Chapitre 32 - Rencard (3ème partie)
« Tu t'en vas déjà, Izuku ? Tu ne veux pas rester manger ? » m'interpelle Mitsuki Bakugou tandis que je lace mes chaussures au niveau de la porte d'entrée, sous le regard attentif de son fils.
Je m'applique à terminer le nœud de la première d'entre elles avant de tourner le visage en direction de la femme s'approchant de nous depuis le bout du couloir. Elle arbore un sourire bienveillant, contrastant avec les traits sévères de son visage, dont Katsuki a hérité. C'est une très belle femme de l'âge de ma mère, aux courts cheveux blonds et au regard perçant, que les gens prennent souvent pour la grande sœur de mon ami d'enfance à cause du fait qu'elle ne fasse pas son âge. Il faut dire que, depuis que je la connais, elle a toujours pris le plus grand soin de sa peau et de sa forme physique de manière générale ; avec son naturel énergique, elle est du genre à sortir et bouger dès que l'occasion se présente. Tout le contraire de son mari qui préfère de loin les activités calmes et posées, comme la cuisine ou la lecture.
« C'est gentil de proposer, mais je n'ai pas prévenu ma mère. Et puis, j'ai un ami à la maison en ce moment. Je ne voudrais pas le laisser seul.
- Ah, je vois, opine-t-elle en arrivant à notre hauteur. Une autre fois, alors !
- Il compte prendre racines chez toi, double-face, ou quoi ? demande alors Katsuki dans un haussement de sourcils.
- Katsuki ! » le reprend sa mère en croisant les bras sur sa poitrine.
Ma gorge émet un petit gloussement tandis que je me penche une fois encore vers l'avant afin d'entamer mon deuxième lacet.
« Il devrait bientôt rentrer chez lui. Si j'ai bien compris, son père devrait être de retour ce week-end. » rétorqué-je, répétant la version que tout le monde connaît au lycée.
Mes chaussures enfilées, je me redresse après avoir attrapé et mis au dos le sac posé à mes côtés. Mitsuki n'en attend pas davantage pour me donner une petite accolade, ébouriffant bien entendu mes cheveux au passage.
« Ca m'a fait plaisir de te revoir, Izuku.
- Ca m'a fait plaisir aussi !
- Reviens quand tu veux, d'accord ? Oh, et passe le bonjour à Inko pour moi ! dit-elle en me lâchant.
- Merci. Je n'y manquerai pas. »
Elle hoche la tête et me gratifie d'un petit signe de la main alors que je me tourne en direction de la porte afin d'ouvrir celle-ci et de quitter la demeure des Bakugou, non sans lui adresser un 'au revoir' au préalable. Katsuki me suit, annonçant à sa mère qu'il me raccompagne et, après avoir refermé la porte derrière nous et avoir entamé notre chemin vers chez moi, il m'interpelle, mains dans les poches, iris rivées droit devant lui.
« Deku, y'a un truc que j'dois te demander.
- Oui, Kacchan ?
- Le truc comme quoi le daron de double-face est parti en voyage ou j'sais pas trop quoi... C'est du flan, pas vrai ? »
Sa question, aussi directe qu'assurée, me prend par surprise et fait se glacer le temps d'une seconde le sang dans mes veines. Comment peut-il être au courant ? J'ai fait en sorte de demeurer le plus vague possible quant à cette histoire ! Est-ce que Shouto l'a mis, dans la confidence ? Non, c'est peu probable. Les deux ne s'entendent pas plus que cela et je ne vois pas le bicolore, réservé tel qu'il est, conter ses histoires de familles à mon ami d'enfance alors qu'il ne m'en a même pas parlé de manière explicite. De plus, si le principal concerné le lui avait révélé, il n'aurait pas posé la question.
J'ouvre la bouche, la referme. Aucun son ne m'échappe, mon silence ne pouvant que confirmer ses dires. Mentir à Katsuki ne m'est pas aisé : il parvient à lire en moi comme dans un livre ouvert. Et, même si cette sensation s'est apaisée, son aura intimidante m'empêche de garder mon calme lorsque je m'y risque, faisant accélérer mon débit de parole et me poussant à butter sur chacun de mes mots.
« J'me disais bien, répond-il à mon mutisme. C'était louche qu'il se barre de chez lui quelques jours après son 'accident'. Qu'il demande à rester chez toi direct après être sorti de l'hôpital. Et puis, y'a son message, aussi. C'est évident qu'on lui a foutu sur la gueule.
- ... S'il te plaît, n'en parle pas, murmuré-je à demie-voix. Pour être honnête, il ne me l'a pas vraiment dit mais... Il l'a quand même très fortement sous-entendu. Donc ce n'était pas difficile à deviner. Mais je ne pense pas qu'il veuille que ça se sache dans tout le lycée.
- Tu m'connais, nan ? J'suis pas du genre à rapporter ce genre de trucs. »
Je le sais, le blond se montre bien trop désintéressé des autres pour s'embêter à ébruiter des choses les concernant dans le simple but de faire la conversation. S'il se retrouve en possession de ce genre d'informations, il ne s'en servira qu'en cas de besoin : s'il apprend que Shouto est en danger, par exemple. D'ailleurs, d'ordinaire, il se moquerait bien de chercher à savoir ce qu'il se passe. Il tirerait des conclusions de son côté, sans les partager. Mais comme nous nous rapprochons, lui et moi... J'imagine qu'il veut aussi s'assurer que mon implication dans cette histoire ne m'apporte pas de problèmes.
« Je pense que son père lui fait du mal, et que c'est pour ça qu'il est parti de chez lui. Il m'a un peu parlé de lui et... Je n'avais jamais entendu Shouto avoir autant la haine envers quelqu'un.
- Bah tu m'étonnes, s'il le maltraite y'a de quoi. Mais il va aller où, du coup ? Rester chez toi ?
- Non, non ! En fait, il voyait son frère aîné cet après-midi. Il va voir pour aller habiter chez lui.
- Je vois. »
Un petit silence s'installe entre nous, durant lequel Katsuki lève le nez vers le ciel dans un petit fredonnement pensif. J'ai hâte de savoir comment cela s'est déroulé, d'ailleurs, entre eux deux ! Je n'ai pas reçu de nouvelles de la part de mon ami, pour le moment. J'espère que le courant est passé, entre lui et ce frère qu'il a redécouvert après tout ce temps.
Le trajet reliant nos maisons à Katsuki et moi est relativement court, et nous n'avons, de ce fait, pas l'occasion d'entamer un autre sujet que nous arrivons déjà devant chez moi. Nous nous arrêtons et je me place face à lui, dos à la porte d'entrée se trouvant quelques mètres derrière moi. Son regard se plante dans le mien sans qu'il ne brise le calme entre nous, nous mettant dans une situation où je ne sais pas vraiment que faire. Dois-je m'exprimer en premier ? Me contenter de le saluer et de rentrer chez moi ? Attend-il quelque chose de ma part ? Une de mes mains vient trouver ma nuque, frottant celle-ci alors que je détourne les yeux et me racle la gorge.
« Hum, bon eh bien... me lancé-je. Merci pour cet après-midi. J'ai... Beaucoup aimé la passer en ta compagnie.
- Mmh, c'était cool. » acquiesce-t-il.
Il sort les mains de ses poches pour croiser les bras tandis qu'il initie un pas en ma direction, réduisant de quelques centimètres la distance nous séparant.
« Dis, Deku...
- Oui, Kacchan ? »
Il se mordille la lèvre, visiblement incertain.
« Tu sais... Le truc comme quoi j'suis pas du genre à répéter les choses aux gens qu'ça concerne pas...
- Mhm ?
- Comment dire... Si y'a des trucs que tu veux m'dire... Que tu veux te confier à moi... Hésite pas, d'acc ? J'sais que tu dois pas encore me faire vraiment confiance. Mais j'veux que tu saches que, hum... J'suis là, ok ? »
Ma tête s'incline légèrement sur le côté, exprimant la confusion que je ressens suite à ces paroles pour le moins soudaines. C'est assez inhabituel, venant de lui. D'ordinaire, Katsuki est plutôt du genre à me dire de ne pas raconter ma vie, lorsque je commence à donner plus de détails qu'il ne juge nécessaire. J'imagine que, encore une fois, il s'agit là d'une démonstration de sa part visant à me faire comprendre qu'il tient à moi, malgré notre passé commun. Et cette supposition ne manque pas d'occasionner une envolée de papillons au sein de mon estomac. Découvrir ces facettes du blond que je ne connaissais pas... C'est une expérience vraiment magique !
« Je n'y manquerai pas. » déclaré-je dans un sourire.
Nous demeurons encore un instant ainsi, devant chez moi, nous scrutant sans un bruit, attendant probablement que l'autre initie un mouvement de départ avant de bouger. Le temps semble s'arrêter, se figer tout autour de nous. Tout comme il l'a fait cet après-midi à plusieurs reprises. Et pourtant, celui-ci nous a tout de même amené ici, au moment où nous devons nous dire au revoir, lui et moi. Ce n'est pas un drame, bien sûr. Nous nous reverrons le lendemain, au lycée. Cependant, là-bas, nous ne serons pas rien que tous les deux. Nous ne pourrons pas joindre nos mains, explorer nos phalanges de nos doigts, tracer de petits cercles sur la paume de nos mains. Nous ne pourrons pas faire preuve de cette tendresse encore fragile, vacillante comme une flamme au vent. Nous serons chacun avec notre groupe d'amis, comme à notre habitude. Peut-être échangerons-nous des regards. Quelques paroles. Mais rien de similaire à aujourd'hui.
Je peux voir les pupilles de Katsuki explorer mon visage, se poser quelques fois plus bas, là où se trouvent mes lèvres. Peut-être me fais-je des idées. J'ai beau ne pas vouloir brusquer les choses entre nous, s'il décide de m'embrasser là, maintenant, je ne parviendrai pas à le repousser. Une part de moi espère même qu'il le fasse, en a furieusement envie. Et le Soleil se couchant, la douce température extérieure, ainsi que le fait que l'on doive repartir chacun de notre côté après une telle journée en compagnie l'un de l'autre n'aident pas à taire cette envie. Bien au contraire.
Il lève une main, la fait se poser avec délicatesse contre ma joue que je sens brûlante. Puis il se penche vers moi et je ne peux m'empêcher de fermer les yeux, intimidé par ce qui se dessine peu à peu à l'horizon. Sa chaude respiration ricoche contre ma peau et sa présence me submerge, inondant sans préavis mon espace personnel. Mon cœur tambourine dans ma poitrine, faisant battre le sang à mes tempes. Je me demande si Katsuki se trouve dans le même état, physiquement. Mes propres phalanges viennent à sa rencontre, curieuses, palpant lentement son torse afin de localiser, paupières closes, l'endroit où résonne son organe vital. Et, effectivement, je peux sentir contre mes doigts que ce dernier cogne avec force dans sa cage thoracique, comme s'il cherchait à la briser pour s'en échapper.
« Je peux ? » finit-il par murmurer, d'un ton magnifiquement doux que je ne lui connaissais pas.
C'est alors que mes neurones déraillent, prises d'assaut par un sentiment surpuissant, refusant de se connecter les unes aux autres de manière cohérente. Un court-circuit perturbe l'échange d'informations au sein de mon cerveau, m'empêchant d'ouvrir la bouche, faisant s'enrayer mes cordes vocales qui, je le sens, ne parviendraient pas à émettre le moindre son. Je ne peux que fébrilement hocher la tête, tendu, afin de lui faire part de mon accord.
C'est ainsi que, quelques secondes plus tard, nos lèvres s'effleurent, cette fois-ci de manière pleinement consentante, maitrisée. La sensation est bien meilleure que la première fois, lors de ce baiser forcé, utilisé en panique dans le seul but de me sortir d'une situation difficile. L'échange est doux, aussi délicat et plaisant qu'une caresse. Il fait s'accroître en moi l'amour que je porte à mon ami d'enfance, le transformant sans prévenir en brasier me réchauffant le cœur. Le contraste est assez important, entre la tendresse de l'acte et ce qu'il provoque en moi, cette abrasion destructrice me donnant l'impression d'une temporaire invincibilité.
Mais le baiser est également aussi furtif qu'une plume emportée par le vent car, avant même que je ne m'en rende compte, la bouche de Katsuki s'éloigne, ne laissant que sur la mienne son empreinte de velours. Cependant le feu en moi se retrouve suffisamment alimenté pour ne pas se tranquilliser dans l'immédiat. La première chose que j'aperçois en ouvrant les yeux est le sourire du blond, ce rictus mêlant fierté et affection. Il sait ce qu'il vient de déclencher en moi : je peux le deviner à son air et aux rougeurs teintant son visage, indiquant qu'il est probablement en train d'expérimenter la même chose. De mon côté, j'ignore quel genre d'expression j'arbore actuellement mais je me doute, grâce à un petit gloussement de la part de l'autre garçon, qu'elle doit être particulièrement comique. J'ai terriblement envie de l'attirer de nouveau à moi, de sceller nos lèvres une fois encore. J'ai envie de laisser mes hormones d'adolescent amoureux prendre le dessus, de laisser tomber cette résolution de prendre notre temps. Je veux être avec Katsuki. Pouvoir lui faire part quotidiennement de mes sentiments et réciproquement.
Cela me vaut un effort surhumain de me contenir, de me dire que ce baiser est amplement suffisant pour le moment et que le reste viendra en temps voulu. La main se trouvant précédemment contre le buste de Katsuki revient à moi, mon pouce passant précautionneusement contre ces lèvres ayant accueillies, un petit instant auparavant, la chaleur du blond. Je me surprends à sourire à mon tour, un sourire large, rempli de bonheur. Un sourire reflétant tout ce que j'ai pu ressentir lors de cet échange intime n'ayant pourtant duré qu'un bref moment.
Reculant d'un pas, mon ami d'enfance enfonce de nouveau ses mains dans ses poches, puis il tourne les talons sans rien ajouter, si ce n'est un 'Allez, à demain le nerd !', me laissant seul devant chez moi tandis que j'œuvre au mieux pour apaiser un minimum l'incendie de mon cœur avant d'oser paraître devant qui que ce soit.
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