Chapitre 2 - Horloge

Le cours me semble durer une éternité. Déjà parce que je n'ai jamais été un grand amateur de mathématiques. Ensuite, parce que ce que m'a dit Katsuki résonne à l'intérieur de mon crâne.

« T'as rien du tout de prévu, Samedi. »

Comment peut-il le savoir ? Mon mensonge était-il si évident que cela ? Après tout, cela fait une dizaine d'années qu'il me connait, il ne serait en rien étonnant à ce qu'il soit capable de lire en moi comme dans un livre ouvert. Qu'est-ce qui a pu me trahir, dans ce cas ? Ma respiration ? Le ton adopté ?

Minute, est-ce que cela veut dire que le blond écoutait notre conversation ? Pourquoi donc, lui qui ne s'intéresse jamais à ce que peuvent faire, dire, ou même penser les autres ? Et puis, il ne participe pas à l'excursion, alors à quoi cela lui sert-il de posséder cette information ? Est-ce dans le but de me vendre aux autres ? Non, il n'est pas le genre à opérer de la sorte. Mais faire chanter, alors ? Peut-être. Dans tous les cas, me retrouver ainsi à découvert face à mon ami d'enfance m'angoisse, au point où j'ai beau regarder en direction de Monsieur Aizawa, mon cerveau ne parvient pas à imprimer ce que ce dernier nous dit. Je suis physiquement présent, mais c'est une toute autre affaire concernant mon état mental.

Je déteste mentir. Je ne le fais qu'en cas de nécessité. Et l'une des rares fois où je décide de recourir à un mensonge, je me fais directement surprendre, de surcroit par une personne dont les réactions sont imprévisibles. Actuellement, Katsuki me tient dans le creux de sa main. Et je sais qu'il en a conscience. Il faut que je lui en parle. Ou vaudrait-il mieux de ne rien faire ? Qu'est-ce qui pourrait être le plus susceptible d'allumer la mèche, chez lui ? Je me triture les méninges, encore et encore, au point de ne pas entendre la sonnerie de la fin du cours, ainsi que la fin de la journée, retentir. Deux heures. Deux longues heures se sont écoulées, pendant lesquelles je n'ai fait que stresser à cause d'une simple phrase prononcée par la personne assise devant moi.

Je ne reviens à moi que lorsque celui-ci se lève, rejetant son sac dans son dos, pour se diriger vers la sortie de la classe. Secouant la tête, je m'empresse de ranger mes affaires, les glissant sans réfléchir dans mon propre cartable, avant de suivre le blond, bien décidé à lui parler de ce point m'ayant perturbé deux heures durant. Je m'arrête cependant à la porte de la salle, interpelé par mon amie brune, qui s'approche de moi, l'air guillerette.

« Deku ! On rentre ensemble ? me demande-t-elle, en désignant également Tenya du menton, celui-ci se trouvant juste à ses côtés.

- Ah ! Désolé, Ochako, j'aurais adoré, mais j'ai quelque chose à faire ! On se voit demain ! » lui lancé-je avant de partir en trombe, sans prendre la peine d'attendre sa réponse.

Je ne la connais que trop bien : si j'avais fait le malheur de traîner, elle aurait réussi à me convaincre d'une manière ou d'une autre. J'aime beaucoup Ochako, et il m'en faut peu pour accepter la moindre de ses requêtes. Pour être honnête, j'ai déjà eu le béguin pour elle, en début d'année. Mais il s'est rapidement effacé, se retrouvant noyé par mes sentiments pour Katsuki, lorsque je suis venu à prendre conscience de ceux-ci. Et puis, de toute façon, j'ai appris entre-temps qu'elle en pinçait pour Tenya. Aujourd'hui, je la considère comme ma meilleure amie, une sorte de confidente à qui je peux – presque – tout dire. Elle connaît d'ailleurs mon attirance envers le Bakugou, et me taquine souvent à ce sujet, tandis que je lui rends la pareille, concernant notre camarade lunetté.

Enfin bref, je m'élance dans le couloir, regardant à ma gauche, puis à ma droite, pour voir ma cible disparaître de mon champ de vision, en tournant à l'angle. Je me précipite en sa direction, marchant d'un pas rapide – courir ne ferait qu'attirer les regards, et je n'aime pas vraiment cela. Je slalome entre plusieurs élèves circulant dans ce même couloir, discutant entre eux, jusqu'à parvenir aux escaliers menant au rez-de-chaussée. Je les emprunte, rattrapant sans grande peine Katsuki alors que je dévale les marches.

« Kacchan ! l'appelé-je en arrivant à sa hauteur.

- Hein ? Qu'est-ce que t'as, le nerd ? me demande-t-il, en me lançant un simple regard, le sourcil haussé.

- J-je, euh... »

Qu'est-ce qu'il m'a pris de vouloir lui parler, sans savoir exactement comment aborder le sujet ? Je risque davantage de bégayer plutôt qu'autre chose. Et Katsuki déteste qu'on lui prenne son temps, qu'on l'ennuie à lui parler dans le vide. Je décide alors de me jeter directement dans la gueule du loup, en ne tournant pas autour du pot. Cela me demande beaucoup de courage, mais puisque c'est là où je veux de toute façon en venir, autant faire le grand saut maintenant.

« Concernant Samedi...

- Quoi, t'as peur que j'dise à ta pote que ce que tu lui as raconté, c'est du pipeau ?

- Eh bien, je...

- Tu ?

- O-oui. Tu as raison, je n'ai rien de prévu. Mais d'autres raisons font que je ne peux pas les accompagner. Des raisons dont je ne peux parler.

- C'est bon, j'm'en tape. J'vais rien lui dire, j'ai pas que ça à faire. Ca m'a juste surpris de t'entendre mentir. J'te pensais pas capable d'une telle chose. Le p'tit nerd se rebelle ? demande-t-il en affichant un petit sourire carnassier ne manquant pas de me faire déglutir.

- Je ne suis pas tout blanc, tu sais, Kacchan. Je ne pense pas que qui que ce soit puisse se vanter de l'être. »

Nous sortons de l'établissement, côte à côte, et demeurons silencieux pendant plusieurs minutes. Cela faisait longtemps que je n'étais pas rentré avec Katsuki, alors que nous vivons dans le même quartier depuis toujours. Je suppose qu'avec le temps, alors que nous nous sommes peu à peu éloignés, j'ai cessé de lui demander si je pouvais le raccompagner. Sans doute de peur de me prendre de sales remarques de sa part puisqu'il devenait de plus en plus irritable, de plus en plus difficile à approcher.

Et je dois dire que cela me manquait. Cheminer ainsi, à ses côtés, sous le Soleil couchant... Cette situation possède son charme, son atmosphère, rendant la chose presque romantique, digne d'une scène dans un manga shoujo. Cette pensée me chamboule, faisant monter un petit feu à la hauteur de mes joues.

Tu divagues, Izuku.

« Mmh... D'ailleurs... Comment tu sais, pour Samedi ? »

Nouveau regard en coin de sa part. Une expression lasse apparaît sur son visage. Je ne parviens pas à déterminer s'il s'agit de la fatigue liée à la fin de journée, ou de ma présence le dérangeant. Il faut dire que j'ai débarqué à ses côtés comme un cheveux sur la soupe, alors qu'il semble ne plus m'apprécier tant que cela. Je devrais m'estimer chanceux qu'il ne m'ait pas prié d'aller voir ailleurs s'il y était. Il prend un instant pour me répondre. Le connaissant, il doit certainement réfléchir à s'il me donne la véritable raison, ou s'il me charrie d'abord.

« Bah, ma daronne m'a dit ce matin que la tienne viendrait à la maison, ce jour-là. Du coup, c'était pas bien compliqué à deviner. »

Il est vrai que nos mères à Katsuki et moi sont plutôt proches. Cependant, j'ignorais qu'elles avaient prévu quelque chose, ce week-end. Sinon, je me serais trouvé une autre excuse. Heureusement que seul mon ami d'enfance est au courant, et qu'il semble ne pas vouloir le divulguer. Il n'a pas un si mauvais fond que cela, malgré cet air dur qu'il se donne en permanence. Peut-être m'apprécie-t-il encore, ne serait-ce qu'un peu ?

Sans que je ne m'en rende compte, nous finissons par arriver devant chez moi. Le blond, lui, habite deux rues plus loin ; il passe donc par ici tous les jours, à l'allée et au retour du lycée, sans jamais s'y arrêter pour m'attendre, ou me déposer. Et aujourd'hui n'est pas une dérogation à la règle. Tandis que je bifurque pour me rendre au niveau du portail de ma petite maison, lui ne s'arrête pas, poursuivant son chemin sans me lancer un regard. Mes iris à la couleur boisée restent posées sur lui quelques secondes encore, avant que je ne me décide à pénétrer dans l'enceinte de ma demeure, dans un soupir résigné. Que ne donnerais-je pas pour que les choses redeviennent comme avant, alors que nous étions encore enfants, nous aventurant dans les recoins de la ville, main dans la main, prétendant être des héros prêts à tout pour sauver la veuve et l'orphelin. Quand ces jours heureux ont-ils commencé à s'effacer ? Je ne m'en souviens guère. Je dirais que le temps a simplement eu raison de nous et de notre amitié, nous réduisant à simples connaissances. Horloge cruelle dont chaque tic crée de nouvelles choses, tandis que les tacs en détruisent d'autres. Compte à rebours funeste m'éloignant chaque jour davantage de cet être pour lequel je porte un amour sans précédent. Si seulement tu pouvais stopper ta course, et ne jamais sonner l'heure tant redoutée de notre séparation définitive.

« Je suis rentré ! déclaré-je en fermant la porte derrière moi, avant de retirer mes chaussures.

- Bonsoir, mon chéri ! Tu as passé une bonne journée ? » s'élève la voix de ma mère, depuis le salon.

Je pose mon sac au pied des escaliers menant à l'étage, avant de la rejoindre ; elle est assise sur le canapé, un livre à la main, son regard si semblable au mien relevé vers mon visage. Elle me sourit avec douceur, comme elle l'a toujours fait, comme si je représentais pour elle la chose la plus précieuse que ce monde ait porté. Je suppose que c'est ainsi qu'elle me perçoit : je suis son fils, après tout.

« Oui, très bonne. Je suis rentré avec Kacchan, ça faisait longtemps.

- Oh, avec le petit Katsuki ? Il va bien ?

- Il n'est plus si petit que ça, Maman. » ris-je.

Et si, pour elle, il l'est, que devrait-on dire de moi qui fais six centimètres de moins ?

« Mais oui, il va bien. Toujours aussi...bourru.

- Il tient de sa mère, que veux-tu. Bourrue, mais bienfaisante. »

Irais-je jusqu'à qualifier le blond de bienfaisant ? Je n'en suis pas sûr. Il n'est pas malveillant, c'est un fait. Mais je ne pense pas qu'il se soucie suffisamment des autres pour mériter ce qualificatif. Et puis, sa mère, Mitsuki Bakugou, est tout de même nettement plus tendre que lui malgré son caractère parfois aussi explosif que le sien.

« En parlant de ça, je la vois, Samedi. Ca fait longtemps qu'on n'a pas passé une après-midi ensemble, elle et moi. Pourquoi tu n'en profiterais pas pour l'inviter à la maison ?

- Qui ça ?

- Katsuki, voyons, qui d'autre ! »

Je me sens légèrement blêmir à sa remarque. Moi, inviter Katsuki ? Alors qu'il n'a plus remis les pieds ici depuis au moins cinq ans ? Il est inconcevable qu'il accepte. Et je ne me sens de toute façon pas le courage de le lui demander, je ne ferais qu'essuyer un refus brutal de sa part. De toute façon, puisque je suis censé 'aider ma mère' ce Samedi, que dira-t-on, si l'on apprend que j'ai demandé au blond de venir chez moi, alors que j'ai décliné l'invitation de ma meilleure amie ? Je me frotte la nuque, détournant les yeux pour ne pas croiser ceux certainement brillants de ma mère. Un seul contact avec ces derniers, et je ne serai pas capable de lui dire non.

Il faut vraiment que j'apprenne à prononcer ce mot. A m'affirmer.

Mais que voulez-vous, je suis bien trop gentil.

Je me contente alors de murmurer un vague.

« Je... Je verrai, je lui en parlerai.

- Je suis sûr qu'il sera ravi ! »

J'ai des doutes.

Mais bon.

Je m'approche de ma génitrice pour lui coller un baiser sur la joue, sans rien ajouter, puis fais finalement volte-face afin de finalement monter dans ma chambre, emportant mon sac de cours avec moi. Arrivé à destination, je repose celui-ci, cette fois sur ma chaise de bureau. Au moins n'ai-je pas de devoirs pour le lendemain. Je me contenterai de relire les cours d'aujourd'hui – à l'exception de celui de mathématiques, au vu de comment s'est déroulé celui-ci – avant d'aller dormir. Pour le moment, je m'atèle à retirer mon uniforme, ainsi que le binder me serrant désagréablement le torse.

Huit heures par jour, voire dix grand maximum, Izuku. Tu le portes trop longtemps.

Il faut vraiment que je réduise son utilisation, et que je me décide à alterner avec des brassières. Mais je suis tellement angoissé quant au fait que l'on puisse découvrir que je suis transgenre... Vous n'imaginez pas le stress que cela peut être, au quotidien. La peur d'être percé à jour, de se faire invalider, insulter, agresser... On ne sait jamais comment quelqu'un peut réagir, il vaut mieux ne pas prendre de risques. Je crois que le cours de sport est ce qui me terrifie le plus, à ce niveau. Heureusement que Monsieur Aizawa – ainsi que les autres professeurs – sont compréhensifs, et qu'ils me laissent me changer dans les toilettes du personnel. Personne ne m'a jamais posé de question, à ce sujet, fort heureusement. J'ai déjà eu droit à des regards interrogateurs, cependant.

Enfilant un large t-shirt rouge, ainsi qu'un short de couleur noire, je me laisse tomber sur mon lit, sur le dos, les bras écartés.

A ce moment-là, je l'ignorais, mais cette journée n'était qu'un prélude, un avant-goût des obstacles prêts à se dresser sur mon chemin, à me compliquer la vie.

Cette maudite horloge n'en avait définitivement pas fini avec moi. Le destin, fourbe et manipulateur, me réservait encore bon nombre de surprises.

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Yo! 

J'espère que vous allez bien et que ce chapitre vous aura plu, malgré son manque d'action? Les choses devraient commencer à monter crescendo, au fur et à mesure, eh eh.

En tout cas, je tiens à insister sur une note, pour les personnes portant des binder qui liraient cette fic ;

Evitez de le porter plus de 8h - 10h grand max - par jour, comme il est dit dans le chapitre. Vous encourez des risques tels que des difficultés respiratoires, des irritations de la peau, des maux de dos, voire des fêlures au niveau des côtes. Et surtout, prenez-en un à votre taille, et non pas plus petit. Je sais que ce n'est pas facile d'être dysphorique, mais privilégiez votre santé avant tout, vraiment. ♥

Si vous voulez des astuces, ou connaître d'autres alternatives, je vous conseille la vidéo de H Paradoxae sur YouTube « Cacher ses seins ! (Binder, brassières et astuces...) ».

Voilà, j'arrête de vous embêter plus longtemps!

A la prochaine! 

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