CHAPITRE 49
CASSANDRE
Pendant qu'Axel prend ses marques, j'en profite pour faire un premier tour de piste histoire de m'échauffer. En prenant de la vitesse, je cingle l'air qui me fouette le visage. J'ai l'impression d'être un oiseau qui traverse le ciel. Où un cygne qui fend les eaux calmes d'un lac.
Je ralentir pour m'arrêter près d'Axel qui tend les bras des deux côtés de son corps pour maintenir son équilibre.
— C'est quoi l'objectif ? Ressembler à un épouvantail ? Continue comme ça ! T'es bien parti.
— T'as prévu de te foutre de ma gueule tout le long ? Je comprends mieux ton invitation maintenant. Ça m'étonnait que tu sois gentille avec moi.
— Je suis quelqu'un de gentil, figure-toi ! Avec les gens qui le méritent.
— Rassure-toi ! Je sais que je ne le mérite pas.
— Ne sois pas trop dur avec toi-même. Laisse-moi ce rôle, c'est beaucoup plus fun !
Son regard trouve le mien et le percute. Un vertige m'accable. Je parviens à rester sur mes jambes par je ne sais quel miracle.
— Je ne suis pas quelqu'un de gentil, Cassandre.
Ce sont les seuls mots qu'il prononce. Et ils m'ébranlent. Déjà parce que je ne m'y attendais pas. Ensuite parce qu'il y a mis toute sa sincérité et que je comprends qu'il est convaincu de sa propre malveillance. Et enfin, parce qu'il m'a appelé Cassandre.
Pas Cassandra.
Cassandre.
Tout dans son ton et la justesse de ses paroles criaient l'authenticité. Et ça me terrifie. Qui est vraiment Axel McCall et que cache-t-il au monde entier ?
— C'est normal que je glisse vers l'arrière ? me demande-t-il d'un timbre normal.
Toujours aux prises avec ma torpeur, je balbutie d'une voix blanche :
— F-fléchis un p-peu les genoux. Et avance tes épaules. Ça devrait réaligner ton centre de gravité.
En premier de la classe qu'il est, en dépit de son penchant pour la rébellion, Axel s'exécute. Il arrive sans mal à trouver une poste plus appropriée pour maîtriser son corps et avancer sur la glace. Toutefois, ses gestes sont maladroits et bien qu'il soit grand et mince – quoique musclé à en juger par ces biceps qui roule sous sa peau chaque fois qu'il se met en tee-shirt en amphi – il galère. On dirait une araignée sur des rollers. Ses pieds avancent, reculent, avancent, reculent. C'est un véritable miracle qu'il soit encore deb...
Au temps pour moi.
Les fesses sur la glace, Axel grogne et grimace.
— Ça avait l'air plus facile à la télé.
Je m'approche pour lui offrir une main et l'aider à se relever. Lorsque sa peau glisse contre la mienne, une décharge d'électricité statique se projette dans mon avant-bras et bute contre mon coude. Comme il est plus grand que moi, je relève le menton pour continuer de le regarder dans les yeux une fois qu'il est sur pieds.
— Tout va bien ? me demande-t-il.
— Moi ? Oh oui, je... j'étais dans la lune.
Il plisse les yeux, l'air de ne pas acheter mon mensonge. Pour noyer le poisson, je me hâte de lui rappeler :
— Tu ne m'as toujours pas quel film t'a donné envie de patiner.
Axel hésite un moment, puis avoue du bout des lèvres :
— Château de rêves.
Comme je ne réponds rien, il demande :
— Tu connais ?
Je secoue la tête.
— Ma mère adorait ce film. Elle le regardait dès qu'elle avait un coup de mou. Elle patinait aussi quand elle était petite.
— Ça raconte quoi ?
— Une patineuse artistique célèbre perd la vue. On suit son parcours à travers ce changement brutal et sa capacité de résilience pour se reconstruire puis reprendre le chemin des compétitions.
Un sourire me gagne.
— Pas terrible pour se remettre d'un coup de mou.
Sur le coup, j'ai peur qu'il se vexe mais ses lèvres s'étirent à leur tour.
— Pas faux. Mais je sais pas... il y a une ambiance que j'ai toujours aimé dans cette histoire.
— Si tu le regardais avec ta maman, ça te rappelle sûrement cette période. La nostalgie et la sécurité.
Axel fronce les sourcils. J'ai l'impression qu'il va se mettre en colère mais il dit simplement :
— Oui.
Ce mec est une énigme que je ne parviens pas à décoder. Il est tellement imprévisible que quand je pense qu'il se dirige vers rouge, en fait c'est bleu. Et pourtant, quand je pense à lui, sa façon de se tenir, d'être, de s'habiller et son tempérament, ce n'est ni le rouge, ni le bleu qui me viennent à l'esprit.
C'est le noir. Rien que le noir. Dans toutes ses nuances, dans toute sa splendeur. Un brin de violence pour une seule couleur.
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