Chapitre 12 - Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Qu'est-ce qui m'a pris d'accepter cette proposition, déjà ? Pourquoi est-ce que je me trouve, en ce début d'après-midi, devant la porte d'entrée des Midoriya, à attendre que l'on vienne m'ouvrir, mon sac de cours négligemment posé sur une épaule ? A quel moment me suis-je dis que passer l'après-midi entière en état de vulnérabilité serait une bonne idée ? Cela m'apprendra à laisser mes émotions prendre le dessus. Peut-être pourrais-je encore m'éclipser ? Courir jusqu'à l'intersection au bout de la rue, et laisser la personne qui ouvrirait faire face à mon absence ?
Non, ce n'est pas mon genre. La fuite n'a jamais été une option, peu importe la situation. Je survivrai à ces quelques heures en compagnie d'Izuku et Shouto. Je n'aurai qu'à me concentrer sur mon travail afin que mon cœur ne se laisse pas distraire par la présence de ce garçon faisant considérablement augmenter son rythme. J'y parviens - approximativement - tous les jours au lycée. Aujourd'hui ne devrait pas être différent.
La porte finit par s'ouvrir, me laissant faire face à la silhouette ronde et enjouée d'Inko Midoriya, la mère d'Izuku. Le sourire illuminant son visage s'élargit lorsque son regard se pose sur moi, et elle se décale légèrement sur le côté, m'invitant à entrer.
« Bonjour, Katsuki ! Tu vas bien ?
- Ouais, ça va. Et toi, Inko ? »
Il n'est pas étrange pour moi de tutoyer la mère de mon ami d'enfance, ni de l'appeler par son prénom. Il me semble l'avoir toujours interpelée de la sorte, et il en va de même pour Izuku vis-à-vis de ma génitrice. Dans mes souvenirs, je l'appelais même 'tatie', lorsque j'étais enfant. Je sais qu'elle se sentirait probablement attristée si je venais à utiliser 'Madame Midoriya' et à la vouvoyer - son fils lui ressemble suffisamment pour me le faire deviner - et puis, cela ne me dérange pas ; nos familles sont assez proches pour que nous nous le permettions.
« Très bien, oui ! Izuku est dans sa chambre, avec Shouto, ils t'attendent ! »
Je hoche lentement la tête et me déchausse tandis qu'elle referme la porte et part en direction d'une autre pièce de la demeure. Double-face est déjà arrivé, hein ? Moi qui pensais être un peu en avance et qui craignais - ou espérais - devoir passer un peu de temps en tête à tête avec le vert... La langue claquant contre mon palais, je maudis silencieusement Shouto ainsi que mes sentiments avant d'emprunter l'escalier menant à l'étage puis à la chambre de mon ami, de laquelle s'élève sa voix si familière, si reconnaissable. Sans un mot, je laisse mes jointures rencontrer le bois de la nouvelle porte se dressant face à moi, déclenchant le silence par-delà celle-ci.
Puis, des pas se dirigent rapidement vers moi. La personne chamboulant mes émotions m'apparaît, souriant comme sa mère le faisait quelques minutes auparavant. La manière dont ses pommettes sont ainsi relevées, son expression guillerette, font se propager en moi une douce chaleur. Izuku m'autorise l'accès à la pièce lui étant réservée, comme il l'a fait une semaine auparavant. Rien n'a bougé, depuis, si ce n'est cette personne aux cheveux bicolores se trouvant assis sur le rebord du lit, le regard rivé sur moi. Dire que je ne m'y suis pas aventuré une bonne dizaine d'années durant et que, soudainement, en l'espace d'une semaine, je m'y suis retrouvé invité deux fois.
« On t'attendait, Kacchan ! déclare le tacheté en fermant de nouveau la porte, puis allant s'asseoir sur la chaise de bureau qu'il a déplacé au milieu de la pièce.
- Ouais, c'est c'que ta mère m'a dit. »
Je pose mon sac au pied du lit et prends place sur celui-ci, aux côtés de Shouto en prenant tout de même garde de laisser trente bons centimètres nous séparer. Izuku semble le remarquer puisqu'il laisse un petit rire nerveux lui échapper et se frotte la nuque. Il doit certainement s'interroger sur ma présence ici, se demander pourquoi j'ai accepté de venir tout en sachant que je passerai l'après-midi en compagnie d'un garçon que je ne porte pas spécialement dans mon cœur - mais que je ne déteste pas non plus pour autant.
Ce n'est pas comme si je me le demandais aussi, depuis que je lui ai dit que je serai là. Mais peu importe.
« Shouto était en train de me demander pour passer la nuit ici. Pour être sûr d'avoir le temps de tout rattraper. Tu voudras rester aussi, ou... ? »
Il n'a pas l'air spécialement à l'aise quant au fait de me le demander. Est-ce que ma présence sera une gêne, si j'accepte ? Déjà, est-ce que j'ai envie d'accepter ? De rallonger mon temps en compagnie de ces deux-là ?
Mon cœur en a envie. Mon esprit et ma fierté, eux, me dictent de partir de là dès que possible. Et j'ignore lequel écouter. Cette partie de moi désirant passer le plus de temps possible avec le vert ? Ou celle ne supportant pas l'idée d'être si faible lorsqu'il se trouve à proximité ?
Ma raison prend l'initiative lorsque j'ouvre la bouche afin de prendre la parole.
« J'ai pas de vêtements de rechange... »
Puis, mon cœur prend la relève malgré moi, me faisant poursuivre à mi-voix.
« ... Mais j'peux toujours repasser chez moi après pour aller chercher ce qu'il faut. »
Jusqu'à ce que ma fierté ne se décide à intervenir.
« Ce s'rait une vraie plaie de t'entendre chouiner toute l'après-midi parce que j'ai pas accepté. »
Et je me mords violemment la lèvre pour ne pas ajouter quoi que ce soit d'autre, détournant les yeux en direction de la fenêtre pour ne pas rencontrer ceux de mon ami d'enfance.
Bien joué, Katsuki.
Quel idiot.
« J'espère juste qu'on ne t'entendra pas te plaindre toute la nuit quand au fait d'être resté... soupire Shouto à mes côtés.
- Hah ?! J'ai l'air d'être du genre à me plaindre ?! » m'écrié-je en reportant mon attention sur le garçon momentanément borgne.
Il me lance un regard perplexe, et je peux voir au sein de son unique iris une expression criant « Tu te moques de moi ? » qui a le don de m'irriter. Je m'apprête à reprendre la parole, mais me fais interrompre avant même d'en avoir eu l'occasion par un Izuku tout paniqué à l'idée que nous ne commencions à nous disputer, double-face et moi.
« Je... Je ne pense pas que Kacchan accepte quoi que ce soit, lorsqu'il ne le veut pas ! Alors ça devrait aller ! Pas vrai ? demande-t-il d'un ton encourageant.
- Tch. Ouais. Comme dit le nerd. »
Et pourtant, si ces deux-là savaient quels sentiments contraires s'agitent actuellement en moi... Tandis qu'Izuku, lui, est parvenu à se confesser, je reste là, les mots coincés au travers de ma gorge, refusant de passer la barrière de mes cordes vocales. Et je ne sais même pas pourquoi. Tout serait tellement plus simple, si j'étais en mesure de lui dire. Ou si je ne ressentais rien à son égard. Mais apparemment, j'aime me compliquer la vie.
« Bon... On s'y met ? demande notre hôte, me sortant par la même occasion de mes pensées. De base, j'aurais voulu qu'on s'installe au salon, mais ma mère a besoin de la place. Et ce ne serait pas très confortable, ici. Donc j'ai pensé à la cuisine. On devrait être tranquilles, et-
- Tu vas pas nous faire un exposé, si ? rétorqué-je. C'est bon, on va juste bosser nos cours, pas choisir un endroit où emménager.
- Ah, oui, je... Désolé. »
Mon ami d'enfance se râcle la gorge et se détourne pour prendre avec lui quelques cahiers. Je me redresse en même temps que Shouto et nous attrapons nos sacs respectifs pour suivre notre hôte hors de sa chambre.
Plusieurs heures passent relativement rapidement, et je parviens à suffisamment me concentrer sur notre travail pour ne pas penser à mes émotions. Izuku et moi aidons notre camarade à rattraper ce qu'il a manqué - leçons, exercices, documents, polycopiés - ce qui nous permet par la même occasion de réviser et revoir les points importants. Shouto comprenant les choses plutôt aisément, nous avons rapidement fait le tour de ce qu'il y avait à reprendre malgré la petite semaine d'absence qu'il traîne derrière lui. Il ne lui restera plus qu'à noter tout cela dans ses cahiers, et il devrait être à jour.
Mon ami d'enfance finit par s'éclipser quelques instants, pour aller faire des photocopies au borgne, nous laissant tous deux seuls, à la table de la cuisine sur laquelle sont éparpillées nos affaires de cours. Nous ne nous adressons pas la parole, ne nous regardons pas. Je me contente de rassembler ce qui m'appartient, nettoyant un minimum notre espace de travail. Finalement, ce n'était pas une si mauvaise après midi que cela, je dois bien l'admettre.
« Katsuki ? m'interpelle Shouto, après quelques minutes de silence.
- Mmh ?
- Je sais que tu ne m'apprécies pas plus que ça, alors merci de m'avoir quand même aidé pour les cours. »
Je hausse les épaules et accepte finalement de rencontrer ses iris, me retenant de lui révéler que ce n'est pas pour lui que je suis venu, mais parce que je ne voulais pas le laisser seul avec Izuku, par pure possessivité. Par peur que le vert ne délaisse les sentiments qu'il peut éprouver à mon égard, les redirigeant alors vers lui, ce garçon beaucoup plus calme et posé, à qui il semble énormément tenir.
« Ca aurait pas été drôle d'avoir de meilleures notes que toi si t'étais pas à jour. J'me serais senti trop avantagé.
- Si tu le dis. Entre ça et ta visite d'hier, je vais finir par croire que tu m'aimes bien.
- Rêve pas trop. »
Nos regards se quittent de nouveau, ramenant le silence entre nous, et j'en profite pour me lever de table dans l'optique de passer aux toilettes. Si je me souviens bien, elles se trouvent à l'étage, à l'opposée de là où se situe la chambre du nerd. Je me dirige, mains dans les poches, jusqu'à l'escalier et commence à les monter au moment où me parvient la voix d'Izuku depuis le salon, me faisant ralentir, puis m'arrêter.
Je sais, c'est mal d'écouter les conversations des autres lorsque celles-ci ne nous concernent pas, mais que voulez-vous. La mélodie jouée par ses cordes vocales exerce sur moi cette espèce de pouvoir hypnotique. Quand je vous parlais de faiblesse.
« Au fait, Maman, est-ce que Kacchan et Shouto peuvent rester dormir, ce soir ?
- Bien sûr, pas de souci. Mais je veux que tu me promettes de ne pas garder ton binder toute la nuit. C'est huit heures par jour, Izuku.
- Oui, je sais, ne t'en fais pas. Je mettrai un t-shirt ample, en guise de pyjama.
- D'accord. Fais attention à toi, surtout. Si tu veux, ce soir, je vous préparerai du- »
Je lève un sourcil en tournant la tête en direction du salon, puis me remets à monter les marches de l'escalier jusqu'à arriver à l'étage, un peu confus par rapport à la discussion que j'ai pu intercepter.
Izuku ne doit pas garder quoi ? Son binder ? Je n'ai jamais entendu parler d'une telle chose. Huit heures par jour ? Est-ce que c'est quelque chose qu'il doit porter ?
Binder... To bind... Lier ? Bander ? Un bandage ? Quelque chose qu'il doit porter sur son corps, alors ? Il s'est blessé ? Peut-être est-ce quelque chose qui a à voir avec les muscles ou les os ? Ce ne serait pas étonnant, venant de cet idiot de nerd, cet éternel maladroit. Mais quel rapport avec le fait de mettre un t-shirt ample ? J'ai du mal à saisir. Et je n'aime pas le fait de savoir qu'il s'agit de quelque chose qu'Izuku m'ait caché à moi, son ami d'enfance, la personne avec qui il a partagé les trois-quarts de sa vie, si ce n'est plus.
Il faudra que je me renseigne là-dessus. Et que je garde un œil sur lui, histoire qu'il n'aggrave pas cette supposée blessure.
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