Chapitre 30 - Rencard (1ère partie)
CW : Il y a, dans ce chapitre, une brève mention d'insectes et d'araignées.
Aussi, Izuku va faire usage de terme de passing. Pour cell-eux d'entre vous qui ne sauraient pas ce que c'est : il s'agit de chercher à être perçu, pour les personnes trans, au genre auquel l'on s'identifie. A rentrer donc dans les codes du genre en question, selon la société (par exemple, en portant un binder pour les mecs trans, des prothèses mammaires pour les filles trans, etc...).
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Point de vue d'Izuku
J'ai toujours beaucoup aimé ce petit parc se situant non-loin du lycée. Spacieux, vert, généralement calme. Il m'est déjà arrivé de m'y rendre entre deux cours afin de profiter du Soleil en compagnie de ma meilleure amie. Dans ce genre de cas, nous allons tous deux nous poser sur un banc ou au pied d'un arbre et nous laissons le temps passer. Parfois, nous discutons de choses et d'autres ; les cours, les nouvelles quant à nos vies, nos amis, ou bien nous échangeons des anecdotes passées, parlons de tel ou tel film ou série que nous avons regardé quelques jours auparavant, de vidéos nous ayant marqué sur YouTube... Bref, de tout et de rien. Parfois, nous lisons ou révisons – notamment lorsqu'un contrôle est prévu au cours de l'heure suivante. Et parfois, nous restons simplement là, contemplant la vue nous offrant cet espace verdoyant, rêvant de toutes sortes de choses, tout en laissant le vent virevolter autour de nous jusqu'à ce qu'arrive l'heure de retourner en classe.
Vous l'aurez compris, je suis donc assez familier avec cet endroit.
Pour autant, il y a bien longtemps que je ne m'y suis rendu avec Katsuki à mes côtés. Si mes souvenirs sont bons, la dernière fois remonte au début du collège alors que nous passions encore beaucoup de temps ensemble. Après notre éloignement, j'ai d'ailleurs cessé de m'y balader seul, peu enclin quant à l'idée de tomber sur le blond et son groupe d'amis, sachant très bien qu'ils ne m'accepteraient pas au sein de celui-ci, me jugeant 'trop faible', 'trop bizarre', 'trop féminin' pour pouvoir traîner avec eux. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à réellement expérimenter la dysphorie. Avec mon corps en plein développement, ma poitrine grandissante, mes hanches s'élargissant, l'arrivée de mes premières menstruations... Les choses se sont avérées plutôt difficiles pendant un temps. Le doute, la peur, les questionnements se sont emparés de moi. Combien de fois me suis-je retrouvé à pleurer, sous la douche, à la vue de ce corps qui ne correspondait pas à celui des autres garçons ? Combien de fois ai-je prié pour que mes seins cessent de se développer, qu'ils redeviennent plats comme ils l'étaient avant le début de ma croissance ?
Heureusement, ma mère a su m'épauler, me rassurer. Elle n'est pas parvenue à effacer la totalité de mes insécurités mais, sans elle, je ne serais probablement pas autant en paix avec mon corps aujourd'hui, pas autant assuré dans mes convictions, mon identité. Il m'arrive encore d'avoir du mal, de faillir un instant face à la vision des autres quant aux physiques comme le mien. Mais globalement, je me sens bien avec.
Mais revenons-en à Katsuki. Cela fait donc un moment que nous ne nous sommes pas baladés au sein de ce parc ensemble, lui et moi. C'est pourquoi, lorsqu'il m'a envoyé un message Lundi pour me proposer de nous y rendre après les cours du Mercredi, j'ai d'abord été happé par la nostalgie, par tout un tas de souvenirs qui me paraissent tellement, tellement lointains. Puis, je lui ai répondu que je l'y accompagnerais avec plaisir. C'est pourquoi je me trouve actuellement dans ce parc, cheminant tranquillement à ses côtés, un sandwich presque terminé en main que nous sommes allés chercher dans l'une des boulangeries du coin. Dès que les cours se sont terminés, je me suis dépêché de filer, après avoir rangé mes affaires et prévenu mes amis que je ne mangerais pas avec eux ce midi – d'ailleurs, l'œillade que m'a lancé Ochako m'a bien fait comprendre que je lui devrai des explications plus tard – afin d'aller retrouver mon ami d'enfance au niveau de la grille de l'établissement.
Nous ne nous sommes pas réellement reparlés depuis notre sorti parc d'attraction, nous contentant parfois de nous lancer de petits regards gênés que nous nous empressions de détourner. Et je pense qu'ils n'ont pas échappé à Tsuyu, ni à Ochako qui, dès que je déviais mon attention de Katsuki, m'observaient souvent toutes deux, un grand sourire espiègle plaqué sur les lèvres que je me suis efforcé d'ignorer. Néanmoins, maintenant que je sais ce que le blond pense réellement de moi, ce que je ressens en sa présence est...différent. Le stress et la peur se sont envolés, transformés, se changeant en une nervosité due à la nouveauté de la chose, un plaisir de savoir que Katsuki ressent, lui aussi, quelque chose à mon égard. Je me sens toujours aussi tendu, mais ce n'est plus à cause de l'intimidation que m'a toujours renvoyé mon ami d'enfance. J'ai beau avoir décidé d'y aller doucement avec lui à cause de tout ce qui s'est passé ces dernières semaines, je ne peux nier que l'excitation nichée en moi me donne envie de craquer et de tout lui pardonner pour aller me réfugier dans ses bras. Cela fait si longtemps que je rêve de la réciprocité de mon amour. Maintenant que je sais qu'elle existe, je veux pouvoir en profiter, m'en rendre ivre, me laisser submerger. Mais je dois m'en tenir à ce que j'ai décidé. Je dois montrer à Katsuki qu'il ne peut pas s'en tirer aussi facilement, après avoir agi comme il l'a fait. C'est pourquoi je veux d'abord que nous nous rapprochions comme avant. Ensuite, je me laisserai volontiers envahir par ces émotions teintant mon monde d'un indescriptible bonheur.
Nous finissons par nous asseoir sur un banc au bord du chemin, sandwichs terminés, sacs posés à nos pieds. Aucun de nous ne parle, seul se fait entendre le son des branches chahutées par le vent, de leurs feuilles s'effleurant à cette occasion. C'est mon ami d'enfance qui finit par briser le silence entre nous, croisant les bras contre son torse et levant légèrement la tête vers le ciel partiellement nuageux de ce début d'après-midi.
« Ca f'sait un bail qu'on était pas v'nus là, tous les deux.
- J'y pensais, oui. Il s'en est passé des choses, depuis.
- Mmh. Tu t'souviens de la fois où j'ai glissé un scarabée dans ton dos, Deku ?
- Ugh, comment oublier... » soupiré-je.
La sensation de ces petites pattes s'accrochant à ma peau, remontant le long de mon dos, tandis que, surpris par celle-ci, je me suis mis à gigoter et à émettre de petites complaintes vocales, paniqué. Quand nous étions enfants, Katsuki aimait beaucoup s'amuser à observer et chasser les insectes alors que de mon côtés... Le plus éloigné je me tenais de ces bestioles, le mieux je me portais. Je n'ai jamais été un grand fan de ces petites choses grouillantes, rampantes, parvenant à se faufiler où cela leur chante. Et, bien entendu, mon ami s'en est souvent joué, à mon plus grand désarroi.
« Y'a aussi la fois où j't'ai couru après avec une araignée dans les mains, ricane-t-il en me lançant un coup d'œil en coin.
- La fois ?! m'écrié-je avec indignation. Dès que t'en trouvais une, tu me l'apportais !
- Et toi, tu t'barrais en courant comme si tu t'faisais poursuivre par un monstre.
- Parce que c'était le cas ! »
Je frémis à la simple évocation de ce souvenir. Le sourire machiavélique de Katsuki, ses mains rassemblées en bol, tendues dans ma direction avec cette bête des enfers y trônant, bougeant parfois jusqu'aux revers de mon ami d'enfance, ou bien remontant le long de ses bras. Comment faisait-il pour ne pas céder à la panique, pour continuer de me poursuivre malgré tout ?
Le fait d'y repenser me donne l'impression qu'une dizaine d'insectes se met soudainement à fourmiller contre mon corps. Je me mets à gratter avec vigueur les endroits touchés par ces démangeaisons injustifiées et cette vue suffit à faire glousser Katsuki, visiblement satisfait de l'effet apporté par l'évocation de ces souvenirs. En tout cas, une chose est sûre : la moindre once de nervosité que j'ai pu ressentir s'est pour l'instant envolée, remplacée par l'horreur et le dégoût.
« On pourrait parler d'autre chose ? supplié-je. Genre, je sais pas, est-ce que t'as lu de bons trucs, récemment ? Regardé des séries ou des films intéressants ? N'importe quoi tant que ça n'a rien à voir avec des insectes !
- Euh... Ouais, l'autre soir j'ai maté un truc qui s'appelle Arachnophobie. Ca parle de—
- Kacchan ! »
Il rit de plus belle, visiblement content de lui, tandis que je décide de poser mes mains contre mes oreilles, boudeur, au cas où il déciderait de continuer à raconter malgré ma plainte. Il se contente cependant de me tapoter l'épaule, me faisant reporter mon attention à lui, qui me fait signe qu'il n'en a pas l'intention. Tout de même suspicieux, j'abaisse lentement mes phalanges, jusqu'à venir croiser mes bras contre mon torse, sans me départir de mon air contrarié pour autant.
« Donc, t'en as toujours peur, hein.
- Oui.
- Bon, au moins, t'es plus aussi tendu. »
... Est-ce que ma nervosité s'est montrée aussi évidente ? En réalisant que Katsuki a probablement amené ce sujet pour apaiser l'atmosphère régnant entre nous, je ne peux m'empêcher de piquer un fard. Je suppose qu'il n'est, lui-même, pas spécialement à l'aise. Mais au moins est-ce différent de lorsqu'il ne parvenait pas à gérer ses émotions et qu'il se contentait de les rejeter en faisant preuve de méchanceté.
« Ca se voyait tant que ça ?
- Deku, j'te connais depuis des années. Bien sûr que j'sais remarquer quand t'es tendu. Pis même sans ça, t'es un livre ouvert de toute façon. »
Il n'a pas tort sur ce point. Je sais que je suis quelqu'un de très expressif, autant dans ma gestuel que dans ma manière de m'exprimer. Contrairement à Katsuki qui ne laisse jamais rien entrevoir.
« J'dois avouer qu'j'ai toujours trouvé ça drôle, la façon qu'ta voix a à partir dans les aigus quand t'es outré. » ajoute-t-il.
A cette remarque, mon cœur loupe un battement et, comme par reflexe, l'une de mes mains se rend à ma gorge, l'entourant délicatement. Je fronce les sourcils, peu ravi que soit pointé du doigt l'aspect aigu de ma voix. Je fais généralement en sorte de la rendre plus grave que ce qu'elle ne l'est naturellement mais, lorsque je m'exclame pour une raison ou une autre, je ne la contrôle pas vraiment. Et cela provoque quelques insécurités en moi. Il arrive que je me fasse apostropher au masculin mais que, en entendant ma voix, mon interlocuteur se mette à s'excuser avant de passer au féminin. C'est bien l'un des seuls aspects de mon passing pouvant me faire défaut, en dehors de mes traits jugés 'plus délicats que la moyenne chez un garçon'.
« La puberté ne m'a pas vraiment gâté sur ce point... finis-je par murmurer, quelque peu embarrassé.
- Ca va, c'pas horrible non plus. J'veux dire... Ok, à l'époque j'me foutais de ta gueule parce que t'étais plus fin qu'les autres mecs, que t'avais la voix super fluette et tout mais c'est bon, j'ai évolué. J'suis toujours un enfoiré sur certains points, et ce s'rait sûrement pire si tête d'ortie était pas là, mais j'le suis plus autant qu'à l'époque.
- Tu sais, rien que là, je te trouve plus calme que d'habitude. Plus posé. Ca me fait un peu bizarre, mais c'est pas désagréable, réponds-je dans un petit sourire.
- J'suis toujours calme et posé. » grogne-t-il, ce qui m'arrache un rire franc.
Notre discussion à cœurs ouverts de Samedi doit être à l'origine de ce changement. Il est certainement conscient que nous avons plus de chances de nous rapprocher s'il ne tente pas de me repousser toutes les deux minutes. Il fait des efforts, pour moi. Pour nous.
Commentvoulez-vous que je demeure insensible face à cette constatation ? Mon rires'évanouissant peu à peu dans le vent, j'autorise mon corps à se pencherlentement sur le côté, jusqu'à ce que ma tempe vienne à la rencontre de l'épaulede Katsuki, faisant tiquer ce dernier de gêne. Il ne cherche cependant pas à medéloger, me laissant reposer ainsi de longues minutes durant tandis que je mesurprends à souhaiter que le temps ne se fige, rien qu'un instant.
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