III - Ἄρτεμις (partie 3)

La déesse sentit la tristesse et la colère de sa sage consœur quant à Hécate.

« Quelle est la situation actuelle, Athéna ? » demanda Artémis en produisant une pointe de crainte dans sa télépathique pensée.

Elle ne lui avait cependant guère fait part que cette interrogation n'était là qu'une directive de la reine des dieux. Elle préférait garder ceci sous silence, pour ne pas éveiller plus que de raison la méfiance de la Sagesse – et surtout car elle ne pouvait avouer qu'elle répondait à une directive de la Marâtre de l'Olympe.

De son côté, Athéna ne savait évidemment si elle pouvait faire pleinement confiance à Artémis. Elle avait certes embrassé la Raison et conté tout ce dont elle avait été témoin sur le mont Olympe, jusqu'à même dévoiler l'endroit où Hécate était retenue prisonnière. Pourtant la déesse de la Sagesse ne parvenait à abaisser toutes ses défenses avec les autres dieux, hormis Aphrodite, Héphaïstos et – ahurissant ! – Hadès. Mais si Athéna devait faire confiance à une autre divinité, elle choisirait sûrement Artémis. Alors :

« Bien des événements se sont déroulés depuis la dernière fois que nous nous sommes croisées, Artémis. Comme tu le sais, nous avons libéré Cupidon des griffes de Borée, devenu aussi fou que notre roi. Il a tenté de nous livrer à celui-ci, mais nous l'avons vaincu. En route pour rejoindre Pandore et Héphaïstos, nous avons été attaqués par le Dragon que tu as vu traverser les cieux : Pûr, Seigneur du Feu Originel. »

Le souvenir de la comète dorée fendant le ciel s'imposa à l'esprit de la déesse de la Chasse. Quel spectacle intense !

« Je ne sais que penser d'une telle vision. »

« Eh bien, Daímôn s'est confronté à lui pour finalement le vaincre à son tour. Nous avons alors été entraînés dans un phénomène incroyable, Daímôn, Éros et moi-même : Pûr nous a fait partager ses plus anciens souvenirs, du temps de la chute des Dragons Primordiaux, encore nommée la Drakonomakhía. »

Athéna ne rentra pas plus dans les détails, comme elle en avait déjà fait cas avec Héphaïstos et sa fille. Elle ne lui parla guère non plus de Phúlax et de Díkê. Certains éléments devaient encore rester censurés, le temps qu'elle soit convaincue de la sincérité et de la loyauté d'Artémis. Lui parler de Pûr était déjà risqué, mais la Chasseresse l'ayant vu de ses propres yeux, elle ne prit le risque de mettre en exergue sa volonté de dissimuler plusieurs choses. La déesse de la Sagesse s'imposait comme maîtresse de la Prévoyance.

« Pour l'heure, Daímôn doit reprendre souveraineté des trois autres éléments : l'Eau, l'Air et la Terre. Il a décidé de commencer par l'Eau car, selon lui, il s'agit du second Élément le plus difficile à maîtriser après le Feu. Nous avons donc besoin de l'aide du seul dieu qui contrôle toutes les eaux.

« Poséidon », dit Artémis.

« Exactement. »

Artémis réfléchit un instant.

« Je ne doute pas que tu sois au fait de l'inimitié que porte Poséidon au Déchu. Il est bien l'un des Olympiens principaux à avoir un avis arrêté, à ne remettre nullement en cause sa décision passée quant à l'exécution du fils de Kháos. Comment comptes-tu t'acquérir son assistance ? Si tu lui demandes simplement, il refusera, comme tu t'en doutes sûrement. As-tu un plan ? »

« Oui. J'ai besoin de l'aide d'une personne, une unique personne qui forcera Poséidon à venir en aide à Daímôn. Mais pour ce faire, il me faut trouver quelqu'un d'autre, qui à son tour forcera cette personne à me venir en aide. Or, j'ignore où elle se trouve. »

Artémis fronça les sourcils depuis ses draps argentés sur le mont Olympe. Athéna était particulièrement difficile à suivre par moments, surtout lorsqu'elle fomentait des plans qui se présentaient toujours majestueusement alambiqués, compliqués et farfelus.

« De qui as-tu besoin en premier lieu ? » s'enquit la déesse de la Chasse.

« Du Vieillard des Mers. »

Artémis pouffa légèrement. Voilà bien des siècles que cette divinité ancestrale n'avait guère pointé le bout de son nez bronzé.

« Et bien évidemment, j'ignore où le trouver, continua Athéna en soupirant. J'ai cherché partout. Sur la terre, à la surface des mers, sur les îles, et même dans les airs, car je sais qu'il affectionne se transformer en oiseau. J'ai également guetté sa trace parmi les mortels, car tu sais sans doute qu'il aime se mêler à eux et jouer les devins. »

« As-tu sondé les tréfonds des mers et océans ? Le Vieillard, du temps où nous le côtoyions encore, se perdait souvent dans les profondeurs abyssales de notre monde. La dernière fois que j'ai entendu parler de lui, d'aucuns dialoguaient qu'il s'était construit une petite cité dans les profondeurs de la plus belle des mers. Et la plus belle des mers pour les dieux marins est sans doute la Méditerranée, berceau de l'Europe. »

Athéna sourit. Elle n'avait effectivement pas pensé à cela. Immédiatement, elle projeta une fibre de son esprit dans les profondeurs de la Méditerranée, aussi bien près des côtes qu'éloignées. Elle sentit alors, non loin de la Sicile, un flux d'énergie atypique par son ancienneté. Elle chercha plus en profondeur encore et reconnut la puissance des premiers dieux. Le Vieillard des Mers était partie intégrante de cette caste ancestrale. S'agissait-il de lui ? Elle devait s'approcher pour s'en assurer.

« Je crois l'avoir trouvé ! s'exclama-t-elle. Je te remercie, Artémis. »

La déesse de la Chasse répondit laconiquement que ce n'était rien.

« Es-tu sûre des probabilités de réussite de ton plan ? »

« J'ose croire que oui. Je n'ai guère le choix. Notre succès repose entièrement sur mon plan. Il croule, certes, sous une plus grande probabilité d'échec – et j'en suis parfaitement consciente –, mais je pense qu'il aura les effets que j'escompte. J'ai foi en mes prédictions, et quelque chose me dit que celle que je recherche sera ravie de porter préjudice à Poséidon par un simple ordre qu'il ne pourra déroger. »

Artémis ne voyait toujours pas de qui pouvait bien parler ainsi sa demi-sœur. Qui pouvait bien en vouloir ainsi à Poséidon ? Celui-ci avait de nombreux ennemis, autant féminins que masculins, mais non au point de se venger sans craindre son courroux et ses représailles. Alors qui ?

« Je veux que tu libères Hécate, Artémis ! » quémanda alors brusquement Athéna.

Artémis se pinça les lèvres.

« Le dois-je ? »

« Prouve-moi ta loyauté, ma chère et gracieuse sœur. Accomplis cet acte, et alors je saurai que tu es de mon côté. Mais tu ne seras pas seule. Tu dois faire part de ma requête à quelqu'un d'autre. »

« Le Dé... Daímôn ? »

Artémis sentit le tressautement d'Athéna comme s'il s'était agi du sien.

« Oh non ! Surtout pas ! Si une telle nouvelle lui parvenait, il se détournerait de sa cruciale mission pour se venger de Zeus et sauver Hécate. Il ne le doit pas. »

« Alors qui ? »

« Je sais que cela ne va pas te plaire, mais... » Athéna déglutit avant de continuer. « Aphrodite. »

« Non ! »

La réponse d'Artémis fut brève, directe et violente. Athéna aurait ri si la situation ne se faisait autant alarmante et importante. Artémis et Aphrodite se détestaient mutuellement, et ce, depuis toujours par la dichotomie qu'elles représentaient selon leurs natures respectives.

« Je t'en prie, supplia Athéna. Elle seule pourra t'aider. Elle nous a promis de libérer Hécate, épaulée de Psyché. »

« Ne me demande guère cela, Athéna. Je refuse de collaborer avec cette catin, cette déesse à la petite vertu bonne qu'à partager la couche des... »

« Artémis... »

Le ton pris par la Sagesse eut raison des nombreux jurons de la Chasseresse qui allaient suivre. L'esprit sauvage d'Artémis s'échauffa, et elle serra les poings aussi forts qu'elle en était capable.

« Très bien. J'accepte. Mais c'est la dernière fois que tu me demandes tel service, Athéna. Je te préviens ! »

« Et je te le promets ! »

« Par tous les maudits dieux de l'Olympe, pourquoi dois-je m'allier à cette... »

Athéna ne prit la peine d'écouter le reste de la phrase – sûrement ponctué de bien des noms d'oiseaux splendidement disgracieux – et fit part du temps qui lui était compté.

Ainsi, les deux déesses se souhaitèrent mutuellement bonne fortune avant de couper la communication télépathique. Chacune aurait une mission difficile à accomplir, jalonnée de bien des anicroches.

Mais pour le bien des Olympiens et l'équilibre du monde, elles ne faibliraient ni n'échoueraient.

Elles soufflèrent toutes les deux pour se donner courage et se dématérialisèrent sans plus tarder : l'une pour les proximités de la Sicile, l'autre pour chasser derechef afin d'évacuer toutes ces mauvaises tensions qui raidissaient son corps.


Fin du chapitre 3

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