Chapitre 1 : L'Ombre De La Forêt

 La silhouette qui se déplaçait avec rapidité dans les fourrés était presque invisible aux yeux inattentifs. Les feuilles des arbres touffus se mouvaient à peine à son passage, si bien qu'on prenait ce léger bruissement pour les caprices du vent.

Il faisait froid. Le jeune homme ne se plaignait pas de la cape noire qui lui couvrait les épaules et la tête. Cependant le col de sa tunique sombre ne couvrait que sa bouche et le reste de son visage était fouetté par le vent.

Cela devait faire une heure qu'il cherchait un endroit où s'abriter. Il était peut-être un assassin habile et discret, le froid lui était désagréable. Il détestait l'hiver. Heureusement, il ne neigeait pas encore pour l'instant. Certes, ça l'avantageait, mais il avait perdu la trace de ceux qu'il était sensé tuer. Génial.

Quand on était engagé par le Roi Lancelot et qu'on n'arrivait pas à accomplir notre travail, il fallait s'attendre à une peine des plus sévères. La réputation du jeune assassin était arrivée aux oreilles du souverain de Bretagne. Il avait été payé très cher pour tuer quatre Résistants en particulier.

D'ailleurs, le jeune homme avait été surpris devant l'angoisse qu'il percevait dans les yeux de Lancelot. Il parlait d'un ton calme et assuré, tout en cachant ses mains tremblantes sous la table. L'assassin avait toujours été doué pour percevoir ce genre de choses chez les autres. Les regards que jetait Lancelot vers l'homme habillé en noir derrière lui ne lui avaient pas échappés.

Quand il trouva enfin une grotte, il s'affala contre le mur froid et passa quelques minutes à reprendre sa respiration avant de tenter d'allumer un feu. Il dût s'y remettre à plusieurs fois avant que la flamme ne s'éteigne plus à cause du vent. Il laissa tomber sa cape sur le sol, laissant apparaître son corps maigre et pâle. Il entreprit de retirer les feuilles emmêlées dans ses boucles noires en pagaille.

En le voyant, on se disait qu'il n'avait vraiment pas l'air d'un assassin. Des joues rebondies, un nez rougi par le froid, des yeux gris expressifs. Il avait toujours cet air blasé sur le visage. On aurait dit qu'il ne ressentait aucune émotion – ce qui aurait pu être normal pour un assassin. Mais il était comme n'importe qui et tuer des gens ne l'enchantait pas. Seulement sa mère l'y forçait depuis toujours. La chose la plus surprenante chez lui devait d'ailleurs être le fait qu'il avait à peine treize ans.

Il releva brusquement la tête quand un bruissement attira son attention. Quelque chose bougeait à proximité. Armé de son arc et son poignard attaché à la ceinture, il sortit prudemment de la grotte. Il s'approcha des buissons derrière lesquels il distinguait une forme humaine.

Il banda son arc et une jeune fille bondit de derrière le buisson. Les lèvres tremblantes, les poings levés comme pour se battre, elle le fixait avec rage.

– Mais d'où tu sors, toi ? fit l'assassin, perplexe.

– Rangez votre arme et... euh... c'est quoi votre nom ? demanda-t-elle.

– Viens, tu vas geler dehors.

Elle abandonna son expression haineuse et le suivit, les larmes aux yeux. Impassible, il s'assit et elle s'écroula à côté de lui, pleurant silencieusement. Il lui tendit sa cape et elle la mit sur ses épaules sans rechigner. Il prit quelques minutes pour l'observer.

Ses cheveux bruns incroyablement bouclés descendaient jusqu'à sa taille. Il avait un visage enfantin, mais avait le même âge que lui. Ses yeux étaient d'un gris brillant. Elle tremblait, terrifiée et frigorifiée. Elle avait des traits harmonieux et fins, sans pour autant être d'une beauté renversante. Elle était simple et jolie, mais la douleur dans son regard faisait ternir son teint de rose.

– Comment t'as fait pour te retrouver toute seule dans la forêt ? demanda-t-il.

– Je pourrais te retourner la question !

Elle marqua une pause.

– Je crois que je dois garder pour moi qui je suis. N'importe qui pourrait me faire du mal.

Il la fixa quelques secondes et tout lui revint en mémoire. Il l'avait déjà vu quelque part.

– Tu es une Résistante ! dit-il. Je t'ai vue sur le bateau avec les autres. Qu'est-ce qui s'est passé ?

– Je viens de te dire que je pouvais pas en parler !

Ils restèrent silencieux quelques minutes. Elle pleurait toujours et lui fixait le feu sans un mot.

– Tes yeux sont comme les miens. Gris, je veux dire, déclara-t-il, brisant le silence.

– Mes yeux sont pas gris... soupira-t-elle. Ils sont marron.

– Je t'assure qu'ils sont gris.

– Merde, hein ? s'exclama la jeune fille. J'en ai marre des trucs bizarres, des créatures, des combats ! Je sais même pas ce que je fais, je suis complètement perdue...

Elle éclata de nouveau en sanglots. Ses genoux repliés contre elle dans un espoir de protection contre la morsure du froid. Lui, il avait compris. Tout. Tout ce qu'il se demandait depuis des années. Elle était là, à côté de lui, celle qui lui manquait depuis toujours.

Sa moitié.

Sa sœur.

La fille d'Arthur Pendragon.

– Comment tu t'appelles ? demanda-t-il.

– Margaux. Et toi ?

– Mordred.




Fixant l'horizon, la jeune femme n'arrivait pas à y croire. Elle allait faire une bêtise, elle en avait bien conscience, mais c'était au mieux. Il fallait détruire le gouvernement de Lancelot pour espérer avoir une chance dans cette guerre qui les avait emprisonnés dans une cage de douleur.

Les mains sur les hanches, elle regardait le château gigantesque qui se dressait devant elle. Ces hautes tours, cette cour, ces pierres... ça lui rappelait tant de choses.

– Kaamelott. Comme on se retrouve.

Elle passa une mains dans ses cheveux blonds coupés au milieu de sa nuque. Son visage aux joues roses se tourna quelques secondes vers le ciel gris. Elle n'avait pas froid. Elle n'avait jamais froid, en fait.

Oui, ses amis lui manquaient, les Résistants lui manquaient. Son père surtout, mais il n'avait pas besoin de le savoir. Mais elle devait au moins essayer. Manipuler Lancelot pour renverser son gouvernement, tenter un coup d'état.

Ses yeux noisette brillants d'excitation, Blanche de Gaunes se dirigea d'un pas décidé vers le château.

– À nous deux, Lancelot du Lac.


Et voilà ! Le début du tome 3 ! J'espère que ça vous a plu et à bientôt pour un nouveau chapitre !

(toujours le système d'une image par chapitre, elles viennent toutes de Pinterest)

L'image représente Mordred

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