Chapitre VII
Bohort a 11 ans, Lancelot en a 13, Alina en a 7 et Lionel en a 8
Être un prince, c'est compliqué. Lancelot avait toujours vécu dans l'ombre de son père, le Roi Ban de Bénoïc. Tous les exploits que celui-ci avait accomplis ne semblaient pas pouvoir être égalés. Pourtant, son héritier semblait bien décidé à devenir un Roi fort et courageux. Lancelot était quelqu'un de bien, mais il passait ses journées à s'entraîner au combat pour accomplir ses objectifs. Malgré les tentatives de ses parents pour se rapprocher de lui, il refusait catégoriquement de se confier à qui que ce soit. Quelques fois, il s'imaginait comment serait sa vie s'il avait quelqu'un sur qui compter. S'il pouvait choisir, il prendrait quelqu'un de courageux, comme lui, mais pas froid ou mystérieux. Lancelot ne supportait pas les gens qui tenaient absolument à rester secrets. Il se détestait déjà assez de l'être lui-même, il n'avait pas besoin de quelqu'un comme lui à ses cotés.
Le prince de Bénoïc aurait pu continuer sa vie en solitaire si, ce matin là, son père n'avait pas annoncé la visite de sa famille, qui venait de Gaunes. Hélène, la Reine, avait expliqué à son fils qu'il devrait rester à table pendant tout le repas, par politesse. Lancelot n'avait aucune envie de rester discuter avec la famille de son père, mais il ne voulait pas non plus subir la colère du Roi Ban, alors il accepta. Ce ne devait pas être si compliqué, de parler pendant un repas. Et puis, sa petite sœur Alina serait là comme renfort, c'était une vraie pipelette.
Lancelot voulait rester le pus longtemps possible dans sa chambre avant l'arrivée du Roi Bohort et de ses deux fils. Le soleil filtrait à travers les fenêtres de la chambre du jeune prince, qui tentait en vain d'empêcher ses cheveux blonds de partir dans tous les sens. Sa mère avait tenu à ce qu'il se prépare pour l'occasion. Hélas, ses cheveux tenaient absolument à ne pas être coiffés. Lancelot soupira.
- Pff... à quoi ça sert, franchement ? se demanda-t-il à lui-même. C'est juste la famille de père, et ils en font tout un truc, comme d'habitude. Aïe !
Il regarda la brosse à cheveux à laquelle étaient maintenant accrochés quelques uns de ses cheveux en grimaçant. Il lança la brosse à l'autre bout de la chambre. Il avait renoncé définitivement à se coiffer.
- Comment les filles peuvent subir ça tous les jours ? se demanda-t-il.
- On est habituées.
Lancelot se leva vivement de son lit et se tourna vers la fenêtre, devant laquelle se trouvait la Dame du Lac. Ses longs cheveux roux descendaient en cascade sur ses épaules et ses yeux bleus pétillaient, signe qu'elle venait annoncer une bonne nouvelle au prince. Elle était sensée l'aider à se préparer à accomplir sa destinée, et elle remplissait ce rôle à merveille.
- Bon, Lancelot, aujourd'hui est un grand jour, annonça Viviane.
- Vous allez pas vous y mettre vous aussi ! s'exclama l'adolescent. C'est juste la famille de mon père, c'est rien du tout !
- Tu ne comprend pas ce que ça signifie ? Le fils aîné du Roi Bohort aura une importance capitale dans la Quête du Graal, comme toi ! Et puis, ça te permettra de ne plus être tout seul toute la journée ! Parce que là, tu passes tes journées à t'entraîner, c'est pas bon pour ta santé !
- Si vous croyez que c'est mon cousin qui va arranger, ça, je crois que vous êtes un peu trop optimiste. Je vous rappelle que mes parents ont essayé plein de fois de trouver des gens qui devaient devenir mes amis. Ça a jamais marché !
- T'as encore décidé de faire ta mauvaise tête, hein ? Et ben je m'en vais !
La Dame du Lac disparut et Lancelot finit seul dans sa chambre. Elle était à peine partie que la porte de la chambre s'entrouvrit, laissant voir au jeune homme une petite blonde de sept ans. Leurs yeux bleus se croisèrent et Alina annonça :
- Ils sont arrivés. Père et Mère veulent que tu nous rejoignent dans la salle à manger.
Elle repartit en trottinant et Lancelot la suivit jusqu'à la salle à manger. Là-bas étaient rassemblées les familles royales de Gaunes et de Bénoïc. Assis sur son trône, le Roi Ban était en pleine discussion avec son frère, à coté duquel se trouvait Évaine, la Reine de Gaunes. Et en face d'elle était assise Hélène, la mère de Lancelot. Celui-ci s'assit à coté de sa sœur, en face des deux fils du Roi et de la Reine de Gaunes, qui se mettaient des coups de coudes malgré les protestations de leur mère. L'aîné devait avoir onze ans, ses boucles brunes étaient secouées par son mini-combat mené contre son frère et ses yeux marron passaient de celui-ci à sa mère. Le plus jeune, quant à lui, avait aux alentours de huit ans, des cheveux châtain et les mêmes yeux que son frère.
- Bohort ! Lionel ! Ça suffit ! ordonna fermement le Roi de Gaunes.
- C'est lui qui a commencé ! se défendit Bohort.
- Mais oui, bien sur, dit son père en levant les yeux au ciel.
Bohort croisa les bras. Apparemment, il était bien décidé à bouder. Lionel lui tira la langue et éclata de rire pendant que les adultes reprenaient leur conversation. Lancelot soupira : il était encore tombé sur des débiles. On lui avait appris à ne pas juger trop vite, évidemment, mais là, il ne voyait pas vraiment quelle autre conclusion il pouvait tirer de ce qu'il venait de voir.
- Salut, grommela Lancelot.
Bohort tourna vivement la tête vers lui. Il semblait ne pas l'avoir vu arriver.
- Salut ! salua-t-il en souriant gentiment. Lancelot, c'est ça ? Moi c'est Bohort ! Et lui, c'est Lionel, mon petit frère. Comme tu peux le voir, il est un peu...
- Chiant ? proposa Lancelot.
- Ouais, c'est ça.
- Mère ! Il y a Bohort qui a dit que j'étais chiant ! se plaignit Lionel. Et même qu'il m'a tapé !
- Mais c'est pas vrai ! se défendit Bohort.
- Bohort, ça suffit, tu sors de table, ordonna le Roi de Gaunes en s'efforçant de garder son calme.
Bohort se leva, fusilla son frère du regard et partit. Lancelot hésita à intervenir. Une telle injustice ne pouvait pas rester impunie. Le jeune prince leva la main pour demander la parole à son oncle.
- Quoi ?! demanda vivement celui-ci.
- Et bien... commença Lancelot. Déjà, Bohort n'a pas dit que Lionel était chiant, pour commencer. Et je n'ai pas souvenir qu'il l'ai frappé. Je pense – sans vouloir vous offenser – que vous ne devriez pas croire tout ce que Lionel vous dit.
Le Roi de Gaunes échangea un regard avec son frère. Il hésitait entre deux réactions : hurler sur le jeune prince ou ne rien dire et laisser le Roi Ban le faire. Il opta finalement pour la deuxième option.
- Je suis désolé, mon frère, s'excusa le Roi de Bénoïc. Il n'a pas l'habitude de voir des gens. Lancelot, sors de table, s'il te plaît. Tu pourras faire connaissance avec Bohort, comme ça.
- Et ne sois pas trop gentil avec lui, mon fils ne le mérite pas, ajouta le Roi de Gaunes.
Lancelot acquiesça et s'en alla rapidement. Il s'était fait renvoyer de table, mais au moins, il avait pu remettre son oncle à sa place. Au moins, il avait pu régler une injustice, et cette seule pensée le fit sourire.
Il était à peine sorti de la salle à manger quand il entendit des sanglots. Son sourire s'effaça et il suivit les pleurs pour retrouver son cousin recroquevillé dans un coin près de la salle à manger. Des larmes dévalaient ses joues et ses yeux étaient rouges d'avoir pleuré. Quand il vit Lancelot approcher, il se leva vivement et essuya ses larmes avec sa manche.
- Toi aussi, tu t'es fait virer ? demanda Bohort.
- Ouais, j'ai dit à ton père que Lionel avait menti et ils m'ont dit de me barrer, expliqua Lancelot en haussant les épaules.
- Mais pourquoi t'as fait ça ? demanda Bohort en penchant la tête sur le coté en signe d'incompréhension.
- J'aime pas l'injustice, ça m'énerve.
- Merci ! Comment je peux te remercier ?
Ses yeux s'éclairèrent et son regard plein d'espoir fit ressentir à Lancelot une certaine tendresse pour son cousin. Il avait l'air inoffensif et n'avait pas l'air d'avoir été envoyé par le Roi et la Reine de Bénoïc pour empêcher Lancelot de rester seul.
- Euh... je veux que tu me promette que tu te laissera pas arnaquer pour mes parents, annonça Lancelot. Ils veulent absolument que je me fasse des amis, et moi, je veux pouvoir décider avec qui je vais être ami ou pas.
- Oui ! Tout ce que tu veux ! Ça m'a déjà fait bizarre que tu m'adresse la parole, alors je ferais tout ce que tu me demande ! s'exclama Bohort.
Il avait l'air vraiment sincère. Il semblait plutôt gentil. Lancelot ne songea même pas à se servir de lui pour lui faire faire n'importe quoi, comme aurait pu le faire quelqu'un d'autre.
Ni l'un ni l'autre ne le savait, mais ce jour là avait débuté une grande amitié, qui aboutirai à un grand destin.
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