1 - Prélude
« Je m'appelle Gwen Chton et aujourd'hui, je vais mourir.
Car Demain est une autrre nuit.
Nous sommes le 14 Mars et l'idée de ne peut-être pas pouvoir profiter des premières senteurs du printemps m'attriste profondément. Mes amis et moi-même sommes quotidiennement dans l'incertitude d'être encore de ce monde, traqués et chassés sans répit, en fuite sans vraiment bien comprendre son fondement.
Nous avons dû dire au revoir à nos familles respectives, ma mère et ma sœur, Edwige, me manquent. Mais j'ai pu revoir mon grand frère, Émilien, mon aîné de trois ans, qui habite dans la grande ville, où il étudie l'Histoire. Depuis notre départ de Bréchéliant, la petite ville où nous habitions, bordée par une grande et mystique forêt, nous avons effectué de nombreuses recherches sur nos bourreaux, appelés Les Ombres.
Au début de notre périple, nous sommes tombés sur un vieux livre qui datait au plus, d'après la date inscrite sur la dernière page, du tout début du XVIIème siècle.
Cet exemplaire, qui aurait sans nul doute excité et intrigué chaque féru de l'Histoire de France, quant à nous, nous effrayait à cause des révélations que nous avions pu y trouver.
Ses dernières pages remplies retracent l'épopée sanglante du brigand, complètement oublié aujourd'hui mais terriblement craint à l'époque, du nom de Guillaume Guillery.
Cette lettre est la dernière que j'écris. À vous dont je ne connais pas les noms, merci. Je sais que vous avez tenté de nous aider et de stopper les Ombres.
Même si vous avez échoué. Je vous remercie quand-même.
Plus haut, j'ai écrit en pensant à mes amis, mais je dois vous avouer que ça fait plusieurs jours que je n'ai plus de contact avec aucun d'entre eux. Je sais que Maeve est partie à San Francisco pour étudier et je me dis que là-bas, elle sera en sécurité. Après tout, les recherches des Ombres ne se basent essentiellement qu'en France et au Royaume-Uni. Je suis le dernier à être encore en Brocéliande, semble-t-il, et cette pensée me donne de puissants frissons dans le dos.
Certains membres de la Compagnie, les derniers actifs à vrai dire, pensent que les Ombres sont encore parmi nous. D'autres, tous ceux qui ont quitté l'organisation, prétendent que la plupart des Ombres ont été tués dans la Baie des Trépassés. Après que l'armée française ait réussi à libérer notre lycée, tombé entre les mains de l'Ordre des Ombres. Je pense que ce n'est qu'une question de temps avant que l'organisation soit dissoute. La guerre est presque finie je crois ... enfin. Mais beaucoup de questions restent encore sans réponse.
Avant d'en finir avec la Compagnie, j'ai réussi à intercepter quelques dernières informations : Louis est en vie, loin de batailler. Je n'ai pas tout compris, apparemment, mais il aurait quitté la région avec ses parents pour s'installer aux alentours de Paris. Il m'avait dit qu'il avait de la famille là-bas. Il a de la chance, car lui est protégé.J'aimerai revoir Sacha, pourtant je sais que c'est impossible. Mon cœur se brise à chaque fois que j'y pense. Je ne sais pas où sont les autres. Ellen me manque aussi. Je suis donc le dernier. J'ai constamment peur, je suis effrayé de tout. Je retrouve dans mes cauchemars ces visages affreux, ces sinistres masques, les cris de mes amis, le château de la Dame Blanche. Je suis terrifié à l'idée de revoir ces femmes complètement folles, aux mains ensanglantées. Ou encore ce fameux Chevalier Noir sous le tonnerre assourdissant. Toutes les questions restées en suspens trouveront bientôt leurs réponses, cachées dans les entrailles de la forêt.
J'y retourne. La clé si spéciale que j'ai récupérée m'amènera vers un nouvel espoir. Je joins à ce compte-rendu un extrait déchiré des Mémoires de Guillery qui vous permettra peut-être de comprendre comment tout ce désastre a commencé. J'y ajoute aussi une page du journal intime d'Elsa Delage. Elle y avait écrit ses vœux de mariage. Je l'ai trouvée dans ma boîte aux lettres. Je ne sais pas ce qu'il faut en déduire, mais je crains qu'elle soit en danger.
Et n'oubliez pas : Demain est une autrre nuit.
Tic-tac.
Gwen Chton,
le 4 Mars »
Gwen Chton
***
« La Ligue Catholique s'est essoufflée dans le pays, après plus de quarante dures années pour le Royaume. La Bretagne, elle, est une des régions les moins intéressées par toute cette agitation. Et cela m'arrange. Car moi, Guillaume Guillery, suis prostré dans la vieille forteresse où j'ai élu domicile depuis mon arrivée dans l'Ouest. Il est vray que je ne me fais plus aussi réactif que jadis. Je repense avec fierté à Philippe et Mathurin.
Nous étions trois frères, issus d'une riche et noble famille de Bretagne, ce territoire à l'ouest du Royaume de France, aux falaises qui pointent l'infini et le mystère. Fils de Jean Guillery, chevaucheur ordinaire de l'écurie du roi, officier ligueur, né en 1542 et mort il y a six années. Une belle et longue vie, diront certains. Nous nous fîmes chefs de bandes, après l'abjuration de Henri IV, désormais Roy. À la tête de cinq cents brigands, nous avons ravagé et terrorisé la Saintonge dans les premières années de ce siècle.
Mais le roi envoya ses troupes pour s'emparer de mes frères et moi et l'inévitable devint le cauchemar. Mathurin fut tué dans un combat près de Saintes en octobre 1608 ; par la suite, Philippe fut arrêté et roué à mort à La Rochelle, avec quatre-vingts de ses gens, en novembre de la même année; mais je réussis à m'échapper.
C'est alors que je trouvais un petit village, en Bretagne, loin de la région qui vit mourir mes frères. Ne croyez pas que leur perte ébranla mes projets de brigandage et de rapines.
Ô non ! Je suis doué, je terrorise les environs et leurs âmes canailles m'accompagnent encore dans mes concussions et autres vols. Il faut bien subsister ! J'aimerais que dans des temps éloignés l'on se souvienne de la terreur que je répandis alors dans le pays de Ploërmel et des chevaux que moi et ma bande dérobions. Hier encore, j'allais allumer de grands feux qui servent de signaux sur les points les plus élevés de la contrée, communiquant ainsi des landes d'Elven au sommet des buttes du Bois-du-Loup, creusant des auges dans le roc, où les chevaux s'abreuvent.
Aujourd'hui blessé et vieillissant, j'écris ces lignes au sein de la vieille forteresse de Guillerien où je me suis réfugié après quelques batailles, contre de puissantes autorités, qui m'ont affaibli. Mais au bord de la lande de Coëtquidan, le siège commence.
Tic-tac.
4 Mars 1608
forteresse de Guillerien
refuge en flammes de Guillaume Guillery. »
***
« Cher journal. Comme tu le sais, je vais me marier. Je dois écrire mes vœux pour la cérémonie laïque. Je suis quand même un peu perdue.
Notre passé est affreux mais j'espère que notre mariage sera le début d'une meilleure vie. Bon, maintenant, je dois réfléchir à ce que je vais dire face à l'homme que j'aime.
"Camille, mon amour.
Aujourd'hui est une porte.
Nous la franchissons ensemble, sans regarder derrière nous.
Nous rentrons dans une pièce pleine d'amour, de promesses et d'un avenir que je souhaite radieux.
Camille, mon chéri
Aujourd'hui est une page.
Les précédentes ont été dures et longues.
Celle que nous écrivons aujourd'hui est magnifique.
Ce soir, nous la tournerons pour une page blanche. Blanche de paix, dans un livre rouge de passion.
Camille mon roc.
Aujourd'hui est un océan calme. Oublions la houle et les vents.
Nous allons accoster sur une terre neuve et riche de possibilités.
Prenons nous la main. Car je ne veux plus jamais la lâcher. Camille, je t'aime."
Les larmes coulent sur mon visage, cher journal. Car je ne suis plus une petite fille.
Et c'est par ces mots, que je te dis adieu. »
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