Épuisée, Ko s'abandonna sur le lit aux couvertures défaites, les membres envahis d'une délicieuse langueur. Elle était certaine que si elle essayait de se lever elle ne pourrait pas tenir sur ses jambes. Smiley l'attira contre lui.

– Viens là, dit-il.

Elle posa la tête sur son torse et sentit le sommeil s'emparer d'elle. Angry vint se blottir contre son dos, le nez dans ses cheveux et ses bras autour de sa taille. Elle se sentait bien. Mieux que bien même, elle ne s'était jamais sentie aussi parfaitement apaisée. Smiley glissa la main dans ses cheveux.

– Dors, lui dit-il.

Lorsque Ko se réveilla le lendemain, le soleil était haut dans le ciel et les garçons n'étaient plus là. Ils avaient dû partir travailler. Ko se redressa avec précaution, mais le bien-être de la veille ne l'avait pas encore quittée. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas dormi aussi bien. Le réveil affichait midi et demi. Elle se leva et sortit de la chambre après avoir récupéré les vêtements que Smiley lui avait prêtés. Dans la cuisine, elle découvrit un plateau recouvert d'un film plastique, une feuille de papier coincée dessous.

Les petits dessins la firent sourire. Elle alla se doucher puis elle s'installa pour manger. Elle ne reprenait pas le travail avant plusieurs heures et elle se demanda si elle devait en profiter pour passer au restaurant. Elle préféra y renoncer, mieux valait attendre d'être tranquille pour discuter. Au souvenir de ce qu'ils avaient partagé, Ko sentit ses joues chauffer. Elle n'arrivait pas à croire qu'une chose si incroyable puisse exister. Son corps avait découvert des sensations qu'elle ignorait pouvoir ressentir, comme si une partie d'elle venait de s'éveiller.

Quand elle partit, elle prit soin d'emporter le petit mot avec elle.

À la fin de sa nuit de travail, Ko regagna les vestiaires réservés aux femmes de ménage. Elle retira son uniforme et le rangea dans son casier. Elle était en train de remettre ses vêtements, lorsque la voix d'une de ses collègues attira son attention.

– Tu as vu, devant la sortie de service ? Dit-elle.

– Les deux garçons ? Répondit l'autre. Oui, ils doivent être jumeaux. Je me demande qui ils attendent ?

Ko sentit son cœur s'emballer. Elle ramassa précipitamment ses affaires et elle se dirigea vers la sortie au pas de course.

Appuyés contre leurs motos, dans la petite rue qui courait à l'arrière du building, Smiley et Angry se redressèrent en la voyant. Elle se rendit compte à quel point ils lui avaient manqué ces derniers mois et sa gorge se serra. Elle s'approcha.

– On va faire un tour ? Lui dit Smiley.

Elle hocha la tête.

Assise à l'arrière, contre son dos, les mains fourrées dans les poches de son blouson, Ko laissa le vent froid lui cingler les joues.

– Où tu as envie d'aller ? Demanda Smiley en se tournant à demi.

Ko réfléchit.

– Au restaurant, dit-elle dans un murmure.

Les garçons se regardèrent.

– Allons manger un truc chaud, dit Angry. Je crève de froid et puis il faut que je te fasse goûter ma nouvelle recette !

– Je suis sûr qu'elle préfèrera la mienne, dit son frère.

Installée au comptoir entre les garçons, Ko vida son bol. Smiley semblait avoir attendu cet instant. Il repoussa son bol et Angry l'imita.

– Ko, commença-t-il, on en a discuté avec Angry et on aimerait savoir ce que tu penses de tout ça toi.

Elle le regarda et il reprit.

– De quoi tu as vraiment envie ? Dit-il.

Ko rassembla ses esprits.

– Je veux... revenir, dit-elle. Mais... je ne veux pas vous empêcher de vivre comme vous le voulez.

Angry soupira et Smiley passa un bras autour de ses épaules. Il l'attira contre lui.

– Nous ce qu'on veut, dit-il, c'est être tous les trois. Comme avant, si c'est ce que tu veux, ou bien ensemble si ça te va.

Ko eut l'impression que son cœur manquait un battement, avant de se mettre à tambouriner dans sa poitrine.

– J'en ai envie moi aussi, murmura-t-elle.

– Revenons vivre ici, dit Angry. C'est ici qu'on était le plus heureux.