ΓΙΙΙI - Φύλαξ (partie 3)

La lave coula plus rapidement que jamais dans les entrailles de la colline de feu. Jamais le volcan n'était censé se réveiller à nouveau un jour, car Héphaïstos, y ayant élu refuge depuis des siècles, s'était assuré que le magma restât à jamais placide. Or, il sentait toute la fureur de la montagne se rebeller contre lui.

— Pourquoi tout tremble ainsi ? hurla de plus belle Pandore.

— Je n'en sais foutrement rien ! cria Héphaïstos pour se faire entendre. C'est le magma qui... Par tous les maudits dieux de l'Olympe, il faut annihiler la décompression, ou la poussée d'Archimède propulsera le magma par la cheminée ! Automates, rassemblements ! Ordre 211, exécution !

Les androïdes s'activèrent aussitôt, délaissant les monticules de ferraille qu'ils portaient. D'autres, supervisant le bon fonctionnement des marteaux frappant les enclumes automatiquement, lâchèrent les outils et rejoignirent les quelques groupes déjà formés. D'énièmes, émergeant de la réserve, vinrent prêter main-forte.

La foule se sépara. Dix automates se dirigèrent vers les bassins de lave coulante afin d'en stopper l'activité à l'aide de massives manivelles en fer forgé qu'ils tournèrent. Les treize androïdes de la réserve et les huit autres restants rejoignirent quant à eux un amas de grosses pierres entreposé à côté d'un énorme trou ; ils se mirent sans attendre à jeter les rochers dans la cheminée magmatique.

— Qu'est-ce qu'ils font ? s'enquit Daímôn tout proche d'Héphaïstos.

— Ils font tout pour calmer l'activité de la montagne. Je n'aurais jamais pensé que le volcan se... Hum, cela doit provenir de notre aura multipliée et accumulée qui excite le magma endormi.

— Comment puis-je me rendre utile ?

— Je crains malheureusement que tu ne puisses faire grand-chose, à moins que tu ne sois capable de te rendre au cœur du foyer volcanique et de calmer les remous du magma et des gaz qui s'en échappent avec ton contrôle du Feu Originel.

Mais Daímôn n'en était pas capable. Il fit face à son impuissance. Il ne supportait l'idée d'être ainsi à la merci des forces naturelles du monde des mortels, et sentait bien la colère de la lave bouillonnante juste sous ses pieds.

« Ce n'est pas naturel... », souffla Phúlax par télépathie.

Daímôn se focalisa sur les flux au sein de la lave et en sentit alors l'hostilité extrinsèque. Quelque chose ou quelqu'un jouait avec elle.

Lorsqu'il nota le pic de fureur, l'explosion les assourdit. Le gaz s'échappa de la cheminée volcanique. Pandore, recroquevillée sur elle-même et les mains plaquées contre ses oreilles, pleurait.

— Il nous faut sortir d'ici ! s'exclama Hécate.

— Oui ! plussoya Héphaïstos. Tout le monde dehors ! Automates, ordre de repli immédiat !

— Héphaïstos, il y a quelque chose dans...

Daímôn fut coupé par une nouvelle explosion, cette fois-ci accompagnée d'une giclée de lave. Les automates tout autour de la faille furent éclaboussés. Une seconde vomissure les ensevelit totalement. L'alliage, confectionné par le dieu-Forgeron pour supporter la capacité meurtrière de la lave, ne résista pas. Il ne resta plus que des morceaux épars et fondus des androïdes.

Daímôn courut vers Pandore tandis que Phúlax s'envolait en rugissant à travers le cratère principal.

— Pandore, suis Hécate ! Héphaïstos et moi serons derrière vous.

Pandore opina, sécha ses larmes et rejoignit la Magicienne qui la prit par la main.

Daímôn vint au dieu de la Forge. Celui-ci vociférait en observant les menus débris de ses automates.

— Héphaïstos, il faut y aller !

Une nouvelle explosion se manifesta. Le souffle fut bien plus violent, à un point tel que les immortels furent projetés. Daímôn comme Héphaïstos notaient parfaitement l'hostilité surnaturelle au cœur du volcan.

— Sortons ! entendirent-ils Hécate crier au loin.

Ils s'élancèrent à sa suite.

Plus d'une fois, ils manquèrent d'être ensevelis sous les rochers tombant du couloir. Vifs et attentifs, Héphaïstos les fracassait d'un coup de marteau féroce, Hécate dardait ses rayons verts sur les obstacles, à l'instar de Daímôn avec ses sphères incandescentes.

Enfin à l'extérieur, ils dévalèrent la pente du volcan, Phúlax tournoyant au-dessus d'eux en grondant. Ils se retournèrent pour voir les premiers jets de lave se déverser du cratère, coulant le long du flanc de la colline rocailleuse.

— Il faut arrêter cette catastrophe, dit Daímôn alors que Phúlax se posait derrière Pandore et Hécate.

— Et comment ? rugit un Héphaïstos coléreux.

— En annihilant la présence dans le volcan. C'est elle qui anime la lave et la pousse en dehors de la cheminée.

— On ne sait même pas qui est-ce !

— Peu importe, Héphaïstos ! Nous maîtrisons tous deux les énergies calorifiques. Il nous suffit alors de les retourner contre la présence et la forcer à se retirer.

— Je ne suis pas sûr que...

— Papa, écoute-le ! s'interposa Pandore. Tu n'as aucune autre idée, et c'est perdre du temps qu'en discuter. Alors essaye au moins.

Face au regard implorant de sa fille, les yeux brillants de larmes, le père n'eut pas la force de contredire et acquiesça.

— Très bien. Essayons.

Daímôn s'avança.

La présence se révéla plus hostile encore dès lors qu'elle effleura leurs énergies unies. Daímôn sentait comme une impulsion électrique au creux de son estomac, laquelle remontait dans sa gorge en le brûlant.

Les pyrokinésiens se concentrèrent et saisirent les flux magmatiques. Les incitant à se rebeller contre l'hostilité, ils ployèrent tous deux le genou à la réplique de cette dernière.

— Hécate, joins-toi à nous ! souffla Héphaïstos.

Le visage de l'Olympien était tiraillé par la douleur. La Magicienne leur envoya à tous deux une vague embaumante qui eut tôt fait de les redresser. Ragaillardi par ce modeste geste, Daímôn appliqua bien plus d'énergie dans ses paumes et ordonna avec force ferveur au magma assassin.

L'hostilité se renforcit.

« Phúlax, viens-moi en aide ! » appela Daímôn par télépathie.

Le Dragon rugit, son hurlement résonnant comme un coup de tonnerre. Alors, il s'immisça et ne fit plus qu'un avec Daímôn. Héphaïstos lui barra en premier lieu le chemin vers son esprit, puis abaissa ses défenses lorsque le Dragon lui parla. En communion directe avec leurs forces et leurs faiblesses, Phúlax déchargea sa puissance nouvelle vers les paumes des divinités qui se mirent à luire d'une aura bleue crépitante, tandis qu'il apaisait leur douleur.

Immédiatement, l'hostilité ploya. Brindille soufflée par le vent, elle se retira enfin du magma et du volcan.

Les vomissures du volcan cessèrent et la fumée se dissipa peu à peu dans l'air.

Daímôn tomba à genoux, tout comme Héphaïstos. Ils étaient totalement éreintés. Soudain, le cri perçant de Pandore résonna :

— Phúlax, où est-il ?

Daímôn se retourna pour regarder le Dragon mais ne le vit pas. Il découvrit un petit serpent bleu, une vipère qui rampait vers lui. La prenant dans sa main, Daímôn la porta à son épaule. Le reptile s'y lova confortablement, sifflant de remerciement.

— Ne t'inquiète pas, Pandore, c'est Phúlax, dit-il d'une voix affaiblie.

— Mais pourquoi s'est-il transformé en simple serpent ?

— Puisqu'il est épuisé, tout comme moi. Lorsque l'énergie de Phúlax atteint un point critique, il prend une forme moindre pour se ressourcer. Tous les dragons de son espèce sont ainsi.

— Et heureusement qu'il ne s'est que réduit, dit Héphaïstos en posant une main amicale sur l'épaule de Daímôn. Nous n'aurons sans doute pu arrêter l'hostilité sans lui. Le « Gardien »... Il porte bien son nom.

Le dieu avait une sale mine, plus encore qu'à son habitude.

— Et la montagne alors ? s'enquit Hécate. Les mortels ne vont pas tarder à se pencher sur ce phénomène. Les volcans auvergnats qui entrent en éruption... Ce n'est jamais plus arrivé depuis des millénaires !

— En premier lieu, répondit Héphaïstos, nous allons nous rendre dans une autre réserve de la chaîne alpine, puis je m'attèlerai à supprimer toutes les traces de l'éruption, autant physiques ici que dans leur souvenir de cet événement.

» Mais je jure que le coupable tâtera bientôt de mon marteau !

Daímôn était aussi énervé que le dieu de la Forge. Pis, il se sentait affreusement faible. Naguère, à l'apogée de sa puissance, ainsi arrêter une éruption était-il difficile pour lui ? ou bien fort de son omnipotence sur l'Élément du Feu, il n'avait qu'à claquer des doigts pour annihiler la décompression au cœur du volcan ?

Et quelle était cette entité hostile ? Une nouvelle félonie de Zeus l'ayant retrouvé sur le monde des mortels ? Une ennemie des Olympiens, ainsi donc d'Héphaïstos, qui par pure coïncidence croisait sa route ? Toujours est-il qu'il n'avait réussi seul à la supprimer.

Il devait se lancer à la recherche de son frère... Or, tout semblait vouloir l'en empêcher.

— Nous devons, Phúlax et moi, améliorer nos pouvoirs, mais avant cela, je dois retrouver Éros, dit-il avec conviction. Pandore m'a affirmé qu'il n'était pas mort.

— Son esprit, du moins, commenta celle-ci.

— Exact, affirma Hécate. Le dieu des Sentiments, fils de Kháos, est vivant mais caché aux yeux de tous et à toute perception.

— Et nous pouvons t'aider à le rejoindre, s'exclama une voix féminine et familière derrière eux tous.

Athéna et Aphrodite venaient de discrètement apparaître en émergeant des rayons ardents. Comme toujours, Athéna était parée pour la guerre ; Aphrodite, elle, n'était vêtue que d'une légère robe violette qui laissait absolument distinguer le galbe de ses cuisses et la rondeur parfaite de ses seins.

Puisant dans ses dernières réserves, Phúlax s'échappa de l'épaule de Daímôn et reprit sa forme « dragonique ». Protégeant son frère de sa queue, il tendit son cou vers les déités nouvelles et grogna d'avertissement.

Ces dernières s'immobilisèrent totalement, complètement ébahies !

— Un dragon ! hoquetèrent-elles d'une même voix.

— Athéna ! s'enjoua Daímôn en poussant la queue du reptile. Aphrodite ! Approchez, il ne vous fera aucun calme. N'est-ce pas ?

Phúlax tourna la tête vers Daímôn et souffla dans ses cheveux. Sous le rire de ce dernier, il s'illumina et reprit sa forme serpentine avant de regagner dûment sa place sur l'épaule de son roi.

— Par tous les dieux de l'Olympe, que s'est-il passé ici ? s'enquit Aphrodite en observant le sommet de la montagne.

— Oh, tu sais..., marmonna Héphaïstos en haussant les épaules. Un petit problème d'éruption imprévue.

— Une éruption ? En France ? (Un sourire narquois étira le faciès enchanteur d'Aphrodite.) Je t'ai toujours dit que tes facéties finiraient par causer ce genre d'idiotie !

— Ce n'est aucunement ma faute ! répliqua sèchement l'époux. J'ai toujours agi avec précaution en ensommeillant moi-même le magma. La montagne s'est soudainement révoltée, ou plutôt fut portée à la révolte par l'intermédiaire d'une présence. C'était comme si l'Aïeule-Terre nous attaquait.

— Je ne pense pas qu'il puisse s'agir de Gaïa, commenta Athéna.

— Moi non plus, ajouta Daímôn. Zeus peut-être ?

— Impossible ! Zeus ne peut nous trouver ici, assura Héphaïstos.

— Toujours est-il que l'aura dégagée par Phúlax a dû attirer l'attention. Que ce fût Zeus, l'un de ses sbires ou une autre entité, nous ne pouvons rester ici. Nous devons quitter la France, ou bien gagner une autre région.

— Phúlax ? répéta Athéna. Le « Gardien »... Le nom de ton dragon, je présume ?

Ce dernier siffla tandis que Daímôn opinait du chef.

— Nous vous expliquerons tout cela plus tard, intervint Hécate. Pour le moment, allons nous abriter dans une autre réserve d'Héphaïstos. De préférence une qui ne soit pas dans un volcan.

— Dans cette chaîne, j'ai une réserve à la frontière italienne, apprit le Forgeron. Un vrai foutoir, mais au moins, il n'y aura aucun risque d'éruption.

— Parfait. Ne perdons pas plus de temps, alors.

Hécate saisit la main de Daímôn sous le sifflement acerbe de Phúlax, tandis qu'Héphaïstos serrait Pandore dans ses bras.


(suite du chapitre 9 en suivant...)

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