Chapitre 11 - On pourrait retirer la jalousie du panel des émotions ?

Nous nous jaugeons longuement du regard, sans le moindre mot. Une atmosphère étrange se fait ressentir, presque tendue. Je peux clairement la remarquer, surtout en constatant la défensive sur laquelle demeure Izuku en me voyant face à lui. Je ne peux l'en blâmer. Il ne devait certainement pas s'attendre à ce que je le rejoigne et m'arrête à son niveau devant le portail du lycée, une fois les cours terminés. Et le fait que nous ne soyons que tous les deux ne doit pas l'aider à se sentir à l'aise.

Pour tout dire, il en va de même pour moi. Je suis simplement plus doué dans l'art de ne pas laisser transparaître ce que je ressens. Je me contente ainsi de m'adosser nonchalamment contre le mur relié à la grille, quittant au passage mon camarade du regard, contrairement à lui qui ne cesse de me scruter comme s'il se trouvait face à un prédateur susceptible de lui sauter à la gorge à la moindre occasion. Je suppose que mon comportement de ces derniers jours ne doit pas l'aider à se détendre en ma présence. Je décide donc de briser cette insupportable tension en laissant un lourd soupir m'échapper tandis que je croise les bras sur mon torse, lançant un coup d'œil en coin à l'autre garçon.


« Tu peux te détendre, j'vais pas te bouffer, Deku.

- D-désolé, je... Hum... T-tu... Tu voulais quelque chose, Kacchan ?

- A ton avis, si j'suis là ? J'vous accompagne à l'hosto, tête d'œuf et toi.

- A-ah oui ?! »


Ses prunelles s'illuminent soudainement, faisant s'évaporer ce stress semblant s'être accumulé au sein de son être. Je suppose que c'est surprenant de ma part. Et à vrai dire, jusqu'à la dernière minute, j'ignorais si j'allais véritablement me résoudre à y aller. Mais finalement, mon désir de me rattraper pour mon absence de courage de ce matin l'a emporté, me faisant prendre part à cette visite à notre camarade hospitalisé.


« Ouais. Mais j'le fais pas par plaisir. C'est juste tête d'orties qui m'a supplié d'y aller pour lui, vu qu'il avait déjà un aut' truc de prévu. Pour que... J'lui donne des nouvelles de double-face. »


J'avoue, c'est un mensonge. A moitié. Car Eijirou ne peut véritablement pas nous accompagner - apparemment, ce que Mina a à faire ce soir inclus mon meilleur ami. Cependant, à aucun moment ne m'a-t-il demandé de m'y rendre à sa place.

Au moins son indisponibilité me donne-t-elle une excuse. Il est hors de question qu'Izuku sache quoi que ce soit des sentiments m'animant à son sujet. Que ce soit mon inquiétude liée à son état suite à ce qui est arrivé à Shouto, ou cette attirance que je ressens à son égard, même en sachant que celle-ci est réciproque. Tout cela, il l'apprendra lorsque je parviendrai à assumer. Lorsque je serai en mesure de l'affirmer haut et fort. De mettre ma fierté de côté.

Le tacheté se contente d'opiner silencieusement, avant que son visage ne se fende en un large sourire et qu'il ne se mette à faire de grands gestes en direction de la cour, cherchant visiblement à attirer l'attention de quelqu'un. Je me tourne à moitié pour constater qu'Ochako vient dans notre direction, accompagnée de Tsuyu, les deux revenant probablement de leurs casiers. Elles accélèrent le pas, trottinant presque, en remarquant leur ami et finissent par nous rejoindre assez rapidement, me regardant toutes deux comme si j'étais en réalité un envahisseur venu d'une autre planète.


« Tu viens aussi, Katsuki ? demande la brune d'un ton perplexe.

- Ouais, pourquoi ? J'ai pas l'droit ?

- Si, si. Disons juste que tu es la dernière personne que je me serais attendue à voir.

- Il vient à la place d'Eijirou pour le tenir au courant. » explique Izuku, relayant mon semi-mensonge.


Elle hoche la tête, comme le vert précédemment, tout en farfouillant dans la poche de sa veste pour en sortir son téléphone. Elle pianote un instant sur celui-ci et je peux brièvement constater qu'elle vérifie la ligne de bus que nous devons emprunter pour nous rendre à l'hôpital. Tandis qu'elle cherche l'itinéraire du doigt, elle explique à haute voix.


« Alors, il faut qu'on aille jusqu'à la gare, et qu'on prenne la ligne trois. On a dix minutes de trajet et on s'arrête à Hôpital Central. D'autres personnes sont censées venir, ou on peut lever le camp ? demande-t-elle en relevant la tête vers nous.

- Je pense qu'on peut y aller. » affirme Izuku.


Et c'est sur ces mots que nous partons pour la gare. Les trois autres discutent entre eux sur le chemin. Ils parlent de Shouto, espèrent que tout va bien pour lui. Ils évoquent également d'autres choses mais je n'écoute pas vraiment, ne désirant pas prendre part à la conversation. Je préfère cheminer silencieusement, une oreillette du côté droit diffusant de la musique à un volume relativement bas, demeurant tout de même disponible si l'un d'eux désire s'adresser à moi - même si je ne garantis pas me montrer des plus ouverts à la discussion.

Nous nous retrouvons rapidement dans le bus montant en direction de la zone hospitalière. Ce dernier est assez rempli, normal pour cette heure-ci, mais cela ne m'en met pas moins en rogne. Je n'aime pas les espaces avec trop de gens. L'on finit toujours par se faire bousculer, se retrouver coller contre un inconnu, se faire entourer par tout un tas de bruits indésirables. Je m'accroche avec force à la barre s'offrant à moi, assez pour que mes jointures prennent une teinte blanchâtre. La main d'Izuku se situe juste en-dessous de la mienne, l'effleurant de manière presque imperceptible mais tout de même assez pour que je sente mon cœur s'affoler. Je serre les dents, me réprimande mentalement. Je déteste ce sentiment de vulnérabilité m'envahissant dans ce genre de moments. Nous restons sans bouger. Mes iris ne dévient pas de l'endroit où elles sont posées, sur nos phalanges si proches, et le trajet me paraît durer une éternité. Pour autant, je me sens insatisfait lorsque nous arrivons à notre arrêt et que la main de l'autre garçon se retire de la barre, délaissant la mienne qui finit par en faire de même.

Notre petit groupe... Enfin, leur petit groupe et moi nous dirigeons ensuite vers ce grand bâtiment blanc devant lequel nous nous sommes arrêtés. Une grimace traverse mon visage. Les hôpitaux m'angoissent. Je n'aime pas l'atmosphère se dégageant de ces endroits où se trouvent ribambelles de personnes malades ou mourantes. Ils ne m'inspirent rien de positif. Je n'irais pas jusqu'à dire que j'en ai peur - moi, peur ? Vous rêvez ! - mais ils n'entrent pas dans le top dix de mes endroits favoris.

Nous pénétrons en son enceinte, en silence. Mon regard vagabonde, çà et là, passant de l'accueil où plusieurs secrétaires reçoivent d'autres personnes aux médecins passant non loin ainsi qu'aux ascenseurs menant aux différents services. Rien qu'ici, l'odeur des antiseptiques me prend aux narines, me faisant plisser le nez probablement plus que nécessaire.


« Tout va bien ? me murmure Izuku

- Pourquoi ça irait pas ? lui rétorqué-je en m'efforçant de ne pas laisser paraître mon malaise.

- Je sais pas, tu... Tu as l'air un peu... Pâle ? Tendu ?

- C'est rien. »


Mon regard se pose rapidement sur lui tandis que je hausse les épaules de manière nonchalante. Il n'a pas l'air très convaincu, mais ne cherche pas à insister, se contentant de m'adresser un air soucieux. Nous rejoignons tous deux les filles qui se sont chargées de prendre un ticket, et patientons le temps que le numéro inscrit sur celui-ci se fasse appeler.


Une petite quinzaine de minutes plus tard, nous arrivons enfin devant la porte de la chambre où demeure Shouto. Nous nous regardons, tour à tour, et c'est Tsuyu qui prend alors l'initiative de frapper délicatement. Un petit « oui ? » nous parvient et la jeune fille aux longs cheveux verts n'en attend pas davantage pour abaisser la poignée, nous laissant entrer dans la petite pièce dans laquelle se trouve notre camarade, assis dans un lit à la blancheur nauséeuse. Il nous observe de son unique œil visible. L'autre est recouvert d'un long bandage faisant tout le tour de sa tête. En nous voyant, son expression s'adoucit, et il s'autorise un léger sourire sans aucune joie.

Qu'est-ce qui a bien pu lui arriver ? Il s'est crevé un œil ? Dans tous les cas, même s'il n'a pas l'air au mieux de sa forme, il n'est pas non plus comateux. Alors je suppose que c'est déjà ça.


« Salut, murmure-t-il pour briser le silence ainsi que la stupeur ayant dû s'emparer de nos camarades à la vue de son visage à moitié couvert.

- Shouto... répond Izuku avec émotion en s'approchant du lit.

- On est venus te voir, ajoute Ochako.

- Je constate, oui. Désolé de vous avoir inquiété. Surtout toi, Izuku. Le message que je t'ai envoyé a dû pas mal te secouer. Mais tout va bien, maintenant. »


L'intéressé secoue la tête et se penche vers le blessé pour le prendre dans ses bras. Je peux voir une expression surprise se dessiner sur le visage d'ordinaire si impassible de ce dernier avant qu'elle ne se détende et qu'il ne rende son étreinte au vert. Ils restent ainsi une bonne minute qui me paraît en durer vingt, et se séparent, Izuku reculant d'un pas pour ne pas monopoliser le bicolore - enfin, ce n'est pas moi qui m'en plaindrai... Quoique, je préférerais que ce soit moi qu'il monopolise mais... Bref.


« Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? Rien de trop grave, j'espère ? demande Tsuyu à son tour en portant son index à ses lèvres et en inclinant la tête sur le côté.

- Mmh... Rien qu'un bête accident domestique. J'ai glissé et... Et je me suis brûlé. Il paraît que je vais avoir une cicatrice mais au moins, mon œil n'a pas été endommagé. »


En nous racontant son histoire, son air semble s'assombrir et son iris nous quitte pour venir se poser sur le mur face à lui. Le genre de réaction que n'aurait pas quelqu'un s'étant simplement brûlé en glissant par accident. Je ne suis peut-être pas doué pour ce qui est d'exprimer mes émotions mais je remarque sans aucun mal celles des autres. Peut-être qu'en vérité, il s'est battu et qu'il s'est mangé la râclée de sa vie. Je retiens un sourire à cette perspective. Je ne l'imagine pas en venir aux mains avec qui que ce soit. Cette simple perspective m'est hilarante.


« Je t'ai envoyé le message sous le coup de la panique. Je ne savais pas trop quoi faire.

- Etrange comme réflexe, d'appeler quelqu'un à l'aide par message après s'être brûlé, m'entends-je répliquer.

- Kacchan... me réprimande Izuku en se tournant vers moi. L'important c'est que tout aille bien.

- On n'a pas toujours des réactions logiques dans ce genre de situations, tu sais, Katsuki. » soupire Shouto.


Même si tel est le cas, cela me paraît un peu gros. Je suis persuadé qu'il y a autre chose, maintenant.

Mais je me contente de secouer la tête et de marmonner un « J'suppose », avant de m'adosser contre le mur se situant derrière moi.


« Tu es censé sortir quand de l'hôpital ? demande Ochako avant qu'un silence gênant ne s'installe.

- Ils veulent encore me garder en observation cette nuit. Mais normalement, demain en fin de matinée je serai libéré.

- Tu voudras passer chez moi, ensuite ? propose Izuku. Je pourrai t'expliquer ce que tu as manqué, et les devoirs importants qu'on a à rendre prochainement. Ah, vous pourrez venir aussi, bien sûr ! Ce sera plus agréable à plusieurs ! ajoute-t-il à notre attention, à moi et aux deux filles.

- Mhm, ça me ferait plaisir. Je ferai en sorte de venir.

- J'ai déjà prévu de passer le week-end avec Momo et Kyouka, désolée ! répond la brunette.

- Je dois garder mes frères et sœurs, malheureusement... » décline Tsuyu.


Voyant que je ne pipe mot, le regard émeraude de mon ami d'enfance se pose sur moi, interrogateur. Je m'apprête à refuser à mon tour - je n'ai pas envie de me farcir double-face pendant le week-end, merci mais non merci - lorsque je réalise que si je ne suis pas là, Izuku se retrouvera seul en sa compagnie. Et cette perspective me serre la poitrine.

Je me mets à repenser au week-end dernier, lorsque je suis passé chez le vert, que nous nous sommes amusés et qu'il m'a avoué ce qu'il ressentait. Je repense à la sensation de ses lèvres sur les miennes. Et mon esprit ne trouve rien de mieux à faire que de réécrire ces scènes en me remplaçant par Shouto. Ces deux-là sont proches, alors... Ugh, je ne suis pas en train de faire preuve de jalousie envers double-face quand même ?! Je serre la mâchoire, détourne le regard. Puis je fronce les sourcils et tique, contrarié, ravalant avec peine ma fierté.


« Ouais. Ouais, j'viendrai. J'vais vous faire bosser comme vous aurez jamais bossé. »


Le sourire traversant le visage enfantin d'Izuku me réchauffe le cœur.

Qu'est-ce que l'on ne ferait pas, pour ce capricieux sentiment.

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