Le commencement - La fin d'un acte

Le crépitement des flammes envahissait les lieux, aspirant tout autre son pour ne laisser qu’un semblant de silence. Ce brasier accompagné d’une chaleur extrême ne s’éloignait du terme étouffant que par la brise nocturne qui ne cessait de souffler. Malgré l’heure tardive, la lune éclairait à merveille cette scène d’enfer que les flammes ne faisaient que sublimer. Alors qu’elles léchaient sa peau de par en par, et baigner son corps d’une chaleur bienvenue, ses membres étaient encore parcourus de frissons.

Si la lumière des astres ne suffisaient pas, cette fournaise permettait d’entrapercevoir ses médailles de guerre. Symbole d’un passé plus sombre que glorieux pourtant, elles étaient la représentation même de ses déboires. Le nombre de ses cicatrices entrait en résonance avec celles de son coeur, et ne permettait d’envisager qu’un prélude de son histoire. Elles contrastaient encore davantage avec ses traits juvéniles. Mais tout enfant qu’il était toujours aujourd'hui, il ne pouvait pourtant plus se vanter de posséder une quelconque trace d’innocence. Son corps, contenant encore les derniers traits enfantins que son âge oblige, avait été taillé tel le marbre avec les épreuves.

Assis sur ce bûcher macabre, il reposait sur une pile de nombreux corps, morts pour la plupart bien avant que les flammes n’aient pu les atteindre. Pourtant, loin d’afficher une expression de dégoût, il ne posait qu’un regard rempli de tendresse sur le spectacle qui s'étalait à ses pieds. Il était absorbé dans une telle contemplation qu’il ne détourna le regard que lorsqu’un nouvel individu atteigna l’entrée de ce mont de cadavres. Il était désormais arrivé, le juge qui déterminera son avenir.

Dix ans plus tôt

Un homme, en plein pèlerinage, avançait difficilement dans les fourrés. Jamais il n’aurait cru que voyager ainsi serait si ardu. Le soleil venait à peine de se lever qu’il devait déjà repartir. Les contraintes du retour à la nature, se dit-il.

À vrai dire, au delà de ces plaintes de citadin, ce matin sortait de l’ordinaire. En effet, c’est à peine s’il ouvrirait l’oeil à une telle heure. Notre homme, en bon dormeur qui se respecte n’avait pas pour habitude de se lever aux premières heures de l’aube, et encore moins sans aucune luminosité la nuit. Mais voilà, aujourd'hui était différent. En quoi ? Et bien, c’était simple, un bruit sourd.

Soudain, inattendu et surtout inconcevable, jamais une telle déflagration n’aurait pu se produire dans un lieu aussi isolé et vide. Vide, oui, ce lieu était irrémédiablement vide. Sans la foule qui remplissait habituellement les rues et les boulevards. Sans le bruit des nombreuses activités démontrant la diversité des tâches. Et sans les odeurs insupportables des victuailles en tout genre. Reparti sur de nouvelles plaintes, il oublia rapidement ce réveil incongru, rêvant de revenir à une vie plus urbaine.

Le silence régnait ainsi dans cette forêt bien banale, peut-être trop en réalité. Une barrière d’arbres et de broussailles qui ne faisait que cacher la zone d’ombre de ce magnifique lieu. Bien loin des rêves d’un simple homme, c’était un jour de cauchemars pour ce qui restait d’un peuple.

***

Le silence régnait en maître désormais. Quelques fumées s’échappaient encore mais le crépitement régulier des flammes avait cessé. Telle une tempête dévastatrice, les membres du culte étaient passés en un coup de vent, ravageant tout sur leur passage que ce soit des bâtiments ou des vies. Ainsi, rien n'aurait dû perturber le calme instauré. Pourtant, un souffle rauque et haletant pouvait encore se faire entendre si l’on tendait l’oreille.

Reprenant lentement son souffle en parallèle de sa conscience, le jeune garçon ne parvenait pas encore à comprendre ce qu’il s’était produit. Les idées loin d’être claires, ils ne percevaient que son soulagement. En effet, un sourire débarrasser de toutes contraintes s’était dessiné sur son visage, lui donnant pourtant une allure assez sinistre.

Cherchant des indices dans son environnement, son regard se porta vers ses mains qui se trouvaient à portée de vu. C’est alors qu’il remarqua le liquide rougeâtre et presque noir qui s’écoulait de ses mains, comprenant ainsi la sensation de chaleur provenant de ses doigts. Alors, il se rappela.

Instinctivement, cherchant à le cacher, il plaqua violemment ses mains sur son visage, ce sourire ne devait être. Il frotta avec frénésie les coins de sa bouche et, avec l’agrandissement de son mouvement, le reste de sa figure.

Reprenant le pas sur ses émotions violentes, ne serait ce que pour un temps, il retira ses membres à vif. La peau désormais aussi rouge de part les frottements qu’à cause du sang, il sentit ses membres trembler de manière incontrôlable. Incapable de voir ce qu’il avait fait, et pris d’une violente crise de panique, le jeune oni commença à reculer pour vite partir au pas de course.

Il ne pouvait accepter ça. Tant qu’il ne verrait pas cet impardonnable acte, il pourrait encore douter. Loin d’être un défaut ici, il était une espérance qu’il se devait de maintenir. Car dès que son regard se porterait sur son cadavre, et que tout espoir aurait disparu, il ne pourra que se résoudre et assumer ses responsabilités.

Il venait de tuer, pour la première fois et sans réelle hésitation. Ni un inconnu ou un dangereux ennemi, il venait de mettre fin aux jours de son père. Et pire que tout, il en avait été heureux, même un instant, c'était trop. Il n’avait pas le droit.

Sa course le mena à percuter un arbre. Du moins, c’est ce qu’il crut avant de sentir une sensation de confort au niveau du haut de son crâne, point d’impact du choc. Mais ce n’est que lorsqu’il ouvrit à nouveau les yeux sur son entourage qu’il comprit. Il se trouvait le visage plaqué contre la poitrine d’un homme qui avait placé une main se voulant être rassurante sur ses cheveux. Pourtant, cette réalisation n’améliora pas son état et la panique qui avait envahi ses membres reprit de plus belle.

- Hé, gamin ! Tout va bien maintenant. Tout est fini.

Tout est fini… c’était vrai, tout était terminé pour le mieux comme pour le pire. Le jeune enfant se calma à nouveau, du moins suffisamment pour recouvrir une certaine tranquillité apparente. L’homme apercevant le changement chez le garçon, s'accroupit pour se mettre à sa hauteur.

- Dis moi, p’tit gars, comment t’appelles-tu ?

La question, pourtant assez banale, l’étonna d’abord. Il s’attendait davantage à un interrogatoire plus pénible qu’utile. Franchement, son témoignage n’apporterait pas grand chose, même l’ennemi était resté invisible à sa vue. Reprenant contenance après plusieurs secondes de silence assez pesante pour son interlocuteur, il se décida à répondre.

- Je m’appelle R...

Tu n’es qu’un monstre !

Alors qu’il avait entreprit de parler à cet homme, cette phrase resurgit dans son esprit. Elle provenait de l’un des pires moments que son existence est pu connaître et il n'en résultat qu’une sensation de dégoût envers sa personne. Il n’avait plus le droit. Il ne méritait plus de porter ce nom là. Après un second blanc de sa part, l’homme lui faisant face commença à s’inquiéter et décida d'enchaîner avec une autre réplique. Ce n’est que celle de notre héros qui l’en empêcha au dernier moment.

- Kaijuu.

- Euh… Pardon ? Tu v..

- Appelez moi Kaijuu !

L’homme comprenant enfin, souria de toutes ses dents et prit le jeune garçon dans ses bras. Ce dernier se laissant aller totalement à la sensation de sécurité des bras qui l’entouraient, sentit un début de larmes couler sur ses joues. Les pleurs qu'il ne put retenir, la honte des onis, furent cependant cacher dans la poitrine de l’adulte le surplombant.

Tout est fini

Sans savoir pourquoi, ces mots sonnaient faux dans l’esprit de l’enfant qu’il était. Il ne savait si c’était l’homme en lui-même ou ses paroles, mais le frisson qui le parcouru démontra à lui seul qu’il était loin d’être rassurer, pire, il avait peur, peur de ce que l’avenir lui réserverait.

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