Chapitre 28 - Maeve

Bonjour, bonjour ! J'ai remarqué que ça fait 10 chapitres que Maeve n'en a pas été la protagoniste. C'est donc le premier chapitre à son nom de cette deuxième partie (officieuse, mais si vous voulez savoir, la première était "Passage" et celle-ci est "Cicatrices". Oui, bien sûr, celles de Maeve, mais aussi celles de Hailey - celles de son esprit - ainsi qu'Edaline, un peu Claire - quoi, vous pensiez que j'allais tout expliquer d'un coup à son sujet ?! - et... peut-être quelqu'un d'autre. Un personnage que j'apprécie. Oh, d'ailleurs, une idée de qui est cette "elle" pour qui Claire travaille ? Je suis ouverte aux idées, parce que je ne sais pas moi-même si elle est gentille ou méchante. En revanche, je sais quelle relation elle entretient avec Kent. Et avec Eda... (`∀')Ψ)

17 septembre, 9:30 am

Mme Embershadow l'avait laissée partir après lui avoir demandé si elle allait bien - en lui rappelant de répondre sincèrement. Elle n'avait sut quoi dire et, en conséquence, était restée silencieuse en se demandant si la directrice lui reprocherait un "oui" incertain. L'adulte avait finalement posé une main sur son épaule, lui avait sourit et lui avait dit qu'elle irait mieux après s'être reposée. Bien que le sous-entendu fut flagrant, elle ne s'était pas dirigée vers sa chambre, préférant déambuler dans les couloirs en espérant à la fois croiser Hailey et ne voir personne. 

À vrai dire, elle avait envie de parler à Hailey, se sentant étrangement plus sereine en sa présence. Sa voix avait quelque chose de rassurant, et ses iris étaient emplis d'une émotion qu'elle n'aurait sut nommer mais qui n'avait rien de néfaste, pour quelque étrange raison. En vérité, elle avait déjà vu ce regard chez quelqu'un d'autre, longtemps auparavant. Citer qui, en revanche, lui était impossible. Certains souvenirs - ceux que son esprit jugeait trop douloureux pour qu'elle doive les revoir sans arrêt - lui étaient inaccessibles, mis hors de portée par un mur invisible qui, au gré de ses humeurs, devenait si fin qu'elle apercevait des bribes d'images et de son ou, au contraire, épais et solide comme la pierre.

— Tiens, une revenante, ironisa une voix dans son dos

Un frisson parcourut sa colonne vertébrale et ses épaules se crispèrent brusquement, lui arrachant une grimace de douleur. Elle se retourna lentement et trouva Claire, arborant un sourire bien moins avenant qu'à son habitude, la toisant avec un curieux mélange d'atonie, de défi et de dégoût. 

— Donc... lâcha cette dernière en s'adossant au mur, nonchalante. Il paraît que tu es morte.

— Oh, hum... oui. Mais... plus maintenant, balbutia la concernée, les doigts douloureusement entremêlés

— Je vois... j'imagine que Mme Embershadow t'a fait jurer de ne plus recommencer ?

Maeve hocha la tête rapidement, inquiète quant à la suite de la conversation.

— Et elle va probablement te suivre comme ton ombre après ça, pour éviter que quiconque te fasse du mal ou te pousse à te suicider de nouveau... tu ne me facilites pas la tâche, tu sais ? J'essaie pourtant de t'aider... si tu n'avais pas fait des tiennes, tu serais déjà morte à l'heure qu'il est... ne voudrais-tu pas être libre de tous tes problèmes ? De ton frère ?

Le cœur de l'adolescente manqua un battement à l'évocation du terme maudit. Son frère, son tortionnaire mais aussi, à un certain moment, bien avant qu'elle ne reçoive toutes ces cicatrices, un symbole d'espoir. Oui, avant que ses parents ne meurent et qu'il ne lui fasse payer ce double décès, il avait toujours été pour elle un soutient considérable, en toute situation. Lorsque ses parents passaient à côté d'elle en ignorant sa présence et qu'elle courait pleurer dans sa chambre, il la rassurait, lui disait qu'un jour, ils la verraient. Qu'elle ne serait plus un fantôme aux yeux de personne.

Peut-être qu'il l'aurait aidée à ce que ce soit le cas, si tout s'était passé autrement. Si elle n'avait pas tué ses parents, si elle n'était pas entrée en Transe, si elle avait été quelqu'un d'autre. Mais, au final, elle était restée ce fantôme, spectre sanglant, couvert de cicatrices à jamais ouvertes, lassées de se refermer encore et encore. Présence absente, se cachant dans cette ombre impénétrable qu'était la lumière, entourée de visages qu'elle connaissait mais qui eux, ne la connaissaient pas.

"Elle pleurait doucement, recroquevillée contre un mur du salon de ses parents. Là, des gens riaient, dansaient, buvaient à la santé des uns et des autres. C'étaient la fête qu'organisaient ses parents chaque année, invitant tous leurs vieux amis - et s'assurant qu'ils pourraient les arnaquer avec leurs sourires charmeurs et leurs sous-entendus.

Maeve, elle, n'était pas censée quitter sa chambre durant la fête. "Ne sors surtout pas, l'avait prévenue son père. Je dois présenter Luck à de vieilles connaissances, et je n'ai pas besoin d'une gamine dans mes pattes."

Et elle avait respecté cet ordre, patientant dans sa chambre alors qu'à l'étage inférieur, des tintements de verre et des rires sans joie retentissaient. Puis elle avait remarqué un papier froissé sur le bord de son bureau, qui ne comptait habituellement qu'un pot à crayons qui ne contenait que deux feutres à l'encre séchée depuis longtemps et un cahier d'exercices, déjà rempli. Elle l'avait spécifié à sa mère - huit fois - et cette dernière lui avait promis de lui en acheter un autre. Elle l'attendait avec impatience, depuis onze mois et vingt-trois jours, selon le calendrier accroché à son mur. Celui-ci datait de six ans auparavant, de 2005, alors qu'elle n'était même pas née, mais peu lui importait. Les années se ressemblaient toutes, n'est-ce pas ?

Quoi qu'il en fut, un papier se trouvait sur le coin de son bureau et, curieuse, elle l'avait déplié et avait tenté de déchiffrer l'écriture brouillonne de son frère - car il n'y avait pas de doute, c'était bien une note lui appartenant.

— L'a... l'ami de... de papa... s'ap...pelle... Lo... Loan.

Perplexe, la petite Maeve avait retourné la papier et, contrairement aux héros de livres qu'elle avait mille fois rencontrés, il s'y trouvait un deuxième message.

" À ne pas oublier"

L'enfant, comprenant soudain que le message énigmatique ne lui était pas destiné et que, quelque part en bas, son frère avait besoin de cette carte, s'était précipitée dans les escaliers, pénétrant dans le salon bruyant et animé malgré l'interdiction.

— Luck ! s'était-elle écriée en remarquant son frère

Le jeune homme ne l'avait pas entendue - pas plus qu'il ne l'avait vue se débattre pour parvenir jusqu'à lui, repoussée par les adultes qui ne la remarquaient sous aucun prétexte.

Tâche blanche dans l'avalanche de costumes sombres, elle s'était faufilée jusqu'à Luck et avait tiré sur sa manche pour qu'il baisse les yeux et la regarde. La regarder... non. Il la voyait, mais ne la regardait pas. L'entendait, mais ne prenait pas la peine de l'écouter. Elle ne valait pas cet effort.

— Tu as oublié ton papier, avait annoncé la petite Maeve en lui tendant la note

L'adolescent, d'abord surpris par la présence de sa sœur, avait sourit et prit la fiche, l'avait parcourue rapidement et l'avait glissée dans la poche de sa veste.

— Merci, Eve.

— Ce n'est pas vraiment...

Elle n'eut pas le temps de dire à Luck qu'il avait oublié une syllabe à son prénom - comme toujours -, entraînée de force par quelqu'un qui n'était visiblement pas ravi de sa présence et qui l'avait emmenée dans un coin de la salle. Personne n'avait vu la scène. Elle aurait aussi bien pu être invisible, rien n'aurait changé.

Son père - le détenteur indéniable de cette poigne - l'avait finalement relâchée, la toisant avec une déception palpable.

— Que fais-tu ici ? lui avait demandé l'homme. Ne t'avais-je pas dit de rester dans ta chambre ? avait-t-il ajouté sans attendre sa réponse. Dis moi si je me trompe, mais j'avais bien spécifié que tu ne devais jamais venir ici lors de mes réunions.

—Je suis désolée, papa, c'est que...

— Tais-toi. Tu n'as pas d'excuse. Tu ne bouges pas d'ici, ou je t'écorche vive.

Bien qu'elle n'eut pas saisit le sens exact de la menace, l'enfant s'immobilisa, osant à peine respirer.

— Si je te revois traîner autour de mon fils, tu pourras dire lui dire adieu.

— Tu vas le tuer ? s'alarma la petite Maeve

— Lui ? Non, certainement pas.

Le sous-entendu lui avait échappé, encore une fois, mais elle n'avait pas prit le risque de désobéir, et s'était recroquevillée dans le coin de la pièce, souhaitant soudain retourner dans sa chambre. La musique était trop forte, les faux rires emplissaient l'air comme un poison, et l'alcool ne faisait rien pour arranger ça. Et elle avait mal. Elle avait mal à cause de son père qui ne semblait pas vouloir l'être. "mon fils". Oui, Luck était bien son fils, sont fils bien-aimé, protégé, choyé. Mais elle, était-elle au moins sa fille ? La considérait-il seulement comme un membre de sa famille ? Probablement pas. Elle lui était inutile, après tout. 

— Maeve... murmura une voix dans un coin de sa tête. Laisse-toi faire. Tout ira bien.

La voix... si rassurante. Elle étouffait les sons extérieurs, rendant la mélodie plus douce, supportable.

— Ne t'en fais pas... il ne t'aime pas. Tu es trop faible... mais moi, je suis forte. Si c'est moi qui ai le contrôle, il sera fier de toi.

Fier ? Son père, fier d'elle ? Elle n'avait qu'à laisser la voix entrer...

— C'est bien... bonne nuit, Maeve, la félicita la voix

Un rire sonore, plus sonore que la musique et que les vaines plaisanteries, retentit dans sa tête. Elle gémit, plaqua les mains contre ses oreilles et sombra. Il n'y avait que du noir, partout, tout autour. Non, pas exactement. Il y avait du rouge, aussi. Du rouge dans ses yeux."

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