Chapitre 7

Oswald nous attend avec deux autres hommes. Le premier, un géant aux cheveux grisonnants coupés rat, aborde une barbe de plusieurs semaines et une musculature impressionnante. Le second, plus petit et gringalet, a des traits féminin et lisse. Sa peau blanche comme de la craie et ses cheveux blond platine lui donne l'apparence d'une meringue humaine.

Oswald fait un peu tache dans le décor. Tout ce luxe, ces deux individus propres sur eux et légèrement intimidants le font passer pour un chat de gouttière.

— Annie, je te présente Artus, Maître d'Armes, et Travor, Maître de l'Esprit. Ils sont tous les deux membres du Conseil du Roi.

Artus le géant s'avance vers moi et me serre chaleureusement la main. Travor ne m'adresse qu'un signe de tête quelque peu glacial.

— Ils connaissent bien Kira et tout comme Fauve et moi, ils seront ravis de répondre à tes questions.

— Nous avons convoqué le Conseil dans l'espoir de les convaincre d'envoyer des troupes à la recherche de votre sœur.

Artus semble sincère. Malgré qu'il soit très intimidant physiquement, il dégage un sentiment de douceur et d'honnêteté.

— Ah ! C'est perdu d'avance, ils n'accepteront jamais.

Le rire sarcastique de Travor me vexe profondément. Je serre les poings.

— Qu'ils acceptent ou pas, je m'en fiche ! Cet homme m'a fait venir ici contre mon gré et m'a promis de retrouver Kira. Je ne partirai pas tant qu'elle ne sera pas libérée de l'emprise du Régisseur. Si elle est toujours en vie... dis-je en pointant Oswald du doigt.

Ces mots me nouent la gorge, mais il faut bien que je me rende à l'évidence. Au Drakar, les sorciers sont rapidement condamnés et exécutés. Certains en public, d'autres dans le secret le plus total. Ils se font arrêter et nous n'entendons plus jamais parler d'eux. Que Kira soit saine et sauve à l'instant où nous discutons relève du miracle.

— Ce qui est sûr, c'est qu'on ne peut pas nier leur lien de parenté, rétorque Fauve dans un petit rire.

— Rassure-toi, Kira n'est pas morte. Elle n'a pas été arrêtée au hasard. Il faut que tu saches que ta sœur détient des informations importantes, dont elle est la seule à connaître.

— C'est ce qu'elle t'a raconté !

Oswald et Travor se fusillent du regard.

— Commençons par le début, les garçons.

Fauve me propose de m'assoir sur un des fauteuils en velours turquoise, les autres nous imitent. Oswald prend alors la parole, me révélant enfin toute l'histoire.

— J'ai rencontré Kira il y a huit ans à Tandugar. J'ai tout de suite repéré chez elle du potentiel et une soif d'en apprendre plus sur ses pouvoirs. Au fil des années, elle a développé un talent incroyable pour la magie d'Armes. Étant moi-même un sorcier d'Armes, j'ai pu l'aider à s'améliorer pour en faire sa spécialisation.

Remarquant mon regard perdu dans ce flux d'informations, Fauve intervient.

— La magie existe sous deux formes, Annie. La première est la magie Primaire, innée chez tous les sorciers. Il s'agit principalement de pouvoirs de télékinésies et de quelques manipulations élémentaires. Faire voler de petits objets ou jouer avec les éléments comme le feu ou l'eau. Ensuite, il y a la magie de Spécialisation. Certains d'entre nous sont extrêmement doués dans un ensemble de disciplines. Il en existe sept : la magie d'Armes, la magie Nécromancienne, la magie de Métamorphose, la magie du Voyage, la magie de Guérison, la magie de l'Esprit et les magies Elémentaires regroupant le feu, l'eau, la terre, l'air, la glace, le sable et le tonnerre.

J'opine. Oswald reprend son récit.

— Pour ses seize ans, je lui ai révélé toute la vérité. Le Régisseur ne nous a pas vaincus durant la Grande Guerre, notre peuple est simplement retourné dans son monde. Je l'ai emmenée ici, à Kazadren. Elle s'est tout de suite impliquée auprès de nous et auprès de notre Roi pour défendre votre cause, celle des habitants du Drakar. Le Roi Caleb a renforcé la présence d'espions, dont ta sœur, dans ton monde, pour épier le moindre fait et geste du Régisseur. Il a bien fait ! Il y a peu, nous avons découvert que le Régisseur était en quête d'un objet, une relique légendaire de notre histoire. La Source. Et ta sœur sait où elle se trouve.

Je me dresse brusquement sur mes jambes, mettant fin à ces paroles sans queue ni tête. Mon cœur bat la chamade, j'ai l'impression de vivre un cauchemar tout éveillé.

— STOP ! J'en ai assez ! Vous voulez me faire croire que ma propre sœur mène une double vie surréaliste depuis plus de huit années ?! Sans qu'elle ne m'en ait jamais parlé, sans que je ne me sois rendu compte de rien ? Comment osez-vous parler d'elle comme ça ?! Kira ne ressemble en rien à la personne que vous me décrivez. C'est une fille enjouée et naïve, pas une espionne qui combat le crime ou je ne sais quoi !

Oswald se lève, le visage durci et accusateur.

— Elle m'a parlé de toi, tu sais. Tu n'as jamais voulu l'écouter, tu l'as rejetée sans jamais lui demander si tout allait bien pour elle. Si tu n'as rien remarqué, c'est entièrement ta faute ! Elle attendait le bon moment pour te parler, mais à chaque fois tu refusais de lui accorder le bénéfice du doute. Tu es une fille bornée et ignorante, Annie Wellington, et si ta sœur ne m'avait pas supplié de prendre soin de toi, je t'aurais laissé dans les cendres de ta ferme !

Il m'assène un coup de couteau en plein cœur. Je reste bouche bée. Le vrai visage de cet homme s'expose au grand jour et il est aussi laid que l'énorme cicatrice qui traverse sa joue droite. Je fais volteface et me précipite hors de ce salon, devenu soudain trop étroit pour me laisser respirer. J'entends Fauve sermonner Oswald, mais n'y prête aucune attention. J'ai besoin de partir loin de ces personnes, loin de ces mensonges. Je fuis dans les couloirs, la tête sous pression et les oreilles bourdonnantes.


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