Chapitre 1

Onze ans plus tard.

ORALIE

Je rajuste le col de ma cape en déglutissant. Ça y est, enfin. Ma rentrée à Foxfire. Je prends une profonde inspiration, effleure le blason de ma famille cousu sur ma cape et sors de ma chambre en courant. Je dévale l'escalier à toute vitesse jusqu'au rez-de-chaussée. Presque toute ma famille est attablée dans la salle à manger, occupée à déjeuner.

Lorsque j'entre, ma mère repose délicatement sa tartine avant de m'adresser un signe de la main, accompagné d'un petit sourire. Quant à Ashlyn, elle m'adresse à peine un signe de tête, toute absorbée qu'elle est par le gros livre qu'elle a appuyé contre la carafe de jus. Mon père, lui, délaisse sa tasse de café et se lève pour m'accueillir. Il me prend par la taille et me soulève dans les airs, m'arrachant un éclat de rire.

— Alors ? s'exclame-t-il avec entrain. Comment va ma princesse ? Bien dormi ? Prête pour sa première journée à l'école des grands ?

— Oui, papa, tout va bien ! Pose moi, ris-je.

— Pas trop stressée ? demande Ash en levant le nez.

— Un peu, si, avoué-je. Mais c'est rien. J'ai hâte.

Je finis, enfin, par me diriger vers la table et m'assieds à mon siège favori, celui en face de la grande baie vitrée, qui donne sur le parc et les montagnes. J'attrape trois boumobeurres dans un plat, en dépose deux dans mon assiette et engloutis le dernier d'un seul coup. Mes parents s'esclaffent de concert devant mon appétit.

— Au moins, rit Papa, tu n'auras pas faim en classe.

Je hoche la tête avant de me verser une tasse de cannelle-crème.

— Où est votre frère ? s'exclame soudain Maman en repoussant sa chaise, l'air préoccupé.

Je hausse les épaules, bien que j'aie peut-être une réponse à la question. Lorsque je suis passée devant, la porte de la chambre de Lirian était toujours fermée. Il doit probablement encore dormir. Si j'étais lui, je me serais réveillée aux aurores ! (Ce qui est d'ailleurs ce qui s'est produit pour moi ce matin.) Comment peut-il traîner alors qu'une nouvelle année scolaire commence ? Bon, lui ne doit pas voir les choses comme moi, c'est sûr. Je suis nouvelle à l'école, tandis qu'il commence sa troisième année. Il a eu le temps de s'habituer. Il va retrouver ses amis - amis que je n'ai d'ailleurs pas rencontrés une seule fois, contrairement à ceux d'Ashlyn, qui viennent à la maison au moins une fois par semaine. Peut-être que maintenant que nous sommes dans la même école, je pourrai ENFIN faire leur connaissance ? Je me demande pourquoi il m'a tenue à l'écart pendant aussi longtemps. Peut-être par honte de sa petite sœur ? Je fronce les sourcils à cette idée. Qu'est-ce que je peux bien avoir fait pour en arriver là ?

— Qu'est-ce qu'il y a, Ora ? demande Ash d'un ton perplexe tout en s'étirant - je remarque alors qu'elle est encore en pyjama.

— Pardon ?

— Ça fait trente secondes que tu fixes le vide, les sourcils froncés comme jamais. Il y a un problème ?

— Non, c'est juste que je me demandais pourquoi Lirian avait toujours refusé de me présenter ses amis. Je connais les tiens par cœur, mais les siens...

— Ah, ça..., sourit Ashlyn avec un ricanement.

— Pourquoi tu rigoles ?

— Tu comprendras bien assez tôt, rit-elle encore. Quand la facette grand-frère-poule de Lirian se révélera à tes yeux ébahis.

Je hausse un sourcil. Devant l'évident refus de mon aînée d'en dire plus, j'abandonne et retourne à ma canelle-crème. Je sirote lentement ma boisson, une expression d'extase plaquée sur le visage. C'est au moment où je repose ma tasse vide sur la table et que je mords dans mon second boumobeurre qu'un cri et un bruit de chute retentissent dans l'escalier. Papa, Ashlyn et moi tendons tous de concert la tête vers la porte, guettant le moment où Maman va débouler dans la salle les poings sur les hanches, exaspérée par Lirian. Évidemment, ça ne manque pas, et lorsqu'elle se laisse tomber sur sa chaise dans un soupir, c'est mon aîné qui fait son apparition, les cheveux en bataille, la tête en vrac et les habits tout froissés par sa chute.

Je hausse un sourcil.

— Eh bien, Lir', t'es tombé du lit ? rigole Ash.

— Non, maugrée ce dernier avec mauvaise humeur. Juste des escaliers.

— Ça, on avait remarqué, me moqué-je. Et ça veut dire que tu es tombé des deux.

— C'est bon, fichez-moi la paix, grogne Lirian en attrapant une assiette qu'il remplit de purée de racine de karniss. J'aimerais bien manger en paix, si c'est possible. J'ai besoin d'énergie.

Du coin de l'œil, j'aperçois mes parents quitter la pièce, main dans la main.

— D'énergie ? Mais d'énergie pour quoi ? Pour supporter l'éventuel drame de ne pas être dans la même classe que tes amis ? observe Ashlyn en haussant un sourcil, tandis que je déguste mon dernier boumobeurre avec le sentiment d'observer une pièce de théâtre. Ce n'est pas comme si la journée qui s'annonce allait être mentalement éreintante. Vous n'allez pas faire grand-chose, à part remplit beaucoup de paperasse. Vos Mentors vont aussi vous rebattre les oreilles sur l'extrême urgence de déclencher un talent cette année. "Vous avez jusqu'au niveau quatre pour obtenir votre talent, sinon...", gronde-t-elle en prenant une grosse voix. C'est à peu près la phrase qu'ils vont vous sortir en boucle. J'espère que tu trouveras vite, mon cher. Histoire de t'épargner les sessions de détection. Je suis tellement contente de ne plus avoir à subir ça !

J'étouffe un rire devant la petite scène de théâtre de ma sœur. Bien qu'elle ne soit pas Polyglotte, elle a toujours été douée pour les imitations.

— J'ai hâte aussi, crois-moi. Je me demande quel sera mon talent, songe Lirian entre deux bouchées de son plat saupoudré de feuilles d'ombre. J'espère un truc cool. Pas quelque chose de moisi comme l'Empathie ou l'Invocation.

C'est à mon tour de hausser un sourcil. Comment ça, "quelque chose de moisi comme l'Empathie" ?

Eh bien, si je suis effectivement au théâtre, je fais partie des acteurs et il semblerait que ce soit à mon tour d'entrer en scène.

— Je me sens presque insultée, là, fais-je remarquer avec une semi-nonchalance.

Regard peu inspiré de la part de mon frère.

— Je suis Empathe, lui rappelé-je en posant deux doigts sur mes tempes et l'autre main sur mon cœur.

— Oui mais toi c'est pas pareil, dédaigne-t-il d'un revers de la main.

— Et en quoi, je te prie ?

— Toi, t'es une surdouée. Donc, tu ne comptes pas.

— Une surdouée ?

— Bah oui : tu es Empathe déclenchée précocement, avec la possibilité d'avoir deux talents en plus. Le fameux gène muté de quelques femmes de notre famille, tu te rappelles ? Celui qui fait que celles qui le possèdent ont trois talents ? Oui, non ?

— Gna, gna, gna. J'aime pas parler de ça, Lirian, et tu le sais très bien.

— Oh, c'est bon. Tu ne vas pas en mourir.

— Là n'est pas la question ! Je n'ai vraiment pas envie d'en parler. Ça t'arrive aussi, non ? Scoop, la réponse est oui ! Et quand c'est le cas, on insiste pas, je me trompe ? Alors respecte ce choix, s'il te plaît.

— Désolée, Ora...

— Y'a pas de mal, fais-je avec un sourire forcé. J'ai fini de manger. Tu ferais mieux de te dépêcher, toi. On a pas toute la journée. Surtout toi. Tu es encore en pyjama, pour information. Et vu le temps que tu mets à te préparer en temps normal...

J'esquive la serviette roulée en boule que mon aîné me lance avec un éclat de rire, ma mauvaise humeur déjà oubliée, puis me précipite hors de la salle pour éviter de recevoir de nouveaux projectiles. Une fois remontée dans ma chambre, je vérifie mon sac une énième fois. Quand je suis définitivement sûre de n'avoir rien oublié, je me laisse tomber sur mon lit et attrape le roman sur ma table de chevet. Après quelques minutes à tourner les pages à un rythme régulier, je soupire et lâche l'ouvrage qui s'écrase contre l'édredon, pliant quelques pages au passage. À la vue des feuilles cornées, je grimace et me redresse d'un coup sec. Aucune envie que mon livre s'abîme ! Vite, je déplie les pages et répare les dégâts du mieux que je peux. Puis je me décale et coince le roman sous la pile de livres qui attendent sur ma tale de nuit.

J'entends alors quelqu'un frapper à la porte.

— Entrez ! m'exclamé-je.

Le battant s'entrouvre pour laisser apparaître la tête blonde d'Ashlyn, qui pénètre dans la pièce, et s'assoit en tailleur sur l'épais tapis. Depuis que je suis sortie de la salle à manger, mon aînée s'est changée. Elle a enfilé l'uniforme du niveau 5 de Foxfire. La broche de rubis en forme de tigre à dents de sabre luit à sa cape, sur le devant de laquelle est également cousu notre blason familial. L'emblème des Argeita représente deux mains en coupe sur fond bleu gris, dont s'échappent des volutes argentées. Notre blason s'accorde remarquablement bien avec les différentes nuances de rouge de son uniforme. Je laisse un sifflement admiratif s'échapper de mes lèvres.

— Tu es magnifique, je complimente doucement Ash. Sérieusement, ton uniforme te va très bien. Beaucoup plus que les années précédentes. Pas que tu n'aies pas été jolie, loin de là ! Mais cette couleur s'accorde mieux avec tes yeux et le blason.

— Merci, fait-elle avec un sourire gracieux. Tu es très mignonne aussi, Ora, ne t'inquiète pas.

— À aucun moment je n'ai dit m'inquiéter pour quoi que ce soit, lui fais-je remarquer en fronçant un sourcil perplexe. Je ne vois pas d'où tu sors ça.

— Oublie ce que je viens de dire, finit-elle par dédaigner en secouant la tête avec légèreté.

Je hausse les épaules, renonçant à comprendre l'esprit parfois compliqué de mon aînée.

— Comme tu voudras.

Je jette ensuite un coup d'œil à ma montre, et me mords la lèvre.

— Pourquoi cette grimace, petite sœur ?

— Il est vingt, on devrait songer à se dépêcher.

— T'inquiète pas, le discours de la principale ne commence qu'à onze heure trente-cinq ! C'est dans un quart d'heure, nous avons largement le temps de partir.

— Prends le risque d'être en retard si tu veux, mais en tout cas, je ne te suivrai pas dans ce projet.

Je m'extrais de mon lit et attrape la sacoche en cuir noir posée contre les pieds de ma chaise de bureau. Je vérifie rapidement qu'elle contient tout ce dont j'ai besoin - feuilles, stylos, quelques cahier au cas où ainsi qu'un boumobeurre si j'ai un petit creux à la récré - et me précipite ensuite hors de ma chambre, sous le regard amusé d'Ashlyn. Ma sœur se relève, s'époussette et retourne dans sa chambre, où elle prend ce dont elle a besoin.

En passant, je jette un coup d'œil dans la chambre de Lirian. Ce dernier, étalé sur le dos sur son lit, pianote sur son transmetteur. Il doit probablement discuter avec ses amis par message. Après tout, ce n'est pas du tout comme si tu allais les voir dans cinq minutes, songé-je avec ironie. Je lui lance de se dépêcher, mais n'obtiens qu'un grommellement peu avenant pour réponse. Je finis par hausser les épaules, et me précipite vers le luminateur 5000 en haut du grand escalier. J'entends un léger cri derrière moi et me retourne, intriguée. Je hausse les sourcils devant le spectacle qui s'offre à moi, un sourire amusé aux lèvres.

Mes frère et sœur ont beau être plus âgés que moi, ils se comportent parfois comme de tels gamins...

Bien le bonjouuuuur !

Oui, je sais, cette fin de chapitre est un peu pourri. MAIS. J'ai des arguments pour ma défense. De base, le chapitre est plus long. Vraiment. Sauf que plus long, ça finit par donner du trop long. Donc j'ai décidé de couper ce chapitre en deux, comme ça ça vous donne un chapitre en plus et moi j'ai déjà un bout de chapitre écrit. C'est pas génial ?

Je vous donne donc rendez-vous dans le prochain chapitre !

Qui est donc à paraître bientôt puisque déjà écrit ;)

Salut !

        Moïra

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