Chapitre 18 - Runaway

CW : Ce chapitre contient des propos homophobes et des mentions de violences parentales.


Point de vue externe


Le silence règne en maître dans la demeure des Todoroki. Une tension palpable occupe les environs, lourde, électrique. Personne ne parle. Chacun se contente de se concentrer sur son assiette, relevant parfois les yeux pour scruter les autres individus présents à la table.

Enfin, en vérité, Shouto toise son père et réciproquement, tandis que Fuyumi promène son regard de l'un à l'autre, une expression soucieuse sur le visage. Elle sait que le moindre mot peut rompre le calme, engendrer une dispute. Ces deux-là ne se sont jamais véritablement entendus malgré le lien père-fils les unissant. Et les choses n'ont fait qu'empirer depuis le séjour du bicolore à l'hôpital. Il a de bonnes raisons d'en vouloir à son père. De le haïr, même. Sans lui, Shouto ne posséderait pas cette brûlure ornant désormais son visage, camouflée par un bandage soigneusement appliqué.

Elle sait qu'elle n'aurait pas dû mentir au personnel infirmier. Leur dire la vérité sur l'origine de cette blessure. Mais voilà, Fuyumi s'est retrouvée tétanisée au moment où on l'a interrogée quant à celle-ci. La vérité est restée coincée dans sa gorge, refusant d'éclater au grand jour. Elle a eu peur. Peur de ne pas être crue. Peur des répercussions qui pourraient alors lui tomber dessus - ou sur Shouto. Peur de ce qu'il adviendrait de ce dernier, si l'on venait à le retirer de la garde de leur père. Fuyumi, elle, est majeure et possède un emploi. Elle pourrait certainement s'en sortir, bien qu'avec difficulté. Mais, et son petit frère ? Il n'aurait nulle part où aller. Personne ne pourrait s'en occuper. Elle n'aurait pas de quoi subvenir aux besoins de deux personnes.

Alors elle a menti. Elle a menti, et elle s'en veut pour cela. Et Shouto ne le montre pas, mais il doit très certainement nourrir quelques ressentiments à son égard également. Car même si, grâce à leur père, il est en mesure de vivre sous un toit, elle sait bien qu'il n'est pas en sécurité avec lui. C'est l'une des raisons pour lesquelles elle ne prend pas encore son propre appartement : elle refuse de laisser son frère seul avec lui. Elle veut pouvoir être là et s'assurer que tout se passe bien.


« Où est-ce que t'étais, cet après-midi ? demande soudainement la grosse voix d'Enji Todoroki, ses iris d'un bleu incandescent rivées sur le plus jeune.

- Avec un ami, répond sobrement celui-ci après avoir avalé ce qu'il avait en bouche.

- Un ami ? Quel genre d'ami, mmh ? Un comme toi ? »


A la dernière interrogation de leur père, Fuyumi croit bien s'étouffer avec le morceau de poisson qu'elle s'apprêtait à ingurgiter. Oh non. Elle jette un regard à Shouto, le suppliant silencieusement de ne pas entrer dans son jeu, de ne pas répondre à la provocation. Mais, bien entendu, il n'y prête pas attention, et se jette en plein dedans.


« Qu'est-ce que ça peut te faire ? Tu t'es jamais intéressé à ma vie, jusque-là.

- Ca, c'était jusqu'à ce que tu te trouves cette espèce de lubie et que tu choisisses le chemin de la dépravation. Je vais te surveiller de près, maintenant, crois-moi.

- Ouais, tu me l'as déjà dit, ça. Et si je ramène un copain à la maison, hein ? Tu me crameras l'autre moitié du visage ? » lance soudainement le jeune Todoroki en lançant au plus vieux un regard provocateur.


Celui-ci se tend visiblement aux paroles de son fils et son visage se met à rougir de colère. Les paumes de ses mains, lourdes, atterrissent contre la table, faisant sursauter Fuyumi au passage qui se fait toute petite alors que Shouto, lui, demeure impassible. Comment peut-il le défier dans une situation comme celle-ci ?


« Ca suffit, Shouto ! gronde-t-il. Si tu essayes de ramener un de tes amis pédés sous mon toit, je te promets que je te fous dehors ! Maintenant, dégage dans ta chambre, je veux plus te voir de la soirée.

- Papa, tu devrais... tente la sœur du bicolore.

- Je t'ai rien demandé, Fuyumi. » la coupe froidement son père.


Sans chercher à protester, le plus jeune se lève de table pendant que son aînée baisse tristement les yeux. Il ne cherche pas à débarrasser son assiette encore à moitié-pleine et fait volte-face pour tourner le dos à son géniteur, allant pour sortir silencieusement de la salle à manger. Néanmoins, il s'arrête lorsqu'il a atteint l'encadrure de la porte, tourne lentement le visage de manière à le regarder par-dessus son épaule de son unique œil découvert. Un regard glacial, empli de mépris envers lui.


« Tu ne me mettras jamais dehors. Tu aimes bien trop avoir le contrôle sur les choses pour ça. » conclut-il avant de finalement sortir de la pièce.


Aucune réponse ne lui parvient. Et même si tel avait été le cas, il n'y aurait pas prêté la moindre attention.

Les membres légèrement tremblants, il marche jusqu'à sa chambre, dans laquelle il s'enferme. Son corps s'adosse alors contre la porte et se met à descendre lentement jusqu'à ce que ses fesses atterrissent sur le sol. C'est ce moment qu'il choisit pour craquer. Le visage enfoui dans les mains, il laisse de grosses larmes lui échapper, chaudes, silencieuses. Elles brouillent sa vue, brûlent sa plaie, s'écrasant contre sa peau et ses vêtements, souillant son visage déformé par la douleur.

Il déteste cet individu, comme il déteste cet endroit. Il veut s'enfuir, ne plus jamais avoir à le confronter. Il veut revenir à cette période, avant qu'il n'ose faire son coming-out et que cela ne résulte en cette casserole d'eau chaude versée sur son visage par pur dégoût. Ou bien alors, à ce week-end ou cet après-midi passés en compagnie d'Izuku pendant lesquels il a pu se laisser aller, oublier tous ses problèmes ainsi que son enfoiré de père.

Hoquetant, il sort son téléphone de sa poche et, d'une main tremblante, fait défiler ses contacts jusqu'à arriver au numéro de son ami aux cheveux verts. Son doigt trempé s'apprête à appuyer sur celui-ci afin de l'appeler mais, au dernier moment, il hésite. Que lui dirait-il ? Il remarquerait forcément sa voix brisée, étouffée par ses pleurs. Il lui demanderait ce qui ne va pas. Et Shouto n'est pas sûr de parvenir à lui raconter ce qu'il se passe entre son père et lui.

Et Fuyumi ? Il ne peut pas la laisser. Il sait que la situation n'est pas facile pour elle non plus. Il voit bien l'éclat de tristesse et d'inquiétude présent dans ses yeux depuis qu'il a été envoyé à l'hôpital. Il ne veut pas qu'elle s'en fasse davantage.

Mais cette pression, cette terreur qu'il peut ressentir à chaque fois qu'il se trouve non-loin de son géniteur... C'est plus que ce que son corps peut supporter. Il lui a déjà brûlé une moitié de visage de rage. Qui sait ce qu'il serait capable de faire d'autre pour le punir d'être un garçon qui aime les autres garçons ?

Et s'il décidait de le rouer de coups ? De lui briser les os ? De le priver de nourriture ? De le tuer ? Et s'il venait à faire du mal à Fuyumi si celle-ci cherchait à s'interposer ?

Que doit-il faire ?

Sa mère n'est plus de ce monde.

Son frère Natsuo vit désormais bien trop loin pour qu'il lui demande de venir le chercher.

A qui peut-il demander de l'aide, si ce n'est Izuku ?

Il ne lui en faut pas davantage pour lancer l'appel et porter le téléphone à son oreille. Une tonalité se fait entendre dans le combiné. Une deuxième. Et puis, son ami décroche, au grand soulagement de Shouto.


« Oui ? demande-t-il, un timbre surpris animant sa douce voix fluette.

- Izuku... souffle le bicolore en tentant de sonner le plus naturel possible. Désolé de t'appeler à cette heure-ci, j'espère que je ne te dérange pas...

- Non, non, pas du tout, t'en fais pas ! Il se passe quelque chose ? T'as une petite voix...

- Je... Izuku, je sais qu'on est en milieu de semaine et qu'on a cours demain, mais je... J'ai besoin de toi. S'il te plaît...

- Ouh là... Tu m'inquiètes. Je t'écoute, raconte-moi tout. »

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