II - Οἱ τοῦ Διός ἀετοί (partie 2)

Le dieu de la Forge serrait fermement son marteau enflammé, prêt à frapper les aigles les plus proches. Pandore se campait sur ses positions, enthousiaste à l'idée d'enfoncer sa dague dans l'œil de ces stupides créatures. Grâce à son père, un arc et un carquois trônaient maintenant dans son dos, accrochés à l'épaule, et n'attendaient que de servir.

Héphaïstos cueillit le premier aigle d'un coup de marteau précis qui lui fendit le crâne en deux. Le sang gicla et l'éclaboussa, mais l'Olympien n'en avait cure. Il y avait bien longtemps qu'il ne s'était battu, et les émotions que suscitaient les combats lui avaient bien manqué. En sus, la complaisance à l'idée d'empêcher les desseins de son père de se réaliser le transportait de joie !

Le prochain aigle n'eut pas le temps de le tenir à porter de son bec : le marteau quitta la main d'Héphaïstos et lui brisa net la face. Le choc fut si rude que les éclats d'os s'enfoncèrent dans le crâne de l'animal. Il vacilla et chut bruyamment. Héphaïstos tendit la main et ordonna au métal qui composait l'outil de revenir ; aussitôt, ce dernier vint se ficher dans sa paume avec précision.

— Ma chérie, c'est le moment de mettre à profit tes talents d'archère ! invita-t-il Pandore à se manifester.

La jeune immortelle sourit, ravie de pouvoir faire montre de ce qu'elle savait faire. Elle rengaina sa dague, prit son arc à la main, encocha une flèche et visa, le tout en trois secondes. Elle tint sa respiration, bloqua sa ceinture abdominale, souffla. Par la gloire d'Artémis ! Le trait s'en fut vite se loger dans l'orbite de l'aigle le plus proche, lequel s'écrasa à son tour, mort avant d'avoir touché le sol.

— Joli tir ! la félicita Héphaïstos.

Pandore prit une seconde pour lui adresser un grand sourire de satisfaction et encocha flèche après flèche. Toutes firent mouche et frappèrent les aigles dans l'œil. Les corps s'empilaient sans cesse, signe d'un véritable carnage digne des dieux. Héphaïstos s'évertuait à lancer son marteau tel un boomerang. L'arme brisa le crâne de trois oiseaux d'un seul lancer, puis revint rapidement dans la main de son propriétaire, poisseux de sang.

Père et fille continuèrent ainsi à massacrer les aigles. Très vite, l'épuisement commença à se faire sentir. Or, les vagues d'oiseaux ne semblaient guère vouloir cesser. Toujours plus nombreux, ceux-ci formaient des hardes énormes. De combien Zeus disposait-il d'aigles géants ? Le dieu du Feu n'arrivait plus à les dénombrer. Zeus semblait prêt à tout pour emporter Daímôn et le punir lui-même ! Il grimaça en découvrant la fâcheuse posture dans laquelle le Dragon se trouvait. Acculé, celui-ci ne pouvait strictement rien faire contre les aigles, qui lui déchiraient et déchiquetaient la peau à coup de bec et de serres.

Héphaïstos repensa alors à la peur irrationnelle qu'il avait ressentie lorsque le Dragon s'était manifesté la première fois, au moment où Athéna, Daímôn et Cupidon étaient revenus de l'Arctique. Il savait, de source sûre, que le dénommé Pûr avait attenté à sa vie. Aujourd'hui, le Dragon se battait pour le protéger.

Peut-être vont-ils enfin reprendre leur rôle d'antan, pensa-t-il avec espoir. Les temps changent.

— Il faut aider Pûr, dit-il à sa fille. Il faut éliminer les aigles tout autour de lui afin qu'il puisse se libérer et s'éloigner d'eux. Penses-tu être capable de les viser de là ?

Pandore avisa le Dragon. Elle estima la distance, encocha une flèche et visa.

— Je pense que oui. Je vais essayer.

— N'essaye pas, Pandore. Fais-le ! Il a besoin de notre aide.

Pandore hocha la tête. Son père ne l'appelait jamais par son prénom, sauf lors des situations alarmantes. Elle n'avait pas le droit d'échouer !

— Tends-moi une flèche, ordonna Héphaïstos en avançant sa grosse main calleuse et recouverte de sang et de suie.

L'immortelle s'exécuta aussitôt, se demandant ce que son père préparait au juste. Héphaïstos attrapa la flèche et, puisant dans ses pouvoirs, alluma le bout de celle-ci. Immédiatement, la pointe du trait mortel s'enflamma. Il attrapa ensuite un petit objet dans la poche de la tenue de forgeron qu'il n'avait pas eu le temps de troquer pour un ensemble plus adapté au combat. Il fixa la petite partie métallique directement sur le projectile.

— Tiens, dit-il à Pandore qui attrapa la flèche avec une extrême prudence. Ne rate pas ton coup.

Je ne rate jamais ma cible, maugréa Pandore. Qu'Artémis m'en soit témoin ! Mais elle hocha la tête derechef. Elle n'échouerait pas, même si elle ne comprenait guère ce que son père avait à l'esprit avec ce simple trait, ou encore ce qu'était ce ridicule bout de ferraille rouillée.

Elle se tint à nouveau en position, mit la flèche sur la corde, saisit l'empenne faite à partir de plumes d'oie, tendit son bras, visa et bloqua sa respiration. Puis elle lâcha ses doigts et la flèche fila droit en direction du Dragon.

Héphaïstos suivit le projectile du regard et, lorsqu'il fut sûr que celui-ci touchait l'un des aigles face à Pûr, il appuya discrètement sur le bouton caché dans sa poche.

Une déflagration explosa tout à coup. Le torrent de flammes bleues engloba Pûr et les aigles alentours.

Pandore toisa son père de surprise, ce dernier hilare.


Φ


Pûr sentait ses forces s'amenuiser à mesure que les serres des aigles tranchaient ses chairs écaillés. Comment pouvaient-ils être assez forts pour ainsi arracher sa peau ? Ce n'étaient que de vulgaires animaux recouverts de plumes ! Toujours est-il qu'il ne parvenait à se dégager de leur emprise. Très vite, il perdrait connaissance et... ce serait alors fini.

Soudain, il entendit la mélopée sifflante d'une flèche filant droit vers lui. Il vit d'un rapide coup d'œil le projectile pénétrer la peau d'un aigle au niveau des côtes. Puis il fut engouffré dans une vague de flammes bleues.

Les aigles agglutinés autour de son corps se mirent à hurler comme le feu rongeait leur être. Pûr sentit l'odeur de la plume roussie, de la chair brûlée, mais également du feu d'une tout autre nature que le tout premier. Néanmoins, il détecta une source dans les flammes, un pouvoir calorifique propre au dieu de la Forge, comme il l'avait déjà senti la première fois qu'il l'avait rencontré. La même force brûlante abreuvait l'Olympien, une puissance manifeste à même de réduire des régions en cendres, d'une tout aussi terrible efficacité que son propre souffle. Il ne se fit alors guère prier pour absorber cette source.

En ouvrant la gueule, les flammes pénétrèrent sa langue, se frayèrent un chemin le long de sa gorge, s'immiscèrent dans ses poumons, son cœur, ses molécules, son sang. Aussi vivement que de l'eau rafraichissant un mortel déshydraté, il se sentit renaître.

Il ouvrit les yeux, dévoré de flammes dorées, et poussa un puissant hurlement.


Φ


Le grondement du Dragon fit vibrer les tympans d'Héphaïstos et de Pandore. Ils avaient réussi !

— Bien joué, dit l'Olympien à sa fille.

Celle-ci observa Pûr. Une aura écarlate, aussi puissante que l'Hélios, se dégagea de son corps, réduisit l'air à une chaleur suffocante. Il s'envola rapidement vers eux. Pandore se crispa malgré elle lorsque le Dragon se posa lourdement à leurs côtés. L'herbe sous ses pattes jaunit, se recroquevilla sur elle-même puis se dissipa en particules. Pandore sentit la chaleur augmenter fortement.

Elle regarda Pûr dans le fond des yeux. Bien que le Dragon pût la terrifier, elle ne pouvait qu'aimer jeter ainsi son regard dans le sien. Elle admirait les flammes qui dansaient dans ses iris et ses pupilles, à l'instar de Daímôn lors de ces moments d'effort et de colère. Le Dragon hocha la tête, comme pour la remercier de son geste. Elle vit les plaies suintantes, suivit les petites rivières vermillonnes qui coulaient le long de ses flancs, finissant par goutter sur le sol. Son cœur se serra, car elle ne pouvait rien faire et ne supportait de le laisser ainsi blessé et souffrant.

— Les ennemis arrivent en masse, ô Pûr, dit Héphaïstos d'une voix calme. Es-tu toujours apte à te battre ?

Le Dragon ignorait s'il pouvait s'autoriser à plonger son esprit dans celui du dieu afin de communiquer avec lui télépathiquement. Il avait senti la crainte qu'il avait manifestée lors de leur rencontre. Pûr comprenait bien pourquoi, car l'Olympien n'oublierait jamais qu'il avait tenté de le tuer ! Ainsi, décidant que le contact mental ne serait pas approprié, il hocha la tête en signe d'affirmation et montra le groupe d'oiseaux lointain en tendant l'une de ses magnifiques et grandes ailes membraneuses.

— Je sais, fit Héphaïstos. Ils sont à la poursuite de Daímôn et Cupidon. Mais je suis sûr qu'ils parviendront à les éliminer. Je leur fais confiance. Qui plus est, Phúlax est avec eux. Ne t'en fais pas. Occupons-nous plutôt de nos ennemis.

Le dieu pointa du doigt la nouvelle vague qui arrivait. Pûr était d'accord, même s'il aurait préféré rejoindre et prêter main forte à son souverain tout de suite. Phúlax s'en chargerait, assurément. Il grogna, prit ainsi appui sur ses pattes et s'envola en poussant un rugissement.

Pandore encocha une flèche et s'apprêta à tirer ; cependant son père l'en empêcha en posant une main sur l'arc.

— Attendons que Pûr leur offre l'accueil qu'il leur réserve. Alors on s'occupera des survivants, s'il y en a.

Pandore acquiesça. Elle contempla Pûr attaquer une nouvelle fois les aigles.


Φ


Le Dragon se dit que les aigles ne le mettraient en péril deux fois de la même façon. Il puisa alors dans sa force renaissante grâce à Héphaïstos – ne s'expliquant toujours pas comment celui-ci avait pu ainsi le gratifier de son énergie d'aussi loin – et enflamma tout son corps. Les flammes dorées léchèrent chaque partie de son anatomie, les blessures sanguinolentes sur son dos se contusionnèrent.

Il fondit sur ses ennemis et déchargea des premières langues de feu. Les volatiles en tête de cortège ne parvinrent à esquiver les flammes et brûlèrent vif. Les aigles se retrouvèrent aussitôt désordonnés. Plusieurs d'entre eux se télescopèrent et piquèrent droit vers le sol, tentant de reprendre désespérément leur équilibre en l'air. La majorité y parvint, mais d'autres se fracassèrent sur l'herbe et ne se relevèrent pas.

Le pouvoir de Pûr prit peu à peu le dessus sur sa conscience. Malgré son aversion envers elle, la soif de sang tiraillait ses tripes. Lorsqu'il s'en rendit compte, il calma les battements frénétiques de son cœur. Quelle folie me prend donc ?! se morigéna-t-il. Il n'avait noté cette colère en lui que lors de son combat contre Daímôn et durant la Drakonomakhía.

Il était si préoccupé par ses pensées et les ennemis devant lui qu'il ne fit guère attention aux volatiles tombés qui se dirigeaient maintenant vers les immortels au sol. Le peu de présence qu'ils manifestaient s'essouffla complètement lorsqu'il s'engouffra dans la vague de plumes.


(suite du chapitre 2 en suivant...)

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top