ΔΙΙΙΙ - Πῦρ (partie 1)

À l'instant même où Díkê fut dégainée, Pûr tendit ses ailes et s'envola à vive allure dans le ciel de sang. Les flammes s'échappèrent de ses membranes et dégoulinèrent sur le sol comme une pluie brûlante. Le Dragon connaissait cette lame, et le pouvoir asservissant qui lui était dû. Par le passé, le métal mortel avait goûté sa chair ; mais jamais plus celle-ci n'y parviendrait de nouveau, il s'en jurait !

« Te sens-tu prêt ? » s'enquit Daímôn à Phúlax.

« Voilà ce que je considère comme notre premier et véritable combat ! gronda ce dernier. Je suis on ne peut plus prêt ! Libérons Pûr de sa folie sanguinaire ! »

Daímôn acquiesça et grimpa sur le dos du Dragon. Celui-ci ne se fit guère prier pour prendre directement son envol à la rencontre de son confrère de feu.

Le dieu des Éléments pressentait que cet affrontement serait le plus ardu qu'il eût jamais connu depuis qu'il avait quitté le nexus. Ses ennemis, jusqu'à maintenant, n'étaient que des êtres bien inférieurs aux antiques Dragons Primordiaux, aussi bien en termes de taille que de pouvoir – que ce soit une créature chétive comme un satyre ou bien une grande divinité tel Zeus. Pis à l'époque, il jouissait de tous ses pouvoirs ; aujourd'hui, ceux-ci n'étaient plus qu'une étincelle de l'ancien paroxysme du Dragonique qui avait su, en tout cas jusqu'à la Drakonomakhía, contrôler et châtier tout perturbateur à l'Équilibre et la Paix. Phúlax était encore épuisé, et les combats précédents contre Borée et ses soldats les avaient tous deux fortement affaiblis – bien que le nectar et l'ambroisie ingurgités en vol eussent su requinquer Daímôn quelque peu. Néanmoins, Pûr était l'un des dragons les plus hostiles que le roi avait pu contrôler jadis. En lui brûlait le feu immuable d'une rage incommensurable, ici relâchée et prête à tout pour annihiler toute menace à cette liberté délectable.

Aux prémices même de cette bataille, Daímôn remettait bien en doute ses capacités à vaincre la bête. La sensation devenait plus pernicieuse encore à mesure que Phúlax escaladait les cieux et se rapprochait de Pûr. Mais pour Éros et Athéna, pour le monde et son avenir, la défaite de Pûr était cruciale !

Entre les deux Dragons s'engagea un premier duel : leurs pupilles brillantes de fureur se foudroyaient mutuellement. Les yeux de feu de Pûr dardaient l'instinct de vengeance incoercible, la sauvagerie innée ; l'azur des iris de Phúlax, derrière son naturel doux et amical, miroitait d'inquiétude et de colère. Le Dragon bleu était moins assuré encore de sa victoire. Lorsque l'étoile de feu en la personne du Gardien de la Flamme Originelle l'avait frappé, il avait de nouveau senti cette brûlure mortelle qui avait manqué de le faucher telle la mort, bien des millénaires plus tôt, peu avant que son jumeau ne disparût de la surface du monde.

« Crois-moi, mon frère : je n'ignore pas qu'il est celui qui faillit nous conduire le long du chemin escarpé et pernicieux des Enfers, et nous sommes affaiblis ; mais n'oublie pas qu'il l'est tout autant ! fit la voix assurée de Daímôn dans son esprit. Nous sommes à même de le vaincre, grâce à notre alliance, notre coopération gémellaire par le sang de Kháos. Nous ne faisons qu'un, nous sommes la force brute animée d'une âme bienveillante et juste, qui emporte avec elle toutes les fureurs et les ignominies de ce monde ! Es-tu avec moi ? »

« Pour toujours et à jamais, adelphé ) ! »

Díkê s'illumina d'une puissante aura bleue bienfaitrice.


Φ


Lorsque la vague fraternelle s'échappa des deux Primordiaux, la peau de Cupidon fut parcourue d'un puissant frisson. Le sentiment incommensurable qu'était l'Amour jouissant de l'ichor premier pouvait triompher de tout !

— Ils s'en sortiront ! affirma-t-il à Athéna. J'en suis persuadé.

Celle-ci acquiesça.

— Je le crois aussi. Bien qu'ils soient épuisés en cet instant, il est une force en eux qui les rend indestructibles, invincibles. Pûr n'a aucune chance. (Elle observa le Dragon de Feu qui grognait tel un énorme chien enragé.) Viens, il est temps que nous nous mettions à l'abri.

Éros maugréa mais opina tout de même. Ils s'éloignèrent en courant de la pression brûlante qu'exerçaient les deux reptiles.

Ils sentirent alors, comme s'ils étaient bien plus près, le premier coup entre les deux Dragons qui fit trembler l'air.


Φ


Phúlax avait chargé, tel un taureau furieux, son adversaire. Les crânes s'entrechoquèrent de plein fouet, si puissamment qu'une onde de choc se dégagea. Dans l'espoir de le mordre et de lui infliger une sévère blessure, Phúlax tendit son cou ; mais bien plus vif qu'il ne le laissait paraître, Pûr tournoya sur lui-même. Le Dragon perlé de flammes esquiva gracieusement la morsure et se retrouva derrière son confrère. La langue de feu doré s'échappa aussitôt de sa gueule.

La douleur fut brûlante, fulgurante, arracha un cri de souffrance à l'unisson à Daímôn et Phúlax. Les écailles du Dragon et la peau du Primordial se régénérèrent, mais conservèrent les traces d'une terrible irritation.

— Fonce ! s'égosilla Daímôn.

Phúlax battit violemment des ailes et s'éloigna avec célérité de Pûr ; tout aussi véloce, le Dragon du Feu les rattrapa. Tendant à son tour son long cou crépitant de magma, il mordit la patte arrière de Phúlax qui hurla de douleur en sentant la calcination de sa chair. Le sang bleu brillant coula de la plaie, malgré la capacité curative ordinaire d'une telle chaleur sur la peau. Mais ce feu-ci n'était ni ordinaire ni bienfaisant : il était ici pour tuer !

Daímôn ne tarda une seconde et joua de Díkê qui luisait d'un rouge aveuglant – l'Omphalόs avait pris l'aspect d'un gros rubis d'une valeur unique et inestimable. Lorsqu'il s'apprêta à occire le reptile de toutes ses forces, celui-ci lâcha la patte ensanglantée de Phúlax et recula vivement, loin de lame et de son tranchant mortel.

« Adelphé ! » appela Daímôn.

Phúlax ne répondit pas tout de suite.

Daímôn étudia la plaie béante de la patte extérieure du Dragon. Profonde et hideuse – bien que recouverte du sang turquoise magnifique –, le danger que représentait ce type de blessure n'était pas inconnu de Daímôn.

« Je crois que ça va aller, assura alors Phúlax en grognant de douleur, mais je ne pense pas pouvoir me poser à terre. Pis, si Pûr touche de nouveau ma patte, il la sectionnera sûrement, ou l'auto-guérison ne suffira pas et je la perdrai indubitablement. »

Pûr volait et tournait en cercles concentriques parfaits autour de ses deux ennemis, comme s'il cherchait l'issue la plus certaine pour les atteindre et les éliminer d'un seul et même coup – comme Daímôn et Phúlax avaient pu s'y prendre pour détruire le mini-Talos d'Héphaïstos. Une première boule de feu gicla de sa gueule, mais Daímôn l'intercepta et absorba l'énergie. La puissance des Premières Flammes le ragaillardit, tout comme son dragon dont le mécanisme de guérison s'activa plus intensément. Le sang cessa enfin de couler, mais la plaie ne se referma pas pourtant, tout comme les écailles ne se reproduisirent non plus sur la chair rougie. Daímôn, qui était capable de rétablir les chairs instantanément pour son dragon et lui-même, ne le pouvait malheureusement dans cette situation : la carence en énergie était trop importante !

Une autre sphère incandescente fusa et foudroya l'arrière-train du Dragon. Daímôn parvint à dissiper les flammèches dévoreuses avant qu'elles n'endommagent plus gravement encore la chair de Phúlax.

« On ne peut rester là sans agir ! s'énerva Daímôn. Il joue avec nous ! »

« Alors que faire, si ce n'est attaquer ? »

« Je ne vois nul autre moyen... »

Phúlax ne répliqua pas et se contenta de suivre du regard Pûr dont les flammes corporelles semblaient gagner en intensité. Son confrère était bien l'être le plus dangereux et mortel qu'il lui avait été donné de rencontrer depuis qu'il s'était extirpé du cœur de l'Omphalόs au sein de la montagne d'Héphaïstos. Borée et ses sbires n'étaient que d'infimes insectes en comparaison de ce démon de destruction.

Il s'élança en rugissant.


(suite du chapitre 14 en suivant...)


________________________________________

Vous êtes prêts pour la grande bataille entre les deux Dragons Primordiaux ? ;)

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top