CHAPITRE 40

CASSANDRE


Axel rédige quelques notes sur son téléphone pour la répartition du temps de parole. J'en profite pour l'observer sans m'arrêter sur son apparence physique. Ce que je veux, c'est analyser son langage corporel. Percevoir ce qu'il ressent. Je n'ai jamais été très douée à ce jeu-là, autant dire que mes conclusions vont arriver un peu au pif. Ses mouvements sont lents, précis, calculés. Son visage demeure fermé, comme la plupart du temps. Imaginer qu'il puisse esquisser un sourire tient davantage du mythe que de l'idée tangible.

Toutefois... une sensation ne me quitte pas. Celle qu'Axel n'est pas vraiment là avec moi. Même s'il se donne du mal pour paraître impénétrable, j'ai la vive impression que son esprit est ailleurs. Il donne le change pour faire semblant que cette présentation orale l'intéresse mais il s'en contrefout, ça j'en mettrais ma main au feu. Et pas seulement parce qu'il s'est retrouvé en binôme avec moi. Non... je sens que c'est plus profond que ça. Comme si... il se moquait de son avenir universitaire. Alors que nous avons la chance d'étudier à Princeton. À notre âge qu'est-ce qui peut bien être plus important que notre avenir ?

À moins que lui aussi doive se prostituer contre son gré, auquel cas je peux entendre qu'il ait du mal à se concentrer sur les cours.

— Avoue ! Tu ne te plies jamais en quatre pour personne, lancé-je.

Axel arque un sourcil.

— Ma personnalité le crie en toutes les langues. Je n'ai rien à avouer, Cassandra : c'est l'évidence même.

Si la pique m'agace, je n'en montre rien. Je fais front, stoïque.

— Pourquoi tu t'investis autant dans ce dossier ?

— Parce que je n'ai pas envie d'être dégagé de Princeton ?

Il m'a répondu sur un ton interrogatif teinté de sarcasmes. OK ! Ma question était stupide. Je me laisse juste porter par mon instinct pour amener Axel à prononcer les mots que je désire.

— Au fond, tu aimes vraiment tes études ?

— J'aurais choisi un autre cursus, dans le cas contraire.

— Ce que je veux dire, c'est est-ce que tu as l'intention de t'appuyer sur tes études pour exercer un métier toute ta vie ?

— Pourquoi pas ?

— Tu me donnes l'impression d'être un électron libre, pas une personne qui respecte toutes les règles et coche toutes les cases de la société. Je t'imagine avoir des convictions et des rêves à réaliser. Des rêves que beaucoup d'autres n'oseraient même pas nourrir.

Parfois, sans tirer les cartes, il m'arrive de percevoir des choses. Elles ne sont pas d'ordre physique comme la lecture d'un langage corporel. C'est plus... une certitude abstraite sur des choses intangibles.

Axel me toise un long moment.

— Tu es plus perspicace que tu le laisses entendre, admet-il. Je ne vois juste pas le rapport avec notre dossier ?

— Il est pourtant évident. Tu t'investis beaucoup pour quelqu'un que j'imagine se foutre des études dans quelques années.

— Quelques mois si tout se passe comme je le veux.

Si sa réponse me décroche la mâchoire, il en va de même pour lui. Nos réactions sont le parfait miroir de l'autre, ce qui me laisse interloquée.

— Ça m'a échappé, s'empresse-t-il d'ajouter. Bref ! Pour l'introduction, tu veux prendre la parole la première ou tu veux que je m'en charge ?

Cette question me paraît tout à coup dénué du moindre intérêt. Le mystère qui entoure Axel m'intrigue. Je ne sais pas ce qu'il cache mais j'éprouve le désir ardent de le découvrir. De percer ce garçon à jour pour comprendre la raison d'une telle carapace qu'il porte au quotidien.

En revanche, j'entrevois une ouverture pour l'atteinte de mon objectif.

— Quelle générosité ! J'imagine que tu n'as pas l'habitude d'offrir la place de choix à tout le monde. Dois-je comprendre que je suis privilégiée ?

— T'emballe pas, Cassandra. Mais tu n'as pas tort. Disons que pour toi je suis prêt à faire une exception.

Ces mots résonnent dans ma tête. Ils ne sont pas exactement les mêmes qu'ont été prononcés par mon client au Lust Mansion mais c'était mission impossible d'essayer de les extirper à Axel. Il m'aurait fallu lui demander de les lire sur un papier. Or je n'aurais pas pu le prendre par surprise.

Et là... je retiens un soupir. Son timbre de voix n'est pas tout à fait le même que celui de mon client. Ils ont la voix très grave tous les deux, comme beaucoup d'hommes. Je ne suis pas plus avancée.

— Je note que tu gères l'entrée en matière, me dit-il en écrivant sur son téléphone. Je prendrai le relai ensuite.

Plus j'observe ce garçon, plus il m'intrigue. Il n'est peut-être pas celui avec qui j'ai couché deux fois au bordel de luxe mais ce qu'il cache attire ma convoitise. L'idée de découvrir qui se cache derrière ce masque d'impassibilité et de sarcasme fait brûler en moi le feu de la détermination.

Quel que soit le secret d'Axel McCall, je ferai la lumière dessus.

Je me le promets.





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