– Kenya ! Attends-nous !

Nahoya franchit le portail de l'école en faisant de grands signes, son frère jumeau, Soya, sur les talons. Comme à son habitude, Nahoya affichait un sourire démesuré et une masse de cheveux en désordre qui lui retombaient dans les yeux. Son frère arborait la même chevelure indomptable, mais en guise de sourire, son visage semblait perpétuellement courroucé. Leur apparence leur avait déjà valu les surnoms de Smiley et Angry.

Kenya se retourna.

– Je croyais que vous étiez responsable du ménage aujourd'hui ? Dit-il.

– C'était le cas, rigola Nahoya.

– Vous vous êtes encore esquivés, comprit Kenya.

Il feignit de les réprimander, mais en réalité la situation le faisait rire. Les frères Kawata étaient aussi imprévisibles et amusants qu'il était lui-même sérieux et réservé. En leur compagnie, Kenya ne s'était jamais ennuyé et pourtant il les connaissait depuis l'école maternelle.

– Cette fois nous avons une bonne raison, reprit Nahoya.

Les trois garçons se remirent en route.

– Ah oui ? S'enquit Kenya, laquelle ?

– Des collégiens de Shibuya Sanchu, répondit Soya, ils ont défié Smiley.

– Des collégiens... Répéta Kenya.

S'il y avait un point qui différenciait les jumeaux de Kenya, c'était leur attrait pour la bagarre. Plus leur adversaire était dangereux, plus ils semblaient y trouver du plaisir.

– Vous n'allez tout de même pas vous battre contre des collégiens ? S'enquit Kenya.

– Pourquoi pas ? Demanda Nahoya. Ça va être drôle !

– Je ne suis pas sûr que « drôle » soit le mot, lui répliqua Kenya. Vous risquez d'être blessés.

– Aucune chance, répondit Soya, ce sont des premières années.

– Ils ne savent pas encore ce qui va leur arriver ! Ajouta Nahoya.

Leur bonne humeur était contagieuse et Kenya sourit à son tour. Les jumeaux partirent devant.

– Je vous souhaite bonne chance, dit Kenya. Vous me raconterez ça en détail demain !

– Tu sauras tout, t'en fais pas ! Dit Nahoya en se retournant pour lui faire signe.

Le parc où les garçons avait rendez-vous était encore désert. Ils étaient arrivés les premiers.

– J'espère qu'ils vont faire vite, dit Soya, j'ai faim moi.

– On passera au konbini sur le chemin du retour, lui assura son frère. J'ai encore un peu d'argent de poche.

Bien que jumeaux, Nahoya avait toujours été considéré comme l'aîné de la fratrie et son frère s'en remettait entièrement à lui dans tous les domaines.

– Regardez un peu qui voilà ! Dit une voix.

Les deux frères se tournèrent et ils découvrirent une dizaine de collégiens de dernière année.

– Il paraît que c'est vous qui provoquez les petits de chez nous ? Demanda un des nouveaux venus.

– On va vous mettre la branlée de votre vie, dit un autre, ça vous apprendra à vous la jouer.

Nahoya fit un pas en avant.

– Recule Soya, dit-il grave, je m'en occupe.

– T'es sérieux le mioche ? S'esclaffa un des garçons. Tu veux nous prendre à toi tout seul ?

– Défoncez-moi ce bâtard ! Dit un autre.

L'affrontement tourna court, Nahoya ne faisait pas le poids, ils étaient trop grands et trop nombreux pour lui. Quelques minutes plus tard, il était à terre et il se faisait rouer de coups.

À deux pas de là, Soya était terrifié.

– Arrêtez ! Se mit-il à pleurer. Ne faites pas de mal à mon frère !

Ce fut la dernière chose dont il se souvint. Lorsqu'il reprit ses esprits, leurs agresseurs étaient au sol, blessés pour certains et Smiley le regardait, l'air grave.

– Arrête de pleurer petit frère, dit-il. À partir d'aujourd'hui laisse-moi faire. Alors fais-moi une promesse...

Soya le regarda sans comprendre. Nahoya reprit.

– Promets-moi que tu ne pleureras plus, ok ?