Assis sur l'étagère la plus haute du magasin, Louis se léchait les pattes et les coussinets pour faire sa toilette. Il venait de manger et il avait du poisson partout sur lui, y compris sur les moustaches.

Il détestait cela ; c'était pratiquement le seul inconvénient d'être un chat. Cependant il devait s'y faire puisqu'il lui était impossible d'utiliser des couverts.

À cette pensée, il se rechigna et s'allongea de tout son long sur l'étagère. Il sortit les griffes et ratura le bois pour venir y former des formes abstraites.

- Louis! Je t'entends! On a dit pas sur les meubles. Johanna cria depuis la réserve.

Louis soupira et arrêta son activité. Il posa sa tête sur ses pattes en fermant les yeux pour écouter le bruit de la ventilation.

L'orage avait cessé mais il était toujours sous la forme de chat. Il ne savait pas pourquoi mais il ne s'en soucia pas le moins du monde, puisqu'il continuait de se prélasser près du chauffage.

Il ronronna paresseusement à la sensation de son pelage chaud.

Cependant le calme qui régnait dans la boutique fut vite interrompu par un cri de Johanna.

- Louis, ils arrivent! Cache toi. Johanna arriva, paniqué.

Louis fronça les sourcils mais comprit bien trop vite de qui elle parlait. Il se mit debout prêt se cacher, quand la porte de la boutique s'ouvrit, provoquant le feulement de Louis.

- C'est trop tard. Johanna chuchota, mais, grâce à son ouïe, Louis l'entendit. Ne bouge pas.

Le chaton tourna sa tête vers la porte et vit 3 hommes marcher vers la casse comme si le lieu leur appartenait.

L'atmosphère de la pièce devint lourde et étouffante, rien que par la présence de ces gens.

Les oreilles plaquées contre le crâne, Louis s'affaissa contre le bois pour essayer de se faire petit.

Il regarda les hommes, vêtus de noir, regarder partout autour d'eux.

C'était des clients réguliers qui lui fichaient la frousse à cause de leurs auras puissantes et dangereuses. En effet, leurs carrures imposantes semblaient écraser toute autre personne qui oseraient croiser leur chemin.

Ces hommes faisaient toujours peur au petit chaton car ils achetaient des produits que personne n'achetait d'habitude : des produits qui menaient souvent à la mort. Et il savait que ce n'était pas pour tuer des taupes envahissantes dans leur jardin.

Ses poils se hérissaient sur son corps à cette pensée. Ses trois hommes ne faisaient rien dans la légalité.

Johanna en avait également peur, mais pas pour cela non, c'était pour quelque chose de beaucoup plus sombre.

- Johanna, quel plaisir de te revoir. Le plus grand des trois s'avança pour lui faire la bise.

Johanna prit son sourire professionnel et le regarda dans les yeux, pour montrer qu'elle n'était pas du tout impressionnée.

Chose qui était rare, puisque quand il vous regardait c'était toujours avec le même regard, un regard glacial et méchant, au point même que personne n'osait le regarder fixement.

- Bonjour, Oscar, que puis je faire pour toi?

L'homme aux cheveux noirs corbeaux recula et fit courir ses doigts sur l'étagère près de la caisse.

- Et bien je vais te prendre comme d'habitude, des sirops euthanasiques, des vers anesthésiants et des sprays de la vérité, s'il te plaît.

Johanna hocha la tête et se dépêcha de chercher les produits en rayons. Oscar la suivit de prêt pour contrôler le moindre de ses faits et gestes.

- Autres choses ? Johanna toussota en évitant de regarder dans la direction de Louis.

Oscar sourit malicieusement, comme il le faisait tout le temps, et Louis cacha son visage entre ses pattes, pour éviter de couiner tant il était effrayé.

- Est ce une vraie question, Johanna?Il se colla derrière elle, et glissa les cheveux de cette dernière vers un seul et unique côté pour murmurer à son oreille : As tu enfin réussi la potion que tu m'as promis il y a des années de cela ?

Johanna déglutit sachant pertinemment de quoi il parlait.

- Non...elle est si dure à faire. Cela bafoue les lois de la nature, la magie est incontrôlable.

Oscar s'éloigna de la maitresse de Louis et regarda ses deux compères avant de la regarder de nouveau.

- Et bien contrôle là, je te payerai le double c'est pas un souci.

- L'argent n'est pas le souci. Johanna prit les produits et les déposa sur la caisse en essayant de garder un visage impassible.

- Motive toi, je sais pas. Imagine si on arrive à transformer des humains en animaux ou à donner vie à des objets ! Il continua en ouvrant ses bras en grand comme s'il prononçait le discours du siècle. On pourra les utiliser pour accomplir de grande chose et on sera riche.

Louis ouvrit les yeux et montra les dents en grognant silencieusement.

En effet, Louis n'était pas dupe et, au fils des années, il avait fait le rapprochement entre la potion et Oscar.

Louis était devenu humain car sa mère voulait créer cette potion pour cette homme, et le chaton avait plongé malencontreusement dedans.

Et si Oscar l'apprenait, il le prendrait sûrement de force pour l'utiliser contre son grès. C'était pour cela que Jay le gardait caché.

- Je sais mais je n'y arrive pas. Johanna brisa le silence pesant.

Oscar soupira et claqua sa langue contre son palais plusieurs fois en secouant la tête.

- Ah oui ? Pourtant mon instinct me dit que tu mens.

Johanna calcula le prix total des produits et se redressa pour se grandir. Elle soutint le regard d'Oscar, tout en cachant ses traits crispés.

- Pourquoi je te mentirai? Ça te fera trente-six euros.

Oscar haussa les épaules et paya.

- Je sais pas. Il mit ses mains à plats sur le comptoir et se pencha dessus pour dominer Johanna. Mais si tu me mens, tu sais ce qui t'arriveras ?

Johanna déglutit et hocha la tête. Oscar sourit malicieusement et récupéra ses produits.

- Bien. Ce fut un plaisir de faire des affaires avec toi. Comme toujours.

- Moi de même.

Il tourna les talons et sortit du magasin avec ses deux compères qui le suivaient partout.

Johanna soupira et s'assit sur la chaise, ses épaules s'affaissant.

Ayant le chemin libre, Louis sortit de sa cachette et sauta sur le bureau. Johanna sourit en le voyant et lui gratta l'arrière des oreilles du chaton et ce dernier se mit automatiquement à ronronner.

- Le monde est si dangereux, Louis, et j'ai bien peur qu'un jour je n'aurais plus assez de force pour te protéger.

- Miaou. Louis s'assit et fit la moue.

Johanna soupira et embrassa le front de Louis.

- Oui. Tu dois apprendre à contrôler tes transformations, au plus vite, pour te camoufler aux yeux de tout le monde. Mais c'est pas gagné.