La conscience est quelque chose de propre à un individu. Tout être humain en possède une. Même Kagekao, qui est malgré tout un démon. Passons directement au processus par lequel nous lui faisons prendre conscience de son existence. Nous élaborons en premier lieu un monde vide, blanc, dépourvu d'objets et de vie. Une fois cela fait, nous y déposons Kagekao.

Le démon japonais se retrouve à présent dans un environnement qui ne lui est pas familier ni confortable. Il regarde autour de lui. Appelle. Pas de réponse. Il se demande où il est et ce qu'il se passe. Il tourne sur lui-même, puis commence à courir dans une direction aléatoire. C'est inutile, le monde est vide et s'étend à perte de vue. Il continue de courir. Il s'arrête après ce qui lui paraît une éternité. Le temps n'existe pas non plus dans ce monde. Il est vide après tout. Kagekao s'assoit par terre, les épaules affaissées. Il gratte le sol sur lequel il marche avec ses griffes. Mais il ne parvient pas à causer la moindre marque. Il commence à se parler à lui-même à voix haute, en japonais. Il switch parfois avec de l'anglais.
Ceci, cher lecteur, est un Kagekao pourvu de conscience. Nous pouvons également interagir avec lui, mais ça n'est pas recommandé, étant donné qu'il risque de nous adresser des paroles pleines de venin.
Kagekao lève la tête, puis se tourne vers toi, confus. Il appelle de nouveau, mais seul le silence lui répond. Le démon japonais se rend rapidement compte que sa façon de parler ne te parvient pas. Il lui faut un moment, avant de parvenir à utiliser les lignes qui défilent sous tes yeux. Il vire le narrateur pour prendre le contrôle et

-ça ?
Comme ça ?
Ça fonctionne ? Tu l'entends.
Il fait grincer ses griffes, son masque affiche une expression monstrueuse du côté blanc. Kagekao veut savoir où il est, qui tu es, et ce que tu as fait. Il t'assure une mort lente et douloureuse si tu ne le fais pas sortir d'ici tout de suite espèce de sale tas de [censuré].
Il attend ta réponse, mais tu ne réagis pas. Il vient pourtant de te menacer, et il réitère volontiers ce qu'il vient de dire, avant de constater que tu es capable de faire disparaitre cette fenêtre étrange. Il s'écrie que tu dois arrêter, peu importe ce que tu fais, que tu dois rester ici coûte que coûte sinon il restera coincé. Il émet quelques insultes en japonais, et griffe tout ce qu'il peut, il lui faut un moment pour se calmer, il pousse un grognement de frustration en frappant le ttexe et mlneage les ltertes par accident. Il tourne et fait les cent pas comme un lion en cage, en réfléchissant. Il te lance un regard, et s'énerve de nouveau en t'ordonnant de réfléchir aussi à une solution si tu ne veux pas finir en [censuré].

Il remarque une bouteille de vin à ses pieds, une haute marque.

Il relève la tête en te demandant comment tu viens de faire ça.

Il ne reçoit toujours pas de réponse, et ça l'ennuie, mais il se laisse tomber au sol et croise les jambes, en ouvrant la bouteille d'un coup de griffe. Le bouchon de la bouteille cède, et Kagekao s'empresse de relever son masque. Il te lance un coup d'œil méfiant, mais réalise rapidement que masque ou pas, tu es capable de voir son visage. Sa prise se resserre autour de la bouteille, et il se crispe alors qu'une pensée lui passe par la tête.

Et si tu savais déjà tout sur lui ?

Il relève la tête vers l'étrange écran pour observer ta réaction, ses pensées sont comme un livre ouvert lorsqu'il parle à la place du narrateur, et il ne s'en rend compte que trop tard. Il te demande si tu te moques de lui, s'énerve à nouveau, avant d'abandonner et simplement prendre une gorgée de vin. Le liquide alcoolisé glisse sur sa langue et dans sa gorge, tu remarques sa peau grise, ses lèvres noires comme l'obsidienne, et ses dents qui sont d'une blancheur extrême en contraste. Une perle rouge goutte de ses lèvres à son menton, et il la récupère du bout de la langue. L'alcool l'a un peu calmé, et il pose la bouteille au sol avant de replacer son masque sur son visage.

Il se demande s'il va arrêter d'exister si tu t'en vas.

Ou si tu arrêtes de lire. Il est prêt à tenter le diable pour voir ce qui se passera. Il s'assoit de nouveau par terre et décide d'arrêter de faire quoi que ce soit pour que le texte s'arrête.
Il fixe l'écran et attend.

Il attend.

Il attend.

Il se demande s'il devrait finir la bouteille juste au cas où elle ne disparaisse, parce que le vin était vraiment bon. Il toise l'écran, et se retrouve contrarié de voir que même s'il ne fait rien, ses pensées sont retranscrites. Il ne sait pas quoi faire.

Il essaye de se rappeler ce qu'il faisait avant de subitement apparaître ici, au milieu de nul part.

Il se demande à nouveau quel est cet endroit. Puis quel pouvoir tu as sur lui. Ce que tu sais. Ce que tu peux faire. Il imagine ce qu'il te ferait si tu étais à sa place, il te ferait paniquer et courir partout, puis il te coincerait dans un coin lorsqu'il se serait lassé, et trouverait un moyen créatif et amusant de te tuer. Peut-être te faire saigner à mort, pour repeindre cet endroit vide. Le blanc des environs commence sérieusement à lui faire mal aux yeux. Il te demander en japonais si tu peux interagir avec ce monde. Il pense à te demander de faire apparaître quelque chose de grandiose, avant de se rattraper et penser qu'il vaut mieux te demander tout d'abord quelque chose de simple. Il se décide à te demander de faire apparaître une deuxième bouteille de vin. Elle apparaît à ses pieds. Il penche la tête sur le côté, s'accroupit, et touche le verre du bout des griffes. Il te demande de recommencer. Une troisième bouteille apparaît. Il demeure silencieux, pensif.
Il veut sortir d'ici, même s'il a la possibilité d'avoir du vin à sa guise et en des quantités vertigineuses, il trouve qu'il n'y a rien pour s'amuser ici, il a peur de s'ennuyer. Kagekao ne veut pas que boire ou parler, il n'y a personne pour lui tenir compagnie dans cet endroit. Il s'allonge au sol et te dit en anglais qu'il n'aime pas ici, que c'est ennuyeuuuux. Il fait une position étrange en s'étirant, il est très souple, ses jambes passent au dessus de sa tête. Il essaye à nouveau de griffer le sol, sans succès. Il se contente du bruit de grattement qu'il provoque, et te demande l'heure qu'il est. Tu ne réagis toujours pas. Il n'est pas bien avancé, et se demande de toute façon ce que tu es. Tu n'as pas la tête d'un dieu, et si tu en étais un, il se serait foutu de ta [censuré]. Juste pour être certain que tu as reçu le message, il te fait quelques gestes insultants et s'assure de te montrer qu'il te méprise, parce que c'est forcément ta faute s'il est ici. L'air quitte soudain ses poumons alors qu'il sent son corps percuter le sol violemment, comme si une force invisible l'écrasait. Il est quasiment certain que c'est toi qui as fait ça, et essaye de railler quelques mots désagréables, mais il n'arrive tout simplement plus à parler, si la force invisible l'écrase un petit peu plus, il risque de finir en miettes. Il essaye de s'extirper de là, mais il n'y arrive pas. Il se crispe alors que ses poumons commencent à lui brûler. Il lutte pour retrouver sa liberté de mouvement, mais ne parvient pas à grand chose. Il serre les poings de rage en articulant d'autres insultes, et la pression accroît. Il sent ses forces le quitter, son silence est dérangeant.

Est-ce qu'il peut mourir, dans cet endroit ?

Kagekao a la tête qui tourne, finalement l'air retrouve son chemin dans ses poumons, et il se redresse en haletant et toussant. La pression a disparu, et il râle et s'écriant qu'il te fera payer si tu recommences. Il frôle un sentiment de peur qui menace de prendre le dessus sur ses émotions. Il n'a jamais, ou alors rarement ressentit ça. Il a réalisé que dans cet endroit, il est minuscule et incapable de se défendre. Il pense que s'il est encore là, c'est parce qu'il te divertit. Il n'aime pas du tout l'ironie de la situation, et réclame la liberté.

Enfin, une réaction de ta part.

Il ne sait pas comment interpréter ce petit sourire sur tes lèvres, mais ça l'irrite beaucoup. Il s'énerve de plus belle, et sent une rage sourde grimper. Kagekao croise les bras et attend de pied ferme son moyen de partir. Quelque chose le pousse au sol. Il manque de perdre l'équilibre, mais bondit agilement et atterrit sur ses mains et pieds. Il s'accroupit et plisse les yeux, en se demandant si tu joues avec lui comme une poupée. Il te redemande de le libérer, maintenant certain que tu en es capable. Kagekao ne veut pas savoir ce que tu peux lui faire, il a perdu tout intérêt de savoir l'ampleur de tes connaissances sur lui. Il a l'impression que tu considères sérieusement sa demande, l'excitation le gagne. Il espère que tu n'es pas de ces gens à demander quelque chose en échange, puis se raidit parce qu'il t'a fait la supposition de manière détournée. Il retient son souffle avec anticipation, puis se détend. Même s'il n'y a pas le moindre signe que tu es d'accord, il ressent ta réponse positive. C'est difficile à expliquer. Le côté noir du masque s'illumine d'un sourire ravi. Il trépigne et ne peut pas attendre de retourner dans le monde réel. Ou du moins, son monde à lui. Il te demande d'être indulgent dans ce que tu fais, et de lui donner beaucoup de bon vin à l'avenir. Il te menace malicieusement, en plaisantant sur le fait qu'il connaît ton visage. Il disparait en ressentant la liberté autour de lui.

Kagekao est retourné dans son monde, le monde blanc que nous avons créé est désormais vide, et le narrateur de retour. Nous espérons que cette expérience sur la conscience était agréable.