CHAPITRE 41


AXEL


C'est la merde.

C'est la merde.

C'est la merde.

— Ça va bien se passer.

Je tourne la tête vers Rayane qui tente de me rassurer.

— Je t'assure ! T'excelles dans tout ce que tu entreprends, mec ! Il n'y a aucune raison que ça merde.

— Oh moi j'en vois une de raison. Elle est blonde, mesure 1m70 et passe son temps à m'empoisonner l'existence.

Mon meilleur pote éclate de rire. Pour la solidarité, on repassera.

— OK ! Cette fille adore t'en faire baver. Mais tu ne la ménages pas non plus, c'est de bonne guerre. Dis-toi qu'elle a autant à perdre que toi dans cette histoire. Elle ne fera rien qui pourrait compromettre son avenir à Princeton.

Nous bifurquons à l'angle de la rue, le bruit de mes pas amortis pas les feuilles mortes qui jonchent le bitume.

— Son père est le doyen de l'université, me rappelle Rayane. Imagine la honte si elle était exclue de son cursus par mauvaise volonté...

Il a raison. Le truc, c'est qu'il ne sait pas tout. Cette soutenance ne m'inquiète pas pour les raisons qu'il pense. J'ai Cassandre dans la peau. Elle vit dans ma tête sans payer de loyer et refuse de se barrer. Je pense à elle chaque minute de chaque jour depuis qu'elle a retiré son masque au bordel. Déjà avant que je connaisse son identité, son corps flottait régulièrement dans mon esprit mais là ça a viré à l'obsession.

Je dois la tuer.

Je n'ai jamais désiré une personne comme elle. Je n'ai jamais détesté quelqu'un comme elle non plus. De la haine j'en ai et elle ne la mérite pas. Elle est juste... agaçante. Et intelligente. Et pénible. Et sublime.

Et une putain d'épine dans mon pied...

Au terme de la soutenance, je ne pourrai plus reculer. Mon délai sera passé. Je dois devenir Obsidienne et éliminer la cible qui m'a été donnée. J'ai prêté serment. Si je ne vais pas au bout de ma mission, c'est moi qui serait exécuté. Les règles de la confrérie sont intransigeantes.

— Tu connais ton sujet par cœur ?

— Quoi ?

Je cligne des yeux pour sortir de ma tête. Rayane m'observe avec inquiétude.

— Je sais pas à quoi tu penses en ce moment mais tu es complètement ailleurs, Axel. Tu me le diras si tu avais un souci ? Genre un truc grave...

— Tu serais même le seul à qui je le dirais.

Personne n'est digne de ma confiance. J'en accorde des bouts à Rayane parce qu'il m'a prouvé sa loyauté et qu'il a toujours été là pour moi depuis qu'on se connaît. Et puis, il y a un fragment émotionnel qui me rattache à lui. Je sais qu'il tient à moi comme j'ai consenti à tenir à lui après avoir lutté de toutes mes forces pour lui rester indifférent comme je le fais avec les gens.

Mon secret ne doit jamais être connu de lui. Ça le mettrait en danger et je ne supporterais pas qu'il lui arrive un truc par ma faute.

— Je te laisse, je dois passer par l'administration. Ils ont encore fait chevaucher mon module de langues étrangères avec un autre de mes cours en amphi. On dej' ensemble ?

— Je pense pas, j'ai des trucs à faire. On se retrouve ce soir, plutôt !

— Ça marche !

Après m'avoir pressé l'épaule, Rayane colle son index et son majeur contre sa tempe puis les éloigne en guise de salut. Je l'observe s'éloigner entre deux terrains de pelouse humide. Le ciel gris est si bas que je pourrais le toucher si je tendais la main. Il m'oppresse. Ma poitrine est lourde comme si un sac de ciment reposait dessus.

Je serre mes doigts autour de l'anse de mon sac de cours, puis je poursuis mon chemin en direction du bâtiment face à moi. Il abrite essentiellement des salles de classe pour les travaux dirigés. M. Glabglouston ne tenait pas à mobiliser un créneau d'amphi pour notre soutenance de « rattrapages » comme il se plaît à le dire.

En réalité, les rattrapages n'existent pas dans une université aussi prestigieuse que Princeton. On a le niveau ou on dégage. Point. Ce dossier à présenter à l'oral avec Cassandre n'est qu'un moyen de nous rappeler où nous sommes. Une sorte d'électrochoc pour que nous n'ayons plus de résultats aussi faibles dans aucune matière. D'ailleurs, si ni elle ni moi n'avions excellé dans toutes les autres, nous aurions été éjectés sans le moindre remord.

Dans le hall du bâtiment, j'aperçois Cassandre qui passe d'une démarche déterminée, quoi qu'alourdit par le stress. Le mètre 70 que je lui prête atteint les 80 avec ses talons mais ça ne suffit pas pour qu'elle me dépasse.

— Cassandra ! l'interpellé-je.

Aucune réaction.

— Cassandra !

Aucune réaction. A-t-elle des écouteurs dans les oreilles ? Avec la cascade blonde qui couvre ses oreilles et tombent sur ses épaules, je ne peux pas le savoir.

Je presse l'allure puis me place en travers de sa route.

— T'es sourde ?! asséné-je.

Je ne voulais pas être aussi agressif. Il y a trop d'émotions dans mon corps, je n'arrive pas à gérer.

— Écoute-moi bien, abruti ! Je m'appelle Cassandre. Fourre-toi bien ça dans le crâne ! Le jour où tu me désigneras par le prénom que je porte, je ne te ferai pas attendre. C'est clair ?



______

INSTAGRAM : @kentinjarno

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top