Chapitre 3 - Réminiscences des temps passés
La semaine est rapidement passée, nous amenant sans que nous ne nous en rendions compte au Samedi tant redouté. Lorsque je me suis réveillé, ce matin-là, je me sentais nerveux. Coupable. Jolie preuve de ma sensibilité beaucoup trop élevée. Ce sentiment n'a fait que s'accroître à la réception d'un message d'Ochako, vers midi, me demandant si j'étais sûr de ne pas pouvoir venir. Chose à laquelle j'ai répondu positivement, bien entendu. Elle m'a alors appris que Shouto s'était décommandé à la dernière minute, sans vraiment donner la moindre explication, réduisant d'autant plus le groupe censé se retrouver en début d'après-midi.
Mais je ne m'inquiète pas trop pour lui. Il a toujours été un grand solitaire, après tout. Et puis, peut-être est-il simplement tombé malade, ou quelque chose de ce genre-là. Dans tous les cas, selon moi, il ne s'agit de rien de grave.
Ma mère est partie dans les alentours de treize heures trente, me laissant ainsi seul pour le reste de la journée. Ainsi en ai-je profité pour aller me poser devant la console, dans ma chambre. Allongé sur le lit, sur le ventre, la manette entre les mains, j'ai lancé mon jeu préféré : One's Justice, un jeu de combat mélangeant super-héros et super-vilains. Je sais, au vu de mon caractère, on peut s'attendre à ce que je sois plutôt branché Animal Crossing ou Cooking Mama. Ce qui n'est pas totalement faux, je l'avoue. Mais j'apprécie également pas mal l'action. Surtout lorsque l'on parle du Bien se battant contre le Mal. Cela peut paraître très manichéen, dis comme cela, mais ce n'est pas pour autant que je l'interprète de la sorte : je n'apprécie que peu de suivre un héros invincible ne possédant pas le moindre défaut, tout comme je n'aime pas lorsque celui-ci se retrouve face à un méchant n'ayant comme simple motivation qu'un besoin d'être méchant. Je préfère nettement lorsque les personnages ont de la profondeur, une explication logique de la raison pour laquelle ils agissent ainsi. Je ne crois pas que quelqu'un puisse décider de faire le mal par nature. On m'a déjà dit que j'étais naïf de penser de la sorte. Et peut-être le suis-je. Sûrement. Mais que voulez-vous ? Je dois faire partie de ce rare échantillon de personnes ayant encore un minimum foi en l'humanité. Parfois, cela me fait tomber de haut, je l'avoue. Mais cela m'est nécessaire pour conserver cette positivité me caractérisant bien.
Alors que mon personnage tombe au sol dans un râle, vaincu pour la troisième fois consécutive par son adversaire, et que je laisse échapper un son plaintif, la sonnerie retentit, au rez-de-chaussée. Je mets mon jeu en pause, et relève la tête pour regarder par-dessus mon épaule. Ai-je rêvé ? Je n'attends personne, pourtant. Et ma mère ne doit pas rentrer avant dix-huit heures, si j'ai bien compris. De plus, elle a bien pris ses clés. Serait-ce le facteur ? Un colis ? Je ne vois que cette explication.
La sonnerie se fait de nouveau entendre, me sortant de ma torpeur. Je me lève rapidement, sans avoir le temps d'enfiler quoi que ce soit pour dissimuler un minimum ma poitrine – heureusement que je fais toujours en sorte de mettre des t-shirts amples, lorsque je suis à la maison – et sors de la chambre, pour dévaler les escaliers en criant un « J'arrive ! » à mon visiteur. Arrivant à l'entrée, j'abaisse la poignée et ouvre la porte pour tomber nez à nez avec la personne à laquelle je m'attendais le moins à voir ici. Je reste même plusieurs secondes figé, le temps que mon cerveau n'accepte de traiter cette information improbable, qu'il n'aurait même pas envisagé dans le monde de mes rêves.
Katsuki se trouve là. Au pas de ma porte. Le regard aussi dur que d'ordinaire, les mains dans les poches, il attend simplement, visiblement irrité – quand ne l'est-il pas ?
« K-Kacchan ? est la seule chose parvenant à passer les frontières de mes cordes vocales.
- Ouais, soupire-t-il ennuyé, l'air de dire 'c'est bien, t'arrives à me reconnaître'.
- Je... Qu'est-ce qui t'amène ?
- La vieille m'a viré.
- Hein ?! C-comment ça ?!
- C'est bon, flippe pas. Elle m'a viré dans le sens où elle m'a dit de venir te voir. Comme ta mère est chez nous et que t'es pas avec elle, elle m'a engueulé en me disant que tu devais te sentir seul, et que comme t'étais pas là, bah qu'il fallait que j'me bouge moi-même. »
Et Katsuki espère me faire croire qu'il a écouté sa mère sans broncher ? Tel que je le connais, il doit passer sous silence le moment où il a refusé en envoyant paitre la pauvre Mitsuki pour qu'ensuite, cette dernière ne l'attrape par le col pour l'emmener de force dehors, lui fermant la porte au nez. Le blond a dû ensuite fulminer et râler comme à son habitude, avant de se résigner.
Ah, n'allez pas me faire dire ce que je n'ai pas dit ! Mitsuki Bakugou n'est pas une mère abusive, loin de là ! Je sais qu'elle aime profondément son fils, et je suis sûr que c'est un sentiment réciproque. Seulement, ces deux-là se montrent leur affection de manière plutôt...explosive. Vous pouvez être sûrs que lorsque la mère de Katsuki agit calmement avec lui, c'est que quelque chose ne va pas. Vous l'avez compris, c'est une relation bien différente de celle que j'entretiens avec ma génitrice. Mais avec le même degré d'amour.
D'ailleurs, il s'agit de l'une des seules personnes de mon entourage étant au courant pour moi, avec son mari. D'après ma propre mère, lorsqu'elle lui a annoncé, celle-ci l'a très bien accepté, au même titre que le père du blond – bien qu'il ait eu un peu de mal à comprendre, pour commencer. Et ils n'ont jamais rien dit à mon camarade, à mon plus grand soulagement.
Mais je diverge.
Comme je ne bouge pas, encore trop sous le choc, Katsuki finit par pousser un soupir agacé trahissant son impatience. Il croise les bras, et hausse un sourcil avant de reprendre.
« Bon, tu me fais entrer, oui ou non, le nerd ?
- Ah ! Oui, pardon ! »
Je finis alors par me décaler, le laissant pénétrer au sein de la maison, et referme la porte après son passage. Son regard rubis se promène autour de lui. Cela doit être étrange pour lui, de revenir ici après tout ce temps, j'imagine, bien qu'il ne laisse rien transparaître. Il se déchausse, et se met à me suivre tandis que je retourne à l'étage, l'emmenant à ma chambre.
Pourquoi est-ce que je me sens nerveux à l'idée que Katsuki ne redécouvre celle-ci ? Pourtant, elle n'a pas tant changé que cela, avec le temps. Elle a simplement 'grandi' en même temps que moi, se voyant peu à peu remplacer les jouets éparpillés par-ci, par-là par des livres en tout genre, des cahiers, quelques figurines... Mais en soi, les meubles n'ont pas bougé, et l'atmosphère y est identique. A mon sens, en tout cas.
« J'étais en train de jouer à un jeu de combat. Y'a un mode multijoueur, tu veux te joindre à moi, ou tu préfères faire autre chose ? demandé-je en rentrant dans la pièce en question.
- Tu joues à ce genre de trucs ? Toi ? »
Il a un petit rire moqueur, ses prunelles portées sur l'écran de pause s'affichant sur la télévision. Oh, non, Katsuki. Je vois très bien où tu veux en venir. Je sais très bien quelle va être ta prochaine remarque.
Je décide de le devancer, avant qu'il ne fasse le moindre commentaire quant au fait qu'il me verrait davantage devant un jeu destiné aux 'fillettes' ou quelque chose du genre.
« Ouais, j'avais super hâte de l'avoir ! D'ailleurs, je l'ai acheté le jour de sa sortie ! J'ai commencé à économiser dès qu'ils l'ont annoncé, pour être sûr d'avoir assez quand—
- C'est bon, j'ai compris, le nerd. Commence pas à me raconter ta vie. »
Il tire la chaise de mon bureau pour la placer face à l'écran, et attrape la seconde manette reliée à la console.
« Allez, lance une partie, Deku, que je t'explose. »
Il m'offre un sourire carnassier. Une expression de défi illumine son visage, ne manquant pas de faire rater un battement à mon cœur, sans que je ne comprenne exactement pourquoi. Enfin, si, je sais qu'il s'agit de mon attirance pour lui s'exprimant. Mais j'ignore pourquoi l'air qu'il arbore me trouble, à cet instant précis.
Reprends-toi, Izuku.
J'acquiesce alors, reprenant place sur le lit, pour commencer une nouvelle partie, à deux joueurs.
Plusieurs combats s'enchaînent, sans que nous ne parvenions réellement à nous départager. Nous nous sommes mis d'accord pour dire que le vainqueur serait celui à comptabiliser dix victoires en premier. Et sans nous en rendre compte, nous arrivons assez rapidement à un 'neuf partout', à la grande frustration de mon camarade qui pensait pouvoir me battre les mains dans les poches. La prochaine bataille sera donc décisive.
Je sélectionne mon personnage, et Katsuki le sien. Le combat commence. Comme je le pensais, la rage de vaincre au ventre, le blond décide de m'attaquer de front, fonçant vers moi, prêt à en découdre. J'esquive d'un saut pour me retrouver derrière lui, et appuie sur une combinaison de touches pour le saisir et effectuer une prise spéciale, le faisant grogner. Il se relève, m'assénant d'un coup dans le tibia au passage, me faisant me pencher en avant. Cela lui laisse une ouverture pour enchaîner plusieurs uppercuts, me faisant chuter à mon tour. Je ne me laisse pas impressionner, et pars sur une roulade arrière afin de me redresser, reculant pour me mettre en garde. J'attends son prochain mouvement, décidant d'anticiper par rapport à celui-ci. Il se met alors à courir vers moi, mais alors que je m'apprête à l'intercepter, il s'abaisse pour se glisser à mes pieds, m'emmenant de nouveau au sol. Il se met directement sur moi, me frappant de plusieurs coups de poing au visage que je ne peux contrer. Nous nous relevons à nouveau. Je décide de ne pas perdre de temps, et de tenter un combo reposant sur un jeu de jambes.
Plusieurs coups plus tard, alors que nos points de vie sont quasiment identiques, nous prenons conscience que le prochain coup garantira la victoire de l'un, et la défaite de l'autre. Nous nous échangeons un regard, puis faisons tous deux se ruer nos personnages l'un vers l'autre, bien décider à placer une prise spéciale histoire de terminer en beauté.
Malheureusement pour Katsuki, je suis plus rapide, et parviens à l'attraper pour le frapper le premier, le mettant K.O pour de bon.
« Putain de nerd ! » s'exclame-t-il en lâchant sa manette, qui finit au sol.
Je laisse un petit rire s'élever et me redresse pour me mettre en position assise sur le lit, victorieux. Je me sens fier d'avoir pu vaincre mon ami d'enfance, de lui avoir montré que, moi aussi, je pouvais être capable de choses. Puis, je me fais frapper par une vague de nostalgie. Depuis combien de temps n'ai-je pas ri ainsi en sa compagnie, ne nous sommes-nous pas amusés ensemble ? Cette situation me plaît. Je me sens bien. Comme si nous étions redevenus le duo que nous formions, plus jeunes. Cet après-midi va-t-il contribuer à renforcer nos liens ? Je l'espère de tout cœur.
« Te marre pas ! »
Me sortant immédiatement de mes pensées, le blond se jette sur moi, poussant mes épaules pour me forcer à finir sur le dos. Voyant cependant que son sourire provocateur est revenu, je comprends qu'il n'est pas mauvais, comme cela peut parfois être le cas. Je revois le Katsuki d'il y a une dizaine d'années, réapparaissant à moi comme si sa froideur passée n'avait jamais existé. Me prenant au jeu, j'attrape ses hanches, et nous fais rouler sur le côté, histoire d'inverser nos positions, me retrouvant à mon tour au-dessus de lui. Visiblement, cela ne lui plaît pas car, la seconde suivante, je me retrouve de nouveau sous lui, tandis que nos iris s'affrontent, en silence.
« Essaye pas de me dominer, Deku. T'y arriveras pas. » murmure-t-il d'une voix rauque, brisant celui-ci, ne manquant pas de me faire frémir.
Dans un autre contexte, cette phrase pourrait être des plus déstabilisantes.
Je sais bien que l'égo de mon camarade est assez élevé, et que celui-ci souffre d'une crainte constante de se retrouver rabaissé, de ne plus trôner au sommet. Je suis d'ailleurs surpris qu'il prenne sa défaite à One's Justice aussi bien. Aurait-il soudainement muri ? J'ai un peu de mal à y croire, pour être honnête. Je suppose qu'il doit simplement se trouver dans un bon jour.
« Bon. J'crève de soif.
- Si tu me laisses me lever, je vais nous chercher à boire. »
Il me jauge un peu plus longtemps du regard, avant de se décaler pour me libérer. Je me redresse donc, et m'éclipse de la chambre pour me rendre rapidement à la cuisine.
Après m'être emparé d'une bouteille de cola dans le frigo, ainsi que de deux verres, je remonte joyeusement pour aller retrouver mon ami. Puis-je de nouveau le qualifier d'ami ? En tout cas, j'en possède bien l'impression, au vu du moment que nous sommes en train de passer tous les deux. J'en oublie presque le mensonge m'ayant poussé à devoir rester chez moi, cet après-midi. Non pas que je ne le regrette plus. Mais j'y vois désormais un petit côté positif : cet instant privilégié passé en compagnie du blond.
Je pose les verres sur mon bureau, sous son regard, alors qu'il s'est assis sur le matelas, et remplis ceux-ci avant de lui en tendre un, qu'il attrape pour directement le porter à ses lèvres, sans prendre le temps de me remercier. Je ne vais pas m'attendre à autant de sa part. Katsuki reste Katsuki.
D'une traite, il finit sa boisson, laissant un soupir satisfait lui échapper.
« Oh, bordel, ça fait du bien. »
De mon côté, je ne me presse pas, buvant à petites gorgées la moitié du verre pour le reposer ensuite sur le bureau. Je me dirige ensuite vers la chaise précédemment empruntée par le Bakugou pour y prendre place à mon tour.
« Qu'est-ce que tu veux faire, maintenant, Kacchan ?
- N'importe, tant qu'on rejoue pas à ton jeu naze. »
... D'accord, peut-être n'a-t-il pas pris sa défaite si bien que cela. J'ouvre la bouche, pour lui énumérer ce que j'ai en stock pouvant se faire à deux, lorsqu'il me devance, avec une proposition qui m'étonne venant de lui.
Enfin, qui m'étonne à moitié. Parce que je peux très bien m'imaginer, venant de Katsuki, pourquoi il choisirait un jeu pareil.
« Je sais. On se fait un Action ou Vérité, Deku ? »
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