Chapitre 7 - Interlude
Lorsque j'arrive chez moi, encore perturbé parce que m'a dit Tsuyu – je n'arrive définitivement pas à m'imaginer Katsuki me regarder de la manière dont elle me l'a décrit – je monte directement dans ma chambre, après avoir constaté que ma mère ne se trouve pas à la maison. Je troque rapidement mon uniforme contre une tenue plus décontractée, et laisse mon corps tomber sur mon lit, visage dirigé vers le plafond.
« Comme si tu étais un songe prenant vie devant lui. »
J'attrape mon oreiller, et le plaque contre mon visage, comme pour essayer de cacher mes rougeurs naissantes à un spectateur invisible. Mon corps se recroqueville en position fœtale, tandis que je me laisse rouler sur le côté, désormais allongé sur le flanc.
Je ne devrais pas le prendre autant à cœur, afin d'éviter de me créer de faux espoirs, mais... C'est plus fort que moi. Cette perspective d'avoir ne serait-ce qu'une petite chance avec Katsuki... Elle me réchauffe le cœur, me fait me sentir indubitablement heureux. Bonheur de courte durée, puisqu'une interrogation me frappe soudainement, me ramenant à la réalité. J'abaisse légèrement le coussin de mon visage, le serrant désormais contre ma poitrine. Si tel est bien le cas, pourquoi agir comme il le fait ? Pourquoi ne pas avoir répondu positivement à ma déclaration ?
Je sais que Katsuki n'est pas la personne la plus douée, lorsque l'on parle de sentiments. Peut-être en a-t-il peur. Peut-être ne sait-il pas comment les gérer. Ou peut-être simplement que je me fais des idées, et que Tsuyu a mal interprété les regards qu'il pourrait me lancer. Et honnêtement, je ne me vois pas aborder le blond pour lui en parler. Il refuserait d'en discuter. Surtout avec moi.
De toute façon, il m'a bien dit, l'autre jour, avoir quelqu'un en vue, non ? Y'a-t-il une chance que cette personne soit... ? Non. Non, définitivement pas.
Malgré cette sensation étrange me parcourant le corps, je finis par me redresser, reposant mon oreiller à la tête de mon lit, et me décide à me pencher sur mes devoirs. Fort heureusement, je n'ai pas grand-chose à faire pour le lendemain ; quelques petits exercices de mathématiques, et une petite compréhension orale en Anglais – Monsieur Yamada a pris soin de nous envoyer l'audio par mail à la fin de son cours, accompagné d'un document de questions à remplir. Je parviendrai probablement à boucler tout cela en une petite heure, si je ne laisse pas trop mon esprit vagabonder à droite et à gauche, comme à mon habitude. J'attrape mon sac de cours, sors ce dont j'ai besoin, et me mets directement au travail.
Finalement, c'est à dix-sept heures trente, soit deux heures plus tard, que je referme finalement mon ordinateur portable, à l'aide duquel je viens de terminer mon exercice d'Anglais. J'aurais dû compter du temps en plus en considérant ces foutus problèmes d'algèbre. Mais bon, au moins en ai-je terminé pour aujourd'hui. Ne me restera plus qu'à relire mes cours pour le lendemain au moment de me mettre au lit.
Le reste de la soirée se passe calmement sans aucun événement particulier pour venir rompre l'atmosphère paisible régnant toujours globalement à la maison. J'échange quelques messages avec Ochako, la laissant me raconter sa fin d'après-midi en tête à tête avec Tenya. Elle déplore mon absence lors de celle-ci, mais relativise en se disant qu'au moins, elle a pu avoir l'opportunité de passer un moment privilégié en compagnie de la personne pour laquelle son cœur bat. Et même si je suis ravi pour elle, maintenant que je connais les sentiments de Tsuyu à son égard, je ne peux m'empêcher de me sentir mal pour cette dernière. Mais bon, qu'y pouvons-nous ? Ce ne sont pas des choses qui se contrôlent. Ce serait bien trop simple, si l'on pouvait choisir de qui s'éprendre. Et puis, je ne vais pas envoyer un message à ma meilleure amie pour lui dire 'Tiens, tu voudrais pas tomber amoureuse de Tsu, plutôt ?'. Tant que les deux finissent par trouver le bonheur, à un moment ou un autre, je serai heureux pour elles.
Les jours suivants, en revanche, sont plutôt...déplaisants, de mon point de vue. Pour commencer, Katsuki ne m'adresse pas un seul regard, ne m'accorde pas la moindre once d'attention. Pour faire simple, il agit comme si je ne me trouvais plus dans son pan de l'existence. Lorsqu'Eijirou me sollicite alors qu'ils sont tous les deux, il s'éloigne de son ami pour s'isoler, ou engager la conversation avec Denki. Et lorsque je ne fais même que m'approcher de lui, il m'évite, détournant le regard, ne voulant visiblement rien avoir à faire avec moi. Et Dieu sait que cette situation a le don de me briser le cœur, me faisant me demander si j'ai pu faire quelque chose de mal, s'il me déteste à ce point. Plusieurs fois, je peux sentir un amas de larmes se former dans ma gorge, menaçant de déborder, de s'écouler, laissant ainsi éclater mes émotions, évacuer cette sensation me pesant dans la poitrine. Dire que je pensais naïvement que nous nous étions un minimum rapprochés. Je ne pensais pas qu'il serait aussi douloureux de me faire traiter de la sorte par mon ami d'enfance.
De plus, trois jours durant, Shouto est absent. Je ne m'en serais probablement pas inquiété, s'il n'agissait pas aussi étrangement ces derniers temps. Je lui envoie plusieurs messages, cherchant à savoir s'il va bien, s'il a besoin que je lui prenne les cours, ou s'il sait quand il sera de retour... Mais aucune réponse ne me parvient. Et personne ne semble être au courant de quoi que ce soit, le concernant. Vous n'imaginez même pas à quel point je m'en fais. Et comme j'ignore où il vit exactement, je ne peux même pas essayer de lui rendre visite pour m'assurer qu'il ne lui est rien arrivé de grave.
Et pour finir, comme si tout cela n'était pas assez éprouvant mentalement, je suis arrivé à cette période du mois. Celle que la majorité des personnes possédant un utérus vivent, passée la puberté. Ce moment me rend toujours tellement mal à l'aise avec mon corps ; à cause de la douleur, de cette sensation que quelqu'un s'amuse à essorer mes organes pour les vider de la moindre petite goutte de sang et du fait qu'elle entraîne chez moi une perte de confiance considérable quant à ma légitimité en tant qu'homme. Après tout, tout le monde dit que ce sont des trucs de filles, que c'est ce qui arrive lorsque l'on devient une femme. Sauf que je ne suis pas une fille. Et je n'ai aucune envie de devenir une femme. Et puis, il y a tellement d'autres expressions pour désigner ce phénomène ; les périodes, les ragnagnas, être indisposé... Ou bien, même, utiliser le mot destiné à parler de cette semaine insupportable : les règles. Parce que c'est un phénomène naturel duquel l'on ne devrait pas avoir honte. Mais non, au lieu de cela, on préfère le ramener à un genre, tout en invisibilisant une partie de la population qui, pourtant, est tout aussi concernée. Et je n'ai personne avec qui en parler, si ce n'est ma mère. C'est dans ce genre de situations que je me retiens d'exploser la porte de ce maudit placard d'un coup de pied.
... Je crois qu'être dysphorique me rend irritable.
Respire, Izuku. Ne commence pas à grogner comme le ferait un certain blond cendré.
Un râle m'échappe, et je laisse ma tête venir se poser contre mon pupitre, mon front légèrement chaud contre le bois frais. Mes bras entourent mon bas-ventre lancinant, le serrant avec force, comme si cela allait permettre à cette sensation infernale de disparaître. Je suis tellement préoccupé, ces derniers temps, que j'en ai oublié de prendre mes cachets contre la douleur ce matin. J'ai vraiment la poisse.
« Tout va bien, Izuku ? » demande notre professeure de biologie, Madame Kayama.
Je secoue la tête, avant de relever celle-ci vers la jeune femme aux longs cheveux noirs qui me regarde de ses yeux océaniques par-dessus ses lunettes.
« J'ai vraiment mal au ventre... Est-ce que je peux me rendre à l'infirmerie, s'il vous plaît ? »
Elle hoche la tête, demandant au délégué – Tenya, donc – de m'y accompagner. Ce dernier se lève donc de sa place, et obtempère, avançant dans le long couloir du lycée à mon rythme – c'est-à-dire assez lentement, au vu des crampes secouant mon système reproducteur. Heureusement pour moi, il est très patient, et me demande même plusieurs fois si je ne préférerais pas qu'il me porte jusqu'à l'infirmerie. Je refuse à chaque fois, ne voulant pas lui infliger en plus la tâche que serait de me transporter physiquement jusque là-bas. Il ne cherche pas à insister, demeurant à mes côtés, frottant mon dos d'un geste encourageant à chaque fois que je dois m'arrêter pour me pencher en avant, lorsque la douleur se fait soudainement plus aiguë.
« Tu as avalé quelque chose qu'il ne fallait pas ?
- Non. Je sais pas. J'avais déjà mal, ce matin. Mais j'ai oublié de prendre un cachet. J'étais... Trop... »
Je soupire et viens me frotter la nuque, les yeux plissés.
« Trop dans les nuages.
- Oui, j'ai cru remarquer ça. Il se passe quelque chose, en ce moment, pour que tu sois autant ailleurs, Izuku ?
- On peut dire ça...
- Je ne t'oblige à rien. Mais on est amis toi et moi. Alors si tu ressens le besoin d'en parler, tu sais où me trouver. Ou même à Ochako. Elle s'en fait pour toi, tu sais, m'avoue-t-il.
- Elle est adorable. » ris-je de manière attendrie.
Il ne relève pas, se contentant d'opiner, nous plongeant dans le silence pour le reste du trajet.
Après avoir pris un médicament pour calmer mes maux, et m'être reposé un peu, le temps qu'il fasse effet, je suis retourné en classe pour la dernière heure de la journée. Une fois celle-ci passée, je suis rentré chez moi en faisant un bout de trajet avec ma meilleure amie. Nous nous sommes mis d'accord pour demander l'adresse de Shouto à nos professeurs, si nous n'avions aucune nouvelle d'ici le lendemain, afin d'aller le voir ce week-end.
C'était bien sûr sans compter sur le fait que j'aie reçu, enfin, ce soir-là, un message de sa part. Un message à glacer le sang, le genre de texte que l'on ne reçoit que dans les films d'horreur, un peu avant que la victime ne se fasse violemment massacrer. Un unique message avant que, de nouveau, mon ami ne demeure injoignable, ne faisant qu'augmenter crescendo mon angoisse. Un message me faisant me sentir totalement impuissant, tournant en rond dans ma chambre, à la recherche d'une solution, mon téléphone posé sur mon bureau, allumé, laissant voir ces mots envoyés par mon ami aux yeux vairons.
« A l'aide. »
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