Chapitre 3 : Quand Le Passé Revient

 La première chose que Gauvain fit en ouvrant les yeux fut de porter sa main au fourreau de son épée. Il dut s'y reprendre à plusieurs fois avant que sa main tremblante rencontre le pommeau. Il parvint enfin à respirer à nouveau. Excalibur était toujours là.

Gauvain ignorait combien de temps il était resté inconscient. Il se redressa avec difficulté, comme s'il était tombé de très haut. Et à en juger par ce qui s'était passé, c'était sûrement le cas.

– Adeline... murmura-t-il en s'agrippant au fourreau d'Excalibur.

Les larmes aux yeux, il se leva et se fit violence pour ne pas retomber. Il entreprit de vérifier s'il n'était pas blessé. À part le sang qui coulait de son front – sûrement dû à sa chute – il n'avait rien.

Il avait peur, était seul et trempé – sans qu'il sache comment. s'engager dans la Résistance avait été un choix et il ne le regrettait pas, mais tout devenait si compliqué. Il n'arrivait plus à suivre, n'était même pas sûr de survivre à toute cette... violence.

Et il y avait cette angoisse qui montait en lui, comme si chacun d'eux était en danger de mort en ce moment même. De toute façon, Gauvain était toujours angoissé en ce moment. En réalisant qu'il était seul, il avait immédiatement pensé à Méléagant, qui avait toujours profité de ces moments-là pour s'en prendre à lui.

– Oui ! s'écria une voix enfantine. T'es réveillé ! Comment ça va ? On va enfin pouvoir jouer, je commençais à m'ennuyer...

Gauvain regarda autour de lui, paniqué. Une jeune fille de dix-sept ans se précipita vers lui. Elle se planta devant le jeune homme, un sourire aux lèvres. Sa peau était totalement blanche, ce n'était pas humain. Ses yeux bruns pétillaient de joie. Ses cheveux d'un noir de jais étaient attachés en deux tresses qui voletaient toutes seules autour d'elle. Elle était pieds nus mais ne semblait pas gênée par le froid hivernal.

– Eh bah ? dit-elle en faisant la moue. C'est quoi cette tête que tu fais, d'un coup ? Je veux jouer !

Gauvain tomba à genoux, peinant à respirer.Un fantôme se tenait en face de lui et ce fantôme, il le connaissait bien. L'air lui manquait, son cœur battait beaucoup trop vite, ses yeux se remplissaient de larmes qui ne l'aideraient pas à reprendre son souffle. La jeune fille qui avait encore la voix et les émotions d'une fillette s'agenouilla près de lui, inquiète.

Il tomba dans l'herbe froide et mouillée. Le contact entre le sol et sa joue l'empêcha de s'évanouir, même s'il aurait préféré cela plutôt que de voir ce fantôme devant lui.

Il éclata en sanglots, se recroquevillant sur lui-même. La jeune femme amorça un mouvement pour prendre sa main mais se retint. Il s'assit. Gauvain se souvenait parfaitement de cette expression qu'elle avait toujours eue quand il pleurait.

Quand ils n'étaient encore que des enfants.

– Jeanne, murmura-t-il entre deux sanglots.

– Je suis là, dit-elle d'une voix douce et moins enfantine.

– Je suis désolé.

– Pourquoi ?

Elle l'aida à se redresser, tout doucement. Son visage était changeant, passant de l'enfant qu'elle avait été à cette femme qu'elle aurait dû devenir. Elle attendit que Gauvain reprenne son souffle, ce qu'il eut beaucoup de mal à faire. Les larmes refusaient de s'arrêter, il n'en pouvait plus.

Une fois qu'il eut retrouvé l'usage de la parole, le prince d'Orcanie plongea son regard dans celui de sa petite sœur.

– Jeanne. Tu es morte, balbutia-t-il.

– Je sais.

– Mais comment ?

– Annara avait un objet permettant aux fantômes d'être visibles, tes souvenirs m'ont attirée et je suis là, maintenant. Gauvain, pleure pas, s'il te plaît.

– Mais j'ai... c'est de ma faute !

Jeanne fronça les sourcils et prit les mains de son frère aîné dans les siennes.

– Pourquoi tu dis ça ?

– C'est moi qui t'ai dit d'aller dehors alors que nous devions rester cachés... j'étais en colère... et ils t'ont tuée !

– Mais ça n'a jamais été ta faute !

– Tu ne peux pas comprendre, tu es trop petite...

– Je te signale que j'ai grandi. J'étais morte, mais j'ai grandi.

Gauvain se remit à pleurer. Jeanne commençait à désespérer. Elle eut beau le serrer dans ses bras, lui dire qu'il n'avait rien fait de mal, rien n'y faisait.

Gauvain était complètement perdu. Sa sœur était morte à six ans par sa faute et elle était là, près de lui, à lui faire des câlins. D'un autre côté, il était tellement soulagé de sentir cette présence qui lui manquait depuis ses douze ans.

– Gauvain ? fit une voix qui lui fit relever la tête. C'est toi, mon grand ?

D'habitude, c'était Bohort qui les appelait comme ça, Yvain et lui. Mais ce n'était absolument pas sa voix. Non, c'était...

– Seigneur Léodagan ? hésita Gauvain.

Le Roi de Carmélide s'approcha d'eux et les dévisagea quelques secondes. Jeanne se releva et s'inclina maladroitement. L'ignorant royalement, Léodagan s'approcha de Gauvain et le fit se relever précipitamment.

– Qu'est-ce qui s'est passé sur le bateau ? demanda brusquement le Roi de Carmélide.

– Je ne sais pas... Adeline... Jeanne...

Et Gauvain fondit à nouveau en larmes. Léodagan le serra dans ses bras pendant que Jeanne cherchait comment la situation pourrait être moins gênante.

– Et tu es qui, toi ? lui demanda le nouvel arrivant d'un ton bourru. C'est toi qui le fait chialer comme ça ? Parce que vous allez me le buter, tous, à force de faire des conneries...

– Je suis Jeanne d'Orcanie.

– De quoi ?! Mais c'est pas possible ! Jeanne d'Orcanie est morte il y a des années !

Gauvain dit un nom que Jeanne ne connaissait pas. Elle ne l'avait jamais entendu et il semblait terrifier son frère.

– Méléagant ! gémit le prince d'Orcanie.

– Non, il n'est pas là, le rassura Léodagan. Tout va bien.

– C'est qui, Méléagant ? demanda Jeanne.

– Je t'expliquerai, mais faut qu'on bouge de là avant de se faire repérer par des mecs de ce salop de Lancelot.

Gauvain ne tenait même plus debout et Léodagan dut le porter longtemps, jusqu'à ce que le jeune prince se décide à se calmer. Il se sentait vraiment mal, avait des vertiges et manquait régulièrement de s'évanouir. Il finit même par vomir tant il était perturbé, angoissé, terrorisé.

– Ils vont vraiment me le buter, marmonna encore une fois Léodagan. Allez, viens, gamine, il faut qu'on trouve un endroit où on cherchera pas à nous buter. 

L'image représente Jeanne

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