Chapitre 3.

-Qu'est-ce que tu fais?

Yuu avait surgi de nulle part. Pour une fois, Mikumo était resté en classe durant la pause. Il était en train de griffonner sur un carnet en regardant une vidéo sur les nouveaux exploits d'Endeavor. Il avait secouru une trentaine de personnes la nuit dernière d'un incendie prémédité. Le vilain a été capturé durant le sauvetage. Endeavor avait participé aux deux groupes: la capture et le sauvetage. Il méritait bien sa place de Numéro Deux.

Yuu se permit de regarder par-dessus l'épaule de son ami pour regarder ce qu'il écrivait sur son carnet déjà bien entamé. Mikumo leva les yeux vers son interlocutrice et lui adressa un petit sourire.

-J'écris les informations sur les Alters des héros. Ça m'aide à analyser comment ils peuvent les exploiter de la meilleure façon.

-Oh! Intéressant. (Elle feuilleta les pages précédentes et fut surprise.) Mais tu as déjà écrit tout ça!?

Il sourit, gêné par sa réaction.

-J'ai d'autres cahiers à la maison. C'est mon septième "tome", si je peux dire.

Yuu était bluffée. Son ami avait des activités peu communes mais qui n'en restaient pas moins captivantes.

-Mais pourquoi tu parles d'Endeavor que maintenant? Tu n'as pas déjà parlé de lui dans tes anciens carnets?

-Si, bien sûr, mais plus le temps passe, plus je remarque des subtilités. Je sais désormais quand il est capable d'utiliser ses flammes.

-Il ne peut pas les utiliser tout le temps?

-Non, en fait, s'il les utilise alors que des civils sont dans les décombres, il ferait mieux de ne pas utiliser son Alter. J'ai appris récemment que...

Et il partit dans un monologue très pointilleux. Mais Yuu l'écoutait attentivement. Le voir si passionné lui mettait du baume au cœur. L'inquiétude qu'elle avait ressenti ces derniers jours à propos des marques qu'elle avait remarqué sur ses poignets s'envola peu à peu. Il n'y avait réellement pas de quoi s'en faire!


La journée de cours s'acheva et les élèves quittèrent la classe petit à petit. Mikumo fut l'un des derniers à sortir. Il voulait rester un peu afin de finaliser la page dédiée à Endeavor dans son carnet. Yuu avait décidé de le laisser travailler en paix et le salua. Elle ne voulait pas le déranger alors elle préféra rentrer directement chez elle. Il sortit son carnet et attrapa un stylo dans sa trousse. Mais avant qu'il ne puisse commencer, il vit un bras lui arracher le cahier des mains. Il ne fut pas si surpris que cela quand il remarqua qu'il s'agissait de Katsuki Bakugo. Celui-ci ne se priva pas pour feuilleter les pages.

-À quoi ça te sert, ces infos?

Mikumo ne répondit pas. Il se cacha derrière sa mèche de cheveux, évitant de croiser son regard. Il avait bien appris la leçon: ne pas s'opposer à Katsuki au risque de recevoir une pluie de coup...

-Fais voir, Bakugo! intervint un camarade de classe.

Il s'agissait d'un des amis de Katsuki. Mikumo ne l'avait même pas remarqué. Ni même qu'il y en avait un autre. Trois contre un, il était mal tombé...

-Tu ne serais pas un peu maso' à récolter des infos sur des Alters puissants alors que tu n'en as même pas? le nargua celui qui n'avait pas encore parlé.

Ils continuèrent à se moquer de lui, sans que le martyr ne puisse se défendre.

-S'il te plaît, Katsuki... Rends-le-moi..., supplia-t-il d'une petite voix presque inaudible.

Le tyran aux cheveux indomptables le scruta du regard sans rien dire. Il finit par lui tendre le bouquin, las, attendant qu'il le reprenne. Mikumo fut surpris par la facilité qu'il avait eu pour récupérer son bien. Il approcha sa main pour toucher son carnet mais il s'éloigna de sa portée aussitôt. Katsuki venait de le lancer par la fenêtre.

-Non!!!

Mikumo se leva brusquement, manquant de renverser sa chaise et accourut à la fenêtre, paniqué, sous les rires gras des acolytes de Katsuki. Il avait atterri dans la fontaine à l'arrière du bâtiment.

"Il est fichu..."

Il manqua soudainement d'air et crut que ses jambes allaient le lâcher. Il était désemparé. Des semaines de recherche qui venaient d'être ruinées si facilement...

-Si tu veux devenir un héros, il existe un moyen tout simple pour y parvenir..., commença Katsuki.

Mikumo ne l'écoutait que d'une seule oreille. Il était encore sonné par ce que venait de faire son ami.

-...Il te suffit de sauter du toit. Qui sait, peut-être que dans ta prochaine vie, tu auras un Alter.

Ils partirent en fou rire tout en quittant la pièce. Une fois seul, le collégien se laissa tomber à terre, les membres tremblants. Ses mains étaient toujours accrochées au rebord de la fenêtre. Il avait le front contre le mur, les genoux au sol. Les larmes roulèrent sur ses joues. Il n'avait pas le courage de les retenir. Il avait besoin d'extérioriser. Cet harcèlement était trop lourd à supporter tout seul... Il laissa même ses poumons imploser. Il hurla sa peine. Tant pis si quelqu'un l'entendait, cela lui faisait du bien.

Quelques minutes plus tard, il s'assit contre le mur et reprit son souffle doucement.

"Il me conseille vraiment de me suicider?"

Il avait été fort sur ce coup-là. Jamais il ne l'avait menacé comme cela. Imaginait-il ce qu'il se serait passé s'il était vraiment monté sur le toit pour mettre fin à ses jours!?

...

"Et puis, pourquoi pas?"

-Il a peut-être raison... C'est sûrement la meilleure chose à faire.

Après tout, Katsuki n'avait fait que lui ouvrir une porte pour atteindre son objectif. Au lieu de lui en vouloir, il devrait plutôt lui être reconnaissant. Grâce à lui, il avait un moyen d'obtenir un Alter et pouvoir réaliser son rêve le plus fou: devenir un grand héros. Même si cela revenait à gaspiller sa vie...

Il demeura assis un bon nombre de minutes, à réfléchir sérieusement sur ce qui était mieux pour lui. Il pesa le pour et le contre. D'un côté, rien ne disait qu'il aurait un Alter dans sa vie postérieure. Peut-être qu'il se réincarnerait en chat?

-Et pourquoi pas un chat avec un Alter? Je serais sacrément connu sous cette forme!

Il ne put s'empêcher d'émettre un petit rire tant cette idée pouvait lui paraître stupide! Mais il cessa brusquement, redevenant sombre. Il se sentait terriblement lourd. Ses jambes avaient été ramenées contre son torse et ses bras étaient posés sur ses genoux. Il avait l'impression qu'un sac de pierre s'était accroché à son dos. Il posa alors son menton sur ses bras. Il n'en pouvait plus...

-Je suis tellement fatigué...

Au final, il avait beau cherché un moyen à se raccrocher à cette vie, il savait très bien que son choix était déjà tout désigné. Il tendit la main vers son cartable et chercha un bloc-note et un crayon. Il commença alors à rédiger une lettre. Il n'allait pas partir sans laisser un mot.

"Bonjour,

Je remercie toutes ses personnes qui ont toujours été derrière moi pour m'enfoncer des couteaux dans le dos. C'est grâce à vous que je m'en v-"

Il arracha la feuille, la chiffonna pour la balancer plus loin. Ce n'était pas bon.

"Je m'en vais. Il est trop tard. Adieu."

Une nouvelle boulette qui rejoignit la précédente. C'était trop bref. Il se reprit à de nombreuses reprises avant de trouver les bons mots.

"Je salue le ciel qui m'a vu grandir et ma mère qui m'a donné l'amour nécessaire pour survivre. Mais cela ne suffit plus. On m'a fait trop longtemps souffrir. Mais on m'a ouvert les yeux. Je pense que le mieux à faire est de partir.

Adieu."

Ce résultat le satisfaisait. Il plia soigneusement le papier et se leva. Il posa son sac sur ses épaules, ramassa les boulettes qui jonchaient le sol pour les jeter dans la corbeille de la classe. D'un pas lent, serrant la lettre entre ses mains, il alla au rez-de-chaussée pour rejoindre le comptoir du concierge. Il n'y avait personne à l'intérieur. Ce fut une aubaine! Quand il actionna la poignée de la porte, elle était toujours ouverte. Il devait être parti aux toilettes ou autre part. C'était son jour de chance, si on peut dire. Il se dirigea vers le tableau où toutes les clefs étaient accrochées. Il y avait une petite étiquette au-dessus de chaque crochet pour savoir ce qu'elles ouvraient. Il trouva celle menant au toit. Il s'en saisit et sortit précipitamment du petit bureau, espérant ne pas se faire prendre en flagrant délit par un membre du personnel. Il aurait de sérieux problèmes...

En veillant à ne rencontrer personne, il gravit les marches des escaliers. Premier étage, deuxième étage, troisième étage, l'accès au toit. Plus personne ne pouvait l'arrêter. Il entra la clé dans la serrure. Il fit coulisser la porte. L'air frais vint fouetter son visage tandis que les rayons du soleil l'éblouirent subitement. Il fut forcé de plisser les yeux.

Il était seul. Plus rien ne l'empêcherait d'aller au bout de ses actions.

Il avança d'un pas, puis d'un autre. Naturellement, il se dirigea vers la barrière qui faisait le tour du rebord du toit.

S'ensuivit d'un rituel bien précis. Il se déchaussa et cala la lettre sous les semelles pour qu'elle ne s'envole pas. Il s'apprêta à retirer sa veste quand il se souvint que son téléphone était dans sa poche. Il le sortit et le fixa longuement. Il se rendit compte qu'il ne pouvait pas partir comme cela.

Après un long moment de doute, Mikumo ouvrit l'application pour voir ses contacts et chercha sa mère. Il la trouva bien vite et approcha son pouce du bouton pour l'appeler. Mais il hésita de nouveau. Il ne pouvait pas l'appeler pour lui dire qu'il allait mourir. Cela leur briserait le cœur à tous les deux.

Alors il dévia son doigt pour lui envoyer un message. Mais arrivé devant son clavier, il fut envahi par le syndrome de la page blanche. Que pouvait-il bien lui dire? Il ne pouvait pas lui dire qu'il s'apprêtait à sauter du toit. Il ne voulait lui dire clairement. Il ne voulait pas qu'elle souffre avant qu'on ne découvre son corps... Il se cala contre la barrière et prit une profonde inspiration. Ses doigts commencèrent à pianoter. Il lui ouvrit son cœur, tout simplement.

"Coucou Ma petite Maman! Je voulais simplement te dire que je t'aime. Je t'aime de toute mon âme. Tu es celle qui prend toute la place dans mon cœur. Tu m'as toujours soutenu même dans les coups durs, là où je déprimais. Tu étais là pour me faire sourire, me rendre heureux. Tu me faisais rire et tu jouais toujours avec moi quand j'étais enfant. Je ne te remercierai jamais assez. Tu es la meilleure des mères qui puisse exister! Alors je voulais te le dire, je t'aime et arrête de te mettre dans tous tes états quand tu crois mal faire. Et j'espère que tu ne m'en voudras pas pour toutes les bêtises que je ferai plus tard, que tu m'aimeras toujours.

Je t'aime, n'en doute jamais. Bisous, Maman."

Il rangea son téléphone dans sa poche après avoir relu et relu son message. Quand il avait appuyé sur "Envoyer", quelques larmes avaient franchi la barrière de ses yeux. C'était dur pour lui de se dire qu'il ne verrait plus la personne qu'il aimait le plus au monde. Il se débarrassa de sa veste qu'il posa à côté de ses chaussures puis il franchit la barrière, décidé. Le vide ne lui faisait pas peur. Il n'avait plus aucun regret. Le vent sembla s'intensifier, faisant virevolter sa mèche mauve. Il regarda sous ses pieds. La cour du collège se trouvait à plusieurs mètres sous lui. Il fut pris d'un vertige et s'agrippa à la rembarre. C'était comme s'il avait peur de tomber alors qu'il allait sauter d'ici quelques instants.

Il était seul. Personne pour le retenir. Personne ne se doutait un seul instant qu'il allait chuter de plusieurs étages. Personne ne se disait qu'Akatani Mikumo n'allait pas finir sa journée comme tout le monde. Sa vie s'achèverait avant que la nuit tombe.

Une dernière fois, il prit une grande bouffée d'air. Une dernière fois, il regarda l'horizon. Une dernière fois, il garda les pieds sur terre.

Il avait pris son envol. Il s'était laissé tomber. Il n'avait pas peur.

"Faites que dans ma prochaine vie, je devienne le meilleur des héros.", avait-il pensé avant de se jeter dans le vide.


Quelques minutes plus tard, tandis que le calme régnait sur le toit, une vibration de téléphone se fit entendre. Sur l'écran du téléphone du défunt, on pouvait y lire la réponse de sa mère, qui ne se doutait pas un seul instant qu'elle n'avait plus d'enfant.

"Tu es trop mignon, mon Bébé! Je suis tellement touchée par tant d'amour! Moi aussi je t'aime de tout mon cœur! Je te réserve une surprise quand tu rentreras, pour la peine. Tu m'en diras des nouvelles!"

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