Chapitre 40 - Edaline
16 novembre, 9:45 a.m.
L'adolescente resta immobile quelques instants avant de hausser les épaules, ne semblant pas particulièrement affectée par la menace.
À vrai dire, elle aurait aimé être plus persuasive – et se savait suffisamment entraînée pour convaincre les quelques rebelles de Westwood de ne pas dépasser les limites. Mais elle s'était rappelée à la dernière seconde qu'une directrice ne pouvait se permettre de menacer ouvertement ses élèves – même si ceux-ci étaient profondément agaçants – et avait empêché les mots de franchir la barrière de ses lèvres.
— Quoi qu'il en soit... souffla Edaline en enlevant ses lunettes pour en essuyer les verres – une habitude qu'elle avait prise pour pouvoir voir tout ce qu'il se passait autour d'elle en tout temps
— Donc Maeve a trouvé comment bloquer ses pensées ? l'interrompit Claire, les sourcils froncés
La directrice sourit, consciente que cela frustrait l'adolescente au plus haut point, et hocha la tête avant d'abaisser les barrières extérieures de son esprit pour laisser entrer les pensées de Claire, qu'elle ne parvenait pas encore à canaliser.
« Cette espèce d'imbécile a trouvé le moyen avant moi ? Impossible. Peut-être que j'ai déjà trouvé mais que mon esprit ne le sait pas encore. C'est sûr. Elle ne peut pas avoir deviné avant moi. Non. Non. C'est moi la plus puissante. Ce sera toujours moi, et elle, elle mourra. Elle mourra, parce que tous les faibles meurent. »
L'adulte secoua la tête tristement et reforma ses défenses mentales, immenses murs de pure magie qui empêchaient son esprit de se disperser au quatre vents.
Petite, elle avait beaucoup de mal à garder ses barrières formées. Elles avaient tendance à s'effriter, comme les pétales des pissenlits, et ses innombrables songes éveillés se répandaient alors comme une traînée de poudre. Les adultes – dont Helena – levaient les yeux eu ciel et posaient une main sur sa tête pour lui signifier sa mégarde. Elle fronçait alors les sourcils et se concentrait pour reformer ses barrières.
— Tu peux essayer, si tu veux, lança soudain la directrice
Claire haussa un sourcil, demandant ses explications, et Edaline réfléchit un instant, reconsidérant sa proposition.
— Et pourquoi pas, après tout ? reprit cette dernière en haussant les épaules. Il y a un test. Je m'introduis dans ton esprit et tu dois m'en expulser. Si tu y parviens et que tu prends assez de recul pour comprendre comment tu as fait, alors tu sauras comment protéger ton esprit. Ça peut prendre beaucoup de temps comme quelques secondes. C'est comme ça que Maeve a compris. C'est comme ça que Hailey finira par comprendre. Veux-tu essayer ?
La jeune fille hocha la tête immédiatement, une lueur meurtrière plutôt inadaptée à la situation dans les yeux.
— Je dois faire quoi ? demanda-t-elle, apparemment impatiente de prouver sa supériorité. Non, attendez... combien de temps ça a pris à... Maeve ? acheva Claire en choisissant ses mots
— Cinq ou six minutes, peut-être moins... hésita la directrice
Seulement quelques secondes, sauf qu'il y avait le feu, puis la glace, et le choc...
— Ça va être facile à battre ! s'esclaffa Claire en secouant la tête, l'air désabusé. Je ne vois vraiment pas pourquoi se serait si exceptionnel.
— La plupart des élèves mettent quelques semaines à trouver, c'est assez rare que...
— Je vais faire mieux qu'elle. Vous verrez, vous ne pourrez pas me dire que je ne vaux rien !
— Ce n'est pas ce que j'ai dit, soupira Edaline, peu habituée à l'humeur changeante de l'adolescente
Elle passait des plans de meurtre aux sautillements guillerets en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, et c'était extrêment troublant pour l'adulte, qui avait davantage l'habitude des nouveaux élèves qui, à l'image de Maeve, gardaient leurs secrets pour eux, telle une monnaie d'échange sacrée. Et peut-être avaient-ils raison ; au moins était-elle certaine qu'ils ne divulgeraient pas leurs faiblesses à tout venant.
La plupart finissaient, à son grand bonheur, par s'ouvrir à elle et aux autres enseignants. Beaucoup allaient voir Helena à l'infirmerie sous prétexte d'une écorchure ou d'un mal de tête pour bénéficier de son aura rassurante. L'océan de douceur que contenaient ses yeux abaissait lentement leurs barrières, vague par vague, et bien souvent, l'eau s'échappait par leurs yeux.
Il était toujours plus simple d'accepter que l'on allait mal lorsqu'on pouvait le dire à une personne de confiance, dont on savait d'avance qu'elle ne se moquerait pas. L'infirmière y parvenait à merveille, réparant les âmes et les coeurs brisés comme elle refermait les blessures et séchait les larmes. Edaline avait plus de mal ; non qu'elle ne comprît pas les difficultés que rencontraient ses élèves, et ce n'était pas faute de vouloir les aider plus que tout. Simplement, bien que son passé à elle remonte à seize longues années, elle ne pouvait s'empêcher de se revoir à la place de ces enfants, tremblante, attendant désespérment une aide qui ne viendrait pas, dans cet autre monde régit par la peur, le sang et les mensonges.
Heureusement pour son image, presque aucun étudiant n'avait remarqué cette faiblesse de sa part, ce rapide frisson quand l'un d'eux évoquait Hansaï – et plus particulièrement les humiliants châtiments publics que recevaient certains, pour empêcher d'éventuelles rébellions.
Et c'est nous qu'ils traient de monstres, songea amèrement la directrice en serrant les poings
— Vous voulez peut-être qu'on en reparle plus tard ? demanda soudain une voix bien trop vive pour les sombres souvenirs dans lesquels Edaline s'était replongée
Elle sursauta et grimaça lorsque de douloureux picotements lui parcoururent les mains. Dans ses paumes, huits petits croissants rouges marquaient les endroits où ses ongles s'étaient enfoncés.
— Non, répondit-elle enfin en tâchant de se reconcentrer. Si tu veux... nous pouvos le faire maintenant, ajouta-t-elle en tendant le bras en direction de son bureau
L'adolescente hocha la tête et la suivit en fredonnant une joyeuse mélodie tandis que la directrice de Westwood se demandait comment elle allait bien pouvoir aider une adolescente qui était tantôt une assassine confirmée et tantôt une enfant en bas âge.
Abandonnant l'idée de trouver une réponse, Edaline regagna son bureau – sans se rappeler de pourquoi elle l'avait quitté – et referma la porte derrière Claire.
— Les blessures ne sont pas réelles, récita-t-elle en se laissant couler dans le fauteuil derrière son bureau, cherchant distraitement l'élixir que Helena lui avait donné contre ses migraines récurrentes. En revanche, la douleur l'est tant que tu restes dans ton esprit.
— Donc je n'ai qu'à en sortir et revenir ici, puis repartir, et je serais immortelle ? interrogea la jeune fille, un grand sourire aux lèvres
— Non... soupira la directrice en mettant enfin la main sur la fiole de liquide clair. De toute manière, je vais te bloquer dans ton esprit. Le but n'est pas d'en sortir toi-même, mais de me forcer à le quitter. Compris ? Ne retiens pas tes coups, surtout. Ils n'auront lieu que sur le plan psychique. Tu vas énormément m'en vouloir lorsque cet exercice sera terminé, sauf si tu es... étrange, conclut-elle en se maudissant d'injurier ainsi les quelques élèves qui lui avaient pardonné instantanément. Mais ce n'est pas grave. Des questions ?
Edaline, les doigts tremblants à cause du violent mal de tête qui faisait résonner les sons dans son crâne, tenta tant bien que mal d'ouvrir le flacon, ignorant avec plus ou moins de succès la douleur qui pulsait derrière ses yeux. Elle parvint finalemment à déboucher le flacon et le porta à ses lèvres, passant outre le regard interrogateur de Claire et les gouttes froides qui coulaient sur ses doigts.
Elle avala le contenu de la fiole d'une traite puis ferma les yeux et ramena ses genoux contre la poitrine en appuyant son front dessus, anathématisant cette posture bien peu digne d'une directrice. Mais bien qu'elle condamna tout geste qui puisse prouver les quelques moments de faiblesse qu'il lui arrivait d'avoir, elle ne put se résoudre à se redresser que lorsque l'élixir eut fait effet – ce qui prit assez de temps pour que Claire entrevoie la possiblité de quitter les lieux.
— Je suis désolée... souffla-t-elle en déroulant son dos avec une grande inspiration. Je ne voulais pas... ce n'est pas ce que tu...
— Ça n'a pas d'importance, la coupa l'adolescente
Edaline sourit et hocha la tête, remerciant silencieusement la jeune fille. Que ce soit de l'empathie ou un désintérêt total des personnes autres qu'elle-même, elle lui épargnait des balbutiements sans fin.
— Donc, l'exercice...? reprit Claire
— Oui. Si tu es prête, nous allons pouvoir commencer.
— Bien sûr que je suis prête. Je ne suis pas terrifiée par tout le monde, moi, contrairement à certaines, lança l'adolescente en affichant un sourire innocent
La directrice soupira et inclina la tête, comme pour tenter de voir Claire sous un autre angle.
— Tu es une personne étrange, déclara-t-elle soudain. Et j'en ai vu, des gens étranges. Maeve aussi est étrange, à la réflexion.
— Je n'ai rien en commun avec elle ! cria la jeune fille en se relevant d'un bond
Edaline plongea son regard vif dans celui, plein de haine, de Claire, tentant sans grand succès de cacher le sourire qui se dessinait sur ses lèvres.
— Et si on rendait cet exercice un peu plus intéressant ? proposa-t-elle d'une voix si basse que l'adolescente dût tendre l'oreille pour entendre ce qui allait précipiter sa chute. Et si on pariait ?
On va voir si tu n'as vraiment rien en commun avec Maeve, ajouta la directrice en pensée, se remémorant l'étonnant enthousiasme de la jeune fille lorsqu'elle avait suggéré un pari. Elle avait presque ri, mais ce « presque » était bien trop loin du vrai rire qu'Edaline souhaitait entendre.
— Vous allez perdre, annonça Claire qui, contrairement à la directrice, ne cachait pas le sourire carnassier qui s'étendait sur son visage, lui conférant un air quelque peu inquiétant
— Nous n'avons même pas encore énoncé les règles et tu m'annonces déjà ma défaite ? Cela me paraît un peu présomptueux, jeune fille. Mais tu as peut-être raison. Je n'ai pas de chance, aujourd'hui.
Sans saisir l'allusion, l'adolescente croisa les bras et se laissa retomber sur sa chaise, les yeux emplis de cette étincelle de malice propre à ceux qui savent jouer – et gagner. Il était fréquent, chez les élèves qui venaient d'arriver, que les professeures tentent tout d'abord de réveiller cette lueur dans leurs iris, afin de déterminer s'il y avait encore une part d'âme vivace perdue quelque part en eux, ou s'ils étaient entièrement brisés. Auquel cas Helena prenait l'étudiant sous son aile et se chargeait de faire ressurgir son esprit au-devant de sa conscience.
Elle a très peu de démons, constata donc la directrice, partagée entre le soulagement et l'agacement. Et ils sont plus que faibles.
— Si je gagne, vous m'apprendrez tous vos petits tours de passe-passe, exigea la jeune fille, l'air triomphant. Et je serais plus forte que tout le monde.
— Comme tu veux, sourit Edaline, oubliant instantanément de lui préciser que l'apprentissage des capacités était un des buts fondamentaux de cette école et qu'elle les aurait maîtrisées de toute manière. En revanche, si c'est moi qui gagne... tu enverras une lettre de ma part à cette « elle » pour qui tu travailles.
Si Claire fut surprise de sa requête, elle n'en montra rien, se contentant de hocher la tête et de tendre la main pour sceller leur accord. La directrice la secoua brièvement, inspira un grand coup et étendit son esprit au-dessus de celui de Claire pour y envoyer sa représentation mentale.
Celle de l'adolescente, qui n'avait apparemment pas encore quitté son corps, marchait en cercle sans but précis, coquille vide patientant pour sa conscience. L'adulte frappa le front de la jeune fille d'une chiquenaude, espérant qu'elle sente l'appel depuis le monde réel.
La représentation cligna des yeux, à présent habitée de l'esprit de Claire – bien que ce soit davantage dû à sa volonté qu'au micro-coup d'Edaline.
— Bien. Pour faire simple, je vais te faire mal physiquement et ainsi te pousser dans tes retranchements. Il y a de grandes chances que, parvenue à tes limites, tu perdes le contrôle et que tu réussisses l'exercice sans même t'en rendre compte. Ou peut-être que tu n'y arriveras pas. Qui sait ?
— Moi je sais. J'y arriverais. Vous n'aurez jamais vu quelqu'un réussir aussi vite.
J'en doute. Les seuls qui aient jamais réussit à rattraper Aerin, ce sont Maeve et certains membres de l'Élite de Westwood. Mais Claire n'a pas du tout la même résistance à l'hypnose, Maeve était déjà douée pour y résister lorsqu'elle est arrivée ici, pour quelque raison... étrange, puisque le contrôle des capacités vient souvent avec celui des pouvoirs, donc elle ne devrait pas pouvoir y accéder aussi facilement, mais qui sait... il faudrait que je lui en parle. Quoique. Elle doit déjà se sentir assez anormale, pas besoin de l'inquiéter pour des futilités.
— Nous verrons bien, souffla-t-elle en effleurant les ombres qui entouraient leurs représentations mentales
Les volutes de ténèbres, constituées de vieille magie, ne servait plus à rien aux habitant de Laena, à présent. Mais autrefois, alors que les pouvoirs n'étaient que des arcanes gravés sur la peau de simples humains, cette magie étrangère à l'organisme humain leur servait de médiatrice pour accéder à la magie élémentaire, aux bases du pouvoir d'aujourd'hui. Cependant, l'esprit étant régi par des règles strictes, on ne pouvait utiliser la « nouvelle » magie, celle qu'obtenaient les jeunes de Laena avant même leur naissance. Dès l'instant où l'on quittait le monde physique, les arcanes reprenaient leurs droits, et il était impossible d'user de ses pouvoirs naturels. Elle avait mis des années à retrouver les symboles, à les assembler, à les comprendre. À comprendre que la magie était vivante.
Et c'était cette vie qui coulait dans les esprits, la vie de cette vieille magie qui se mêlait à l'énergie de leur détenteur, et formait l'esprit.
— Je dois faire quoi, en fait ? interrogea soudain Claire, visiblement ennuyée
— Rien... reste ici bien sagement, répondit la directrice dans un murmure
Elle dessina un symbole dans les airs, et un flot d'étincelles éclaira l'ombre ambiante.
≈ ᚖ ᚖ ᚖ ≈
Les yeux écarquillés et les mains tremblantes, Claire fixait le sol sans oser croiser le regard de la directrice, qui se fendit d'un grand sourire en voyant les tremblements qui secouaient son corps.
J'ai gagné, songea-t-elle, quelque peu honteuse de s'abandonner à des pensées aussi puériles.
— Tu dois me mettre en contact avec « elle », lui rappela-t-elle en se levant, les muscles légèrement endoloris à cause de l'effort qu'elle avait dû fournir afin de ne pas tuer la jeune fille – même si l'exercice n'étaient que psychique, les risque qu'une conscience se "perde" persistaient et décourageaient Edaline de laisser sa magie faire comme bon lui semblait
— Vous êtes... mais vous... balbutia l'adolescente, les larmes aux yeux
L'adulte haussa les épaules. Elle soupira, agacée de se sentir coupable – et d'autant plus honteuse à cause de cela – et posa une main sur l'épaule de Claire, qui releva la tête, effrayée.
— Tout va bien... je ne m'abaisserais pas à te frapper dans le monde réel. Maintenant, au moins, tu sais à quoi t'attendre. Fais attention à ce que tu dis ou fais. Certains élèves sont bien moins patients que moi.
— Mais les élèves sont moins puissants que vous, n'est-ce pas ? s'enquit la jeune fille
— Certes. Mais la dose de pouvoir que j'ai utilisé dans ton esprit est largement accessible aux élèves de dixième année ou plus.
— Donc moi aussi ?
— Non.
Edaline s'éloigna, ravie d'avoir gagné son pari – et de pouvoir enfin parler à « elle », bien que ce soit par le biais d'une adolescente légèrement imbue d'elle-même.
— Pour la lettre... la rappela Claire, apparemment préoccupée par les mêmes pensées que la directrice. Il faudrait que vous l'écriviez avec du sang. Celui de quelqu'un ayant des pouvoirs inversés, de préférence.
— Pourquoi ? s'inquiéta l'adulte, méfiante
— Parce qu'elle se trouve dans un endroit éloigné d'ici et que la clé pour y entrer est la magie. Or le sang des gens originaires de Laena en est plein. Mais ce n'est qu'un conseil. Vous faites ce que vous voulez.
Du sang d'inversé... Maeve est une inversée. Mais elle a déjà perdu beaucoup de sang en peu de jours, et je doute que ce soit une bonne idée de lui vider les veines avant même qu'elle commence les cours.
— Mais évitez celui de Maeve, ajouta l'adolescente, acerbe
— Pourquoi ?
— Parce qu'elle la connaît et que ce ne serait pas une bonne idée de lui rappeler son existence.
Elle connaît Maeve ? Comment ? Depuis quand ?
— Et ne tardez pas trop. Si vous voulez qu'elle la lise ce mois-ci, vous devriez la terminer avant demain soir. Sinon, la lettre ne lui parviendras que plus tard.
— D'autres recommandations ? s'enquit Edaline, qui faisait la liste des gens dotés de pouvoirs inversés qui accepteraient de lui prêter leur sang – ce qui était une requête bien étrange, elle en avait conscience
— Juste une, répondit Claire en se tournant pour la regarder dans les yeux. Faites attention à ce que vous dites. Et surtout, à qui vous mentionnez. Ne parlez pas de Maeve. Jamais. Ni de Kent.
La directrice haussa les épaules, bien décidée à élucider le mystère derrière l'étrange lien qui semblait connecter elle à Maeve. Mais si jamais l'adolescente décidait de relire la missive avant de l'envoyer... elle ne pouvait décemment pas se permettre de gâcher sa seule chance de communiquer avec elle.
Elle laissa donc ses pensées vagabonder, à la recherche de quelqu'un qui ne poserait pas de questions. Malheureusement, la plupart de ses élèves étaient trop prudents pour se lancer dans ce genre de projets sans en connaître les tenants et les aboutissants, même ceux qui lui faisaient confiance. En réalité, il n'y aurait que...
Elle ouvrit la porte de l'infirmerie avant d'avoir pu le décider, et son esprit ne se remit en marche qu'une fois plantée devant Maeve, qui arborait à présent un bandage autour du genou, cachant les cicatrices emmêlées qu'avait causé son frère à cet endroit. L'adolescente, pressentant probablement qu'Edaline n'était pas venue faire une visite de courtoisie, inclina la tête dans une question inaudible.
— J'ai besoin de ton sang, déclara la directrice avant de se rendre compte à quel point la phrase était curieuse, sortie de son contexte. S'il-te-plaît, ajouta-t-elle donc à défaut d'explications
Maeve hocha la tête, prit l'aiguille dont Helena s'était servie pour recoudre sa peau et l'enfonça dans son poignet. Edaline, réalisant enfin ce qu'elle lui demandait de faire, tendit la main pour l'arrêter, mais la jeune fille secoua la tête en faisant glisser la pointe métallique le long de ses veines.
— Non, arrête, ce n'est pas le peine de... commença l'adulte en tentant une nouvelle fois de couper court à la création de cette nouvelle cicatrice
— Tout va bien, souffla Maeve en écartant le métal de sa peau. Je vais bien. De combien en avez-vous besoin ?
Edaline s'immobilisa, incertaine quant à la marche à suivre. Elle était censée protéger ses élèves, pas leur demander de verser leur sang pour quelque chose d'aussi futile qu'une lettre. Pourtant...
— Juste un peu, affirma-t-elle alors en s'en voulant de prononcer ces mots
L'adolescente acquiesça de nouveau et saisit une fiole à présent vide posée sur la table de chevet proche de son lit et l'approcha de la coupure. Le flacon se remplit peu à peu, le sang laissant des traces rouge sombre sur les parois.
— C'est suffisant ? demanda la jeune fille en montrant le contenant à la directrice
L'intéressée hocha la tête prestement et s'empara des bandes de gazes qu'avait laissé l'infirmière avant que Maeve ne puisse se vider de son sang.
— Je suis désolée, s'excusa-t-elle en bandant le poignet de Maeve. Je suis désolée, je suis désolée, je ne voulais pas que...
— Ça va, répéta la blessée en effleurant son bandage neuf. Merci. Est-ce que vous me direz ce que vous allez faire avec ?
Edaline, nerveuse, ne répondit qu'après une longue minute de réflexion :
— Si ce que je veux faire marche, je te le dirais. Promis.
— D'accord. Vous devriez faire ce que vous avez à faire avant que le sang ne coagule.
La directrice marmonna un remerciement puis se dirigea à grand pas vers son bureau, que Claire avait quitté entretemps.
Tant mieux, songea amèrement l'adulte, qui leva les yeux au ciel devant son propre accès de puérilité
Elle s'assit derrière son bureau, saisit une feuille vierge et trempa la pointe d'une plume dans le flacon de sang avant de tracer les lettres qui, avec un peu de chance, lui apporteraient des réponses.
"Qui es-tu ?"
Bonjour ! Comment allez-vous ?
Bien ?
Mal ?
Génial ! J'en suis ravie (R.I.P. à ceux qui ont répondu "mal")
Alors... pensez-vous qu'elle va répondre ?
Peut-être... spoiler : il n'y aura jamais de spoilers. Ha ha.
Je suis teeeeellement pas drôle, c'est affligeant.
Bonne continuation !
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