Δ - Μάκες (partie 7)

L'on ne pouvait qu'admirer la finesse de la guerrière Athéna. Daímôn ne s'était encore jamais confronté directement à elle, pas même durant son long mois au sommet du mont Olympe où Athéna s'était penchée sur une instruction studieuse plutôt que militaire. En comparaison d'Arès, Athéna était une allégorie de la grâce : elle esquivait félinement les coups d'épée, et frappait d'une même seconde sans que son adversaire ne pût faire quoi que ce fût. Il avait déjà roulé deux fois dans l'herbe et suait à grosses gouttes.

Athéna se moquait gentiment de son impuissance, plus par volonté de le mener à manifester toute son expertise. Elle était persuadée, par la valeur de Díkê mais également les réflexes qui ressurgissaient peu à peu, que Daímôn était bien plus qu'une fine lame avant sa disparition. Tous les problèmes venaient de cet immobilisme qui avait duré des millénaires durant avant qu'enfin elle ne le libérât.

Mais avec de l'entraînement, des séances instiguées et guidées par ses soins, Daímôn redeviendrait ce bretteur hors pair.

Celui-ci fulmina et se releva une énième fois. Il se repositionna, se campa plus durement sur sa jambe droite. Il frappa, tourna sur lui-même et assena sa lame sur la garde de l'Olympienne qui, impassible, contra cette nouvelle tentative avec une facilité déconcertante. Elle le botta aux genoux ; mais Daímôn avait eu le temps d'étudier la technique de sa protectrice dont le fétiche était de frapper les rotules afin de plier les jambes et de prendre l'avantage dans le soudain déséquilibre de son adversaire. Le pied d'Athéna rencontra le tibia de Daímôn. Vélocement, ce dernier tacla de cette même jambe. Athéna, avec surprise, chut. Daímôn abaissa immédiatement sa lame et arrêta la pointe à un pouce du cou de la déesse.

Primordial et Olympienne se regardèrent avec admiration et sympathie. Une bonne heure avait dû s'écouler depuis qu'ils avaient commencé à échanger des coups sans s'arrêter. C'était la première fois que Daímôn prenait le dessus sur Athéna.

— Joli coup ! le gratifia-t-elle.

— Merci !

Tout sourire, il tendit sa main que la déesse saisit pour se relever.

— Alors ? s'enquit Daímôn. Suis-je à la hauteur ?

— Ne prends pas de grands airs comme cela ! riposta-t-elle. Si je fais le décompte total de nos duels, tu n'as réussi à me battre qu'une fois sur... (Elle étira un large sourire et poursuivit narquoisement.) Veux-tu vraiment que je fasse le décompte ?

Daímôn marmonna.

— Continuons, alors.

Athéna hocha la tête, et ils se repositionnèrent.

Cette fois-ci, Athéna chargea la première et frappa rapidement et efficacement les points faibles de Daímôn. Il esquiva avec minutie les nombreuses bottes de la déesse. La lame de bronze passa tout près de sa peau ; il sentait l'air à chaque passage de l'épée. Tôt ou tard, elle entaillerait sa chair.

Il recula prestement et fondit à son tour, épée tournoyant de part et d'autre. Athéna para chaque coup d'estoc. Daímôn prit peu à peu de l'assurance à chacune de ses parades, à chacune des piqûres de sa pointe. Il se focalisa davantage sur la garde de la divine guerrière avec des coups fins et droits, affûtés et puissants. Les deux lames dansaient, gerbaient de multiples étincelles bronzées et argentées. Le combat se fit plus intense que jamais, les deux épéistes n'étaient pas prêts à défaillir face à l'autre !

Daímôn botta alors la jambe d'Athéna. Celle-ci, ayant prémédité le coup, para de sa cuisse ; mais elle ne vit le revers rapide de Daímôn qui balaya subitement sa lame. La fusée échappa à sa main, voltigea et tomba sur le sol. D'un coup de pied circulaire, Daímôn faucha les talons d'Athéna et attrapa le xíphos d'un même instant. Les deux épées furent pointées sur le cou de la déesse au sol, désarmée, les mains en signe de capitulation.

Les yeux pers de l'Olympienne brillaient de joyeuse stupéfaction. Daímôn l'avait battue avec singularité. Coups droits et directs, estocs véloces et techniques, une dernière botte ingénieuse et extraordinaire !

Elle se releva et le félicita d'autant plus.

Ils combattirent ainsi, encore et encore, jusqu'à ce que le bras de Daímôn devînt trop douloureux et qu'il ne réussît plus à déchoir Athéna.

— On arrête ! supplia-t-il essoufflé, laissant tomber Díkê. Je n'en peux plus ! Tu es trop douée !

— Je sais, répondit vaniteusement Athéna. Mais je puis te l'assurer : tu es prêt. Demain, nous partirons. Borée n'a aucune chance de s'en sortir indemne.

Le garçon esquissa un sourire tandis que derrière lui, Phúlax se réveillait dans un énorme bâillement dont l'écho résonna dans les montagnes. Il observa les deux divinités, remarqua les épées, se releva et chercha aussitôt quelque ennemi.

« Du calme, Phúlax ! » le rassura Daímôn par télépathie.

« Que se passe-t-il ? Sommes-nous attaqués ? »

« Non. Nous nous entraînions juste à l'épée. Demain, nous partons ! »

« Tant mieux. J'en ai assez de cette inaction. »

Daímôn sourit au tempérament bagarreur de son dragon. Il connaissait parfaitement l'esprit combatif et farouche qui l'animait. Après tout, ils étaient similaires en tous points !

Tandis que les lames glissaient dans les fourreaux, un intense rayon bleuté fusa du ciel et s'écrasa. Une Aphrodite plus belle encore en émergea, les mains recoiffant ses longs cheveux relâchés ornementés d'un fin diadème en argent ouvragé, et s'approcha de Daímôn et Athéna. Elle enlaça le Primordial dans ses bras et posa un baiser sur sa joue sans que celui-ci ne s'y attendît. Phúlax poussa un rugissement de colère devant l'attaque pourtant amicale de la déesse de l'Amour. Cette dernière le toisa avec désinvolture.

— Tu devrais dire à ton dragon de calmer ses ardeurs ! dit-elle.

Khaîre (Ω) , Aphrodite ! salua simplement le Primordial. (Il ordonna à Phúlax de se dulcifier.) Que nous vaut ce plaisir ?

— J'ai de mauvaises nouvelles.

Hécate, Héphaïstos et Pandore s'approchèrent alors. Aphrodite leur expliqua exhaustivement sa rencontre tempétueuse avec Zeus en son temple.

— Je le savais imbu de lui-même, mais là, nous en sommes au paroxysme ! commenta Héphaïstos.

— Ça ne m'étonne franchement pas ! ajouta Daímôn plus pour lui-même.

— Eh bien, il nous suffira de lui prouver qu'il a totalement tort, et ce depuis le début ! fit Pandore.

— Méfions-nous toujours de lui, les rappela à l'ordre Athéna. Le roi des dieux jouit du soutien d'une véritable légion d'adversaires coriaces. Dieux, esprits de la nature, morts, même quelques Titans. S'il décide de les lancer à nos trousses, la prudence seule ne suffira sans doute plus.

— Nous agirons comme il faudra à ce moment-là, coupa court Hécate. Concentrons-nous sur Éros et Borée !

Tous opinèrent.

— Êtes-vous prêts à partir ? s'enquit Aphrodite.

— Oui, répondit Athéna. Daímôn est paré.

— Quand partez-vous ?

— Demain matin, aux premières lueurs du potron-minet.

— Très bien ! Je voulais juste te donner ceci, Daímôn.

Aphrodite agita la main et une sphère cristalline apparut dans sa paume. En son sein, un feu doré brûlait.

— Qu'est-ce ? demanda Daímôn en saisissant le cristal.

— À l'intérieur de cet orbe brûle une parcelle du feu divin que Prométhée a offert aux hommes, expliqua Aphrodite. Prends-en soin, précautionneusement. Tu en auras sûrement besoin au cœur de l'Hiver ! Puise des forces en elle.

La déesse garda pour elle les pensées qui la tiraillaient.

— Merci beaucoup, Aphrodite. Mais je ne me vois pas la transporter ainsi. Elle risque de m'encombrer.

Aphrodite agita la main une fois encore et la sphère disparut dans une gerbe d'étincelles rosâtres.

— Elle viendra entre tes mains au moment opportun. Tu sauras quand l'utiliser. Il te suffit de la désirer.

Eucharistỗ ) !

La déesse lui sourit de toutes ses dents.

Buona fortuna, mon cher Daímôn, s'avança-t-elle. Ramène-moi mon fils, et n'oublie pas de le faire payer à Borée !

— Je n'y manquerai certainement pas !

— Je retourne sur l'Olympe. Zeus doit me chercher partout.

La déesse l'enlaça une dernière fois dans ses bras, s'attisa les foudres de Phúlax qui grogna. Daímôn intervint aussitôt et lui ordonna de se taire, exacerbé par son illégitime jalousie. Aphrodite souhaita également les bienfaits de la Fortune à Athéna et se dématérialisa dans un même rayon bleu ardent que Daímôn regarda s'éloigner dans le ciel ensoleillé.

Le reste de la journée passa relativement vite.

Daímôn reprit des forces en se sustentant de nectar et d'ambroisie et dormit quelques heures, Phúlax sous sa forme serpentine lové tout contre lui.

Athéna médita et en vint à se préparer à affronter les dieux de l'Hiver – ses statistiques quant à l'inévitable combat n'auguraient rien de bon.

Pandore, elle, priait pour Daímôn, tandis qu'Héphaïstos s'occupait à excaver une nouvelle réserve pour remplacer celle qui avait été détruite par l'éruption.

Hécate, quant à elle, vint rendre visite à Daímôn une fois réveillé, afin de lui confier les armes d'Éros qu'elle gardait précieusement avec sa magie. Elle lui demanda de les lui rendre le moment venu, ce que le Primordial promit sur le Styx.

La nuit passa plus vite encore, dans un silence de cathédrale, et ils se rejoignirent tous à l'aube. Athéna et Daímôn étaient prêts à partir pour la demeure de Borée.

— Comment allons-nous rendre jusqu'à... Où allons-nous, d'ailleurs ? Les terres astrales ? s'enquit Daímôn à Athéna.

— C'est le cercle arctique, l'un des lieux les plus froids du monde des mortels où la neige est perpétuelle, au nord. Les dieux de l'Hiver, à l'instar des Vents, ne vivent pas sur l'Olympe. La liberté les appelle toujours, et ils ne peuvent y résister.

— Je vois...

— Il nous faut un moyen de transport rapide et chaud. À la fois pratique, discret et sûr qui saura résister à un long trajet.

— Ça, j'ai ! fit Daímôn avec un sourire taquin.

Athéna le vit porter son regard sur Phúlax qui n'attendait plus que de prendre son envol vers l'Arctique.

— Hors de question ! s'interposa Athéna. Nous n'irons certainement pas à dos de dragon ! Ce n'est absolument pas discret !

Daímôn ne répondit pas et se plaça sur le dos de Phúlax, laissant une place pour une deuxième personne derrière lui sur la selle.

— Alors ? s'impatienta-t-il. Viens-tu, déesse de la Sagesse ? Ou dois-je y aller seul ? (Athéna se mordit la lèvre.) Nous volerons au-dessus des nuages. De cette façon, personne ne pourra nous voir. Quant au froid, la chaleur de son corps nous protégera.

Athéna hésita encore... puis finit par obtempérer. Elle prit place derrière Daímôn.

— Soyez plus prudents que jamais ! fit Pandore en s'approchant de la tête de Phúlax. Et toi, ajouta-t-elle en regardant le Dragon droit dans les yeux, protège-les !

Elle caressa le dessous de la gueule de Phúlax qui lui répondit d'un bruyant et rauque ronronnement.

— Revenez-nous en un seul morceau, dit Héphaïstos. On attendra votre retour avec impatience.

— Et celui d'Éros, ajouta Hécate. Pour ma part, je vais retourner sur le mont Olympe. Je vous informerai ainsi des faits et gestes de Zeus, appuyée d'Aphrodite.

— Très bien, acquiesça Daímôn. Pourrais-tu également visiter Psyché et Volupté, t'assurer qu'elles vont bien ? Et surtout, sois prudente !

Hécate lui assura que tout irait bien. Pandore se posa contre son père qui la prit dans ses bras, tandis que les deux divinités sur le Dragon les saluaient tous une dernière fois.

« Allons-y ! Éros nous attend ! » s'exclama Daímôn par télépathie.

Phúlax rugit et s'envola aussitôt.


Fin du chapitre 10

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