Chapitre 14.

Il se sentait profondément mal à l'aise, comme si l'atmosphère lui empoisonnait l'oxygène dans ses poumons. Il se sentait faible, terrifié. Le bâtiment en face de lui n'avait pourtant rien d'angoissant. Mais lui, il n'était pas dans son élément. Pour lui, y pénétrer était analogue de se retrouver en Enfer. Des flammes invisibles s'en extirpaient, comme pour l'entraîner de force dans cet endroit qui ne lui apportait que du malheur. Malgré sa réticence, il avança un pas après l'autre jusqu'à arriver dans le hall, là où se situait les casiers pour échanger ses chaussures contre celles que lui proposait l'école. Plusieurs collégiens l'entouraient mais aucun ne lui adressait le moindre regard, comme s'il était invisible aux yeux de tous. Un fantôme oublié. Il avança toujours sans savoir où ses pieds l'emmenaient. Il gravit les escaliers, arrivant au premier étage, puis au deuxième, ensuite au troisième, pour finalement arriver sur le toit. D'un geste simple, il ouvrit les portes. Le vent fit virevolter ses cheveux bouclés. Il voulut avancer encore mais tout devint noir.

Izuku ouvrit les yeux, un filet de bave s'écoulant depuis sa bouche entrouverte. Il entendit une respiration forte à ses côtés. En essayant de discerner de qui il s'agissait, il comprit qu'il s'agissait de Tenya. Mais que faisaient-ils dans la même chambre? En analysant la disposition des meubles, il comprit qu'il n'était pas chez lui et tout lui revint. Il avait passé la nuit chez Momo. Il se laissa retomber sur son oreiller, les paupières lourdes. Des images de son rêve lui revenaient pas bribes. Une école. Des élèves qui l'ignoraient. Et un toit.

-Quel drôle de rêve, pensa-t-il, se sentant faible.

Il resta cinq bonnes minutes sous les couvertures, attendant que son cerveau se remît en marche normalement. Puis, quand il sentit qu'il avait emmagasiné une quantité suffisante d'énergie, il s'extirpa des draps et se dirigea vers la sortie, en prenant garde à ne pas réveiller Tenya. Il arriva dans le couloir et au moment où il referma la porte, il entendit le même son à quelques mètres plus loin. Il leva les yeux sur la personne qui venait de fermer la porte de sa propre chambre et constata avec étonnement qu'il s'agissait de Katsuki. Celui-ci lui lança un regard sans expression, comme il le ferait à un passant dans la rue. Il se rapprocha de lui afin d'atteindre l'escalier et quand il arriva à sa hauteur, il dit:

-'lut, Deku.

-Oh non, tu ne vas pas recommencer...

-Habitue-toi vite parce que j'ai déjà adopté ce surnom, se moqua-t-il sans l'attendre.

Izuku soupira, mais le suivit sans rien dire d'autre, un fin sourire aux lèvres.

Ils descendirent les escaliers et remarquèrent que quelques uns de leurs amis étaient déjà au rez-de-chaussée, en train de manger leur petit-déjeuner.

-Bonjour Midoriya et Bakugo. Vous avez passé une bonne nuit? demanda Momo, baguettes à la main, en train de manger un bol de riz avec un œuf.

-Bonjour. Oui, très bonne, merci! répondit Izuku, tout sourire.

Ils les rejoignirent et se firent servir par deux domestiques qui leur apportèrent aussi un bol de riz chacun. Ils les remercièrent et se souhaitèrent un bon appétit puis commencèrent à manger, tout en discutant avec les quelques lèves-tôt.

Deux heures plus tard, il était dix heures et tout le monde était réveillé, regroupé dans la cuisine. Tour à tour, ils se douchèrent rapidement. Izuku venait de sortir de la salle de bains, une serviette sur les épaules, vêtu d'un t-shirt à l'effigie d'All Might et d'un jean foncé. Il retourna dans le salon où plusieurs personnes se retrouvaient devant la télévision, en train de jouer à une simulation de combat. Izuku voulut les rejoindre mais il remarqua une touffe blonde derrière la baie vitrée menant au jardin. Il était seul, assis sur le rebord en bois, contemplant le ciel bleu parsemé de nuages. Il se décida à le rejoindre. Après tout, ils semblaient bien s'entendre, désormais. Il ouvrit la porte coulissante et le solitaire se retourna pour connaître l'identité de l'intrus.

-Tu me colles, on dirait.

-Ça se pourrait, répondit-il innocemment en s'asseyant à ses côtés.

Ils demeurèrent silencieux quelques instants, profitant du calme de la nature. Le jardin des Yaoyorozu était tout aussi grand que leur maison. Un cerisier en fleur grandissait fièrement au fond du jardin, tandis que l'herbe verte contrastait avec le petit lac d'un bleu majestueux. Tout à coup, Katsuki se pencha en arrière, se retenant à l'aide de ses mains et engagea la conversation.

-Hier, j't'ai parlé de moi. Ça te dit pas qu'on soit équitable et que tu me racontes certaines choses à ton sujet?

Izuku le regarda comme un petit chien perdu.

-Tu t'intéresses à moi, maintenant? Je pensais que tu étais le genre de personne à s'en foutre des autres.

Il fronça du nez.

-Super, l'image que tu me renvoies.

Izuku paniqua un peu, pensant l'avoir blessé.

-Idiot de Deku.

Ah non. Tout allait bien. Il imita sa position, le haut du dos légèrement en arrière.

-Que veux-tu savoir de moi, dans ce cas?

-J'sais pas, moi. Genre, par exemple, c'est quoi ton Alter? J't'ai vu faire à l'examen d'entrée mais j't'avouerai que j'ai pas trop suivi en quoi il consistait exactement.

-J'ai l'Alter d'annihilation. Il est très efficace en combat rapproché car il faut que je touche quelqu'un ou quelque chose pour l'utiliser. Il me permet de retirer toute l'énergie d'un corps et d'annuler l'Alter, par la même occasion.

-Cool.

Il avait l'air envieux que quelqu'un pût posséder un tel Alter. Mais il ne connaissait pas les inconvénients.

-Sauf que je ne peux pas l'utiliser plus de cinq fois par jour, car ça me demande une importante quantité d'énergie en retour. Je me sens faible quand je l'utilise trop souvent.

-Je vois. Ça doit être chiant.

-Comme tu dis, oui, soupira-t-il. Quand je deviendrai héros, ce ne sera pas facile de juger s'il faudra que j'utilise mon Alter ou non.

-T'en fais pas. J'suis sûr que tu géreras.

Il sourit. C'était rare que Katsuki se montrait aussi humain.

-C'est gentil.

-Sinon, il y a des gens de la classe qui provenait de ton collège? Y avait personne que tu connaissais en arrivant ici?

-Non, je ne connaissais personne.

-Tes anciens potes te manquent pas? Tu continues de les voir?

Ah. Alors lui aussi allait devoir s'aventurer sur un sujet épineux?

-À vrai dire...

Allez, Katsuki s'était ouvert à lui la veille. Il pouvait bien faire de même, non?

-...je ne sais pas.

-Hein? Comment ça?

Izuku se tourna vers le garçon aux iris rouges. Katsuki n'allait pas le tromper en répétant ce qu'il dirait, n'est-ce pas? Cela ne semblait pas être son genre.

-Ne le répète à personne mais...je n'ai pas le moindre souvenir de ma vie à partir de ma naissance jusqu'aux six derniers mois.

Katsuki le dévisagea, surpris. Il ne s'attendait pas à ça en lui posant cette question qui pouvait paraître anodine au premier abord.

-Et comment ça s'fait?

-Ma mère m'a expliqué qu'il y a six mois, j'étais parti dans un centre commercial de Tokyo car il y avait des figurines collectors d'All Might. Étant un grand fan, j'y suis allé. Mais un vilain a détruit le bâtiment. J'ai été gravement blessé à la tête et depuis, plus le moindre souvenir de ma vie d'antan.

-Et tu le vis comment?

-Depuis mon réveil, à l'hôpital, en m'aventurant dans certains lieux, des souvenirs me reviennent. Mais...je ne sais pas comment l'expliquer... J'ai comme l'impression que quelque chose m'empêche de me rappeler mon enfance. Je sais, ça paraît étrange mais je le ressens comme ça.

Katsuki resta silencieux, absorbant les informations que venaient de lui offrir Izuku. Lui aussi ne devait pas avoir une vie facile.

-Tes parents le vivent mal, je suppose.

-Mon père n'est jamais à la maison. Mais ma mère, tu ne peux pas savoir à quel point elle souffre... Je culpabilise quand je sais qu'elle pleure à cause de moi. Mais je fais tout pour pouvoir me souvenir, d'une chose aussi infime soit-elle. Et pourtant, malgré tous mes efforts, je n'ai même pas rassemblé la moitié de mes souvenirs égarés... Toujours à cause de cette "présence" dans mon esprit qui me bloque.

Une main se posa sur son épaule. Il releva ses yeux humidifiés sur son ami qui le regardait avec sérieux.

-Il faut du temps pour ces choses-là, alors n'essaie pas d'aller trop vite. Ta mémoire, tu la retrouveras en temps voulu. Ne dramatise pas, tu y arriveras.

Quand Katsuki était là, il se sentait apaisé. Ce garçon avait su trouvé les mots pour le réconforter et il ne le remercierait jamais assez pour cela.

Au lieu de passer à autre chose, Katsuki ne lâcha pas l'épaule d'Izuku. Ils ne se quittèrent pas des yeux, comme si le temps s'était arrêté. Le feu grimpa en flèche des joues jusqu'aux oreilles du garçon aux cheveux verts. Le regard de braise qui le dévorait forma un nœud dans son bas-ventre qui grandissait, grandissait. Il était embarrassé mais en même temps, étrangement, il appréciait la façon dont il le reluquait.

Mais les éléments extérieurs les forcèrent à rompre le contact visuel. Eijiro venait de passer la porte coulissante et les interpella.

-Les gars, on comptait commencer une partie. Vous venez?

Katsuki lâcha l'épaule du plus petit et ils se levèrent tous les deux, retournant dans le salon.

Izuku se sentait étrange depuis cet épisode. Il était frustré qu'il ne se fût rien passé de plus. Mais il essaya de ne plus y penser, croyant qu'il délirait complètement.

Dans un entrepôt insalubre, les six individus s'étaient retrouvés afin de finaliser leur projet. L'un d'eux prit la parole.

-Les préparatifs sont prêts, Tomura.

Un homme avec des mains recouvrant l'entièreté de son corps se redressa, un sinistre sourire ourlant ses lèvres sèches.

-Parfait. Nous passerons à l'action lundi. J'ai grandement hâte.

Il se mit à ricaner, un rire machiavélique qui fit écho dans tout l'entrepôt délabré.

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