Chapitre 4

J'ouvre brusquement les yeux, réveillée par deux détonations assourdissantes. Je me hisse à l'aide de mes coudes pour m'assoir, l'esprit toujours embrumé par le sommeil. J'ai l'impression de m'être extirpée d'un mauvais rêve et songe à me rendormir lorsqu'un brouhaha venant du rez-de-chaussée m'interpelle. Jetant un coup d'œil furtif vers la pendule, je constate qu'il n'est que deux heures du matin. Perplexe, je me frotte les yeux et sors du lit à pieds joint. Ça m'étonne qu'il y ait encore quelqu'un debout à cette heure-ci, peut-être est-ce papa pris d'une petite fringale ? Ça lui arrive parfois durant la nuit. Je saisis la poignée de porte et la tire vers moi, mais rien ne se passe. J'insiste encore une fois, plus fort, mais la porte refuse de s'ouvrir. Je suis enfermée. Prise de panique, je déglutis et colle mon oreille contre le bois chaud. Chaud ?

— Maman ?! Papa ?!

Mais je ne reçois aucune réponse. Je cours vers la fenêtre, trébuchant contre le pied du lit et plante mon visage face à la vitre. Devant la maison, un groupe de cavalier nous encercle, brandissant des torches en feu. Mon sang se glace dans mes veines lorsque j'arrive à distinguer leur uniforme. Ce sont des Instructeurs. Derrière un des chevaux est attachée une charrette, surmontée d'une cellule en fer forgé rouillé. C'est impossible, ce n'est pas réel. Je suis tellement terrifiée que mes jambes ont du mal à supporter mon propre poids. L'image de Kira envahit mon esprit, soit ils sont là pour elle, soit ils nous visent tous les deux. Dans un cas comme dans l'autre, je ne peux pas rester les bras croisés.

Malgré ma panique et mes mains tremblantes, je me presse vers la porte et cogne mon épaule contre sa surface dans l'espoir de la faire céder. Je ne parviens pas à la défoncer, je n'ai pas assez de force. Soudain, une sensation familière contracte mon estomac et remonte frénétiquement jusque ma poitrine. Des picotements parcourent l'extrémité de mes doigts et terminent leur assomption dans ma nuque. Je m'efforce de la retenir, de l'enfuir très loin quand l'évidence s'impose à moi. J'ai une solution pour sortir d'ici et mon corps ne se fait pas prier pour me le rappeler.

J'appuie la paume de mes mains contre la porte et laisse la magie envahir mes membres, mon cœur et mes pensées. En quelques secondes, elle vole en éclat avec violence, libérant l'accès au hall de nuit. Je me sens allégée d'un fardeau qui pesait sur moi depuis trop longtemps, comme si libérée de mes entraves, je pouvais enfin respirer. En parlant de ma respiration, une fumée noire et piquante se faufile dans mes narines et ma gorge. Une toux douloureuse me gagne, je balaye l'air autour de moi à l'aide de mes bras. Du haut du palier, j'aperçois des flammes s'élever de la cuisine et sur le carrelage, deux corps inertes.

— Maman ! Papa !

Je dévale les escaliers, sans prendre en compte le danger. L'incendie est récent et ne cesse de se propager, détruisant tout sur son passage. J'évite les flammes qui frôlent ma peau et me laisse tomber près de ma mère. La première chose que je remarque sont ses yeux livides et sans vie, ensuite, le trou ensanglanté au milieu de son front. Tous les deux ont été exécutés d'une balle dans la tête. La robe de chambre de maman commence à prendre feu, m'obligeant à m'éloigner d'elle. Je pleure et hurle de douleur, mais mon instinct de survie prend le dessus. Je me précipite vers la porte d'entrée, celle-ci est verrouillée. Je tente une dernière échappatoire en inspectant la fenêtre la plus proche. Sur le point de relever le verrou, je suis stoppée net par la scène qui se joue à l'extérieur.

Je reconnais immédiatement Kira, inconsciente dans les bras d'un des Instructeurs. Ses mains sont emprisonnées par des menottes dorées, sa tête est penchée en arrière, bercée dans le vide par les pas du soldat. Ils l'enferment dans la cage, la scellant avec des chaînes et un énorme cadenas. J'ai de plus en plus de mal à respirer et l'encadrement de la fenêtre est brulant. Je tente de l'ouvrir, mais mes forces me quittent peu à peu. J'ai beau cogner contre la vitre, ça ne sert à rien. Petit à petit ma vision se trouble, j'étouffe. Je vais mourir, asphyxiée puis brûlée dans un incendie lâche et criminel.

Avant de m'évanouir, j'arrive à distinguer une dernière image : l'Instructeur en Chef Samuel Bokk se tourne pour observer son œuvre, son visage éclairé par les flammes, reflétant toute la laideur de son âme, tel un démon sorti de l'enfer. Je n'étais pas folle. Durant la remise de diplôme, il savait, il savait qui j'étais, il savait qu'il assassinerait ma famille cette nuit et qu'il me tuerait. J'expire mon dernier souffle avant de perdre connaissance.


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