Chapitre 29 - Après toutes ces années
Point de vue externe
Les jours suivants sont passés insupportablement lentement. Tout du moins, du point de vue de Shouto, dont la perception du temps lui a donné l'impression que cinq heures s'étaient écoulées lorsque, en réalité, cela n'en faisait même pas une.
Non pas qu'il se soit ennuyé. Il lui est toujours agréable de passer du temps en compagnie d'Izuku. Et puis, voir ce dernier d'aussi bonne humeur lui a ostensiblement réchauffé le cœur. Quant aux cours, le jeune homme n'est pas du genre à ne pas aimer s'y rendre. Il faut dire que, pendant un long moment, se rendre à l'école signifiait pour lui qu'il n'avait pas à se retrouver au même endroit que son géniteur. Une échappatoire qu'il a longuement conservée, jusqu'à ce jour où il a finalement craqué et osé chercher de l'aide auprès de son ami aux boucles vertes. Certes, il ne lui a jamais véritablement donné les raisons de sa fuite. Mais connaissant Izuku, ce dernier a probablement déjà fait le lien entre les récents événements et le départ de Shouto de son domicile. Il lui est reconnaissant de ne pas poser de questions à ce sujet, de ne pas chercher à intervenir d'une quelconque manière que ce soit. Il ignore s'il s'agit du bon choix, mais il veut se charger de toute cette histoire seul. Ou en tout cas ne veut-il mêler personne n'étant pas concerné. Pas de trop près, tout du moins.
Dans tous les cas, les deux amis ont passé leur Dimanche calmement pour se remettre des émotions de la veille. Izuku s'est levé un peu avant midi – il était encore réveillé lorsque le bicolore s'est endormi aux alentours de deux heures du matin – et s'est occupé du linge durant le peu de matinée restante. De son côté, l'invité a apporté de son aide à la maîtresse de maison pour ce qui est du repas et du dressage de la table. Puis, après avoir mangé, ils se sont tous deux penchés sur leurs devoirs avant de se retrouver devant la console pour s'affronter à Mario Kart, suivi de Super Smash Bros.
A la fin de la journée, Shouto a eu l'impression que venait de s'écouler un long mois, comme celui de Juillet où les cours sont terminés et que l'on passe parfois de longs jours sans trop savoir quoi faire de notre temps libre. Oui, il a eu la sensation que le septième mois de l'année avait trouvé le moyen de se compresser afin de se faire ressentir toute une journée durant. Mercredi semble se trouver bien loin encore. Ses retrouvailles avec son frère, Touya... Il les attend avec impatience comme il les craint. Il a peur d'être déçu, de retourner à la case départ. Mais en même temps, il espère de tout son cœur que les choses se passeront bien, qu'il pourra enfin avoir un foyer sans tyran pour contester ses choix, sa manière de vivre, la personne qu'il est. Ainsi sera-t-il en mesure de vivre avec cette tension en moins. De plus, cela permettra à sa sœur de quitter à son tour le domicile familial, d'arrêter de s'en faire pour lui pour se concentrer enfin sur son bonheur à elle.
Le Lundi et le Mardi ne passent guère plus rapidement. Les cours durent une éternité, lui paraissent si lourds, si pénibles ! Son corps ne tient pas en place. Il tapote la table de ses doigts, joue avec le capuchon de son stylo, balance mollement sa jambe dans l'air... Il est tellement rare pour lui de ne pas se trouver en capacité de suivre. Certes, Shouto est d'une nature assez distraite. Mais lorsqu'il se concentre, en général, il parvient à le rester. Son impatience ne le lui permet cependant pas. Et ses amis se rendent bien compte qu'il n'agit pas comme à l'accoutumé. Tsuyu lui fait remarquer qu'il semble bien agité. Ochako lui demande si tout va bien. Tenya lui assure qu'il est une oreille attentive, et qu'il est là pour lui s'il ressent le besoin de parler. Izuku, lui, se contente de lui adresser un sourire bienveillant. Son hôte sait de quoi il en retourne, après tout.
« Je vois mon frère, Mercredi après- midi. Je n'ai pas eu de ses nouvelles depuis bientôt six ans. Donc j'ai un peu le trac. » avoue-t-il.
Dès lors, chacun se met à l'encourager, à le rassurer. Ses amis expriment à quel point ils sont ravis pour lui, espèrent que tout se passera bien. Et le bicolore ressent les mêmes choses.
Lorsque Mercredi arrive, et que la sonnerie annonçant la fin de la matinée retentit, les muscles de Shouto se crispent soudainement tous à l'unisson. Son cœur se met à battre plus fort dans sa poitrine. Deux heures. Dans deux heures, il sera en compagnie de Touya. A quel point a-t-il changé ? Va-t-il le reconnaître du premier coup d'œil ? Que devient-il ? Il a vraiment hâte de voir tout cela par lui-même ! Est-il encore ce grand frère si gentil, bien qu'un peu rebelle, qu'il a toujours connu ? Oh, si seulement cela pouvait être le cas ! Il n'y a pas réagi plus que cela, lorsqu'il l'a eu au téléphone, quelques jours plus tôt. Mais avec les minutes se déversant peu à peu dans le flot infini du temps et le rapprochant de cette rencontre, il réalise à quel point l'impatience le ronge. Il va revoir son frère ! Lui qui pensait ne jamais le retrouver, après son départ ! Avec l'éducation qu'il a reçue, Shouto a très vite appris à réprimer ses émotions, à ne pas les laisser transparaître. Ce qui lui vaut de posséder une attitude quelque peu réservée. Mais cette cascade de sentiments qui l'assaille, lorsqu'il pense à cette rencontre qui aura lieu dans l'après-midi... Il ne sait pas quoi en faire ! Il ne parvient pas à la maîtriser ! Appréhension, joie, impatience, peur... Tout cela se mêle en lui dans un gros nœud qu'il ne saurait démêler.
Après la pause repas, qu'il a passé en compagnie de son groupe d'amis habituel – sans Izuku, qui s'est éclipsé directement après la sonnerie, s'excusant sans pour autant donner de raison quant à ce désistement – Shouto part en direction de la ville. Il lui reste une heure à tuer. Alors il erre, se baladant notamment au sein de la rue principale pour faire escale dans quelques boutiques lui faisant de l'œil. Il ne tient pas en place. Ses jambes ne veulent pas s'arrêter, le portant d'un bout à l'autre de la chaussée, le faisant déambuler jusqu'à ce que, finalement, cinq petites minutes avant le rendez-vous, il n'arrive devant le Starbucks dans lequel il est censé retrouver son frère. Comme ce dernier se pointera probablement d'un instant à l'autre, le plus jeune décide de s'adosser contre le mur, non loin de l'entrée, et d'attendre que celui-ci pointe le bout de son nez. Il fait alors mine d'être plongé dans son téléphone afin de ne pas paraître trop impatient, faisant défiler son fil d'actualité Facebook sans même véritablement faire attention à ce qui peut bien passer sous ses yeux.
Et puis, finalement, après ce qui lui semble être des heures, il entend quelqu'un s'approcher pour s'arrêter devant lui. Une voix l'interpelle. Une voix moyennement grave, quelque peu traînante.
« Salut, Shouto. »
L'intéressé lève les yeux vers son interlocuteur et... Effectivement, s'il n'avait pas su qu'il s'agissait de son frère, il ne l'aurait probablement pas reconnu. Touya ne ressemble en rien à ce qu'il a pu être, six ans en arrière. Ses courts cheveux dont il a hérité la rousseur de leur père sont désormais plus longs, ébouriffés, teintés d'un profond noir de jais. Au-dessus de son arcade sourcilière gauche trône désormais un petit piercing, ainsi que deux anneaux du côté droit de sa lèvre inférieure. Ses iris, elles, n'ont pas changé. Son regard est toujours le même, d'un bleu glacial, perçant, souligné d'un trait de crayon charbonné. Ce sont ces yeux si familiers qui permettent à Shouto de s'assurer qu'il s'agit bel et bien de son aîné. Celui-ci porte une cigarette presque terminée à la bouche, en tire une latte puis après avoir longuement inspiré, tourne la tête pour en recracher la fumée. Son style est assez punk, dans l'ensemble. Longue veste noire, grandes bottes épaisses de la même couleur, jean troué et mitaines aux mains. Le plus jeune peut également apercevoir, là où sa peau est visible, plusieurs tatouages qui se poursuivent probablement sur la continuité de son corps. Rien à voir avec le garçon dont il se souvient. Et c'est un petit choc, pour lui. Il s'attendait à du changement de sa part. Mais pas aussi radical.
« Salut, finit-il par répondre dans un petit hochement de tête.
- Je t'ai pas trop fait attendre, j'espère ? »
Sa manière de s'adresser à lui suggère qu'ils ne se sont jamais quittés. Que plus de cinq ans ne se sont pas écoulés. N'est-il pas nerveux, lui aussi ? En tout cas, s'il l'est, il cache bien son jeu.
« Non, t'en fais pas. »
Il a du mal à réaliser que son aîné se trouve juste là, devant lui. La situation lui paraît irréelle.
« Cool ! s'exclame Touya en se débarrassant de son mégot, l'écrasant dans le cendrier d'une table vide se trouvant en terrasse. Je suis content de te revoir ! Ca fait quoi... Quatre ans ? Cinq ?
- Presque six. »
Il lève les sourcils et opine lentement dans un « Mmh » pensif, faisant probablement le calcul mentalement. Puis, il se dirige vers l'entrée du café tout en faisant signe à Shouto de le suivre.
« Eh bah on va en avoir des choses à se raconter ! »
Le plus jeune hoche la tête à son tour. Il se décolle du mur contre lequel il a patienté et entre au sein de l'établissement à la suite de son frère, duquel émane une bonne odeur boisée. Malgré son look qui a pu le surprendre pour commencer, Touya, au premier abord, possède toujours le même caractère enjoué que le benjamin affectionne tant. Il ne lui reste plus qu'à espérer que les choses continuent sur cette lancée. Qu'est devenu Touya, après être parti ? Pourquoi être resté en contact avec Fuyumi, mais ne pas avoir cherché à le joindre, même par l'intermédiaire de celle-ci ? Que fait-il, actuellement ? Il y a tant de choses qu'il désire savoir. Et lui en a beaucoup à dire, également.
Ces retrouvailles entre frères risquent de lui faire du bien.
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