Le commencement - En proie au doute (partie 1/2)
- Encore.. oui, encore un...
Alors même qu'il ouvrait les yeux après un sommeil agité, ces quelques mots s'échapèrent d'une voix lasse. Malgré qu'ils soient les siens, il n'était pas capable de déterminer leur signification. À vrai dire, il ne prenait pas même conscience de s'exprimer. Ce sommeil agité, n'est qu'un terme démontrant la mauvaise nuit passée. Ce n'était pas le genre de mauvais rêve qui terrifi au point de réveiller en sueur. Ni le genre de souvenir désagréable que l'on chercherait à oublier à tout prix. Ce n'était rien de tout ça car après tout, il ne lui était jamais rien arrivé de fâcheux. Il était fils unique, entouré de parents aimants, et vivant dans un village joyeux. Il n'avait aucune raison de se plaindre.
Les idées encore flous, une douleur lui vrillant le crâne, il se leva sans attendre davantage. Après avoir réalisé ses tâches quotidiennes tel un simple débarbouillage, ou un court repas silencieux, il se prépara à sortir. Enfilant des chaussures de bois, le comble du confort ! Il n'exquissa plus un geste, attendant... attendant encore.
Un faible grincement de porte à peine perceptible indiqua la présence d'une nouvelle personne dans la pièce. Après de brèves salutations avec sa mère, il décida de partir. Marchant simplement en ligne droite, semblant à peine reconnaître sa présence, seul un regard fugace alors qu'il était encore derrière lui contredisait cette impression. Il le regardait s'avancer, s'éloignant toujours davantage, en silence. Ne voyant d'abord que son dos puis simplement ces couleurs, jusqu'à ne voir qu'un point disparaître. Le regarder s'en aller, longtemps, sans mot dire... cette routine se termina soudainement, sans un quelconque déclencheur apparent. Il se releva simplement, retirant très vite les chaussures de ses pieds, un soulagement s'étendant sur son visage à la perte de ce maux de tête jusqu'alors insupportable. Son corps, comme réanimé, se dirigea alors vers sa mère.
À cette heure, il aurait dû aller étudier avec les autres enfants du village. Ils étaient peu mais d'autres étaient nés après sa naissance, de quoi rassurer bien du monde. Ainsi, il aurait dû, en principe, en tant qu'enfant Oni bien élevé, y aller mais il ne le fera pas, il ne le fera plus. Il ne sortira sans doute pas non plus.
Tous les jours, il le faisait, souriant à qui passer par là, discret mais attentif. Les regards qu'on lui rendait étaient évidemment rempli d'une même bienveillance. Et pourtant, sans savoir pourquoi, il ne s'y sentait plus à l'aise. Où donc ? À l'école ? Juste.. dehors ? Et bien partout. Simplement ailleurs. Il y avait chez lui, et ailleurs. Rien d'autres. Ce chez soi qui n'était composé que de deux personnes, lui-même et sa mère.
Alors même que rien ni personne ne le forçait à sortir si ce n'est l'éthique ou lui-même. Il a commencé à ne plus se forcer. En réalité, il n'y arrivait plus vraiment. On dit que les enfants sont cruels, qu'ils trouvent un jour une différence, sans importance, et qu'ils s'en servent à mauvaise escient. Ce n'était pas son cas, il n'avait jamais subi ce genre de traitement ni physique ni verbal. Ils ne le frappaient pas. Ils ne l'ont jamais insulté. Oui, tout le monde était gentil avec lui. Alors, il ne comprenait pas.
Pourquoi n'arrivait-il plus à regarder ses camarades en face ? Pourquoi échappé à leur présence le soulageait-il ? Pourquoi devrait-il être malade par le simple fait d'être à l'extérieur ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?
Il ne pouvait plus sourire, pas sans cette douleur tout du moins. Alors n'imposant plus à personne une présence que personne n'aurait regretté, il s'est enfermé. Il était à son aise, loin de leur regard.
***
Des rires. Une voix faible mais chaleureuse. Un sourire bienveillant. Un regard tendre. Ces quelques mots définissaient parfaitement sa mère.
Lui, il ne l'avait jamais vu sourire. Ils ne souriaient plus non plus. Il ne souriait lui-même qu'avec elle. Sa mère souriait en permanence. Toujours, sans jamais arrêté. Qu'il fasse beau ou qu'il pleuve. Ce n'était pas du temps qu'il était question.
Il ne savait pas comment elle vivait tout cela. Si elle souriait par joie, pour essayer d'en ressentir ou pour cacher aux autres ce qu'il en était vraiment.
Elle était forte. Elle était un modèle pour cela. Elle était sa famille. La seule qui lui procurait de la joie. Pourtant, il ne la voyait pas, il ne cessait de regarder ailleurs.
Souvent de loin, sans un mot, il l'observait, longtemps. Toujours en arrière plan, jamais de face, il le considérait, le détaillant, et ce même lorsque ce dernier n'était plus là, il ne pouvait détourner les yeux totalement, ignorant par la même occasion de profiter de la personne à ses côtés.
***
Après avoir entendu un élèvement soudain de voix, il se dirigea vers la fenêtre. Éliminant une partie de la buée recouvrant la vitre et posant sa tête entre ses bras, tranquillement installé, il se mit à observer l'extérieur.
Cherchant tout d'abord la source des voix, son regard traversa la zone de part en part, jusqu'à ce qu'il se concentre sur un couple de personnes.
Un enfant, à peine plus jeune que lui, le poing levé, deux cornes de la même taille aussi. Il semblait se mettre en avant, extrêmement fier de lui-même. Il avait sans doute de quoi, ces cornes étaient tout pour un Oni en plus de la force pur. À ces côtes, l'homme restait impassible, écoutant paisiblement.
Impassible... c'était certainement le terme qui lui convenait le plus. Il l'était devenu après s'être autoproclamé nouveau chef du village. Autoproclamé bien qu'un peu fort, il n'avait fait que suivre le destin de sa lignée après tout, n'était pas faux non plus.
C'était généralement par hérédité que le pouvoir était transmis parmis les siens. L'ancien étant mort subitement, il n'avait eu d'autres choix que suivre cette fonction. Il devait devenir plus fort, plus stricte. Il y était parvenu, peut-être trop. Il semblerait que l'ambiance du village se soit terni avec le temps. Cela a déjà été dit n'est-ce pas ? Ils ne souriaient plus.
Aux paroles de l'enfant, l'homme acquiesça en posant sa main sur le haut de la tête du jeune garçon.
- C'est bien... tu es devenu fort. Je suis fier de toi. Heureusement que je t'ai toi, mon fils.
Il n'entendait qu'à peine la conversation, pourtant, ces mots lui parvinrent aussi clairement qu'elles avaient pu l'être pour son interlocuteur. Il avait eu un mouvement de recul, se remettant d'abord droit, la main crispé contre sa tempe. Voûtant le dos au fur et à mesure que sa respiration devenait difficile, sans pour autant se relever ni retirer sa main, il éleva le regard pour la seconde fois, traversant la vitre et atteignant le duo.
Que se passe-t-il ? Que m'arrive-t-il ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?
Pourquoi maintenant ?
Un mal le rongeait, il se savait pas d'où il provenait, mais il était présent, le restreignant en permanence. Alors que sa respiration erratique se calmée peu à peu par habitude, ses mouvements brusques prirent fin, reprenant un certain calme général, retrouvant son masque.
Une fine coulée de larmes s'écoula sur ses joues. Sans bouger d'avantage, ni faire de bruit, il regarda cette scène. Une chaleur l'étreignant par derrière, alors qu'il restait statique, comme hypnotisé par cette vision. Ça lui faisait mal, oui, ça lui faisait mal de voir son père déclaré à un autre enfant, qui n'est en rien le sien, qu'il est fier de lui au point de le considérer comme son fils. Lui n'avait jamais entendu de tels mots.
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