Chapitre 28
C'était un jour, aussi froid que les précédents, cependant, Keena avait de la chance car pour le moment, elle exécutait sa ronde dans le centre commerciale, toujours aussi lumineux, respirant la gaieté et chauffé comme il faut pour satisfaire les clients. La sentinelle marchait de son pas solennelle mais tranquille, quand soudain son regard fut attiré par deux silhouettes qui lui semblaient familière malgré la distance. Tout en les suivant du regard, elle chercha pourquoi elles lui parlaient, cela ne lui demanda que très peu d'effort et fit tilt très rapidement lorsqu'elle aperçut leur visage.
Oh ! Non, ce n'est pas possible. Je les trouve enfin !
Aussitôt, elle se mit à courir derrière eux, en les appelant.
-Papa, maman. Elle fit encore quelques mètres et recommença. Papa, maman.
Mais ni l'homme, ni la femme ne répondirent à ses appels. D'emblée, elle comprit son erreur, les galeries grouillaient de monde, et n'importe qui aurait pu être un père ou une mère. Ce n'était donc pas la meilleure façon de les interpeller. Sitôt, elle reprit de manière plus personnel.
-Jonathan, Emma, cria-t-elle dans leur dos en se précipitant à leur trousse pour les rattraper.
A ces noms, le couple se stoppa et se retourna, cherchant du regard qui les appelait. Ils virent la sentinelle venir vers eux d'une allure pressée et déterminée. Ils se regardèrent surpris et attendirent que la soldat arriva à leur hauteur.
-Bonjour.
-Bonjour, répondirent-ils ensemble.
-Vous êtes bien Emma et Jonathan, interrogea Keena.
-Oui, c'est bien nous répondit l'homme. Pourquoi, il y a un problème ?
-Non, du tout. Je viens vous voir car ... Sa phrase mourut sur ses lèvres, car d'un coup elle se rendit compte qu'ils n'avaient aucune réaction face à elle.
Peut-être, est-ce normal après tout. J'ai eu une permission il y a peu, et ils sont peut-être habitués à être sans nouvelle de moi, pendant des mois.
Néanmoins, ce manque de réactivité la perturba, mais aussitôt, elle pensa qu'il étaient sûrement connectés à la puce, comme tout le monde ici, ce qui expliquerait leur manque d'émotions en la revoyant. Cependant, la têtue qui sommeillait en elle, ainsi que l'insatisfaite la conduisirent à poser la question suivante :
-Vous ne me reconnaissez pas, n'est-ce pas ?
Les deux amants se regardèrent avec incompréhension, puis la regardèrent.
-Euh ..., non désolée, nous devrions demanda Emma confuse, avec un regard bien veillant et plein de douceur.
-Mais c'est moi, Keena, s'exclama-t-elle choquée et un soupçon en colère, oubliant totalement qu'il ne s'agissait pas vraiment de ses parents.
-Je suis vraiment désolée, mais nous ne connaissons pas de Keena, n'est-ce pas chéri dit-elle en se tournant vers son mari, afin qu'il lui vienne en appui.
Son cœur fit un double huit, ainsi que son estomac. Ces mots étaient trop durs à entendre et encaisser pour elle. Déçue par la pensée que ses parents l'aient oubliée. N'y croyant pas une seconde, elle sonda leur regard ; le cœur battant, attendant qu'une chose : qu'ils déclarent que c'était une blague. Mais rien ne se passa et la sentinelle se sentit submergée par les émotions. Comme une envie de pleurer, qu'elle retient pour ne pas passer pour une dingue, mais aussi de la tristesse de savoir que personne ne l'attend, ni la recherche. Une colère grandissante, face à cette situation. En colère contre elle, contre eux, contre le monde entier. Ce sentiment tellement présent au fond de ses entrailles, que la calme et posée jeune femme se transforma en une terrible et agressive furie. Ses yeux lancèrent des éclairs, de sorte qu'on aurait cru voir Méduse, et quiconque aurait été là, aurait eu peur de se retrouver pétrifier. Son cerveau n'avait plus le moindre contrôle sur elle.
-Mais je suis Keenaaaaaa....... , par la queue du diable, cria-t-elle. Comment pouvez-vous m'avoir oubliée. Je suis votre fille bon sang.
-Pardon. Notre quoi ?
-Votre fille, fille, fille, s'égosilla-t-elle à répéter en boucle, comme une folle possédée. La colère et la frustration s'étaient tellement emparées d'elle, que ses yeux vert-bleus virèrent au bleu pâle, puis quasi-transparent.
Ces émotions devenant aussi dangereuses pour elle, que pour le couple, une sauveuse intervint dans ce raffut qui risquait d'ameuter les autres sentinelles sur place.
-Keena, calme-toi, dit la femme en l'attrapant par l'arrière lui bloquant les bras le long de son corps et l'emmena un peu à l'écart. Ne vous inquiétez pas, tout va bien, dit la brune au couple tout en s'éloignant. Ne bougez pas, nous revenons dans quelques minutes, compléta-t-elle en maintenant comme elle put la jeune femme qui se débattait comme un animal qui avait la rage.
Le couple bien docile et respectueux des ordres donnés par les exécutants de la loi de leur chère ville, ne sourcillèrent pas d'un poils et attendirent sagement que le duo de femmes revinrent vers eux. Alors qu'à l'autre bout, Kate lâcha la sauvage.
-Hé, mais qu'est-ce qui te prends, calme-toi.
-Je ne peux pas. Ils m'ont oubliée, ce n'est pas possible. Je refuse d'être sans famille, une orpheline. ... D'être seule, avoua-t-elle dans un cri de désespoir et de colère.
-Calme-toi, lui répéta la jeune femme, en la tenant par les épaules. Respire. Prends une grande inspiration.
Keena inspira et expira un grand coup, puis recommença encore et encore, la tension descendit un peu, quant à ses yeux, ils n'étaient plus translucides, mais d'un joli bleu pâle.
-Allez, continue. Prends d'autres grandes inspirations. Tes yeux commencent à redevenir presque normaux, c'est bon signe.
-Oh ! Non, mes yeux, s'exclama la survolté, en cachant ceux-là d'une main, tandis qu'elle prenait conscience de la gravité de son acte du moment.
-Non, non, calme-toi, tout va bien, la rassura Kate, en lui enlevant la main des yeux. Je suis arrivée à temps. Souffle. Inspire. Keena obéit. Ne t'avais-je pas prévenue sur le fait que tu ne les trouverais pas ?! Et quand bien même si tu avais la chance de les rencontrer, ne t'avais-je pas mise en garde sur le fait qu'ils ne seraient pas vraiment eux ?!!
-Si, mais je ne peux pas le croire. Je veux qu'il me le disent de leur bouche. Tout ça ... n'a pas de sens.
-Ce monde n'a pas de sens ma grande, mais tu le découvriras bien assez vite.
-....
-Très bien ! On va y retourner ENSEMBLE, mais calme-toi et prépare-toi à entendre des choses qui ne vont pas te plaire.
Keena souffla un grand coup. Inspira. Souffla. Inspira. Souffla. Elle continua encore plusieurs fois de suite, lorsqu'elle se sentit mieux, elle regarda Kate et dit :
-Comment je suis ? Ça va ?
-Impeccable. Une vraie winneuse. On peut y aller.
Elles se dirigèrent de nouveau vers le couple.
-Bonjour, excusez-nous pour ceux petit incident, ma collègue a parfois quelques crises, du à un trauma déclenché lors de l'une de ses missions, mais rien de grave, je vous rassure. Nous vous interpellions de base pour un sondage pour la C.R.O.P.
-Oui, bien sûr, avec plaisir.
-Nous vous écoutons.
-Bien. C'est un sondage afin de mieux connaître la population qui compose notre ville et dans le but de répondre au mieux à leurs besoins et demandes.
-D'accord.
-Tout d'abord : nom, prénom, âge, adresse. Le basique quoi.
-Jonathan et Emma Strengthen One. Quarante et trente huit ans pour madame.
-Strengthen One, répéta Keena, surprise par l'ajout de fin.
-Oui, c'est bien ça.
-D'accord, très bien, je note, dit-elle en regardant Kate du coin de l'œil, comme une sorte d'appel à l'aide intérieur.
Le reste du sondage, qui n'en était pas un officiellement se poursuivit dans le calme et sans grabuge. Ainsi, la jeune soldat put obtenir toutes les informations qu'elle recherchait afin de mieux comprendre son histoire, le tout mélangé à d'autres contenus liés à leur bien être pour ne pas paraître trop suspect. Au cours de celui-ci, elle apprit l'adresse de ce charmant et adorable couple, ainsi qu'ils avaient un fils et non une fille, ce qui donna tout son sens au fait qu'il ne l'ait pas reconnue. Elle découvrit d'autres éléments, qui l'intéressait bien moins, comme le fait que Jonathan enseignait à l'institut pour les plus grands, tandis que sa femme était femme au foyer. Elle eut connaissance également que cette famille aimait un certain confort, cependant, ils savaient tous deux s'en passer, si cela était nécessaire à leur survie. En soi, le questionnaire ne révéla pas grand chose d'exceptionnelle, c'était une famille tout ce qu'il y a de plus classique.
A la fin de cette échange riche en informations diverses et variées, Keena et Kate remercièrent le couple pour le temps qu'ils leur avaient consacrées et les congédièrent. Après un au revoir, en bonne et due forme, le couple repartit de leur côté, vaquant à leurs occupations, tandis que les deux femmes reprirent leurs discussions par rapport aux mises en garde et la preuve de celles-ci, grâce aux réponses recueillies.
Keena bien que fort déçue et triste de ce qu'elle a découvert, dut bien reconnaître que Kate lui avait belle et bien dit la vérité, depuis le début et s'excusa d'avoir douté d'elle. Néanmoins, elle lui expliqua que même si elle lui disait toujours la vérité, il lui sera toujours nécessaire de chercher ou d'avoir une preuve en appuie de ses dires. Cette soldat étant une vraie Cartésienne, ne pourra jamais accepter des dires sans vérification. Cela était impossible pour son sens logique aiguisé et à l'affût du moindre petit détail qui pourrait mettre par terre une explication.
La sentinelle la remercia également de lui avoir sauvée la vie. Elle fut bien consciente après coup, que si Kate n'était pas intervenue, il aurait pu se passer n'importe quoi. Si une autre sentinelle l'avait vu en pleine démence, il aurait lancé une intervention sur elle ; ou bien si le couple avait capté qu'il y avait un problème, ils auraient lancé un appel à l'aider pour la dénoncer comme DÉVIANTE. Mais non grâce à Kate, rien de tout ça n'était arrivé. Mais Keena s'inquiétait quand même, elle avait peur que certains aient perçu sa crise, ou pire encore qu'on ait vu ses iris changer de couleur. Ayant fait part de ses inquiétudes, sa nouvelle amie la rassura et la calma, une fois les tensions apaisées et descendues, elles partirent chacune de leur côté.
Sa ronde finit, Keena rentra à la C.R.O.P les pensées agitées comme bien souvent ces temps-ci. Bien qu'elle eu des réponses à ses questions, de nouvelles lui vinrent. Elle se demandait comment ce couple pouvait autant ressembler à ses parents, sans distinction possible, pas comme Sarah et John qui pourtant leur ressemblaient également trait pour trait, mais il y avait un petit on ne sait quoi, qui faisait la différence dans le cœur de la jeune femme. Alors que ce couple, pas du tout, mise à part une apathie hors norme. Mais la sentinelle savait que cela était du à la puce.
Alors qu'elle était presque arrivée à la base, la frustration et la colère commencèrent à monter une fois plus en elle. Se contenant comme elle put, elle franchit les portes d'entrées, monta en direction de ses quartiers via les marches plutôt que l'ascenseur pour avoir plus de temps pour faire retomber la pression. Mais alors qu'elle n'a franchi les portes des quartiers seulement depuis quelques mètres, la vague de colère qu'elle contrôlait jusqu'alors s'empara d'elle. Comme un rouleau envelopperait un surfer. La colère prit le pas sur elle. Keena perdit tout contrôle et donna un violent coup de pied dans le mur.
-Hé, Jacky Chan, y a une salle de sport avec des sacs, si tu as envie de cogner. Va pas nous détruire nos locaux, lui cria un grand brun à l'autre bout du couloir.
Cette voix remit aussitôt les neurones de la sentinelle à l'endroit, se sentant mal d'avoir était prise sur le fait. Ses esprits récupérés, elle regarda l'homme qui marchait.
-Hé, mais je te reconnais, toi.
-Manquerait plus que ça que tu ne me reconnaisses pas, dit-il en s'arrêtant devant une porte, tandis que Keena le rejoint. Dis-moi, qu'est-ce qu'il t'a fait ?
-Qui ça, demanda-t-elle, sans comprendre.
-Bah, le mur pardi. Pourquoi tu le frappes comme ça ?
-Ah ! Oh ! Euh ... pour rien, finit-elle par répondre.
-Tu es très mauvaise menteuse, tu le sais ça, rétorqua-t-il taquin.
-Quoi ? Non.
-Tu as encore tes iris toutes pâles, jeune fille. Faut apprendre à se détendre tu sais. Sinon je ne donne pas cher de ta peau dans ces locaux.
-Hum...., fit-elle d'un air renfrogné, sachant qu'il avait complètement raison.
-Au fait, on ne s'est jamais présenté. Moi, c'est Jensen et toi ?
-Keena, enchantée, compléta-t-elle en lui tendant la main.
-Enchanté Keena, répondit-il à son tour en lui serrant la main. J'allais justement rejoindre les autres, tu veux venir, comme ça on se présentera tous.
-D'accord, accepta-t-elle tout simplement.
-Allez, viens petite.
Il ouvrit la porte et s'effaça pour la laisser entrer, puis entra à son tour et ferma la porte derrière lui.
-Yo les gars, regardez le petit chaton que je vous ai amenés, qui errait dans le couloir.
Les deux garçons levèrent le nez à la recherche d'un chaton, mais leur regard tombèrent sur Keena.
-C'est ça ton chaton mec ?! Ah ah ! Très drôle, s'exclama le plus âgé des deux hommes.
-Oh ! Ferme-la, et sois correcte quand je ramène du monde, s'il te plaît.
-Toi, ferme-la, et me dis pas ce que je dois faire.
-Bon, bah le grincheux, c'est Ashton, dit-il à la sentinelle.
L'homme était un grand brun, aux yeux marron orangés, très orangés, ce qui avait fait peur à la sentinelle la première fois, mais après coup, le regardant dans les yeux, elle se dit que son regard n'était pas si effrayant mais plutôt captivant. Elle n'avait jamais vu des yeux pareils, et resta hypnotisée quelques instants par ceux-là.
-Hé, gamine, t'inquiète pas, il mord pas tu sais, dit-il pour la détendre voyant qu'elle ne décrochait pas du jeune homme. Et puis en vrai, c'est pas un grincheux, ce mec est d'un calme olympien et d'une intelligence inimaginable. Mais pas autant que notre cher geek du groupe, poursuivit-il en pointant le plus jeune sur l'ordinateur. Il s'appelle Hori.
La sentinelle tourna la tête de l'autre côté de la pièce et vit un homme un peu plus jeune que ses deux amis, il semblait plutôt grand même en position assise. Malgré qu'il soit présenté comme un geek, on devinait très vite que ce jeune faisait beaucoup de sport, il faisait partie de ce groupe de sportif : musclé et sec. Il avait lui aussi un physique tout à fait atypique. Ses cheveux étaient blancs, Keena se demanda aussitôt si c'était une décoloration ou du à un problème de dégénération des cellules qui lui avait fait perdre sa pigmentation du cuir chevelu. Elle se posa encore davantage de questions sur lui, quand elle aperçut ses yeux vairons, un œil bleu très pâle et un autre marron, virant presque sur du rouge. Ce contraste était tellement surprenant que la jeune femme fit un bon en arrière en les voyant, surtout que se regard très explosif était accompagné d'une cicatrice à l'arcade gauche juste au dessus de l'œil marron-rouge.
-Hé ! No, panique, rassura Jensen en la rattrapant par le bras. Il ne te fera rien, il est gentil. C'est vrai qu'au début ça a été difficile pour lui ici, c'est un nerveux, hyper-actif, mais on a réussit à le canaliser grâce à l'informatique, maintenant il passe ces journées dedans. Tu veux des informations, tu viens le trouver, c'est un vrai disque dur sur pieds, je te jure. Ce mec est extraordinaire, conclut-il d'une voix douce et sincère.
-Il a l'air, dit Keena sur un ton peu sûre d'elle et méfiante.
-Mais oui, allez, fit Jensen en lui donnant un petit coup d'épaule sur son passage. Assis-toi, tu as la chaise, le lit ou un des pouffes, tu as le choix.
Sans rien dire, elle se dirigea vers l'un des pouffes et s'y installa, le beau métis prit l'autre situé juste à côté.
-Bon, si tu nous racontais ce qui t'as mis dans l'état ou je t'ai trouvée, l'invita le maître de soirée.
À ces mots Ashton et Hori se rapprochèrent pour participer à la conversation. Keena commença alors son récit sur la recherche de ses parents infructueuse, puis la rencontre avec ceux-là au beau milieu du centre commercial, alors qu'elle n'y pensait plus. Enfin, son désarroi et sa colère face à des parents qui leur ressemblaient tellement et pourtant qui n'étaient pas eux.
Suite à ceux-là, le groupe de garçons partagèrent ce qu'ils avaient découvert depuis qu'ils sont DÉVIANTS : la puce dans le cou, recouverte d'un tatouage, identique pour tout le monde. Les émotions qui les submergent, accompagnés de la couleur des yeux qui changent. Le fait qu'ils savaient qu'ils n'étaient pas d'ici, mais ils ne savaient pas très bien d'où ils venaient, ni pourquoi on les avait enlevés de là-bas. Ils se questionnaient d'ailleurs sur : « Y avait-il un pays ou au moins une autre ville quelque part, d'où étaient-ils originaires ? » . Keena se posait les mêmes questions : avait-elle été enlevée ? Et si c' était le cas, d'où venait-elle vraiment ? Ce qui expliquerait bien des choses. Après tout, cela était plausible.
La jeune sentinelle poursuivit l'échange, en leur apportant les quelques informations qu'ils n'avaient pas comme le fait qu'il y avait des groupes : Hybride et CIVIL. Enfin, tous se mirent d'accord sur le fait que cette ville avait quelque chose qui clochait et qu'être des DÉVIANTS était dangereux pour eux, et qu'il ne fallait surtout pas qu'ils se fassent prendre.
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