Chapitre 9- J'arrive pas à croire que j'suis ami avec un mec qui porte des crocs
Point de vue de Katsuki
Mâchoire serrée, mains dans les poches, je marche en direction de chez moi, l'humeur massacrante. Mon pied rencontre un petit caillou que je m'empresse d'envoyer valser un peu plus loin d'un coup de talon rageur.
« J-je suis désolé pour ce qu'il s'est passé, Samedi ! »
Maudit nerd.
« C'est de toi que je suis amoureux, Kacchan ! »
La ferme !
Pourquoi faut-il toujours que tu rendes les choses compliquées, hein ? Pourquoi faut-il toujours que tu attaques lorsque je m'y attends le moins ?
Bon sang, qu'est-ce qui va pas, chez moi ? Ressentir ce pique de joie en apprenant qu'Izuku Midoriya est amoureux de moi, Katsuki Bakugou... Pourquoi ne puis-je pas plutôt ressentir... Je ne sais pas... Du dégoût. De la haine. Quelque chose de ce genre.
Et pourtant, non, rien de tout cela ne me vient pour la simple et bonne raison que, moi aussi, je suis amoureux de cet idiot de Deku.
Lorsque ces sentiments ont commencé à se réveiller en moi, j'ai d'abord cru à une phase. Je suis un adolescent, après tout. C'est une période pendant laquelle les hormones travaillent beaucoup, alors... Ouais, je me suis mis en tête que les miennes partaient probablement en vrille. Et de toutes les personnes que je côtoie, il fallait forcément qu'elles décident de me faire me focaliser sur le garçon aux taches de rousseur. J'ai envisagé, à ce moment-là, d'essayer de me rapprocher d'une fille de la classe, pensant que cela permettrait à mes hormones de se concentrer sur quelqu'un d'autre. Mais à part Mina Ashido, qui traîne souvent en notre compagnie à Eijirou, Denki, Sero et moi, je ne parlais pas plus que cela aux autres nanas. Et pour être honnête, la situation n'a pas changé, de ce côté-là.
J'ai essayé de chercher ce qui pourrait m'attirer chez Mina. Après tout, elle en fait craquer plus d'un avec ses courts cheveux décoiffés et décolorés aux pointes roses, ses grands yeux dorés et sa peau mate. Et puis, elle est constamment enjouée - peut-être un peu trop - sportive, et il en faut beaucoup pour la mettre de mauvaise humeur. Mais... Non, malgré tout, elle ne m'en laisse pas moins indifférent.
Contrairement à Izuku.
Et de toute façon, même si Mina m'intéressait, elle et Eijirou, mon meilleur ami, se tournent mutuellement autour. Il n'y a qu'à voir les regards qu'ils se lancent parfois, les piques remplies de sous-entendus qu'ils peuvent échanger et la façon qu'ils ont d'être tactiles l'un avec l'autre. Et puis, Eijirou m'a avoué qu'elle lui plaisait. Je ne sais pas s'il en est de même du côté de Mina, mais je ne serais pas vraiment étonné d'apprendre que tel est le cas. Peu importe.
Suite à cela, je me suis interrogé de la même façon quant à chacune des représentantes de la gente féminine faisant parties ou non de la classe. J'en arrivais cependant toujours au même résultat. Aucune attirance. Rien du tout. Pas la moindre once de ces papillons parcourant mon bas-ventre à la vue de mon ami d'enfance.
Finalement, un jour, j'ai craqué. Une boule de rage a fait son apparition dans mon estomac, une colère sourde, bouillante, s'est mise à couler dans mes veines. J'ai pris conscience que je réfléchissais au fait de trouver une fille susceptible de me plaire seulement pour me prouver que je n'étais pas attiré par Izuku. Alors quoi, j'étais devenu un lâche incapable d'admettre son homosexualité ? A quoi est-ce que je jouais ?
Ce jour-là, j'ai finalement reconnu être gay. J'ai admis posséder des sentiments à l'égard de mon ami d'enfance. Mais j'ai tout de même décidé de ne pas en parler. S'accepter soi-même est une chose. Le révéler à d'autres personnes en est une autre. De toute façon, cela ne les concerne pas. Ils seront au courant le jour où je le déciderai.
Un long soupir m'échappe aux souvenirs de ce parcours.
Dans tous les cas, je n'aurais pas dû relâcher ma garde, Samedi. Ne pas me laisser distraire par cette proximité que nous n'avions pas eue depuis des années, par ces stupides yeux beaucoup trop grands, par ce sourire victorieux lorsqu'il m'a battu - coup de chance - à ce jeu vidéo. Au point de lui avoir raconté que j'avais quelqu'un en vue. Ce qu'il ignore, c'est que cette personne n'est nulle autre que lui. Ce fichu nerd qui m'a avoué aussi facilement être amoureux de moi, qui m'a embrassé sans prévenir.
Je suis censé faire quoi, maintenant ?
« Il s'est rien passé, Samedi. »
Oh, qu'est-ce que j'aimerais qu'il ne se soit rien passé. Que je puisse continuer de ressentir cette attirance à ton égard sans me poser la moindre question, sans me sentir tendu, nerveux, à chaque fois que tu te trouves dans les parages.
Alors quoi, je dois te demander de sortir avec moi, ou quelque chose du genre, c'est ça ? Faire des choses de couple avec toi ?
... Je ne peux pas.
Même en sachant que mes sentiments sont réciproques, je... Je ne me sens pas prêt à mettre ma fierté de côté et à les dévoiler au grand jour. Il va falloir que tu patientes, Izuku.
Plusieurs jours s'enchaînent, pendant lesquels je me retrouve incapable d'adresser un seul regard au garçon aux cheveux verts. Lorsqu'il se trouve un peu trop près de moi, je fais en sorte de détourner mon attention, priant qu'il ne cherche pas à entamer une quelconque discussion avec moi. Au point où nous en sommes, j'ai l'impression que la simple œillade de ma part fera apparaître la phrase « J'en pince pour Izuku Midoriya. » sur mon visage, en rouge fluoresçant.
Le troisième jour, Jeudi soir, Eijirou et moi avons décidé de rester un peu ensemble, après les cours. Il faut qu'il passe en ville pour aller se chercher des 'chaussures d'intérieur'. Et par 'chaussures d'intérieur', il veut dire 'cette immondice que sont les crocs'.
Nous avançons, côte à côte, en discutant des cours de la journée. Mon camarade aux cheveux rouges se plaint ne pas avoir compris le cours de biologie sur le rôle des différents globules blancs dans le corps.
« Sérieux, entre les lymphocytes, les macrophages, les monocytes, et j'en passe ! Comment tu veux retenir tout ça ? Pourquoi on a besoin d'autant de types de globules blancs, hein ? Un seul, ça suffisait pas ?
- Ecoute, tête d'ortie, j'étais pas là quand Mère Nature a décidé de créer l'être humain. Et j'pense que tu leurs en es plutôt reconnaissant, à tes globules blancs, d'être là quand ton corps se fait envahir par je-ne-sais-quelle-putain-de-bactérie. Mais c'est bon, j'ai compris le message. J'te ferai réviser. Mais crois-moi que tu vas morfler. »
Il soupire et passe une main dans ses cheveux relevés à l'aide de gel, avant d'engouffrer celle-ci dans la poche de son pantalon et de m'offrir un sourire reconnaissant.
« Je morfle toujours quand on révise ensemble. Merci, mec.
- Mmh. »
Nous arrivons finalement au niveau d'un magasin de chaussures, entrons, et ressortons vingt minutes plus tard avec...une paire de crocs rouges. Dix minutes de notre temps passé à l'intérieur sont dues à Eijirou ayant pris son temps à se demander quelle couleur prendre. Et si je n'avais pas commencé à clairement montrer mon impatience, nous y serions probablement encore.
Je me demande sincèrement pourquoi il attache autant d'importance à ce type de...'chaussures'. Mais je préfère ne pas poser la question, et garder le silence. Son sachet contenant une boîte à chaussures en main, mon ami consulte son téléphone et ouvre la bouche, s'apprêtant à prendre la parole, lorsqu'il se fait couper par une voix familière.
« Oh, Katsuki, Eijirou ! »
Il relève les yeux, tandis que les miens sont déjà braqués sur la personne à qui celle-ci appartient : Ochako Uraraka, qui se dirige vers nous en nous faisant de grands gestes de la main. Je scrute les alentours pour m'assurer qu'Izuku n'est pas dans les parages - il traîne souvent avec la fille aux cheveux bruns, après tout - et me détend en constatant que tel n'est pas le cas.
« Hé, Ochako ! Qu'est-ce que tu fais dans le coin ? la salue Eijirou à son tour.
- Je rentrais chez moi. Je vis pas loin, mais je suis un peu restée avec Deku.
- Ah, il va mieux ? Il avait pas l'air super en forme, tout à l'heure. »
C'est vrai que le nerd a dû faire un passage infirmerie, pendant le cours de biologie, tant il se tordait de douleur sur sa chaise. J'espère que ce n'était rien de trop grave. Mais puisqu'il est revenu pour la dernière heure, et qu'il semblait aller mieux, je suppose que non. Bien entendu, je ne fais pas part de mon inquiétude à voix haute, et choisis de la garder pour moi.
« C'était juste des crampes, apparemment. Je pense qu'il stresse pas mal, ces temps-ci. Il s'en fait pour Shouto, et... A vrai dire, moi aussi.
- Ah ouais, c'est vrai que Double-Face est pas venu depuis... Mardi ? dis-je d'un ton détaché.
- Mhm. On pense que quelque chose ne va pas, de son côté. Je sais pas si vous avez remarqué, mais en ce moment, il est assez... Renfermé. Et il a l'air triste.
- Il a toujours plus ou moins été comme ça, nan ?
- Ca s'était amélioré, me répond-elle. Et ça n'a jamais été au point qu'il manque plusieurs jours d'école. Ou qu'il annule des plans. »
Je me contente de hausser les épaules tandis que les deux autres adolescents se plongent quelques instants dans leurs pensées. Pour ma part, ça ne m'alarme pas vraiment, mais je suppose que je ne suis pas suffisamment proche de Shouto pour remarquer lorsque quelque chose ne va pas chez lui. Et puis, ça arrive, les coups de blues, pas vrai ?
« Enfin bref, Deku et moi, on a décidé que s'il revenait pas demain, on demanderait son adresse à l'administration pour aller voir comment il va.
- Vous nous tiendrez au courant. » demande Eijirou.
La brune opine. Nous restons encore quelques instants sur place, à discuter de futilités, jusqu'à ce qu'elle nous annonce devoir rentrer. Nous la saluons et c'est peu de temps après que je me sépare ensuite d'Eijirou, avant de me diriger finalement en direction de chez moi.
Je me fais accueillir au lycée, le lendemain, par une vision assez surprenante : en longeant le couloir menant à la salle de classe, traînant avec moi ma mauvaise humeur matinale habituelle, je remarque en passant devant la salle des professeurs une touffe verte du coin de l'œil. Il est assez rare pour Izuku d'arriver avant moi. En prenant conscience de la présence de mon ami d'enfance, je m'arrête, et rebrousse chemin pour aller me poster à l'entrée de la salle en question.
S'il est là aussi tôt, c'est que cela doit être important. D'ordinaire, j'aurais été du genre à ne pas m'en mêler, à vivre ma vie de mon côté et à continuer mon chemin. Mais j'vous rappelle que je m'inquiète pour le nerd, en ce moment. Et qu'au vu de la discussion que nous avons eu la veille, Eijirou, Ochako, et moi, je suis persuadé qu'il est là pour Shouto. Je croise les bras sur le torse, et sans chercher à me cacher ou à dissimuler ma présence, écoute ce qu'il se dit entre lui et notre professeur principal, Monsieur Aizawa.
« Et après ce message-là, tu n'en as pas reçu d'autres ? Pas d'appel, rien ?
- Non, c'est comme vous le voyez, lui répond Izuku en montrant l'écran de son téléphone. J'ai répondu plusieurs fois, j'ai essayé d'insister un peu, mais rien à faire.
- Je vois. »
Notre professeur aux cheveux noirs négligés me remarque, et se tourne vers moi. Le garçon aux taches de rousseur l'imite et c'est en croisant son regard que je remarque de petites cernes ayant commencé à faire leur apparition sous ses yeux sapin. Une expression craintive trône sur son visage vaguement plus pâle que d'habitude, faisant ressortir les petits points éparpillés contre sa peau. La situation serait aussi grave que cela ?
« Tu as des informations là-dessus, Katsuki ? m'interroge monsieur Aizawa.
- Des informations ?
- Izuku a reçu un message plutôt inquiétant de Shouto, hier soir. Un message appelant à l'aide. »
Je fronce les sourcils, comprenant que le vert et son amie avaient raison de s'en faire depuis le début. J'ai beau ne pas m'entendre plus que cela avec le garçon aux cheveux bicolores, je ne peux pas me permettre de rester indifférent, surtout avec l'état dans laquelle semble se trouver Izuku.
Je rentre donc finalement dans la salle, et m'approche des deux autres personnes pour observer ce qui apparaît sur l'écran du téléphone de mon camarade, posant au passage une main sur l'épaule de ce dernier de manière à tacitement le rassurer.
« Nan, j'suis pas au courant.
- Mmh... Bon, Izuku, je ne peux pas agir seul, alors tu vas m'accompagner chez le principal, d'accord ? On va voir ce qu'on peut faire. »
L'intéressé hoche la tête et range son téléphone dans sa poche. Il s'apprête à suivre notre professeur, mais tourne avant cela la tête en ma direction pour m'offrir un petit sourire qui fait se resserrer mon cœur dans ma poitrine.
Izuku ne va pas bien. Je peux le voir. Il est tendu au possible, clairement épuisé. Et je déteste cela.
Propose-lui de l'accompagner, il sera plus rassuré avec quelqu'un à ses côtés.
Il finit par se défaire de l'emprise de ma main sur son épaule et sortir de la salle des professeurs, sans un mot.
Et moi, comme un idiot, je reste sur place, me contentant de le suivre du regard tandis qu'il disparaît de mon champ de vision.
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