Le commencement - Une nuit d'horreur

Un soir, ou peut être pas. À vrai dire, la mer de nuage qui recouvrait le ciel était si sombre ce jour là qu'il était difficile de discerner l'heure de la journée. Si aucunes pluies ne s'étaient encore abattues, une foule d'éclairs pourfendait les cieux, tout semblait prédire l'arrivée d'une catastrophe alors même que ce jour était accompagné des attentes d'un peuple. En effet, de part la rareté des naissances, ce jour qui devait accueillir une nouvelle vie était des plus attendus au sein du clan Oni. Enfin, après si longtemps, une nouvelle naissance aurait lieu. C'était là un des problèmes principaux de ce majestueux clan. Ils étaient plus forts que n'importe qui mais si peu nombreux. N'étant pas capable d'enfanter facilement, l'écart avec les autres races se creusait de génération en génération. En réalité, si ce scénario perdurait la race s'éteindrait totalement.

Malgré l'orage, un son strident fit soudainement surface, cela marqua une intense joie sur les visages jusqu'alors anxieux.
—Ce fut celui qui l'accompagna qui y mit fin.

Si un certain soulagement était apparu sur les traits de ceux présents, un choc était désormais perceptible. Qu'ils soient jeunes, ou bien, plus âgés, ayant compris ou non la situation, chacun semblait atteint par l'atmosphère de désespoir qui avait envahi les lieux. Serrant les poings, rationalisant la situation, le vieil homme se trouvant à l'avant du groupe s'avança davantage. Il devait savoir, il devait avoir la confirmation que le pire était vraiment arrivé.

Il aperçu alors les deux enfants en pleurs, tout juste sortis du ventre de leur mère, simplement enveloppés d'un fin tissu prévu à cet effet. Des jumeaux, c'était des jumeaux...

Ainsi le vint espoir qu'il avait conservé se brisa. Il aurait pu être le grand-père le plus heureux du monde, avoir un petit fils, et même un second. N'était ce pas une bonne nouvelle ? Deux enfants pour le prix d'un dans un peuple en manque de nouveaux nés. N'était ce pas parfait ?

—Ça ne l'était pas.

Le tabou que représentait les jumeaux pour le clan, réduisait à néant cette logique. Anéantissant l'humeur de l'homme par la même occasion, ses mouvements devinrent mécaniques. Il se répugnait pour ce qu'il allait faire mais il n'avait pas le choix. Il était le chef, il devait le faire. Alors même que ces deux vies venaient de débuter, il allait les reprendre aussitôt, quand bien même il était de leur famille, et que leur mère observait tout de son lit, affaiblie par l'effort.

Sans avertir quiconque, après tout c'était simplement inutile, il dégaina l'épée se trouvant à sa taille, inspirant par la même occasion. C'était le meilleur moyen pour lui de faire jaïr ses cornes, la concentration. À l'instar des éclairs foudroyant le ciel, une gerbe d'étincelles jaillit du haut de son crâne, aveuglant les observateurs. La lumière se reflétait sur les larmes des enfants n'ayant même simplement encore ouvert les yeux. Deux magnifiques cornes, symboles de fierté, trônaient sur le front de cet homme. Peu importe son âge avancé, une incroyable puissance se dégageait de cet être, son aura à elle seule aurait pu engendrer la peur à quiconque.

Les souffles se coupèrent, les regards se firent tristes. Face à cet homme, les jumeaux ne purent qu'exécuter un même cri, qui déjà, résonnait depuis leur naissance. Ils ne reconnaissaient pas cette peur que la mort procure, être né, perdu, était déjà assez éprouvant pour ces petits êtres.

Faisant fuir ses dernières hésitations, l'ancien aux cheveux grisonnant abattu son épée sur l'aîné. Étrangement, le cri du cadet cessa en même temps que la vie de son frère s'en allait, comme si, sans sa moitié, pleurer était inutile. Seul le cri d'une mère horrifiée résonna dans le silence pesant qui s'installa alors.

Elle savait. Oui, elle savait, dès lors qu'elle a su enfanter des jumeaux, quel destin les attendait. Mais même ainsi, elle ne pouvait l'accepter, en tant que mère aimante. Et c'était en tant que telle qu'elle chercha instinctivement à sauver son dernier enfant. Alors que la lame s'abattait pour la seconde fois, elle se leva brusquement dépassant les limites de son corps épuisé.

Un bruit sourd se fit entendre avant qu'un silence complet s'installait de nouveau, même les intempéries extérieurs ne purent interrompre ce dernier. Deux corps étaient brusquement tombés en concert à même le sol. Le premier, tomba d'épuisement, la tête dirigée vers le ciel, et genou contre terre, elle respirait lourdement. Quant à l'autre, ce n'était qu'un cadavre s'étant écroulé de tout son poids.

On lui apprit que ce jour là, son père s'était interposé héroïquement entre l'ancien et sa mère, sauvant sa vie au détriment de celle de son propre père. Par la même occasion, il sauva sa vie au détriment de ses sentiments... De part le liquide rouge vif s'écoulant sur ses doigts, il pouvait dire qu'il était né avec les mains déjà tachés de sang.

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