Alors que Ben, Octave et Theo rangent leurs instruments, Orion décrète: 

- Je sors trente secondes sur le balcon, je reviens, d'ac?

- C'est ça, lâche Ben, va ruiner ta santé, Orion...

- Je peux venir? demande Kalypso, perplexe quant à la phrase de ce dernier.

- Ouais, sans problème, dit Orion en fouillant dans la poche de son manteau pour en extirper une cigarette et un briquet qu'il glisse dans la poche poitrine de sa chemise.

Ils sortent dans le couloir, puis sur l'escalier, et Orion allume posément sa cigarette, d'un geste machinal. Il la porte à ses lèvres, et Kalypso ne peut que le regarder, avec le soleil qui baigne son visage d'une clarté dorée. Orion n'est pas forcément beau, selon les critères basiques, mais Kalypso le trouve magnifique. Et il est en train de détruire sa santé, de courir plus vite vers l'heure de sa mort, à respirer ce poison.

- Arrête... souffle Kalypso.

- Quoi? demande Orion, perdu, en la dévisageant, le soleil jouant sur les angles de son visage.

- Arrête de fumer, c'est mauvais pour ta santé!

D'un geste vif, elle lui arrache la cigarette des mains, et la jette du balcon.

Elle s'écrase sur le béton en contrebas.

- Dis donc, s'amuse Orion, tu sais que c'est comme ça qu'on commence des incendies, si ça tombe sur quelque chose d'inflammable?

Gênée par sa réaction irréfléchie, Kalypso se plonge dans la contemplation de ses chaussures.

- Bah, il ne s'est rien passé, alors...

- S'il s'était passé quelque chose, on aurait pu chanter et jouer de la musique devant l'incendie... Comme Néron devant l'incendie de Rome!

- Ce n'est sans doute qu'une légende, ça, soupire Kalypso.

- Les légendes font partie de la réalité. Dois-je te rappeler comment nous nous appelons?

- Non...

- Pourtant, nous sommes sacrément réels!

- C'est pour ça qu'il faut que tu arrêtes de fumer, Orion, ça te tue!

- La vie aussi te tue, tu sais? Chaque pas que tu fais, la mort est là.

Orion réfléchit quelques instants, puis ajoute:

- On dit bien "mourir d'envie", n'est-ce pas?

- Euh, oui...

Ceci dit, Kalypso n'est pas sûre de bien saisir le rapport.

- Parce que moi...

Les lèvres d'Orion fascinent la jeune femme.

- Moi, je meurs d'envie de t'embrasser, maintenant, termine-t-il.

Et il le fait. 

Kalypso perd à moitié l'équilibre tant elle est surprise. Elle pense un instant se rattraper à la rambarde de l'escalier, mais non, ses mains s'agrippent à la chemise d'Orion à la place. Elle ferme les yeux,mais sous ses lèvres, elle sent qu'il sourit. Elle aussi, elle sourit. Parce qu'elle est heureuse. Ce n'était pas si compliqué que ça, finalement...

- Je vais trouver, promet Orion, et ses mots caressent la joue de Kalypso. Je vais le trouver, notre concert.