Chapitre IX
Arthur et Éva ont 4 ans
Merlin était assis à table, dans une taverne. Des cernes s'étaient dessinées sous ses yeux bleus. Il caressait régulièrement sa barbe brune. Il était aux alentours de neuf heures du matin et les clients étaient rares dans l'auberge à cette heure-ci. Deux enfants – des jumeaux – couraient partout, riant aux éclats. Merlin n'osait plus les regarder, eux, ces enfants dont il s'était occupés pendant de nombreux mois.
– Qu'est-ce que je vous sers ? demanda l'aubergiste au Druide.
– Rien du tout, répondit distraitement ce dernier. Je pourrais vous parler une minute ?
Merlin suivit Anton dehors, devant la porte de la taverne. Le tavernier se questionnait sur les intentions de cet homme étrange, mais il était déterminé à savoir ce qu'il lui voulait. Le Druide semblait au bord des larmes et Anton ne le laisserai pas partir tant qu'il n'en saurait pas plus.
– Que vouliez-vous me dire ? demanda-t-il.
– Vous voyez ces deux enfants qui sont venus avec moi ? Ils ont une destinée exceptionnelle et ils ont besoin d'un foyer. C'est vous que j'ai choisi pour vous occuper d'eux.
Anton ne savait pas quoi répondre à ça. Il dévisagea Merlin quelques secondes.
– Euh... j'ai le choix, moi ? demanda-t-il.
– Sans vous, le Royaume de Logres tombera dans la misère, expliqua le Druide. C'est à vous de voir.
– C'est dangereux de les garder chez moi ?
– Non, mais vous devez tout faire pour qu'ils ne soient pas connus du monde. Prenez bien soin d'eux.
Ils retournèrent dans la taverne. Anton ne comprenait pas vraiment ce qu'il venait d'accepter et Merlin s'apprêtait à dire adieu à ces enfants auxquels il tenait tant. Il était à peine rentré qu'Éva vint vers lui. Les boucles brunes de la petite fille étaient attachées en deux tresses. Ses grands yeux bruns brillaient et elle souriait. Évangéline de son vrai nom, il était impossible de résister à son visage d'ange. On n'avait jamais vu une enfant aussi adorable, mais elle se révélait parfois être une petite terreur capricieuse.
– Merlin ! s'exclama-t-elle.
– Qu'est-ce qui se passe, ma belle ? demanda le Druide.
– Regardez, il y a un bébé chat !
Arthur les rejoignit, suivi d'un adorable chaton couleur de sable. Arthur était un enfant beaucoup plus calme que sa sœur. À quatre ans, il se montrait assez réservé et ne se plaignait que rarement. Il ne pleurait pas et était poli avec tout le monde. Un garçon bien étrange, mais très gentil et plus calme que la plupart des adultes.
– Il est mignon, ce petit chat, dit Merlin.
Sa voix se brisa. Il ne pouvait plus tenir, sa tristesse commençait à prendre le dessus. Il s'assit à table, face aux jeunes enfants. En voyant leurs mines joyeuses, sa détresse redoubla. Il ne pouvait pas les abandonner, c'était impossible. Il ne supporterai pas d'être séparé de ces enfants. Il les aimait trop pour ça. Il se prit la tête dans les mains et s'efforça de garder son calme devant Arthur et Éva.
– Les enfants, j'ai quelque chose de très important à vous dire, annonça Merlin.
– Pourquoi vous êtes triste ? demanda Arthur.
– Je vais t'expliquer, mon grand. Vous voyez cette auberge ? C'est ici que vous allez vivre, maintenant.
– Je comprend pas... s'excusa Éva.
– Je vais partir et vous, vous allez vivre ici. Je suis vraiment désolé, les enfants, mais c'est la seule solution. C'est le seul endroit où ils ne vous trouveront pas. Vous allez vous plaire ici, c'est promis. Vous serez toujours tous les deux, vous ne devez jamais vous séparer. Vous devez rester ensemble si vous voulez réussir.
– Vous allez partir ? répéta Arthur. Nous laisser tout seuls ici ?
– Je n'ai pas le choix, Arthur...
Il fondit en larmes devant le regard accusateur du garçon. Éva descendit de sa chaise et vint se réfugier sur les genoux de Merlin. Celui-ci la serra contre lui. Des larmes dévalaient les joues de la petite fille. Seul Arthur semblait ne pas vouloir bouger. Alors Merlin allait les abandonner ? Il allait les laisser seuls ici, sans savoir qui ils étaient ? Très bien. Alors pour une fois, Arthur n'allait pas rester calme.
Merlin serra Éva dans ses bras et se leva, s'apprêtant à partir. Après avoir salué Anton, qui regardait la scène avec gravité, il ouvrit la porte. Le soleil s'engouffra dans la taverne. Soudain, Arthur agrippa le bras de Merlin et refusa de le lâcher.
– Arthur, arrête, s'il te plaît... sanglota le Druide.
– Je veux pas que vous partiez ! s'écria l'enfant. Je veux que vous restiez avec nous ! Partez pas ! S'il vous plaît !
Merlin s'accroupit pour être à la hauteur du jeune garçon, qui pleurait aussi, maintenant. Le Druide ébouriffa les boucles brunes d'Arthur et lui dit :
– Un jour, tu seras quelqu'un de très important. Les gens t'aimeront et tu seras quelqu'un de grand, de fort, de juste. Souviens-toi, Arthur : tu dois toujours être juste. Je sais que tu y arriveras, que tu pourras accomplir ton destin. J'ai confiance en toi, Arthur. Tu deviendras quelqu'un de formidable.
En écoutant les paroles de Merlin, l'enfant se calma. L'homme serra les jumeaux dans ses bras et sortit de la taverne, le cœur à la fois lourd et léger. Il n'arrivait pas à se faire à l'idée qu'il venait d'abandonner ces enfants qu'il avait aimés. Mais d'un autre côté, il les savait en sécurité et ça le rassurait. Il devait avoir confiance en lui et en eux. Tout allait bien se passer, c'était sûr.
Oui, Arthur deviendrai un grand Roi.
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