Chapitre 45 - Hailey

17 novembre, 8:47 a.m.


Concentres-toi, se morigéna Hailey en serrant les poings. Tu ne peux pas échouer.

Elle tentait de fermer son esprit depuis deux heures à présent, toujours sans succès. Après avoir amené Maeve devant sa salle de classe, elle était tombée sur un groupe d'étudiants qui l'avaient abordée, lui proposant de l'aide pour réussir le test de la directrice.

Ayant mentit à Maeve sur ses avancées à ce propos, elle avait prestemment accepté et ils l'avaient emmenée dans une grande salle immaculée, simplement meublée de coffres en bois sombre où étaient empilés divers objets servant aux cours d'éducation physique et aux entraînements des capacités et des pouvoirs. L'une des filles du groupe s'y était perchée et avait longuement observé Hailey avant de déclarer : "Tu y es presque.", alors que la jeune fille n'avait encore rien fait.

Depuis, elle s'était contentée de la fixer, tout comme sa bande d'amis, qui ne semblaient pas près d'éclairer l'adolescente. Et elle restait là, plantée devant un groupe d'élèves qui se payaient peut-être sa tête, à imaginer des barrières autour de son esprit mais se perdant rapidement en doutes et en questions inutiles.

— Bon, d'accord, je vais te donner un conseil, lança soudain la fille – il lui semblait qu'elle se nommait Lia, mais rien n'était moins sûr. Il ne faut pas que tu te contentes d'imaginer un mur autour de ton esprit, il faut que tu le sentes jusqu'au plus profond de ton être. Prend conscience de ton esprit. Détermine l'espace qu'il occupe, puis ferme cet espace aux énergies extérieures. 

Hailey tenta de ne pas paraître désarçonnée par les propos de Lia mais, à la vérité, elle n'avait pas saisit un traître mot de ses indications. L'un des garçons de treizième année qui accompagnaient la teneuse de conseils ésotériques sembla le remarquer et se redressa pour lui réexpliquer la situation :

— Tu ne vois pas assez grand. C'est comme si tu essayais de poser une clôture autour de ton esprit et que tu en faisais le tour en courant. Le temps que tu reviennes au point de départ, la clôture est tombée. Prends du recul. Tu dois te servir de la magie pour fermer ton esprit ; pas de tes pouvoirs, ni des capacités. De la magie.

L'adolescente, peu rassurée mais légèrement mieux informée, hocha la tête rapidement et ferma les yeux, tentant de prendre du recul comme le lui avait intimé le garçon. Mais comment ?  Après tout, pour qu'elle visualise son monde mental, il fallait qu'elle y pénètre. Et si elle le quittait, elle revenait au monde physique.

Mais tu peux contrôler ton esprit, lui rappela une voix agacée qui n'était autre que celle de sa mère, qui avait toujours haï "le temps inutile qu'elle passait à apprendre à ses enfants comment se débrouiller seuls".

— Ça faisait longtemps, tiens, grinça Hailey en rejetant ses souvenirs au loin

Elle n'avait asolument pas le emps de s'épancher sur de tels détails. Il y avait bien plus important : elle avait fait une promesse à Maeve et elle la tiendrait – bien qu'elle lui ait menti sur le même sujet.

Cela dit, c'est vrai, concéda-t-elle malgré la contrariété que lui inspirait de donner raison à l'être qu'elle abhorrait. Je doit juste... me servir de la magie.

Avec une grande inspiration, elle rassembla ses forces mentales et les projeta devant elle pour se donner de l'élan et s'éloigner de son esprit. Quoique sa représentation mentale ne pouvait pas quitter l'univers psychique, et elle avait bien conscience que ce n'était que le fruit de son imagination mais, au fond, n'était-ce pas le principe même de la magie ? Faire de l'impossible un concept lointain ?

Et si tout était possible, elle pouvait sûrement...

— Oh, lâcha-t-elle simplement en découvrant le tableau qui s'offrait à elle. Donc c'est ça... un esprit.

Elle n'aurait à vrai dire pas su décrire la chose étrange qui se déroulait devant elle. Si sa théorie était juste – et il y avait fort à parier qu'elle l'était – alors un esprit était une... masse fumeuse qui tournoyait, s'emmêlait, s'enroulait et se reformait sans relâche. Une fumée aux milliards de teintes, qui variaient du rose pâle au rouge violacé, rappelant sans conteste la couleur de ses iris, ce qui n'était pas surprenant étant donné que les yeux étaient, pour certains, les portes de l'âme.

Hailey tendit les mains devant elle, appelant la magie à elle. Elle sentit le picotement habituel au bout de ses doits lorsque les volutes d'énergie les envellopèrent et, jugeant qu'elle avait recueilli assez de pouvoir, le propulsa loin d'elle pour former une immense sphère qui vint englober son esprit, prenant garde à se placer à l'intérieur – ç'aurait été dommage de rester bloquée dans le monde psychique à jamais à cause d'une erreur aussi futile.

— Et maintenant... on solidifie, hasarda la jeune fille en puisant dans ses réserves pour épaissir la barrière opaque qui entourait la fumée colorée

Une fois que son œuvre fut achevée, elle se laissa tomber dans le vide, sachant que la chute la mènerait au monde physique – elle n'avait plus assez de forces pour s'y rendre directement. 

Savourant le sentiment de victoire qui s'emparait d'elle, elle regagna lentement son corps à mesure qu'elle sombrait dans son esprit et, à l'instant où elle frôla son inconscient, elle bascula dans la réalité avec une terrible impression que quelque chose lui avait échappé. Une sensation qui ne venait de nulle part mais qui avait balayé son triomphe en un instant, la laissant au aguets, à la recherche du moindre signe anormal. Le groupe d'adolescents qui l'avaient aidé la fixaient, l'air surpris – par sa réussite ou par son air effrayé – et elle se força à sourire, recomposant tout ce qui avait précédé son retour. 

Mais elle n'avait rien fait de particulier. Elle avait simplement laissé son mental glisser jusqu'à la réalité pour pouvoir regagner son corps.

Une mise en garde, songea-t-elle tout à coup. Oui, c'est ça, c'est un avertissement. Je me suis laissée tomber au lieu de me transporter directement dans la réalité, et je me suis trop approchée de l'inconscient. C'est ça. Ce n'est que mon inconscient.

La jeune fille soupira, rassurée. Elle savait depuis lontemps que l'inconscient était bien trop instable pour qu'elle y mène ses inverstigations, et elle évitait généralement de s'en approcher. Il arrivait, dans des occasions comme celle-ci lors desquels elle usait trop de magie, qu'elle s'en approche un peu, car aussitôt il la rejetait dans le monde réel, mais elle n'allait jamais plus avant.

Il y avait quelque chose de dangereux dans l'inconscient. Quelque chose dont il ne fallait pas s'approcher, car le rencontrer nous conduirait droit à la Mort, une Mort pire que celle qui faisait arrêter le cœur, une Mort qui nous faisait vivre à jamais sans rien pouvoir contrôler. Il n'y avait rien de bon dans l'inconscient. Rien que les ténèbres et le danger.

Haiey sursauta en sentant une main se poser sur son épaule. Elle rouvrit les yeux et croisa le regard amusé de Lia, qui l'observait de haut en bas comme pour juger sa valeur.

— C'est bien, la félicita l'adolescente en hochant la tête. C'est très bien. Si je peux te conseiller quelque chose, c'est de te reposer et d'attendre deux ou trois jours avant d'aller voir Edaline. Entraîne-toi. Solidifie tes barrières. Ton pouvoir pourrait être utile pour certains projets mais, pour que tu puisses y participer, il faut que tu fases partie de l'Élite. Et par extension que tu obtiennes au moins sept à ton test d'aptitudes. Voire huit si Edaline ne te fais pas confiante.

— Ces projets... la coupa l'intéressée en se relevant. Ce sont les études des démons, n'est-ce pas ? Je ne... je ne crois pas que ce soit une bonne idée, ces... choses. Vous n'avez pas le droit de coincer les élèves dans leur propre esprit. C'est déjà assez difficile pour eux de supporter les démons, si en plus vous les enfermez avec eux, c'est presque de la torture. Vous ne...

—  Tu as tort.

La jeune fille cligna des yeux, surprise. La voix de Lia, si douce et calme, s'était soudain muée en un bris de verre froid et tranchant. Hailey hésita, effrayée par la nouvelle version de l'adolescente. Elle ne la connaissait pas, au fond. Peut-être avait-elle simplement voulu se moquer d'elle et elle n'avait pas su voir le piège.

— Ce n'est pas ça, lança la concernée, visiblement agacée. C'est simplement que tu parles sans savoir. À ton avis, est-ce qu'on ferait des expériences aussi dangereuses sans que les élèves soient d'accord ? On essaye de réduire au maximum nos erreurs, mais non, nous ne sommes pas parfaits et le programme est en cours d'expérimentation. Libre à toi de ne pas y participer mais ne dénigre pas le travail des autres. 

— Je ne voulais pas... je n'avais pas l'intention de vous calomnier, c'est simplement que... la possibilité qu'une de mes amies soit sujette à ces expériences à été énoncée, or je ne veux pas qu'elle soit blessée. Désolée. Je me suis emportée.

L'adolescente, rouge de gêne face au silence de ses interlocuteurs, allait quitter la pièce lorsque Lia l'interpella.

— Reconstruit tes barrières. Entraîne-toi à les solidifier et à ne pas les laisser disparaître, puis va voir Edaline. Tu es douée mais pas assez concentrée.

Hailey ferma aussitôt les yeux, se rendant comme plus tôt dans son monde psychique, qu'elle trouva dénué de toute défense. Elle soupira et reforma la bulle protectrice autour de la masse fumeuse qui constituait son esprit, tentant d'y ajouter un cadenas mental pour qu'elle ne puisse plus échapper à son contrôle.

Une fois qu'elle eut achevé son œvre, elle quitta l'immensité irréelle du mental, juste à temps pour voir Lia et son groupe passer la porte de la grande salle.

— Attends ! la retint la jeune fille. Pourquoi m'as-tu aidée ?

Lia s'arrêta, fit signe à son groupe de poursuivre leur chemin et croisa les bras. Elle sembla hésiter un long moment puis leva les yeux au ciel et prononça quatre minuscules mots qui lui donnèrent envie de mettre le feu à Westwood :

— Edaline me l'a demandé.

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