Alors que la jeune sentinelle marchait tranquillement pour retourner à ses quartiers, afin de profiter du temps libre qu'elle avait avant sa patrouille, elle croisa le chemin de Nils et Sybille.

      Les deux collègues se pensant seuls au milieu des couloirs, discutaient ouvertement de l'un de leurs projets. Aussitôt, l'instinct de détective de Keena se mit en alerte. Ni une ni deux, elle chercha un endroit pour se cacher. Ni trop près pour ne pas être vue, ni trop loin afin d'entendre de quoi il s'agissait. Elle ne trouva pas mieux qu'un petit renfoncement, qui d'un côté donnait sur le couloir principal, tandis que de l'autre côté, il menait à une petite pièce, qui lui était inconnue. Cependant, cela ne la préoccupa pas plus que ça. Installée en position d'espionnage, elle tendit l'oreille et les écouta attentivement.

-Où en êtes-vous dans le projet ? Cela avance-t-il bien, questionna le commandant.

-Cela avance bien, même très bien. Il nous reste juste à insérer les derniers séquentiels d'algorithme pour finaliser le tout. Après, il faudra le tester pour être sûr qu'il fonctionne.

-Très bien. Cela sera donc finit d'ici la fin de la semaine ?!

      Sybille remit ses lunettes sur son nez et chercha ses mots.

-Qui y a -t-il ? Parlez voyons, commença à s'agacer Nils.

-C'est à dire qu'il s'agit d'un long encodage, il va nous prendre encore pas mal de temps, puis il faut le tester. Pour être sûr de sa viabilité, un mois d'observations sur un sujet test est nécessaire.

-Cela ne va pas être possible. La mise en place de ce nouveau dispositif va être nécessaire et très vite. Autant dans nos locaux que pour notre société. Je suis d'ailleurs étonné, qu'il n'y ait pas plus de rapport de l'extérieur.

-Nous allons faire au mieux, commandant.

-Bien.

-Et pour les...

      Keena ne put entendre la fin de la phrase, car le commandant et la docteur qui avançaient tout en discutant, finirent par être trop loin. De plus, l'activation d'ouverture de certaines portes étouffèrent encore davantage leurs voix. Alors l'intrépide décida de s'avancer en toute discrétion.

-... m'en occuperais. Ils seront prioritaire sur la liste.... , si le formatage classique ne marche pas, nous devrons...

      Zut, pensa Keena frustrée de ne pas avoir eu toute la conversation.

      Alors que l'espionne regardait le commandant Nils se diriger vers ses quartiers de sa démarche austère et silencieuse. Sybille, elle, s'en allait en direction de l'aile des laboratoires. C'est alors que Keena ne prit pas la peine de réfléchir et courut à pas feutrés jusqu'à l'entrée du secteur scientifique, qui lui était interdit. Là, tandis que la porte électronique grise se scellait doucement pour rendre inaccessible tous passages, l'aventurière se jeta dans l'ouverture restante sous forme de glissade. Une fois introduite, elle se redressa, observa très rapidement les lieux, afin de déceler un recoin propice pour se dissimuler.

      Une fois en place, Keena suivit du regard la trajectoire de la jolie brune bouclée. Quand, elle jugea la voie libre, la sentinelle commença son excursion au sein de ce lieu, voir ce qu'on pouvait y trouver, mais surtout comprendre sur quoi travaillait le docteur pour que cela semble si important.

      Keena engagea l'examen des lieux, au début elle parcourut de longs couloirs gris tous identiques sans grand intérêt. Puis, d'un coup elle se figea et se cacha, voyant Sybille entrer dans une pièce. Celle-ci avait une petite lucarne au-dessus de la porte. La sentinelle prit bien précaution d'observer tous les alentours, mais cela semblait vide, alors l'espiègle s'élança, prit appui sur un bout de mur, afin de monter ses jambes jusqu'aux petites bordures se trouvant sur la longueur du mur, à mi-hauteur. Alors qu'elle se tenait à l'encadrement du haut de la porte, elle positionna de meilleure façon ses pieds, pour un meilleur équilibre. Le tout en examinant l'intérieur de la pièce. C'est là, qu'elle se rendit compte que cette première pièce servait surtout à entreposer vêtements, blouses, dossiers et matériaux divers. Une sorte de bureau multi-fonctions, un peu désordonné à son goût. En étudiant la pièce, elle aperçut une de ces grandes vitres, qui donne sur une autre pièce, comme celle dans le bureau de la médecin. La sentinelle essaya donc de se pencher comme elle pouvait, pour avoir une meilleure visibilité sur les pièces qui se cachaient derrière. Elle ne voyait pas très bien, mais elle avait l'impression que derrière cette salle, s'en cachaient deux voir peut-être trois autres.

      Attisée par la curiosité, qui se fit d'un coup mordante au creux de sa poitrine et excitée par les possibles découvertes sensationnelles; elle sauta de son perchoir prenant pour entreprise de s'insérer dans le bureau pour voir de plus près ce qui s'y passait.

      Une fois dans la pièce, elle regarda par la grande vitre. La jeune femme aperçut plusieurs ordinateurs avec leurs occupants qui rentraient des tas de lignes incompréhensibles pour elle. D'autres machines étaient visibles, mais Keena ne savait pas à quoi celles-ci pouvaient bien servir.

      Mais sa découverte ne s'arrêta pas là, cette première machinerie donnait encore sur une autre pièce. Elle ne voyait pas très bien ce qui s'y passait et elle semblait même apercevoir une quatrième pièce. Alors qu'elle entreprit de choisir un autre angle de vue, une voix l'appela :

-Mademoiselle Strengthen ?

      Mais cela ne perturba pas Keena, qui poursuivit son observation. Alors une main poignante sur son épaule vint stopper sa lancée insouciante. D'un coup, elle réalisa qu'emportée dans son élan et son enthousiasme, elle en avait totalement oublié d'assurer ses arrières.

      Le geste joint à la parole, l'homme recommença :

-Keena Strengthen, que faites-vous ici, interrogea-t-il de nouveau de sa voix dure.

      La jeune femme se retourna enfin et fit face à l'homme. Elle reconnut immédiatement son commandant et sentit le sol se dérober sous ses pieds tant la peur la submergea. Puis reprenant pleinement ses moyens demanda :

-Comment m'avez-vous appelée ?

-Keena Strengthen. C'est votre nom, il me semble. Mais là n'est pas le propos. Que faites-vous, ici ?

      La soldat ébahie par la découverte de son propre nom, resta plantée comme une idiote à regarder avec de grands yeux l'homme.

-Enfin, qu'avez-vous ? On dirait que vous venez de voir un revenant, s'exclama-t-il grincheux, mais avec un léger rictus de satisfaction.

-Non, rien, commandant. C'est juste que c'est la première fois que quelqu'un m'appelle par mon nom de famille. Ne l'entends jamais, je l'avais oublié.

      Oublier, pensa-t-elle, comment ai-je pu oublier jusqu'à mon propre nom ? Est-ce seulement possible ? Il faut croire que oui.

      Nils voyant la confusion régner en Keena, l'emmena avec lui et la raccompagna jusqu'à ses quartiers, en faisant un détour par le cabinet médical, afin de lui donner quelques tranquillisants pour qu'elle ne pose pas de problèmes.