Chapitre 5 - Quand je serai sûr de moi, un petit peu moins fragile...
Nos regards se croisent sans avoir eu à se chercher, pour se séparer immédiatement après s'être captés. Je sens une chaleur déplaisante s'emparer de mon visage, et une intimidation soudaine me secouer la poitrine. Comme si ces iris rubis possédaient le pouvoir de brûler ce sur quoi ils se posaient. Je me concentre alors sur ce qui se trouve devant moi : une boite à repas confectionnée avec soin par ma mère, contenant boulettes de riz, omelettes roulées, petits légumes et pommes en quartiers.
Je me sens nerveux. Après l'incident de ce Samedi – lorsque j'ai avoué mes sentiments à Katsuki sans réfléchir – mon ami d'enfance s'est contenté de me fixer une longue minute qui m'a paru durer une éternité. Et puis, c'est sans un mot qu'il est parti, un air impassible sur le visage, me laissant seul avec mon impression qu'un mur infranchissable venait de se dresser entre nous, mais également avec le soulagement de me dire qu'il n'avait pas découvert mon 'secret'. Enfin, l'un d'entre eux, le plus important. Parce que concernant mon attirance à son sujet, je pense que c'est un peu raté.
Dans tous les cas, il n'a pas cherché à me recontacter du week-end. Et aujourd'hui, Lundi, nous ne nous sommes pas adressé la parole. Je n'ose pas lui faire face. J'ai trop peur de sa réaction, si je venais à paraître devant lui, après l'avoir embrassé contre son gré et révélé de but en blanc ce que je ressentais pour lui. Cette scène tourne en boucle dans mon esprit, m'empêchant de me concentrer réellement sur autre chose.
Heureusement pour moi, Ochako finit par arriver, se posant face à moi avec sa propre boîte à repas, accompagnée de Tsuyu et Tenya qui, eux, ont préféré aller s'acheter de quoi déjeuner à la cafétéria ; sandwichs et bouteilles d'eau. C'est ainsi que nous commençons à manger, posés à l'extérieur, sur une petite table ronde en pierre, dans un coin de la cour. Non loin de nous se trouvent Katsuki, Eijirou et Denki, ces deux derniers discutant bruyamment entre eux comme à leur habitude.
« Shouto n'est pas avec vous ? m'enquis-je en jetant un œil derrière la brune pour regarder s'il n'est pas en train d'arriver.
- Non, impossible de lui mettre la main dessus. » répond Ochako dans un soupir.
J'ai vu le bicolore se lever directement de sa place à la sonnerie, pour sortir de la salle sans nous attendre. Je me suis dit qu'il devait s'être rendu à la cafétéria avant que celle-ci ne se retrouve bondée par le surplus d'élèves, mais apparemment, cela ne semblait pas être le cas. Il devait peut-être rejoindre quelqu'un pour manger avec... Ou bien, il s'est isolé le temps de la pause. Chose qu'il n'a plus fait depuis un moment, depuis qu'il s'est mis à nous fréquenter de façon régulière.
Me revient le fait que lui non plus ne s'est pas présenté au rendez-vous fixé par ma meilleure amie, ce Samedi. Qu'il a annulé à la dernière minute, sans donner la moindre explication. Si je ne m'en suis pas fait, sur le moment, je commence à me demander si tout va bien de son côté. Il n'est pas vraiment le genre de personne à se confier, mais si j'arrive à l'intercepter pendant la journée, je lui demanderai.
Le repas se déroule assez rapidement. Mes deux amies nous parlent, à Tenya et moi, de leur Samedi ; de la façon dont Tsuyu les a tous écrasés à la course, de comment Eijirou s'est interposé face à deux autres adolescents s'étant mis à lourdement draguer Ochako, ainsi que du plat spectaculaire de Denki lorsqu'il avait essayé de plonger. Bref, ils avaient l'air de s'être bien amusés.
« La prochaine fois, je ferai en sorte de pouvoir venir, déclare le garçon aux lunettes avec un sourire.
- Oh ouais, ce serait trop bien ! répond la brune avec entrain. Et toi aussi, Deku !
- Ah, euh... Oui, j'espère que je serai libre. »
Mais même si je le suis, je prétexterai probablement ne pas l'être.
Même si j'ai très envie de passer du temps à la piscine, à m'amuser avec mes amis.
Un jour, peut-être.
La pause de midi se termine rapidement, et nous retournons tous en classe. Lorsque nous arrivons, Shouto est déjà installé, à sa place, attendant calmement que le cours ne commence. Quelques autres élèves sont là, également, mais c'est sur mon ami aux cheveux bicolores que mon attention se porte. En général, il n'est pas facile de lire la moindre émotion sur son visage impassible. Mais à cet instant, lorsque mon regard croise le sien, j'ai l'impression d'y déceler une trace de...tristesse ? D'amertume ? Rien de positif en tout cas. Avant de regagner ma table, je décide de me diriger vers lui.
« Shouto ? Je pourrai te parler, après les cours ? En privé ?
- Mmh ? »
Ses yeux vairons se lèvent vers moi. Le précédent sentiment négatif que j'avais cru remarquer n'est plus nulle part, laissant une simple expression neutre, celle que j'ai toujours connue venant de lui.
« Désolé, il faut que je rentre tout de suite.
- Ca ne sera pas long ! Cinq petites minutes !
- Désolé. » répète-t-il en secouant la tête.
Un soupir m'échappe. D'accord, soit c'est bel et bien le cas et je verrai pour lui parler demain, soit il évite la discussion. Bon, je ne peux pas le forcer, mais je ne peux pas m'empêcher de m'inquiéter. Je ne veux pas que mon ami se mure de nouveau dans la solitude et le silence, comme avant.
« D'accord. Pas grave, on verra plus tard. »
Je lui fais un petit sourire, puis vais m'installer à ma place, m'asseyant sur ma chaise pile au moment où Monsieur Yamada, notre professeur d'Anglais, fait son entrée dans la salle dans une salutation fracassante, comme il en a l'habitude. Je ne pense pas me tromper lorsque j'affirme qu'il s'agit de notre enseignant le plus enjoué. Et le plus extravagant. Il n'y a qu'à voir ses longs cheveux blond redressés vers le haut – probablement à l'aide d'un pot entier de gel – en une forme de croissant de Lune...ou de banane, au choix, ses lunettes de soleil qui ne quittent jamais son nez, et sa manière de s'habiller qui ressemble fortement à celle d'un rockeur ou d'un motard.
« Alors, tu veux aussi te faire Double-Face, maintenant ? »
Plongé dans le cours venant de commencer, je mets plusieurs secondes avant de me rendre compte que cette remarque m'est adressé, et que celui me l'ayant lancé a légèrement tourné sa tête vers moi, pour me regarder en coin.
Donc, c'est la première chose que trouve à me dire Katsuki ? Un commentaire tranchant sur le fait que j'ai...adressé la parole à un ami ? Je lui lance un bref coup d'œil, ne comprenant pas vraiment où il a bien pu aller chercher une telle chose.
Malgré tout, je sens mon cœur s'affoler à peine ai-je compris que c'est à moi que Katsuki adresse la parole. Et son 'aussi' me ramène à ce qu'il s'est passé, ce week-end, dans ma chambre. Au vu du ton employé, il m'en veut. C'est compréhensible : je n'aimerais pas me faire embrasser sans prévenir, moi non plus. Même si je n'aurais probablement pas la même réaction que lui.
« Qu'est-ce que tu racontes ? chuchoté-je en espérant ne pas attirer l'attention de notre professeur.
- Qu'est-ce que t'as à lui dire, hein ? »
Alors ça, c'est une première. Depuis quand le blond s'intéresse-t-il à ce genre de choses ? Lui qui déteste les ragots, habituellement, il me demande des informations sur une discussion qui ne le regarde ni de près, ni de loin ? J'avoue ne pas comprendre. Mais je lui réponds tout de même, fronçant les sourcils au passage.
« Je lui parle tous les jours, Kacchan. Et si, là, je veux lui parler en privé, c'est parce que je m'inquiète pour lui, et que s'il a des problèmes, je sais qu'il se livrera plus facilement s'il n'est pas entouré par l'entièreté de la classe.
- Tch, si tu le dis.
- Izuku, Katsuki ! Vous me le dîtes, hein, si ce que je raconte vous intéresse pas ! nous reprend notre professeur.
- Désolé ! » m'exclamé-je tandis que quelques regards se tournent vers nous.
Mon ami d'enfance reporte son attention devant lui.
Qu'est-ce que c'était que cette réaction, de sa part ? C'était...totalement injustifié, et illogique. Ce n'est pas le genre de choses dont il se préoccupe habituellement.
Si je ne le connaissais pas, j'aurais presque pu penser qu'il est...jaloux ?
Non, c'est improbable. Quel genre de jalousie pourrait bien éprouver le blond me concernant, hein ? Je secoue la tête, et baisse les yeux vers mon cahier pour commencer à noter l'exercice inscrit au tableau. Il doit simplement encore être remonté concernant Samedi. Lorsque j'en trouverai le courage, j'irai le voir pour m'excuser.
Les deux heures d'Anglais passent relativement rapidement. J'ai eu du mal à me concentrer avec ces histoires concernant Katsuki et Shouto à l'esprit. Que voulez-vous, je suis le genre de personne à sans cesse ruminer et réfléchir lorsque je me retrouve confronté à de telles situations.
Quinze heures sonnent donc. C'est la fin de notre journée de cours. Je range mes affaires, sans trop me presser, et me fais rejoindre par Ochako et Tenya qui me proposent d'aller faire un arrêt en ville histoire d'aller chercher un petit quelque chose à grignoter pour le quatre-heures. J'accepte avec joie tout en attrapant mon sac, ne pouvant m'empêcher de jeter tristement un œil à la table du Todoroki, déjà vide de la présence de mon ami. Je me mords l'intérieur de la joue...jusqu'à finir par la couper, puisque l'on m'a bousculé, me faisant serrer la mâchoire par réflexe. Un couinement douloureux m'échappe, un goût métallique commençant à envahir ma bouche, alors que je foudroie le responsable du regard, qui ne manque pas de me scruter de la même manière.
« Bouge de là, Deku, t'es dans le passage.
- Tu pouvais lui demander de se décaler, pas la peine de le bousculer ! le réprimande la brune.
- J't'ai pas sonnée, tête d'œuf. »
Il lève les yeux au ciel et, sans un mot de plus, reprend sa route.
La situation s'est empirée, entre nous, semble-t-il. Lui qui se contentait de se tenir éloigné se met maintenant à agir de manière plutôt agressive. J'espère que ce n'est que l'affaire d'une journée, et que tout sera redevenu normal, demain.
Je rêve sûrement. La perspective d'avoir agrandi ce fossé entre Katsuki et moi me brise le cœur.
Mes jambes se mettent à bouger toutes seules, me faisant me lancer à la poursuite du garçon aux cheveux blonds.
« Deku ! m'appelle Ochako. Où est-ce que tu vas ?
- Partez sans moi, j'ai un truc à faire ! »
Je ne te laisserai pas t'éloigner plus que tu ne l'es déjà, Kacchan.
Alors même si j'ai peur, même si j'en tremble...
Je dois te rattraper. Te rattraper, et m'excuser.
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