ΙΙ - ΠÓΤΜΟΣ (partie 3)


L'impact fut tel qu'il fut projeté en arrière. Il glissa sur de longs bons mètres supplémentaires avant de s'immobiliser totalement. La douleur avait été fulgurante ; elle brûlait, horriblement. Daímôn fut incapable de faire le moindre geste, tant il était sonné.

Ce n'est pas un rêve, car l'on n'y ressent pas la douleur !

— Cela te suffit-il, morveux ? ricana Zeus, des éclairs dansant sur tout son corps gonflé d'ire. Tu ne goûtes là qu'une infime partie de mon pouvoir royal ! Stupide mortel ! Comment oses-tu remettre en question l'intérêt que peuvent te porter les dieux ? Comment oses-tu défier le souverain des Olympiens à qui tu dois la vie, sans craindre de représailles ? J'ai vaincu bien des ennemis qui te feraient mouiller ta couche à la simple évocation de leurs noms ! C'est indéniable : tu ne peux être celui que nous cherchons, car tu es bien trop idiot ! Jamais, au grand jamais, par tous les damnés des Enfers, l'Oublié m'aurait ainsi manqué de respect !!!

Ce ne fut qu'au prix d'un effort inhumain que Daímôn parvint à se relever, toujours engourdi par l'intensité de l'éclair de Zeus. Il ressentait comme une profonde douleur aiguë à l'endroit même où le rayon l'avait percuté ; une terrible sensation de brûlure se répandait dans tout son corps. De la fumée s'échappait du point d'impact et s'immiscer dans ses narines. Daímôn ne savait plus où il se trouvait, et comprenait encore moins ce que continuait de déblatérer Zeus, son orageuse voix tonnant dans le vide du nexus.

Ses jambes flageolaient inlassablement...

Puis, un rictus de fureur brutale se dessina sur son faciès coutumièrement affable. Son esprit était embrouillé, gorgé de colère, si bien qu'il ne contrôla plus ses gestes, comme si un marionnettiste avait pris possession de ses sens et de ses membres.

Zeus riait à gorge déployée maintenant. Son hilarité s'étouffa alors lorsque Daímôn, ivre de rage, fit un simple geste, un coup de poing, en sa direction.

La chaleur de l'air ambiant se pressa aux bouts des phalanges de Daímôn, s'unifiant en un seul et unique point. Une minuscule sphère enflammée se matérialisa, que le jeune homme balança furieusement devant lui. N'ayant le temps de l'esquiver, Zeus fut frappé de plein fouet, avec une telle violence qu'il s'envola, à l'instar de Daímôn plus tôt. Œil pour œil, dent pour dent ! Le roi s'écrasa lourdement et se releva sans perdre une seconde, le visage cramoisi de fureur, comme s'il avait reçu une gifle d'un Titan.

Mais outre la folie qui consumait maintenant Zeus, celui-ci se retrouvait totalement surpris, tout comme Athéna, impuissante et démunie à ses côtés, aussi stupéfaite que lui en dénotant l'énergie atypique qui émanait désormais du corps de Daímôn.

Dans un juron, Zeus chargea toute l'énergie électrique prisonnière en son sein. Chaque particule de son enveloppe se mit à zébrer de rayons lumineux d'une teinte sombre, presque noire. Il forma avec cette terrifiante puissance une sphère d'électricité, semblable à celle de feu que Daímôn avait créée, avant de l'envoyer sur ce dernier. Alors qu'elle allait entrer en contact avec Daímôn, la sphère explosa, le dissipant derrière un manteau de fumée opaque.

— Père ! hurla Athéna. Vous l'avez sûrement désintégré !

— J'ignore comme ce blakόs a réussi son coup, mais sa bêtise est à l'égale de sa mortalité ! vociféra Zeus. Jamais plus tu ne recommenceras, pathêtiké anthrôpé !

Zeus avait en sainte horreur ces êtres inférieurs qui se permettaient de remettre en doute sa supériorité, ou pis encore qui désiraient le détrôner. Le dieu de la Foudre cultivait toujours une orageuse colère, qui pourtant ne suffisait guère à impressionner ses ennemis. Pourquoi ?! Bon sang, il était l'être le plus puissant selon la hiérarchie qu'il avait lui-même mise en place ! Alors comme se faisait-il que même cette insignifiante mouche, désormais amas de cendres parmi la fumée de la déflagration, osât le défier ainsi ouvertement ?

Fut un temps où le roi des dieux n'avait à se soucier de pareilles anicroches, juste après sa victoire contre son père, lors de la Titanomachie. S'était succédé à l'Âge d'Or sous la gouverne de Cronos l'Âge d'Argent... qui bien que Zeus ne voulût se l'avouer avait marqué les prémices des vicissitudes de l'humanité. Puis étaient venus l'Âge d'Airain et l'Âge de Fer. On parla d'ère des crimes et de la violence, des guerres et des invasions. Les vices vinrent prendre le dessus sur les vertus. Les hommes souffraient les maladies, la famine, la soif et les épidémies, pour qu'enfin la crainte des dieux s'installât dans chaque cœur battant.

Il était ignominieux que les dieux dussent en arriver à ce point !

Tandis que Zeus s'évertuait à ruminer contre cette maudite époque, ombre d'un lointain souvenir de paix et d'omnipotence, le temps sembla s'immobiliser dans le nuage de fumée où grésillaient des éclairs minuscules. L'opacité commença à se mouvoir, lentement, jusqu'à adopter une forme serpentine ; puis elle rampa en tous sens, jusqu'à fusionner en un seul et unique orbe au-dessus d'un Daímôn intact – hormis la blessure au thorax qui fumait toujours –, les yeux bleus luisants.

La boule de fumée s'embrasa subitement, crépita d'étincelles incandescentes, et fila droit sur Zeus. Athéna savait pertinemment que si son père était touché par cette puissance létale, seul un des deux combattants sortiraient de tout ceci vivant. Elle ne pouvait laisser une telle chose se produire, non seulement car le destin l'interdisait, mais surtout parce qu'elle le refusait.

Alors, ne laissant le temps à son père de riposter contre la flamme assassine, elle s'élança au-devant de lui et, dégainant sa lame de bronze en un instant, frappa la sphère du plat qui dévia à gauche avant d'exploser plus loin.

La grande Pallas Athéna toisa les deux hommes, le visage magnifié de prosternation.

— Il suffit de cette querelle stupide ! rugit-elle en rengainant son épée. Père, vous voyez bien que ce garçon possède des dons qu'aucun autre mortel n'aurait l'idée de posséder. Ne ressentez-vous donc pas l'énergie qui se dégage de lui ? Son ichor lui-même est atypique. Regardez par vous-même !

Elle pointa du doigt Daímôn – ou plutôt une partie précise de son anatomie – qui se demanda ce qu'elle voulut dire par là. Et qu'était l'« ichor » ?

Daímôn sentit soudainement le liquide chaud couler le long de son bras nu et douloureux, picotant comme si des flammes s'y baladaient. Qu'était-ce donc ? De l'eau ? Non, ça n'avait ni la même couleur, ni la même chaleur. Alors... du sang ?

Pour la première fois de sa vie, Daímôn saignait, et il abhorrait cette sensation. Il fut pourtant admiratif devant la couleur unique – un bleu turquoise scintillant – de son sang, différent du rouge habituel des mortels de son bourg.

— Pourquoi mon sang est-il de cette couleur ? fut la seule chose qu'il parvint à dire, sa question résonnant dans le silence du nexus.

Il observa plus amplement son bras, à la recherche de la plaie, mais n'en vit aucune. Il n'y avait pas la moindre trace de la source d'écoulement. Il ouvrit des yeux d'interrogation, alors que le sang avait cessé de couler et séchait sur sa peau. Cela n'échappa pas à Athéna.

— Je n'en suis pas certaine, mais je crois connaître la réponse, dit-elle évasivement. Mais là n'est pas notre préoccupation première. Il ne fait aucun doute, et Zeus en est témoin, que tu n'es guère un simple mortel, ni même une banale divinité. Tu guéris de toi-même, ce que nous autres, Olympiens et Titans, ne pouvons accomplir. (Zeus en sembla contrarié.) Tu es une entité antérieure à la lignée des Titans, c'est certain.

— Mais que suis-je réellement ? Qui suis-je ? souffla Daímôn, n'entendant qu'à moitié Athéna, tâtant toujours son bras et le sang sec.

— Nous l'ignorons bien ! maugréa Zeus las. Seules les Maîtresses du Destin pourraient nous aiguiller, mais non avec certitude.

— Alors, emmenez-moi auprès d'elle ?

— Qui es-tu pour me donner des ordres ?!

— Père ! sermonna Athéna.

Zeus se renfrogna et toisa en silence Athéna. Les deux Olympiens ne se quittèrent pas du regard durant de longues secondes. Enfin, Zeus se détacha de sa fille et se tourna vers Daímôn, une flamme de mécontentement brûlant dans chaque œil à l'aspect aveugle.

— Nous ne pouvons prendre le risque de te mener sur le mont Olympe dans l'immédiat, commenta le roi des dieux.

— Qui plus est, il nous faut l'aval des autres membres du Conseil, et ce à l'unanimité, argua Athéna. Nous allons te renvoyer dans ton monde de mortels. Lorsque le vote quant à ta dignité pour fouler le sol sacré du mont Olympe aura eu lieu, je viendrai à toi, le plus vite possible. Tu as ma parole.

— Mais..., balbutia Daímôn.

— Ne discute pas les décisions et ordres ! tonna Zeus.

Daímôn ravala sa salive et n'ajouta pas un mot de plus.

Pour achever la rencontre, Athéna leva une main et fit apparaître une arche de marbre deux fois plus grande que Daímôn, dont l'ouverture reflétait une image tournoyant sur elle-même comme une spirale. L'image se transforma et représenta son bourg – mais il lui parut différent, plus sombre...

— Pénètre dans le portail pour rejoindre le monde des mortels ! ordonna Athéna d'une voix ferme. Je te promets que nous nous reverrons bientôt, Daímôn.

— Sois bien prudent, gamin ! ajouta sardoniquement Zeus. Ou les trombes seront ta tombe !

Daímôn voulut sèchement répliquer, mais l'arche commença à l'aspirer, à l'instar du Vent du Nord lors de la Lune Noire. Alors que les deux déités disparaissaient dans des éclairs, il perdit la notion du temps et de l'espace, tourbillonnant sur lui-même durant un long moment – trop longtemps à son goût.

Alors ses yeux se révulsèrent, et les ténèbres l'envahirent.


(suite du chapitre 2 en suivant...)

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