Chapitre 27

                                         QUELQUES JOURS PLUS TARD

      Keena assise à la deuxième chaise d'une table pour six, elle-même accolée à une table similaire, prenait son déjeuner face à l'entrée du réfectoire et du service à volonté. Ce matin, la sentinelle n'avait pas de patrouille, alors elle s'était habillée un peu plus décontracté qu'à l'habitude. Elle était vêtue d'un treillis gris et d'un tee-shirt par dessus lequel, elle portait une veste doublée polaire, le tout de la même couleur que le bas. Ce haut avait la fermeture Éclaire remontée à mi-hauteur. Pour clore son look, la soldat avait chaussé ses Rangers noires. Quant à ses cheveux, elle ne s'était pas embêtée à faire le fameux chignon strict. Elle s'était contentée de faire une queue de cheval à la va vite. Celle-ci n'était pas parfaite, mais maintenait l'ensemble de sa chevelure rouge, à l'exception de son épaisse mèche de feu, qui descendait jusqu'au milieu de son visage. Cette longue mèche était coiffée sur la gauche, trop courte pour être dans la queue de cheval, sans l'aide d'une barrette qui la tienne en arrière, mais suffisamment longue pour lui cacher les yeux.

      Keena touillait son bol de céréales sans grande convictions et par mécanisme, tandis qu'elle était perdue dans ses pensées.

      Elle faisait défiler toutes ses démarches infructueuses et toute les informations trouvées, pour la énième fois, tout en sachant que cela ne l'aiderait pas plus à trouver des solutions.

      Quand soudain, la voix de deux hommes la sortit de ses pensées. Alors elle leva les yeux vers le duo bruyant et les fixa. L'un d'eux était un grand brun, les cheveux long d'environ trois centimètres, des yeux verts océan, magnifiques ; qui contrastaient parfaitement avec son métissage. En plus, d'être grand celui-ci était également musclé. Quant à son compagnon, c'était également un grand brun, mais d'un tout autre genre. On ne voyait pas sa musculature saillante se dessiner sous ses vêtements, cependant, on voyait qu'il en avait. Contrairement à l'autre qui semblait être un nerveux, puisqu'il ne cessait de taper sa cuillère sur son plateau tout en discutant, l'homme aux yeux de braises, lui semblait très calme, et on pouvait lire à son expression qu'il avait une certaine intelligence. Néanmoins, Keena dévia très vite son regard, quand le jeune homme leva les yeux vers elle. Son regard était peu commun. Il avait les yeux orangé, presque de la couleur de l'ambre, avec un léger cercle autour noisette. L'homme n'était pas méchant, mais sa couleur très atypique et l'expression de celui-ci, faisait toujours le même effet la première fois qu'on le croisait. Il inspirait de la crainte, de la peur.

      Bien que la sentinelle avait baissé son regard vers son déjeuner et qu'elle ne se voulait pas indiscrète, la conversation des deux hommes l'avait happée et elle les écoutait en toute discrétion de sa table. Bien qu'une table plus loin, elle entendait parfaitement leur propos, dit un tant soin peu trop fort, sûrement dû à leur inquiétude et leur énervement mutuel.

-C'est quand même étrange, qu'on ne l'ait pas revu, affirma le métis. Tu penses qu'il est où du coup ?

-Je t'avoue que je ne sais pas, mais ça ne m'inspire rien de bon. Il se passe quelque chose, c'est sûr.

-Merci, génie. Mais ça j'avais pas besoin de toi pour le me dire.

-Ah bon ?!! Pourtant, tu viens de me demander mon avis à l'instant, non, rétorqua l'autre avec sarcasme et humour.

-T'es vraiment con, lança son ami, en le poussant à l'épaule.

      Keena commença à réfléchir à qui est-ce qui à bien pu disparaître, depuis quelques jours. Cependant, c'était mission impossible pour elle, car elle ne connaissait au final personne dans cette base. Elle n'avait pas d'amis, et elle était tellement concentrée sur ses propres problèmes, comment aurait-elle pu remarquer quoi que se soit. Tout en réfléchissant, instinctivement sa tête se redressa vers les deux soldats. Elle n'écoutait plus ce qu'ils disaient, elle se contentait de les dévisager avec insistance. Quand soudain, cela lui fit tilt. Elle reconnut les deux hommes, elle les avait déjà observés quelques semaines plus tôt, alors elle chercha pour se souvenir où et surtout pourquoi leurs visages lui semblaient si familier.

      Après quelques minutes, qui lui ont paru une éternité, elle les remit. C'étaient deux des trois amis de Roc, lors de la bagarre au réfectoire, il y a quelque temps.

      Alors elle recommença à se questionner :

      Qui a disparu ? Leur troisième compère ? Ou bien Roc ?

      Trop curieuse et prise d'un élan de courage elle se leva et alla à la table voisine, où se tenait les deux amis.

-Bonjour, dit-elle plus très sûre d'elle. Mais aucun des deux ne lui prêta attention. Alors elle recommença. Hum Hum, fit-elle en se raclant la gorge, excusez-moi, ajouta-t-elle. Là, les deux compères la regardèrent et lui firent signe de partir. Alors la jeune sentinelle, n'insista pas et retourna à sa place.

      Elle bougonna intérieurement quelques minutes, puis se releva une seconde fois et retourna vers eux, bien décidée.

-Bonjour, leur dit-elle pour la seconde fois. Mais toujours pareil, ils ne la remarquaient même pas.

      Alors elle prit les choses en mains, elle s'assit à leur table et commença :

-Je suis désolée de paraître aussi intrusive, mais soit vous ne me voyez pas, soit vous ne voulez pas me voir. Quelle qu'en soit la raison, le résultat est le même, c'est un fait.

      Les deux hommes abasourdis par l'entreprise et le monologue de la jeune femme la regardèrent hébétés, tout en se jetant des coups d'œil.

-Je vous ai entendu parler de votre ami, qui ne semble plus sortir de sa tanière et que vous trouvez ça étrange. Alors je voulais savoir, s'il s'agissait de Roc, et si sa disparition datait depuis la querelle ici-même de l'autre fois ?

      Les soldats outrés par son culot se regardèrent et d'une entente commune et silencieuse, chassèrent Keena.

-Non, mais t'es qui toi, ça te regarde pas, retourne à ta table déjeuner et laisse-nous tranquille, dirent-ils en cœur en poussant gentiment la jeune femme, vers sa table.

      Choquée par leur réaction, elle ne demanda rien d'autre et repartie à sa place finir son repas.



      Tandis que la jeune sentinelle poursuivit son déjeuner tranquillement et quelque peu vexée, les deux amis continuèrent leurs échanges.

      L'homme au regard d'ambre eu soudain des remords à l'avoir chassée ainsi, et se demanda s'ils avaient bien fait de faire cela. Son camarade ne comprit pas sa réaction, pour lui, ils avaient réagit comme il fallait. Ce dont ils parlaient ne regardait personne et surtout cela devait rester secret, car si quelqu'un venait à découvrir tout ce questionnement et leur comportement. Ils savaient tout deux, que bientôt eux aussi disparaîtraient et ils voulaient l'éviter autant que possible. Pourtant, la sentinelle au regard chaud ne le lâcha pas et le fixa droit dans les yeux. Un regard très insistant. Son ami savait très bien que lorsqu'il avait ce regard intense c'était qu'il y avait quelque chose. L'homme musclé capitula et lui demanda alors dans un grognement d'animal de développer sa pensée.

      Son compagnon lui demanda de la regarder et de voir ci cette jeune fille, ne lui disait pas quelque chose. Malheureusement, par esprit de contradiction ou parce qu'elle ne lui disait vraiment rien, il grogna de nouveau pour faire comprendre sa frustration et la négation. L'autre homme souffla désespéré en baissant la tête vers le sol, puis planta son regard de nouveau sur lui. Il détailla la jeune intrépide auprès de son ami en soulignant les traits comme sa chevelure rouge, sa silhouette filiforme et de toute évidence son caractère bien trempé de par son culot, sa curiosité et son espièglerie général.

      Il attendit un instant. Le métis observa la rouquine et cogita sur ce qui venait de lui être dit.

      Perdant patience, il allait dénouer le sac de nœuds qui semblait remplir la tête de son acolyte, quand l'autre percuta enfin. Le regard exorbité. Il comprit que la jeune femme était celle dont Roc leur avait parlé. Cette jeune sentinelle fraîchement arrivée depuis quelques semaines, n'était pas passé inaperçue pour le grand costaud. Il avait même un flair très fin et la soupçonnait d'être une de ces DÉVIANTES.

      Ils se jetèrent des coups d'œil puis fixèrent Keena. Les allers-retours de leurs œillades ne cessèrent pendant quelque instant. Sans dire mot, les deux amis pensaient à la même chose, était-elle vraiment DÉVIANTE. Pour trouver leur réponse, ils l'observaient, la détaillaient, épluchaient le moindre de ses gestes, le moindre de ses regards, la moindre de ses attitudes et repensaient à tout à l'heure.

      Ils finirent par reprendre leur conversation et se mirent d'accord sur le fait qu'un soldat qui écoutait les conversations des autres, ce n'était pas courant voire inexistant. Ensuite, cette petite ne s'était pas dégonflée, elle eu le cran de revenir une deuxième fois à la charge pour leur parler. En général, les brigadiers ne cherchaient pas trop à rentrer en communication sauf pour le travail et revenaient encore moins à la charge après avoir était éjecté aussi violemment. Enfin, il était indéniable que cette jeune sentinelle était intelligente et avait de la réflexion pour réussir à croiser les informations à sa disposition et en conclure que l'homme disparu pouvait être Roc. D'autant plus, qu'ici personne ne faisait attention aux arrivées ou aux départs des soldats. Seule une possible DÉVIANTE pouvait avoir se genre de spéculation.

      Ils se questionnèrent sur quoi faire. Après un instant à la considérer, à l'unisson ils choisirent de ne rien faire pour s'assurer de la véracité de leurs pensées tout en continuant leur train de vie habituel pour ne lever aucun soupçon sur eux.

      Tout en repartant du réfectoire, ils terminèrent leur dialogue en disant qu'ils devraient mettre au courant leur cher Geek de tout cela.




                                                        UN PEU PLUS TARD

                                              DANS L'AILE DES QUARTIERS


      C'est la fin de la journée, Keena revient dans ses quartiers toujours obnubilée par ses pensées. Alors qu'elle venait juste de passer la grosse porte électronique métallisée, qui s'était refermée dans un claquement, elle entendit du brouhaha au loin. Cela stoppa aussitôt le trafique de ses réflexions. La sentinelle avança doucement vers sa chambre, alors qu'elle allait ouvrir sa porte, elle se rendit compte que le vacarme se faisait plus claire et plus fort. Ce n'était plus du bruit inaudible, mais une cacophonie de voix, qui semblaient se disputer. Alors, elle se tourna vers les voix et avança voir ce qui se passait. Au fur et à mesure de ses pas, les voix étaient plus distinctes. Elles appartenaient à des hommes.

      Arrivée à l'angle du couloir, elle découvrit cinq hommes qui se disputaient, ou plutôt qui se braillaient les uns sur les autres, avec un ou peut-être deux d'entre eux qui essayaient de les tempérer.

      Au début, la sentinelle resta à l'écart pour comprendre de quoi il s'agissait, tout en jetant un coup d'œil à droite et à gauche de peur que leur bazar n'ameute tous ceux qui se trouvent dans les quartiers.

      Bien qu'elle était sur ses gardes, elle attrapa quelques morceaux de la conversation.

-C'est votre faute, dit l'un d'eux.

-Non, c'est de la votre, dirent deux autres.

-Si je me souviens bien, c'est Khor qui a commencé à chercher Roc, en lui piquant ses céréales et ses fruits, poursuivit le métis.

      Là, Keena comprit que c'était les deux clans adverses qui se disputaient à cause du combat de l'autre fois. Alors elle se tourna vers eux, et vit leurs yeux à tous translucides, tellement leurs émotions s'étaient emparées d'eux. Aucun d'eux n'y avaient prêté attention, tellement ils étaient obsédés par le conflit et qui étaient en tord.

-Oh ! C'est bon, c'était de l'humour ? C'est pas de notre faute, s'il n'a pas d'humour, renchérit le plus jeune.

-Oh, toi, le gamin, tu es trop jeune, pour comprendre.

-Quoi ? T'as dis quoi ? Retire, ce que tu viens de dire, ou je te démonte grogna le plus jeune.

      Alors que la situation allait déborder, Keena énervée et surtout effrayée à l'idée qu'il se fassent tous prendre, elle y compris, intervint.

-Non, mais arrêtez, vous êtes fous, dit-elle le plus fort possible.

      Mais comme ce matin, personne ne fit attention à elle. Alors elle prit les choses à bras le corps. Il fallait à tout prix arrêter ce massacre. Elle se glissa au milieu de cette bande de fous furieux et cria de toutes ses forces.

-Non, mais ça suffit maintenant. Vous êtes malades ou quoi, hurla-t-elle tellement fort, qu'elle se fit mal à la gorge.

      Les hommes se stoppèrent à peines quelques secondes et reprirent, alors la sentinelle frappa un grand coup dans le mur, au point de le faire vibrer. Là, les hommes se calmèrent et la regardèrent avec un air ahuri.

-Vous vous rendez compte du vacarme que vous faites ? J'avais à peine passé la porte électronique, que je vous entendais déjà. Si je vous entends, tout le monde peut vous entendre. Et vous savez, ce que ça signifie ?

-...

-Que n'importe qui peut prévenir le commandant Nils et que nous pouvons être emmenés comme vos amis. Vous croyez vraiment que c'est ainsi que vous allez les aider ? En vous faisant capturer à votre tour. Réfléchissez ! Par la queue du diable, qu'avez-vous dans la cervelle ?

      Le plus jeune, en entendant l'expression de la sentinelle, se mit à pouffer comme le grand gamin qu'il est. Alors son ami, lui mit un grand coup de coude dans l'estomac pour le calmer.

-Arrête de rire grand bêta. Ce qu'elle dit est complètement vrai. Ce n'est pas en nous renvoyant la balle et en se tapant dessus, que cela va nous aider et régler le problème.

-Exactement, s'exclama Keena. Vous êtes tous pareils, unissez vos forces au lieu de vous diviser.

      Le groupe d'hommes se regardèrent et s'entendirent pour dire que la jeune sentinelle avait raison et qu'ils devaient tous s'entraider, même si cela pouvaient leur coûter et que ça serait dur. Ils finirent tous par se donner une bonne poignée de main, qui concluait un accord de paix et d'entraide entre eux.

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