Chapitre 15
Alors que Keena venait de passer sa nuit quasiment éveillée à cause de ses pensées qui animaient son cerveau en continu ; celle-ci arriva au réfectoire. Elle regarda l'immense salle remplie de tables et en chercha une pas trop pleine pour s'y asseoir. C'est alors qu'elle se rendit compte en regardant visage après visage, que finalement elle ne connaissait aucun de ses collègues. Qui pouvez bien lui vouloir du bien ou être son ami alors qu'elle ne connaissait personne. Cependant, ce n'est pas parce qu'elle ne les connaissait pas, qu'eux ne la connaissaient pas. Elle resta plantée debout un instant à observer les regards, voir si l'un d'eux prêtait plus attention à elle qu'un autre. Mais aucun ne semblait faire attention à elle, ils étaient tous penchés sur leur déjeuner ou bien en pleine discussion avec leurs camarades. La jeune sentinelle reprit donc sa recherche d'une place et alla s'y asseoir.
Sur son plateau se trouvait un grand bol de pétales de céréales mélangés à de petits morceaux de fruits secs (bananes, fraises, mûres). Celui-ci était accompagné d'un grand verre de jus d'orange, de deux tartines de pain beurré surplombé d'une couche de confiture de fruits rouges. Enfin, n'étant pas du tout réveillée après la nuit qu'elle venait de passer, elle y avait ajouté un mug de café bien noir.
Tandis qu'elle commença à manger son bol de céréales, elle se laissa porter par la douce musique du croustillant que fit les céréales sous ses dents.
-Croc carotte, ma chérie ?!
-Oui, dit la fillette avec enthousiasme le sourire aux lèvres.
-Et voilà, la plus jolie des bébés carottes bien épluchée pour ma princesse.
La petite prit la carotte des mains de son père, et la porta à sa bouche en croquant dedans avec ses jolies petites dents de devant comme un lapin : crunch, crunch, crunch, crunch. Son papa la regardait avec attention et rit aux éclat en voyant sa fille imiter aussi joliment le lapin. La petite fière d'elle et heureuse de voir son père rire de bon cœur, recommença une seconde fois, puis une troisième...
-Oh, grogna le baraqué assis près d'elle.
-...
-Ohhhhhhh, grogna-t-il plus fort. Tu m'écoutes ou quoi ?
Keena ne répondant pas, le colosse s'énerva et tapa du poing sur la table, de telle sorte que tout ce qui s'y trouvait trembla dans les plateaux ou firent de minis bonds comme les couverts.
Alors la jeune femme reprit ses esprits. Elle regarda autour d'elle afin de comprendre ce qui se passait.
-Tu m'écoutes là, lui demanda-t-il ?
-Hein ? Oui, fit-elle en se tournant vers lui.
-Tu fais trop bruit en mastiquant, ça m'énerve, mange silencieusement, lui dit-il sur un ton agacé et grognon.
-Oui, pardon, je m'excuse, dit-elle craintive à la vu de l'ogre gigantesque.
-Hé, Roc, calme-toi un peu. Ce sont des céréales, c'est normal que ça croque sous les dents. Laisse-là, tranquille. Regarde, tu l'as complètement effrayée cette pauvre gamine.
Il jeta un regard vers Keena, et vu qu'elle avait décalé son plateau le plus loin qui lui était possible et continua de manger ses céréales le plus discrètement qu'elle le pouvait. Roc, bien que bougon n'était pas un homme méchant.
-Hé petite !
Elle releva la tête en sa direction, le regard plein de méfiance.
-Je fais de mon mieux pour faire le moins bruit, je vous le promets, lâcha-t-elle aussitôt.
Roc se mit doucement à rire en la regardant.
-Non, ce n'est pas ça. Je m'excuse de t'avoir crié dessus comme ça, je n'aurais pas du. J'ai mal dormi et le moindre bruit peut vite me taper sur le système. Je n'aurais pas du m'énerver sur toi comme ça, tu n'y es pour rien. Je m'excuse.
-Merci, répondit-elle avec un hochement de tête.
-Dis, tu manges toute seule ?
-Oui, affirma-t-elle simplement, poursuivant son repas.
-Tu veux manger avec nous ?
-Non, ça ira, je vous remercie.
-Tu es sûr ? On ne va pas te manger, tu sais.
-Oui, sûr et certaine, je vous en remercie. Une prochaine fois peut-être.
-D'accord, comme tu voudras, alors.
La jeune sentinelle fit un hochement de tête avec un petit sourire et termina son déjeuner dans son coin.
Keena marchait tranquillement vers le secteur par lequel, elle est obligée de passer pour sortir en ronde ou même pour une simple balade, quand elle se rendit compte de la foule à cette heure-ci.
Mon dieu, le monde qu'il y a, je n'ai jamais vu autant de soldat au secteur. Pourquoi autant de monde ? Regardant de toute part, puis sa montre. Ah bah oui, j'ai compris, c'est l'heure des changements de gardes de chaque secteur de la ville. Ceux qui revenaient devaient badger leur Digipass pour dire qu'ils étaient bien rentrés, tandis que ceux qui partaient devaient badger leur Digipass pour dire qu'ils s'en allaient et sur quel secteur. Et parallèlement à tout ça, il y avait la passerelle qui elle servait aux soldats en repos, mais qui désiraient sortir dehors pour se balader ou aller voir quelqu'un. Ce passage n'était pas forcement plus simple que l'autre, puisque chaque soldat devait remplir le formulaire électronique qui disait à quelle heure ils partaient et revenaient et où ils allaient. Dit ainsi, on croirait qu'on est fliqué à mort, mais ce n'est pas le cas, enfin si un peu, mais si ce système a été mit en place, c'est surtout pour savoir où se trouve chaque soldat pour si un jour nous avions besoin de renfort en plus de ceux qui sont déjà sur le terrain. Cela ne s'est encore jamais produit, on n'a jamais eu de problème trop grand qui nécessitait toute la réserve de soldats et heureusement, car si c'était le cas cela voudrait dire que notre ville est en guerre et ça, oh grand dieu, combien je ne le veux plus. L'ordre et la paix doivent continuer de régner.
Entre temps, Keena put sortir faire sa ronde.
Cela dit je me rends compte avec tout ce pataquès, sortir demain à 4h du matin, va être mission impossible. Qui peut bien se lever aussi tôt et demander à se balader en pleine nuit de la sorte alors que ce n'est même pas son heure de ronde. Personne ne fait ça. Je vais vite me faire repérer et puis quoi mettre sur le « où je vais ». Je vais à un rendez-vous mystère ? Je vais à la rencontre d'une personne qui me veut du bien ? Non, mais soyons sérieux deux minutes, je n'ai aucun motif valable. Raison de la sortie : Insomnie. Oui, pourquoi pas cela serait la plus plausible et encore, il serait capable de m'emmener à l'infirmerie et de me donner des somnifères et me dire : « voilà allez dormir maintenant ». Non, très peu pour moi. Et quand bien même si j'arrive à sortir sans me faire remarquer, comment vais-je atteindre la zone déserte ? Il y aura forcement une sentinelle de garde, il y en a en permanence. Je vais lui dire quoi, je me promène, je cherche le sommeil. Il va me dire que ce n'est pas un lieu pour me promener, ça c'est sûr. Et pour peu que je tombe sur un soldat pas commode, il va me faire rentrer illico presto ou envoyer quelqu'un pour qu'on vienne me chercher et me ramener à la base. Non, cela ne va vraiment pas être de la tarte pour sortir.
Et puis une fois sortie, qu'est ce qui va m'attendre en plus ? Qui sera au rendez-vous, car pour autant que je sache, je n'ai aucun ami ici. Qui peut bien m'avoir observée autant de la sorte sans que je m'en rende compte, au point de voir que je me pose beaucoup de questions ? Réfléchissons, les seules personnes que je côtoie au quotidien sont : Sybille et Declan.
Ce dernier, ne fait que les rondes avec moi, et m'explique au fur et à mesure les nouvelles tâches à faire. Après, il est vrai que j'ai souvent des absences et ça, il l'a remarqué. Donc ça pourrait être lui, mais pourquoi il ne vient pas me voir directement alors ? Ou pourquoi ne me convoque-t-il pas dans son bureau ? Ça serait carrément plus simple qu'un rendez-vous à la mord-moi le nœud, limite impossible. Il ne faut pas que j'oublie aussi que Nils a des soupçons sur Declan, sur sa façon de faire son boulot. J'avoue que c'était pas très clair. A-t-il des soupçons sur sa façon de bosser ou a-t-il des soupçons quant à son rapport avec la gente féminine ? Car Nils a quand même demandé s'il avait un comportement correct avec moi. C'est à ni rien comprendre en ce qui concerne Nils.
Après, il y a Sybille, elle sait que je me pose des questions, car je lui en ai fait part moi-même ouvertement. Cependant, je sais qu'elle me cache des choses, déjà entre ce qu'elle dit avoir fait à Kate par exemple et ce que j'ai lu dans le dossier, tout diverge. Ensuite, l'autre fois, c'est limite si elle ne m'a pas fuie. Après, peut-être qu'elle a eu peur qu'on nous surprenne, et qu'elle voulait seulement nous protéger toutes les deux. Peut-être que c'est elle, ma mystérieuse amie.
Bref, tout ça ne m'aide pas à savoir comment sortir et qui je vais avoir en face de moi. Et si c'était un piège ? ....
-Keena ?
-...
-Keenaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa !
-Oui, dit-elle en se tournant vers la voix lointaine.
-Enfin, vous voilà, mais qu'est-ce que vous faites encore ici ?
-Quoi, demanda-t-elle sans comprendre, un regard interrogateur.
-Cela fait 30 minutes que je vous cherche.
-Mais pourquoi ? Je fais ma ronde comme c'était prévu, je ne comprends pas le problème.
-Le problème, commença-t-il sur un ton énervé, puis se radoucit aussitôt. Quel était votre créneau horaire de ronde ?
-De 10h à 13h, chef.
-Hmm.
-Quoi ? Je vous jure. Elle afficha son planning et lui mit sous les yeux, vous voyez 10h-13h ronde dans le quartier 1 et 2.
-Hmm.
-Mais quoi ? Quel est le problème ?
-Quelle heure est-il Keena ?
-Je ne sais pas. Je dirais sûrement 12h30 ou 13h comme vous m'avez trouvé. Vous avez sûrement regardé mon planning.
-Regardez-l'heure, lui ordonna-t-il agacé.
-Oups, couina-t-elle confuse et honteuse. 14h. Je suis vraiment désolée, je n'ai pas vu l'heure tourner.
-Ça, je l'ai remarqué, râla-t-il. Venez donc avec moi, votre planning de demain et de cet après midi a encore changé.
-Pourquoi ? Est-ce un problème sur ma façon de faire mes rondes qui ne va pas ?
-Non, je ne pense pas, je pense que vous le faites très bien et c'est pour ça qu'on vous donne de plus en plus de responsabilités, en vous proposant de nouveaux secteurs et de nouveaux créneaux horaires encore inconnus pour vous.
-Oh !
Ils rentrèrent à la base, elle badge son retour puis suit Declan dans son bureau qui lui fournit son nouveau planning pour l'après-midi et de demain.
-Alors comme vous le voyez cet après midi, vous êtes de repos.
-Hmm, fulmina-t-elle dans sa barbe.
-Qu'est-ce qu'il y a ?
-Il y a quelques minutes vous m'avez dis que je faisais du bon travail et que vous me donneriez plus de responsabilités et là je vois quoi ? Que vous me mettez en repos, avouez que ce n'est pas très logique. C'est même contradictoire.
-Attendez ! Regardez celui de demain. Vous faites les rondes de 3h du matin à 6h du matin, puis celle du soir 19h à 22h. C'est pour cela que vous êtes en repos. Comment voulez-vous enchaîner la ronde de 3h si vous ne dormez que 3 ou 4h, cela est impossible. À la C.R.O.P, nous, on prend soin de nos officiers, ne l'oubliez jamais, la sermonna-t-il.
-Bien, chef.
-Vous pouvez disposer.
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