté-là. Des professeurs sont également là pour vous aider et maintenir un semblant d'ordre.

Hailey leva les yeux au ciel – comme si quelques adultes pouvaient réellement faire régner le calme dans une pièce saturée d'adolescents et de magie.

— Deuxièmement, poursuivit l'adulte sans prendre en compte sa mine dubitative, tu pourrais être étonnée de la quantité de devoirs que peuvent administrer certains enseignants. Mais je te laisserais découvrir cela plus avant par toi-même.

La jeune fille inspira un grand coup puis, affichant un sourire à peine forcé, tendit la main à Edaline, qui la serra avec un brin de méfiance.

— Vous... remontez dans mon estime, déclara l'adolescente en dégageant sa main précipitamment. Ça ne veut pas dire que je vous approuve, mais... merci. De ce que vous faites. Même si c'est parfois franchement stupide.

Hailey, remarquant seulement après-coup qu'elle avait à peu près insulté la directrice de Westwood, rougit et se dirigea rapidement vers la sortie.

— Bonne rentrée, lui lança Edaline avant qu'elle ne disparaisse derrière le battant de la porte

Venant d'un autre élève, la remarque lui aurait peut-être paru insultante. De Hailey, bien qu'assez peu respectueuse, elle relevait davantage de l'honnêteté que de l'insolence et, de ce fait, l'adulte ne parvenait pas à décrocher le franc sourire qui s'étalait sur son visage. À vrai dire, il n'y avait qu'une seule autre personne qui aurait osé déclarer ses actes comme stupides.

Une certaine Aerin Claws.

Bonjour à toutes et à tous, excusez-moi – encore une fois – pour ce chapitre quelque peu tardif mais comprenez-moi, je n'ai pas le Retourneur de Temps de Hermione et, de ce fait, je ne peux faire mes devoirs, aller en cours, essayer de dormir et rédiger un chapitre en même temps. Si tant est qu'ils intéressent quelqu'un ce qui, je l'avoue, n'est pas certain.

Quoi qu'il en soit ! Vous la venez venir, Aerin ? Ça vous dirait, de la rencontrer ?

Que pensez-vous d'elle, pour le moment ? Quoique vous ne l'ayez pas beaucoup vue. Vous en saurez plus sur elle dans les chapitres suivants, ainsi que sur Claire, que j'ai... oubliée. Oui, je l'admets, j'ai oublié son existence.

À bientôt !