11 : Ouvrir son coeur
(21.01) bcp de choses à faire wsh (alors pq cette page est vide ?????)
OH, ANGEL SENT FROM THE UP ABOVE, YOU KNOW YOU MAKE MY WORLD LIGHT UP (-Clare)
...
-Tu fais quoi, mon grand ?
Justin se contenta de retourner son cahier pour que sa mère arrête de regarder.
-Je perfectionne des paroles, c'est tout, expliqua-t-il.
Laure leva les deux mains en l'air pour lui montrer qu'elle ne comptait pas interférer avec ça et s'essuya les mains sur son tablier avant de demander d'une voix douce :
-Je sais que le dernier repas de famille était une catastrophe, mais on se doit de réessayer.
Justin soupira en refermant son cahier pour de bon, sachant très bien que la discussion allait être longue et éprouvante et qu'il n'aurait plus l'énergie suffisante pour s'y remettre ensuite.
-Si tu cherches un prétexte pour forcer papa à revenir à la maison, c'est le pire que tu pouvais trouver.
Sa mère baisse les yeux sur ses chaussons, visiblement peinée par la situation. Son mari n'avait pas montré signe de vie depuis trois jours à part un pauvre texto qu'il lui avait envoyé le matin même en annonçant qu'il était chez son frère. C'est tout. Pas une explication, pas une excuse. Juste un 'je ne dors pas avec toi ce soir' dans lequel il ne précisait pas une seule fois pourquoi il agissait comme ça ni ce qui pouvait bien lui passer par la tête pour traiter sa femme de cette façon.
-Dans tous les cas, je passe mon tour, lâcha Justin en se levant du canapé. Pas question que ça se finisse mal une fois de plus.
-Sauf que... C'est déjà organisé, annonça sa mère en se mordant la lèvre. Ton père sera là dans quinze minutes.
-Et Elo ?
Justin espère au plus profond de lui qu'elle a refusé et qu'elle ne va pas se pointer ; c'est sa dernière chance pour fuir cet horrible repas qui s'annonce.
-Elle a accepté ce matin.
Justin pousse un profond soupir et se dirige vers l'escalier d'un pas rapide, agacé qu'on lui impose une telle fin de journée. Il avait prévu de passer la soirée en tête à tête avec sa guitare, pas avec les reproches de son père.
-S'il te plaît, j'ai besoin de toi, implora alors sa mère d'une voix emplie de douleur. Je veux laisser une dernière chance à notre famille de se reconstruire.
Sur la première marche de l'escalier, Justin se détourne vers sa mère avec un air las.
-J'ai bien peur qu'il n'y ait plus rien à sauver.
Sur ce, il disparaît dans sa chambre en maudissant Elo d'avoir accepté de participer à ce dîner cauchemardesque. C'est vrai ; elle lui disait encore il y a une semaine qu'elle ne voulait plus jamais avoir affaire à son père et la voilà maintenant qui accepte de passer un repas entier en sa compagnie !
Les femmes sont vraiment incohérentes, pensa-t-il en fourrant son t-shirt sale dans sa corbeille à linge avec rage.
Justin décida de prendre une douche et d'enfiler un polo un peu plus strict que son t-shirt 'hi. don't be racist. thanks.', histoire que son père n'ait pas la bonne idée de critiquer -une fois de plus- son style vestimentaire. Il avait déjà bien trop de sujets sur lequel le démolir, pas besoin d'en rajouter.
Alors qu'il était en train d'envoyer un message vocal agacé à Elo, la sonnette retentit et il entendit la voix de son père résonner dans l'entrée. Il passa les quelques minutes suivantes à tenter de forger un bouclier autour de son cœur pour s'empêcher d'être blessé par les vacheries interminables qu'il allait bientôt se manger en pleine gueule Puis, une fois qu'il estima avoir assez fui la situation, il rejoignit ses parents à la cuisine.
En arrivant dans le salon, il constata avec surprise qu'Elo était déjà là.
-Je vous ai pas entendus arriver, s'excuse-t-il sans même savoir pourquoi est-ce qu'il le fait.
Elo l'embrasse sur la joue en lui coulant un regard désolé du genre 'pardon, je n'ai pas eu le choix' et son père s'assied directement à table ce que Justin prend comme un signal clair : son père ne veut pas lui dire bonjour, et ouvre d'ores et déjà les hostilités.
Ça va être sympa, ironise Justin pour lui-même en s'asseyant à son tour.
-Je suis contente qu'on soit tous réunis, dit alors sa mère d'un air stressé en s'asseyant en face de lui.
Elo n'a donc plus le choix que de se mettre en face de son père, chose qui a l'air de la ravir que très peu.
-Vous auriez au moins pu vous changer, on dirait des SDF, grogne le père de famille en dépliant sa serviette sur ses genoux sans même leur adresser un regard.
Justin serre ses doigts sur la nappe, caché par la table.
Reste calme, surtout reste calme.
-Je... Bon, je propose qu'on change de sujet, dit alors Laure. Comment ça va, vos...
-Est-ce qu'on peut rentrer tout de suite dans le vif du sujet ? J'ai des choses à faire ensuite, je ne compte pas rester ici toute la soirée, grommelle le père de Justin.
Son fils serre la nappe encore plus fort, si fort d'ailleurs que la jointure de ses doigts blanchit. Sous la table, Elo frôle sa main pour attirer son attention et leurs regards se croisent le temps d'un instant avant qu'elle ne cligne des yeux. Justin comprend rapidement qu'elle lui intime de prendre sur lui, chose qui devient de plus en plus difficile à chaque reproche qui passe.
-Très bien, concéda douloureusement Laure en joignant ses mains sur la table. Dans ce cas, je voudrais vous dire quelque chose à tous.
Elle se racle nerveusement la gorge en sentant tous les regards braqués sur elle, visiblement éprouvée.
-Je suis fatiguée de me battre toute seule pour essayer de nous réunir, avoue-t-elle finalement. Je suis fatiguée de faire tous les efforts du monde pour qu'on redevienne aussi proches que nous l'étions, et je suis encore plus fatiguée qu'aucun de vous ne soit assez mature pour prendre sur lui et essayer de me venir en aide pour régler les choses.
Son mari ricane dans sa barbe en jouant négligemment avec sa fourchette. Une colère sourde se peint alors sur le visage de Laure, dont la veine sur la tempe gonfle dangereusement en même temps que son visage prend des couleurs.
-Ça te fait rire ? lâche-elle sombrement.
-Oui, ça me fait rire, réplique alors son mari en la fusillant du regard. Tu sais très bien que tes efforts ne vont mener à rien, Laure. Et personne ne t'a demandé de t'acharner à essayer de nous rapprocher ou je ne sais quelle idée idiote et utopique que tu t'es mise en tête !
La mère de famille semble au bord des larmes et les chasse d'un battement de cil, prête à répliquer. Cependant son mari ne lui en laisse pas l'occasion et poursuit :
-Tu n'as pas envisagé une seconde que si tu étais la seule à faire des 'efforts' c'était parce que nous autres nous nous en fichons ?
Elo se tend à côté de Justin, qui sent lui-même son cœur se retourner. Il a toujours su que son père pensait ainsi, mais il ne l'avait encore jamais entendu le dire à haute voix. Et finalement, même s'il s'y attendait, ça fait plus mal qu'il ne l'aurait voulu.
-Comment ?! lâcha Laure d'une voix étranglée. Tu... T'en fiches ? répète-elle, incrédule.
-Ne fais pas l'effarouchée ! s'écrit son mari en gesticulant, vraisemblablement excédé. J'ai tout fait pour que ces gamins soient bien élevés, qu'ils réussissent dans la vie et qu'ils s'entourent bien ! Mais bien sûr, tu as été trop laxiste et regarde le résultat !
-Parle-lui autrement, réplique Justin, la tête haute.
-Très bonne idée ; je vais te parler à toi, tiens ! rétorque son père en frappant brusquement la table avec la paume de sa main. Tu n'es même pas foutu d'aller en cours quand on te le demande, et tu n'en as rien à foutre qu'on paie ton école la peau du cul depuis des années !
Il marque une pause pour reprendre son souffle, pause pendant laquelle Justin aurait eu tout le temps de se défendre. Mais il est tellement bouche-bée devant son père qu'il trouve pas les mots adéquats et se mure dans le silence, la bouche entrouverte et le cœur en sang.
-Mais encore, si tu étais seulement bête à manger du foin ! poursuit-il, rouge de colère. Tu n'as rien de mieux à faire que de vendre des frites dans un resto graisseux et tu traînes avec une bande de voyous qui se foutent en cloque les uns les autres !
-Je pense qu'on a compris, lâche froidement Elo pour le couper dans sa tirade.
-Et toi, venons-en ! réplique son père en sautant sur l'occasion pour cracher son venin. Tu aurais pu devenir ingénieure ou neurochirurgienne et te voilà à coudre des fringues de friperie ! proteste-il. Et la cerise sur la gâteau : tu joues les gouines pour suivre la mode !
C'est le mot de trop pour Justin, qui se lève d'un bond en faisant crisser sa chaise sur le sol.
-C'est bien facile de tous nous critiquer, et tu sais pourquoi tu le fais ?! s'exclame Justin. Tu le fais parce que tous les problèmes viennent de toi et que tu n'arrives pas à accepter que la seule chose que tu aies réellement ratée, c'est de devenir comme ça.
Justin est transcendé par sa colère et son dégoût et tremble de toutes part. Sa mère le regarde avec de grands yeux, visiblement sous le choc. La main d'Elo touche la sienne, et il sait que c'est sa manière à elle de lui faire comprendre qu'elle le soutient. Quand à son père, il le fusille du regard et se lève à son tour.
-Tu n'es qu'un idiot, et un raté, lui cracha son père en approchant son visage tout près du sien. Je n'ai jamais eu aussi honte que tu sois mon fils.
Justin encaisse le coup douloureusement, le cœur en miettes. Pourtant, il arrive tout de même à répliquer après un court silence :
-Et toi tu n'es qu'un poison. Tout ce que tu touches, tu le détruis.
Son père le défie du regard quelques secondes de plus, puis il s'éloigne à grand pas vers l'entrée en récupérant la veste qu'il avait laissé près de l'escalier. Alors qu'il l'enfile rageusement, Laure se lève à son tour et s'approche de lui avec précaution en demandant tout doucement :
-Je t'en prie, Philippe...
Son mari se détourne alors vers elle et la regarde avec toute la haine dont il est capable avant de déclarer :
-Je t'envoie les papiers du divorce demain matin à la première heure.
Puis il s'en va en claquant la porte, laissant derrière lui trois âmes brisées qui fixent l'entrée de la maison sans savoir quoi faire maintenant qu'il est parti, sûrement pour toujours.
Quand Laure se tourne vers ses enfants, elle a le visage baigné de larmes et murmure :
-Je suis désolée, je suis tellement désolée...
Justin la rejoint et l'attire contre lui si fort qu'elle se cogne le menton contre son torse. Puis, là, elle se laisse aller contre son fils en répétant un millier de fois combien elle est désolée et combien tout est de sa faute tandis que Justin lui caresse les cheveux en murmurant des 'chut, ça va aller.'
Finalement, sa mère annonce aller prendre un bain pour se détendre et laisse Justin seul avec sa sœur dans la salle à manger.
Justin retourna près de la table où il y pose ses deux mains à plat en fermant les yeux, exténué.
-Ça me tue de voir maman s'excuser alors que c'est moi qui ait tout gâché, murmure alors Elo.
Justin relève la tête vers elle et croise son regard brillant dans laquelle brille une culpabilité infinie.
-Tu sais bien que rien n'est de ta faute, lui répond-il d'un ton qui se veut rassurant malgré sa voix qui vacille comme une bougie.
-Si je n'étais pas...
-Sauf que tu l'es, répliqua-il en s'approchant d'elle. Tu es bisexuelle, et tu en as parfaitement le droit. S'il n'est pas d'accord avec ça, c'est son problème.
-Pourtant, je sors avec un garçon.
Justin voit dans les yeux de sa sœur qu'elle est sur le point de fondre en larmes et qu'elle a le cœur au bord des lèvres, mais qu'elle reste forte.
-Viens, murmure-il en écartant les bras.
Elo ne se fait pas prier et se niche dans le cou de son frère, toute petite face à son bon mètre quatre-vingt. Elle croise ses bras dans son dos et serre les dents pour ne pas craquer, parce qu'Elo ne craque jamais.
Et si lui aussi a très envie de pleurer à son tour, il décide de rester fort.
Pour elle.
...
-Et merce le grand soir ! s'exclama Owen en débarquant dans le bar avec les bras écartés, visiblement heureux comme jamais.
Justin le dévisagea en croisant les bras, amusé.
-Je ne suis pas sûr qu'on va vraiment jouer si tu fumes ce genre de trucs ici, plaisanta-il en arquant un sourcil.
Owen hausse les épaules en retirant son joint de sa bouche, puis le jeta dans la poubelle la plus proche.
-C'était pour me donner du courage.
Justin s'esclaffa avant de se remettre à genoux pour perfectionner ses branchements.
-Devinez quoi ! s'exclama alors Charles d'un air excité en débarquant de nulle part. Le proprio a installé une barre de pole dance à côté de la scène hier soir, donc pendant mon solo je n'aurais qu'à...
-... Par pitié : ne finit jamais cette phrase, le coupa Elias avec un grand sourire, les bras chargés de matériel.
Il déposa sa caisse sur le sol et fit un check à Owen pour le saluer avant de s'atteler, lui aussi, aux branchements de sa basse.
-C'est incroyable ; chaque fois que je vous vois vous faîtes tout pour étouffer mon talent ! se plaignit Charles d'un air théâtral en accompagnant sa supplique de gestes exagérés pour appuyer ses propos. Déjà que vous avez refusé qu'on mette les tenues que j'avais choisi... ajouta-il en se mettant à bouder comme un enfant, les bras croisés sur son torse.
-Tu voulais qu'on vienne en tenue de mère Noël, lui rappela Owen d'un air blasé, assis sur une table -alors qu'il y a des chaises partout, il faut le préciser.
-Oui, et donc ?
Justin rigola tout seul, toujours sur le sol en train de démêler l'enchevêtrement de fils électriques qu'était devenu sa guitare en la transportant dans sa housse.
-Par contre juju, qu'est-ce que tu fiches à quatre pattes ? blagua Owen d'un air taquin. Tu attends que Charles passe par là ?
Celui-ci se confondit en injures et le frappa le plus fort possible, ce qui n'eut pour effet que de faire redoubler d'intensité les rires d'Owen. S'il existait un concours de blagues les plus beauf, il l'aurait gagné haut la main, et pas seulement le concours francophone.
Justin se relève enfin et dépoussière ses vêtements, le trac commençant à monter en lui. Il n'avait jamais été du genre stressé, sauf dans de très rares occasions. Et là, très franchement, il avait de quoi stresser.
Il avait eu le malheur de parler du concert à deux personnes : Elo et Fran. Et bien sûr, ces deux idiots avaient aussitôt décrété qu'ils allaient ramener du monde pour être sûrs qu'il ne chante pas pour lui-même. Ainsi, Léo s'était greffé automatiquement aux invités suivi de près par Noam, qui avait à son tour invité Louise, qui avait prévenu Audrey, et qui sait quel autre individu étrange Audrey était-elle capable de ramener ?
-Vous avez invité qui, vous ? demanda soudainement Justin, angoissé.
-Mon père vient avec mon petit frère -sans ma belle-mère, évidemment. J'ai prétexté qu'il fallait une invitation pour entrer et que je n'en avais pas assez pour elle, répondit Owen d'un air malicieux en balançant ses jambes dans le vide, toujours assis sur l'une des tables du bar.
-Moi il y aura seulement ma sœur et deux ou trois potes de la prépa qui avaient bien besoin d'une petite pause, intervint gentiment Elias.
-Et toi mon Charlie ? questionna Justin en s'adossant au mur le plus proche.
L'intéressé les regarda d'un air de bad bitch avant de passer ses cheveux imaginaires par-dessus son épaule.
-Moi, mesdemoiselles, je ramène mon mec, déclara-t-il d'une voix assurée.
Les garçons éclatèrent de rire face à cette mise en scène puis se mirent -pas la lessive- tous à lui poser des questions en même temps. Pourtant, Charles continuait de les regarder d'un air insensible et marcha jusqu'à la sortie en roulant des hanches avant de déclarer :
-Je vous montrerai qui est ce beau mâle ce soir si vous êtes sages. Allez, ciao la populace.
Owen, Elias et Justin échangèrent un regard complice, puis ce dernier lâcha :
-Je pense que cette soirée va vraiment être démente.
-Qui utilise encore ce mot ? plaisanta Owen en lui assénant une tape amicale sur l'épaule avant de se lever de sa table.
-Bah, moi.
-Sans blague !
Les heures suivantes ne furent qu'un tourbillon intense rempli de stress, de confusion et de pétage de plombs. Ils étaient tous sur les nerfs et la situation avait encore plus empiré en se rendant compte que la prise du piano de Charles s'était soudainement cassée. Justin l'avait donc emmené in extremis dans un magasin de musique pour y trouver le précieux fil, qui par miracle ils avaient finalement dégoté dans le rayon des clarinettes -n'importe quoi.
-Et si je m'évanouis devant tout le monde ? demanda Charles en se mordillant la lèvre, visiblement moins sûr de lui qu'il ne l'était pendant la demi-heure précédente.
-Tu ne vas pas t'évanouir, soupira Owen en tirant une immense taffe sur son joint.
Même s'il faisait comme s'il était totalement dans son élément, le brun n'arrêtait pas de tirer sur ses boucles brunes et rallumait un joint encore plus vite que d'habitude. Peut-être qu'au fond, la forteresse qu'était Owen était capable de fuiter sous l'impact d'une trop grande quantité d'eau.
-C'est possible qu'il fasse trop chaud, d'abord, se défendit Charles d'un air de monsieur-je-sais-tout.
Il marqua une pause puis ajouta :
-Et si je tombe pendant mon numéro de pole dance ?
Owen l'attrapa par le menton pour insister encore plus sur ce qu'il allait dire et écarquilla les yeux exagérément avant de déclarer calmement en pesant chacun de ses mots :
-Tu te touches pas à cette barre pendant le numéro, compris ? T'as quatre chansons à tenir, pas plus. Ensuite tu pourras twerker autant de fois que tu veux sur ce foutu bout de métal.
Charles se dégage de son emprise en rigolant, les bras croisés.
-Ça va, j'ai compris, dit-il en secouant la tête. Je voulais juste vous faire flipper.
-C'est peut-être pas le meilleur moment, intervint Justin.
Il s'était posté juste derrière le rideau qui séparait les coulisses de la petite scène du bar et d'ici, il avait la meilleure vue possible sur l'entrée du bar. Il voyait les invités rentrer un par un, et ils étaient de plus en plus nombreux.
-Vous n'avez pas invité que quelques personnes ! se plaignit Justin, totalement en sueur.
Elias se pencha derrière lui et sa bouche forma un 'o' quand il aperçut à son tour le flot de personnes qui s'étaient installées dans le bar.
-Euh, c'est vrai que c'est beaucoup plus que prévu là, dit-il en se détournant vers les deux autres garçons.
Owen arqua un sourcil puis écrasa son joint avant de le balancer dans la poubelle la plus proche. Ensuite, il posa sa main sur l'épaule de Justin et se hissa sur la pointe des pieds en l'écrasant de tout son poids pour voir au-dessus de lui.
-Hé bah putain, c'est l'Olympia ! railla-il avant de se détourner à son tour.
Les yeux rivés sur l'entrée, Justin observait les gens pénétrer à l'intérieur de la salle principale, le cœur battant. Il fut tout de même soulagé en voyant Elo et Léo entrer main dans la main et se caler aux tables contre les radiateurs, suivis de près par Fran, Noam, Louise, Audrey et... Arthur ?
Justin serra automatiquement les dents et plissa les yeux en suivant ce traître du regard, la rage dansant comme une flamme dans sa poitrine. Il détestait ressentir autant de haine à l'égard d'un type qu'il avait considéré pendant des années comme son meilleur ami, mais il n'était pas capable de ressentir de l'indifférence à son égard. Il y avait eu trop d'insultes, trop de haine échangée, et même trop de coups entre eux pour tourner la page aussi vite. De plus, Justin ne put s'empêcher d'avoir un pincement au cœur en pensant que ses amis se tenaient à ses côtés et le soutenaient, lui aussi. Il avait l'impression qu'Arthur ne méritait plus le moindre soutien ni de sa part, ni des autres. C'était un sentiment égoïste, mais nous sommes tous d'accord pour dire que lorsqu'on a des ressentiments envers une personne, on souhaite toujours que nos proches en aient aussi envers lui. Égoïste mais humain, comme émotion.
-Ah, mes petits gars ! s'exclama alors une voix grave derrière eux.
Justin se retourna, faisant légèrement bouger le rideau derrière lui. C'était le patron du bar, le frère de l'ami de Charles. Le groupe l'avait déjà croisé en début de soirée quand il était venu préparer l'accueil des clients, et il était plutôt sympa. Il avait à peine la trentaine et semblait être le genre de personne qui refuse de vieillir et qui s'accroche à sa jeunesse à n'importe quel prix. Les immenses tatouages de femmes nues sur ses bras et sa coupe de cheveux à la mode militaire ainsi que son sourire en coin et son physique de bodybuildeur ne disaient pas le contraire.
-Vous êtes prêts ? demanda alors le patron en se frottant les mains et en se passant la langue sur les lèvres d'un air excité.
Cette phrase déclencha un haut-le-cœur chez Justin tellement il était angoissé. Il n'avait jamais été dans un tel état de stress, même lorsqu'il avait revu Clare au théâtre. Cette fois, il allait délivrer pour la première fois une partie de son âme. Et il n'était pas tout à fait sûr d'être prêt à le faire aussi tôt.
-Tout est en place, répondit Owen avec un sourire confiant, donnant la parfaite illusion qu'il était totalement dans son élément.
-Je veux que vous donniez tout, ce soir. En plus j'ai un pote producteur qui risque de passer faire un tour, ajouta-il avec un clin d'œil.
Les quatre garçons échangèrent un regard empli de panique, d'excitation et de surprise.
-C'est vrai ?! lâcha Elias, sous le choc.
-Non, mais dîtes-vous ça quand même : ça va vous motiver, acheva le patron en assénant une grande claque dans le dos de Charles, qui manqua de s'écrouler sous l'impact. Bon, vous commencez quand vous voulez.
Sur ce, il quitta les coulisses de fortune et laissa le groupe entre eux.
-Il est sympa mais c'est... commença Elias, les sourcils froncés.
-... Un connard, ouais, compléta Owen. Mais ça, on s'en fout, poursuivit-il en attirant ses potes contre lui. On est tous les quatre, et on va tout niquer.
Ils passèrent tous leurs bras sur les épaules des autres, leurs visages proches les uns des autres.
-Je dirais même qu'on va manger le game, dit Justin en essayant de se donner du courage, poussé par ses amis.
-On a toujours attendu ce moment alors maintenant on fonce, conclut Elias alors que les garçons se reculaient.
Ils échangèrent un regard émotif, parce que ce qu'il avait dit était vrai : ils avaient rêvé de ce moment en secret des tas de fois, chacun de leur côté. Aucun d'eux n'avait jamais osé émettre une telle idée à voix haute, parce que cela semblait impossible. Mais maintenant qu'ils étaient là, tous les quatre derrière ce grand rideau, ils savaient qu'ils touchaient du doigt quelque chose qui allait bien au-delà de leurs espérances. Pour la première fois depuis longtemps, Justin avait l'impression d'atteindre un réel objectif. Parce que dans le fond, il n'avait jamais vraiment voulu avoir son concours ou renter en école de commerce. Mais jouer, chanter, ça il en avait vraiment rêvé.
-Et si vous faîtes de la merde, je vous cogne, acheva Owen avant de passer le rideau en premier pour entraîner ses amis derrière lui.
Justin fut le dernier à aller véritablement sur la scène, et marcha juste derrière Elias. Il était tellement stressé qu'il manqua de trébucher en passant le rideau. Ensuite, il fut aveuglé par un flot de lumière intense et il mit quelques secondes avant de réussir à apercevoir les visages de chaque personne du 'public' se découper dans l'obscurité de la salle qui tranchait avec la luminosité de la scène.
Tandis qu'il s'installait derrière son micro et qu'il passait la sangle de sa guitare sur son épaule, il esquissa un sourire à l'intention de ses amis qui lui faisaient des grands signes au loin. Il aperçut même un grand 'love u juju' dessiné en énorme au marqueur sur le bras d'Audrey, et il se sentit aussitôt plus calme.
Toudoum. Toudoum. Toudoum.
Son cœur battait si vite qu'il avait l'impression de déjà jouer un rythme en lui. Puis, lentement, il tourna la tête vers les garçons, qui en fait étaient déjà tous en train de le regarder, attendant son signal. Justin hésita quelques secondes de plus, puis hocha la tête pour donner le top départ.
Ensuite, Owen compta jusqu'à quatre et ils commencèrent tous à jouer en même temps.
La première chanson était une reprise de Feel, de Robin Williams. Ils l'avaient modifiée un peu pour qu'elle soit plus rock, et le résultat était, d'habitude, vraiment incroyable. Et cette fois ne changea pas leurs habitudes : si les premières notes étaient hésitantes, ils furent tous les quatre plus à l'aise au bout d'une minute. Ensuite, plus aucun de leur souci ne comptait réellement : ils étaient juste eux, leur musique, les cris et les applaudissements des gens pour les encourager et le reste avait totalement disparu.
Justin fermait les yeux et chantait comme si c'était la dernière fois qu'il allait pouvoir interpréter cette chanson. Et il reproduisit exactement le même schéma pour la suivante, Rocket Man d'Elton John. C'était l'une des chansons qu'il écoutait quand il était petit avec Elo et ses parents les dimanches après-midi en jouant au Monopoly. Il ne savait pas vraiment à quel moment cette tradition avait cessé, mais il avait toujours eu cette chanson en tête chaque fois qu'il croisait la boîte du jeu de société dans le placard de sa chambre.
À la fin de la troisième chanson, Justin s'autorisa enfin à ouvrir les yeux au moment où les premières notes d'Hymn for the Weekend retentirent. Il ne savait pas bien pourquoi il avait demandé à ses potes du groupe de jouer cette chanson, parce qu'il savait au fond de lui que cela allait remuer des souvenirs douloureux avec Clare. Pourtant, il leur avait demandé et avait tout fait pour qu'ils acceptent. Et les voilà désormais tous les quatre, en train de chanter cette chanson à la signification toute particulière dans son cœur.
Oh, angel sent from up above
You know you make my world light up
Justin balada son regard dans la salle et il ne put s'empêcher de sourire en croisant le regard hypnotisé de Louise, qui semblait véritablement bouleversée. Elle tenait la main de Noam, qui hochait la tête en rythme. À leur droite, Francisco avait passé son bras autour des épaules d'Audrey et ils se balançaient plus ou moins fort suivant les notes, tout sourire.
When I was down, when I was hurt
You came to lift me up
Les yeux de Justin rencontrèrent alors sa petite sœur, qui ne regardait que lui. Elle avait les yeux brillants de fierté, et n'arrêtait pas de sourire. Sur la chaise à côté d'elle, Léo ne la lâchait pas des yeux. Justin ne lui en voulut pas du tout, c'est sûr que le meilleur spectacle était ailleurs.
Life is a drink and love's a drug
Oh, now I think I must be miles up
À cet instant, Justin comprit une chose très importante : une famille, ce n'est pas ceux avec nous sommes nés. Une famille, c'est ceux pour qui nous pourrions mourir s'il le fallait. Et pour cette bande d'idiots, Justin était prêt à mourir plutôt deux fois qu'une.
When I was a river dried up
You came to rain a flood
Le refrain arrivait, et Justin n'avait qu'une seule hâte : sortir les quelques notes qui fourmillaient au fond de sa gorge. Et, à ce moment-là, un tintement retentit et il détourna les yeux vers l'entrée du bar.
C'est là que son regard s'entrechoqua avec celui de Clare, comme dans un rêve.
Ni le temps ni la chanson n'existait encore, il n'y avait plus qu'elle : elle et sa demi-queue blonde, elle et son trench-coat beige, elle et ses joues rosies par le froid. Il n'y avait que Clare, et il n'y avait toujours eu qu'elle. Si Justin avait nié pendant des semaines les regrets et le manque qu'il ressentait, toutes ses émotions étaient en train de déborder en lui comme une casserole laissée trop longtemps sur le feu. Elle était là, tout près de lui, et il ne savait même pas comment lui dire qu'il l'aimait plus que tout.
Alors il décida de terminer cette foutue chanson, juste pour elle.
Ah-oh-ah-oh-ah
Got me feeling drunk and high
So high, so high
Ah-oh-ah-oh-ah
Now I'm feeling drunk and high
So high, so high
Feeling drunk and high
Feeling drunk and high
So high
Quand les dernières notes de la chanson retentirent, ses trois amis se tournèrent vers lui pour avoir le signal -parce que c'était l'unique chanteur du groupe, même si Charles insistait toujours pour faire les chœurs derrière. Mais cette fois, il n'hocha pas la tête et s'empara du micro, micro qui était jusque-là fixé sur son perchoir.
-Euh, bonsoir, lâcha-il maladroitement.
La salle lui répondit un 'bonsoir' en chœur tandis qu'un regard derrière lui lui faisait comprendre que les membres du groupe ne comprenaient pas du tout ce qu'il foutait. Il aurait bien voulu leur expliquer, seulement lui non plus n'avait aucune idée de pourquoi est-ce qu'il avait attrapé ce foutu micro. Enfin, si, il avait une idée.
Il n'était juste plus très sûr d'avoir les couilles de la réaliser.
-Merci à tous d'être venus, dit-il en bégayant à moitié. J'espère que, euh, le spectacle vous a plu. Il nous reste une chanson à jouer, et personnellement je pense que c'est la meilleure.
Les applaudissements et les cris qui retentirent dans la salle le poussèrent à prendre une grande inspiration, puis à poursuivre :
-C'est une chanson que j'ai écrite il y a à peine quelques jours, et c'est seulement la troisième fois qu'on va la jouer tous ensemble alors, bah... Soyez indulgents.
Il jeta un coup d'œil derrière son épaule et croisa les regards flippés de ses trois potes, qui ne comprenaient pas à quoi il jouait. Ils avaient prévu de jouer leur reprise de Jesus to a Child de George Michael, pas cette chanson à peine travaillée.
-Elle s'appelle Living in a dream, continua Justin en posant son regard sur Clare, qui se tenait toujours debout près de l'entrée. C'est... Je l'ai écrite pour une personne très importante pour moi.
Il voit Clare tressaillir d'ici, et la blonde enfonce son nez dans son écharpe pour masquer son émotion, laissant seulement ses grands yeux noisette dépasser. Il la connaît par cœur, bordel.
-Je suis amoureux de cette fille depuis que j'ai dix ans, ajoute-il. Je n'en ai jamais aimé aucune autre, et ça peut paraître fou ou débile, mais... Je sais que je n'en aimerai jamais aucune autre.
Ses yeux noirs ne quittaient pas le regard ambré de Clare, qui tremblait comme une feuille malgré son manteau et la chaleur qui fait transpirer chaque personne dans la salle.
-J'ai merdé avec elle, plusieurs fois, poursuivit-il. Et je sais que je ne suis pas l'homme parfait, que je peux être immature, bordélique, jamais sérieux et menteur sur les bords, mais je sais que quand je suis avec elle... Je suis un peu moins immature, un peu moins bordélique et tous les autres trucs nuls que je suis souvent.
Les gens dans la salle sont partagés entre 'oh il est mignon' et 'chante putain', mais Justin n'en a rien à faire. Seule Clare et lui existent encore, et ils ne se quittent pas du regard. Il a le cœur qui bat la chamade et la main crispée si fort autour de son micro qu'il a l'impression qu'il va perdre un doigt.
-Alors voilà, cette chanson est pour toi, conclut-il, au bord du malaise.
Il se recule et ne prend pas le risque de croiser le regard de ses amis du groupe avant de commencer. Il les prend légèrement au dépourvu et ils prennent bien quelques secondes à se caler sur lui, mais la mélodie coule toute seule. Justin ferme désormais les yeux, et il donne tout dans cette chanson.
Il lâche tout : les remords, la culpabilité, le manque, la haine, la colère, la tristesse, le déchirement, la honte, la peine, les regrets.
Il lâche tout.
Look at me I'm standing still
If you only know how good it feels
To see you crawling back to me
But listen baby.
Cette fois, il ne chante plus comme si c'était la dernière fois mais comme si c'était la première. Il nage vers l'inconnu, il n'a aucune base à laquelle se raccrocher. Il marche à l'aveugle, totalement.
So you thought I'd fall appart
Just watch my rise until this part
Don't try to understand my art
You'd figure you miss
Le refrain arrive, et il n'a toujours pas ouvert les yeux. Il veut juste chanter, encore et encore, et que tout ce qu'il a éprouvé de négatif ces derniers temps disparaisse d'un coup de baguette magique.
All the things you lost in me
Used to tell me I was crazy
Guess I can't say I don't know what it means
To be living in a dream
Don't wanna hear you say you're sorry
I can't see the fools surrounding me
'Cause I'm living in a dream
'Cause I'm living in a dream
[*chanson complète et traduction en fin de chapitre]
Le deuxième couplet glisse tout seul et très vite, il est à la fin de la chanson. Il termine sur le dernier ''cause I'm living in a dream' puis s'arrête de bouger. Les paupières closes, il n'entend plus qu'un silence sans fin.
Puis, les applaudissements et les cris résonnent dans la salle et il comprend que ça y'est, il l'a fait.
Il l'a fait.
Il a à peine le temps de rouvrir les yeux que ses potes l'entraînent dans un salut et Owen crie un mot dans le micro avant qu'ils ne se retrouvent tous en coulisses. Les minutes suivantes ne sont que cris de joie, étreintes dans tous les sens et sauts dans toute la pièce.
-On a tellement géré ! s'exclama Charles en brandissant le poing en l'air.
-Encore mieux que ça, rétorqua Elias, les yeux brillants de fierté.
Owen ébouriffe les cheveux de Justin en déclarant :
-Même si tu nous as fait vachement peur avec ton improvisation de merde, là.
Justin arbore un grand sourire un peu honteux, mais ses potes le rassurent aussitôt en disant qu'il a bien fait de prendre les devants car c'est la chanson qui a le plus plu. Ensuite, Charles déclare qu'il doit aller 'saluer ses fans' et quitte les coulisses, Owen et son joint tout juste allumé sur ses talons. Elias s'apprêta à les rejoindre quand Justin le retint par le bras, lui arrachant un froncement de sourcils.
-Merci d'avoir été là ce soir, lui glisse Justin le plus sincèrement possible.
-J'avais rien de mieux à faire.
Ils échangent un sourire amusé, puis Elias déclare :
-D'ailleurs tu es le premier à qui je le dis, mais j'abandonne la prépa.
-Quoi ? lâche Justin, éberlué. Mais... Avec tous les sacrifices que t'as fait, tu peux pas...
-Relaxe, je finis ma première année ! expliqua son ami en passant un bras autour de ses épaules. Mais ensuite, je me réoriente. La prépa maths/physique, c'était pas pour moi, conclut-il en haussant les épaules. En fait, c'était plutôt fait pour ma mère.
Justin pousse un soupir en serrant son épaule un peu plus fort.
-Et tu vas faire quoi, alors ? demanda-il.
-Aucune idée, avoua Elias en se détachant de lui. C'est cool de ne pas avoir de plan, pour une fois. Peut-être que je vais finir par devenir comme toi et improviser des déclarations d'amour sur scène, ajouta-il avec un clin d'œil.
Justin lui donne un coup de coude, amusé.
-Allez, va rejoindre tes groupies ! J'ai cru comprendre qu'il y avait une horde de fans dans le bar pour toi, ce soir.
Justin lui frictionne les cheveux en secouant la tête, tout sourire, avant de le suivre hors des coulisses. À peine arrivé dans la salle principale, Noam et Fran lui sautent dessus et manquent de le faire tomber.
-C'était ouf, mec ! s'écrit Fran en le secouant comme un prunier.
-Pire que ça ! J'ai tout filmé ; je poste ça demain sur Youtube pour me faire un peu de moula, plaisante Noam.
Justin éclate de rire en leur serrant fort le bras à chacun, parce que c'est la seule façon qui lui vient à l'esprit sur le moment pour les remercier comme il se doit d'avoir été là pour l'un des moments les plus importants de sa vie.
-Tu étais in-cro-yable, déclara Louise en s'approchant difficilement de lui, les bras grand ouverts.
Elle marchait comme un canard à cause de son ventre énorme, mais fait bonne figure et le tira gentiment par l'oreille.
-J'ai voulu te jeter ma petite culotte mais Louise a dit que c'était pas très 'classe', expliqua Audrey en s'approchant à son tour, superbe avec son rouge à lèvre bordeaux et sa robe à sequins verts.
Le brun éclata d'un rire franc et prit sa main avant de l'attirer contre lui de toutes ses forces. C'est bien la première fois que Justin faisait cela avec elle et si Audrey fut surpris au début, elle entreprit rapidement de l'écraser contre elle avant de lui crier dans l'oreille :
-Et fais-nous un album, putain !
Justin se recula en haussant les épaules, plus fier que jamais. Il n'y avait pas un seul nuage à l'horizon, il était juste pleinement heureux.
À moins que...
-Salut.
Justin se détourna en même temps que ses amis, et tomba nez-à-nez avec Arthur, qui laissa tout de même une certaine distance entre eux. Visiblement, il avait peur de se prendre une droite pour avoir osé se pointer ici ce soir.
-Salut, déclara Justin.
Il avait essayé d'être froid mais ce n'était pas tellement réussi. Il avait plutôt eu l'air indifférent, ce qui n'était finalement pas une si mauvaise chose.
-Tu es venu avec Clare, j'imagine ? demanda Justin sans réussir à s'empêcher de le tacler.
Il croise le regard noir de Louise et pousse un long soupir intérieur tandis qu'Arthur répond, mal à l'aise :
-Non. On ne se parle plus.
À cet instant, Justin ressent une telle vague de soulagement qu'il se sent très idiot de penser comme cela. C'est vrai ; c'était fini avec Clare, il devrait s'en foutre et la laisser vivre sa vie. Mais c'est comme s'il ne pouvait pas s'y résoudre, et que la protéger serait à jamais l'une des missions les plus importantes pour lui.
-J'aimerais dire que je suis désolé pour toi mais je ne le suis pas vraiment, en fait, expliqua Justin d'un air bête.
Noam lui donna un coup de coude, lui implorant silencieusement d'y aller mollo avec lui. Justin se retint de rouler des yeux, puis finit par tenter de briser le malaise en demandant :
-Alors, le concert t'as plu ?
Un petit sourire se dessina sur le visage d'Arthur, qui avait bien compris la perche que celui qui avait été son meilleur ami était en train de lui tendre.
-C'était génial. Tu es super doué pour ça, vraiment, dit-il d'une voix qui paraissait sincère.
Justin le remercia du regard, puis un léger silence s'installer de nouveau avant qu'Arthur ne dise :
-Je sais que ce n'est probablement pas le moment de te dire ça, mais je suis désolé d'avoir été aussi con avec toi. Je... J'étais aveuglé par ce que je croyais ressentir, et par ce que je croyais qu'elle ressentait. En réalité on ne s'est jamais faits de date dans ton dos comme je te l'ai dit, on se parlait juste souvent par SMS mais c'est tout. Et il n'y avait rien de louche, elle semblait juste heureuse de retrouver un ami. Je voulais juste... Je... J'ai été vraiment nul. Pardon.
Justin jeta un regard en arrière à ses amis, qui l'imploraient tous du regard de le pardonner.
-Ok, on va dire que j'accepte tes excuses, finit-il par déclarer alors que le soulagement se peignit sur le visage d'Arthur. Mais à une seule condition.
Le sourire de son interlocuteur disparut aussitôt, remplacé par un sentiment de stress bien visible. Et cela avait quelque chose de plutôt jouissif, dans le fond.
-Tu acceptes mes excuses pour t'avoir défoncé la gueule, le taquina Justin.
-Déconne pas, je t'ai niqué, corrigea Arthur.
-On reparlera de tout ça devant un match de bowling, mon pote.
Ils échangèrent un sourire entendu qui délesta Justin d'un poids. Même s'il avait dit à Arthur qu'il le pardonnait, il savait qu'il n'allait jamais oublier ce qui c'était passé entre eux. Leur amitié aurait à jamais une fêlure parfois invisible parfois flagrante, mais ils pouvaient essayer de la reconstruire quand même. Rien ne serait plus jamais comme avant entre eux mais ils pouvaient au moins essayer de réapprendre à se tolérer, au moins pour le reste du groupe qui s'était retrouvé coincé entre eux.
-Ahh, je savais bien qu'il fallait l'inviter, glissa alors Louise à Justin en lui pinçant la joue.
Décidément, elle s'entraînait de plus en plus à traiter les gens comme son enfant ces temps-ci.
-Tu me revaudras ça, répliqua-t-il en claquant des doigts juste devant ses yeux comme elle le détestait.
Il eut à peine le temps de reculer d'un pas que deux mains se plaquèrent sur ses yeux et qu'un poids s'abattit sur son dos, manquant de le faire tomber.
-Je suis tellement fière de toi, bolosse ! s'exclama alors Elo en tanguant dangereusement.
Pourtant, son déséquilibre ne semblait pas l'effrayer le moins du monde et elle continuait de balancer ses jambes dans le vide sans même prendre la peine de se tenir, donnant à Justin toutes les difficultés du monde pour ne pas lui briser la colonne vertébrale.
-J'ai essayé de la dissuader de te sauter dessus comme ça mais elle est têtue, ta sœur, intervint alors Léo en se plantant devant Justin, les mains dans les poches.
-Elle tient ça de moi, rétorqua celui-ci en lui adressant un grand sourire avant de frapper tant bien que mal les fesses d'Elo, qui répliqua en lui tirant les cheveux.
-En tout cas c'était top, vraiment, le félicita Léo. Je dois sûrement pas être le premier à te le dire mais tu es vraiment doué, Juju.
Justin plissa les yeux en entendant ce surnom, son instinct de grand-frère-protecteur-qui-doit-se faire-respecter-par-le-mec-de-sa-petite-sœur remontant à la surface.
-'Juju' ? répéta-t-il, incrédule.
Elo, toujours sur son dos, explosa de rire avant de s'exclamer à Léo :
-Je ne pensais pas que tu le ferais vraiment !
-Un 'pour combien' reste un 'pour combien', déclara celui-ci avec un grand sourire.
Justin se mit à rire lui aussi, amusé par la situation. Et puis, le fait de voir Elo aussi épanouie ne pouvait que le combler de bonheur.
-Allez, fais-moi descendre de là ! s'exclama finalement la brunette en lui ébouriffant les cheveux pour l'embêter.
-À vos ordres princesse, répondit docilement son frère en la déposant tout sauf gracieusement par terre.
La moitié de la salle dut voir sa culotte mais Elo ne sembla pas s'en préoccuper et se contenta de lui lancer un sourire amusé avant de se relever et d'attraper la main de Léo, tout sourire.
-J'ai envoyé les quinze premières secondes d'une chanson à maman, et elle m'a répondu un 'MDR je kiffe', expliqua-elle alors en fronçant le nez.
-Je pense qu'il faut qu'on prenne son portable en otage au plus vite, répliqua Justin en imitant sa sœur.
Ils se mirent à rire en même temps, puis Léo déclara :
-Je ne veux pas casser votre moment mais je crois que tu es attendu par quelqu'un, Justin.
Le brun suivit le regard de Léo qui était dirigé derrière son épaule et aperçut Clare, qui semblait toute petite dans son manteau beige et qui le regardait au loin.
-En effet, murmura Justin en manquant soudainement de salive.
Pourquoi est-ce qu'un simple coup d'œil à cette fille me fait perdre tous mes moyens ? pensa-t-il, son cœur accélérant subitement.
-Allez, file ! s'exclama Elo en le poussant en avant.
Justin mit alors quelques secondes à se décider à avancer, et il eut le temps d'entendre sa sœur se plaindre derrière son dos avant que Léo ne lui réponde.
-Pourquoi est-ce que tu m'écris pas de chanson, toi ?
-Euh, parce que je ne sais jouer d'aucun instrument à part de l'harmonica ?
Justin se décida enfin à avancer, d'une part pour fuir cette discussion et d'autre part pour rejoindre Clare, qui l'attendait toujours sans bouger, le nez dans son écharpe.
Il ne put se résoudre à la quitter des yeux alors qu'il traversait la salle en se faufilant au milieu des gens et répondait 'merci' à ceux qui le félicitaient pour sa performance. Une fois devant elle, Justin essaya tant bien que mal de masquer l'angoisse qui était en train d'enserrer son cœur en lui soufflant :
-Tu es venue.
C'était une affirmation mais elle sonnait presque comme une question, comme s'il n'arrivait toujours pas à croire qu'elle soit là.
-Elo m'a glissé mine de rien -tousse, tousse- que tu jouais ici ce soir, et j'ai voulu venir voir à quoi ça ressemblait, un Justin chanteur.
Ils échangent un sourire empli d'une tendresse infinie, avant que Justin ne demande d'une voix douce :
-Et ça valait le coup ?
-J'y réfléchis encore, répondit-elle pour le taquiner.
Elle avait enfin sorti le nez de son écharpe et avait même ouvert son manteau, ayant visiblement trop chaud maintenant que Justin était dans les parages. Et ce n'est certainement pas lui qui allait s'en plaindre, puisqu'il repéra le fameux chemisier qu'il lui avait offert en début d'année rentré dans un jean taille haute -celui qui lui faisait un cul d'enfer- sous son trench beige.
-Tu es magnifique, lui glissa-t-il sans réussir à s'en empêcher.
D'un autre côté, il n'avait pas réellement essayé de se retenir. De toute façon, il avait toujours trouvé que ne pas partager un avis positif sur quelqu'un alors que cela pouvait lui apporter un petit peu de joie était totalement débile. Il trouvait ça complètement fou que certaines personnes aient plus de facilité à critiquer les gens qu'à les complimenter.
De toute manière, avec Clare il n'avait jamais à se forcer. Les compliments glissaient tous seuls de sa bouche, comme si l'envie de la rendre heureuse était irrésistible. Et ça n'y manqua pas : un magnifique sourire éclaira alors son visage et ses joues se teintèrent de rose, créant l'un des tableaux préférés de Justin sur cette petite planète.
Immanquablement, dans un musée rempli d'art, il la regarderait encore, elle.
-Je t'avais dit d'arrêter de me dire ça, répliqua-t-elle, un beau sourire sur les lèvres.
-Ah bon ?
Justin ne s'en souvenait pas. Il devait être trop occupé à fixer ses lèvres quand elle le lui a dit, comme maintenant.
-'Je veux m'excuser devant toutes les femmes que j'ai qualifiées de jolies avant de dire qu'elles étaient intelligentes ou courageuses. Je suis désolée d'avoir donné l'impression que quelque chose d'aussi simple que ce don de la nature devait être votre plus grande fierté alors que votre esprit a abattu des montagnes. Désormais je dirai des choses comme 'vous êtes résiliente' ou 'vous êtes extraordinaire' non parce que je ne pense pas que vous soyez jolies mais parce que vous êtes tellement plus que ça'.
Justin eut le souffle coupé suite à cette longue tirade.
-C'est un poème de Rupi Kaur, expliqua-t-elle ensuite en rougissant, visiblement en train de se demander pour quelle foutre raison elle venait de réciter ce poème.
Justin fixa sans rien dire quelques instants, puis murmura :
-Je ne pensais pas qu'un poème aurait un jour ce genre d'effets sur moi.
Clare frissonna, puis rétorqua :
-Quels genre d'effets ?
Le brun hésita un instant puis avança jusqu'à être tout près d'elle. Il passa doucement une mèche de ses cheveux derrière son oreille, puis déclara :
-Mais tumaz pillar carate houn.
La blonde ouvrit alors de grands yeux, pensant sûrement avoir mal entendu.
-Ça veut dire 'je t'aime' en hindi, expliqua alors Justin en la regardant avec encore plus d'intensité.
Clare ne put empêcher un immense sourire d'éclore sur ses lèvres alors qu'elle disait :
-Vraiment ?
-Non, mais ça aurait été stylé.
Elle éclata aussitôt d'un rire franc qui résonna dans le corps de Justin, jusqu'à ce qu'il s'éteigne dans son cœur. Il était si proche d'elle, sa bouche était si proche de la sienne, leurs peaux avaient une telle proximité et leurs souffles se mélangeaient d'une telle façon qu'elle n'arriva soudainement plus à rire.
-Ça risque de casser l'ambiance romantique du truc, mais j'ai très, très envie de te déshabiller ici et maintenant, lui murmura-il tout près de l'oreille.
Elle se tortilla -pas le plat mexicain- pour ne plus sentir son souffle sur son lobe, puis plongea son regard dans le sien en passant ses bras derrière son cou et en passant délicieusement ses ongles à la naissance de ses cheveux dans sa nuque.
-Devant tout le monde ? rétorqua-t-elle alors en essayant de garder une certaine consistance alors qu'elle semblait sur le point de défaillir.
Elle resserra sa prise autour de Justin, un sourire adorable sur les lèvres. Le cœur du garçon battait si fort dans sa cage thoracique qu'il résonnait presque à ses oreilles.
-Je n'en ai pas grand chose à faire, mais ça serait un peu trop simple.
Ils ne se quittaient pas des yeux, même quand Clare déclara :
-Je suis d'accord. On devrait discuter de nos problèmes de couple toute la nuit, à la place.
Justin n'arrivait plus à s'empêcher de sourire. Elle le taquinait, elle était en train de jouer avec ses nerfs et le pire c'est qu'il adorait ça.
-J'en rêve, rétorqua-t-il avec un air taquin.
La blonde caressa gentiment sa nuque, un tel sourire sur le visage que Justin se demanda s'il ne lui faisait pas mal.
-Ou sinon, on peut faire d'autres trucs, proposa-t-elle.
-D'autres trucs ? répéta-t-il en avalant difficilement sa salive.
Elle était toute rouge, et Justin sentit son pantalon devenir de plus en plus étroit.
Bordel ce qu'il était amoureux d'elle.
-Tu pourrais me rechanter ta chanson par exemple, soumit-t-elle avec son air le plus innocent sur le visage.
-Par exemple.
Il avait du mal à respirer et il ne rêvait que d'une chose : prendre ses lèvres en otage et ne jamais, jamais les laisser partir.
-Je pourrais peut-être en profiter pour te refaire mon petit discours du début ; histoire de te convaincre de passer vraiment une bonne soirée, insista-t-il avec un sourire malicieux aux lèvres.
Clare irradiait tant elle semblait heureuse. Elle était purement et simplement dans son élément, dans les bras de Justin.
-Je propose qu'avant de 'passer vraiment une bonne soirée' on reparte de zéro.
Justin arqua un sourcil en calant ses mains sur les hanches de la blonde.
-C'est à dire ? demanda-t-il en traçant des cercles avec ses pouces sur son jean.
-On va à un rancard. Si tu es sage et intéressant, je t'en proposerai peut-être un deuxième. Et peut-être même qu'au troisième, je t'embrasserai.
-Trois rencards avant de t'embrasser ? lâcha-t-il.
-Tu n'arriveras jamais à tenir jusque-là, rétorqua-t-il pour la surprendre.
Elle se mit à sourire de plus belle avant de murmurer :
-Alors, qu'est-ce que t'en dis ? On se donne une autre chance ?
À cet instant, Justin n'eut pas d'autre choix que d'accepter.
Le coeur au bord des lèvres, il hocha la tête et s'approcha lentement d'elle avant d'effleurer sa bouche de la sienne. Elle ferma les yeux -ce que Justin prit pour un signe- et se pencha encore plus... Avant d'atterrir sur sa joue.
-Troisième rencard, Don Juan. Et encore, c'est pas tout à fait sûr que tu arrives jusque là, le taquina-t-elle avec un grand sourire avant de s'éloigner sans lui laisser le temps de répliquer.
Justin, sous le choc, la regarda se faufiler entre les convives, sûrement pour rejoindre Elo. Il mit véritablement quelques secondes à s'en remettre, tremblant comme une feuille. Puis, une fois qu'il avait à peu près réussi à reprendre une certaines consistance, il se détourna et se décida à rejoindre les gars du groupe.
Il passa la demi-heure suivante à discuter avec Benjamin, le petit-ami de Charles, qui était positif et foncièrement gentil. Ils s'étaient super bien entendus et avait vite compris pourquoi son petit Charlie l'aimait autant lorsqu'il avait déploré l'absence de dress code entre les membres du groupe sur scène.
-Salut les boys, intervint soudain une voix féminine.
Justin constata avec surprise que Marion se tenait à sa droite, plus en forme que jamais.
-Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vous épargne la présence de Justin quelques instants en l'éloignant le plus loin possible de vous. C'est mieux pour votre santé mentale, ajouta-t-elle d'un air discret-pas-discret.
Justin ne put s'empêcher de rire quand elle écrasa sa main dans la sienne et l'entraîna un peu à l'écart avant de lui donner un petit coup sur le torse avec son verre -plein, de surcroît.
-C'est très dangereux ce que tu viens de faire, déclara Justin, amusé.
-T'interrompre dans ta discussion et risquer des représailles douloureuses ou être à deux doigts de renverser un cocktail sur ton joli t-shirt blanc ?
-Dans les deux cas tu risques des 'représailles douloureuses'.
Marion lui adressa un sourire taquin avant de lui tirer la langue comme un enfant.
-Je te dirais bien que tu étais incroyable sur scène, que tu chantes comme un dieu, que tu es sexy en diable et que je rêve d'avoir un autographe mais je pense que tu ne me croirais pas, déclare-t-elle alors avec un grand sourire.
-En effet, j'aurais bien du mal, répliqua Justin en lui rendant son sourire.
-C'est bien pour ça que je ne te le dis pas.
Ils se regardèrent quelques secondes sans rien dire, puis Justin s'apprêta à lui demander comment est-ce qu'elle avait eu l'info pour le concert quand Owen débarqua par derrière et passa son bras autour des épaules de Marion, qui sembla aussitôt plus tendue.
-Ah, vous avez déjà fait connaissance ! s'exclama ce dernier en serrant les lèvres pour ne pas laisser son joint s'échapper.
Justin le regarda en arquant un sourcil, amusé.
-C'est plutôt vous qui n'avez pas perdu de temps, rétorqua Justin. Owen, je te présente Marion, ma meilleure amie depuis le lycée.
Les deux échangèrent un regard profondément complice et Marion tendit une main au junkie en déclarant :
-Marion, enchantée de faire votre connaissance.
Owen ne rentra pas dans son jeu et, au lieu de lui serrer la pince, déposa un baiser sur le haut de sa main.
-Euh, d'accord, commenta Justin en se grattant la tête.
-Tu sais, je t'avais parlé d'un plan cul plus-trop-plan-cul ? commença-t-elle. Bah... Voilà.
Justin regarda tour à tour sa meilleure amie et le batteur du groupe, incrédule.
-Attends, c'est lui qui t'as préparé le petit-déjeuner ? C'est lui qui a fait semblant d'oublier son écharpe juste pour te revoir ?
Marion hocha la tête tandis qu'Owen répliqua :
-C'était ma veste et ce coup-ci, je l'avais vraiment oubliée.
Justin l'ignora et secoua le tête, encore surpris par cette nouvelle.
-Mais tu sais même pas faire cuire des pâtes ! s'étonna-t-il en se tournant vers Owen.
Celui-ci haussa les épaules, ne sachant visiblement pas lui-même comment il avait réussi l'exploit de ne pas faire brûler l'appartement de Marion ce matin-là.
-Et donc, quoi, vous êtes en couple ? questionna finalement Justin.
Marion cria un 'non' sonore en même temps qu'Owen s'exclamait 'oui'. Justin les fixa l'un après l'autre, mort de rire.
-Non, on est pas en couple ! ragea Marion en frappant Owen à l'épaule. Je suis venue à ton concert parce que tu avais fait tomber tes clefs de voiture lors de notre dernière rencontre !
Owen esquissa un sourire taquin et adressa un clin d'œil à Justin tout en passant sa main dans ses cheveux en feignant une moue peu convaincante.
Quel comédien, pensa Justin en ricanant intérieurement.
-Ah, donc tu n'es pas vraiment venue pour moi, déclara Justin en faisant mine de bouder.
-Tu ne vas pas t'y mettre toi aussi !
Owen frappa discrètement dans la main de son ami, visiblement très heureux d'avoir trouvé une autre personne qui avait pour passion numéro une dans la vie de faire tourner Marion en bourrique.
-Vous m'exaspérez, vous deux ! lâcha Marion en gesticulant. Pas étonnant que vous soyez amis, tiens !
Sur ce, elle laisse en plan les deux garçons, qui sont totalement morts de rire.
-Par contre je rigole vachement là, mais si tu lui brises le cœur t'es mort, menaça soudainement Justin en lui donnant une petite claque à l'arrière de la tête pour accentuer son côté ninja-inquiétant-qui-peut-te-tuer-en-deux-secondes.
-C'est plutôt de mon cœur que tu devrais t'inquiéter, rétorqua Owen.
Pas faux.
Justin le fixa quelques instants de plus en croisant les bras d'un air de gangster, puis il finit par éclater de rire en même temps que son ami avant de lui dire :
-Allez, va la retrouver ! Elle doit sûrement être en train de se plaindre à la première personne venue à quel point la gent masculine est une erreur de la part de Dieu.
-J'ai toujours trouvé Ève plus stylée d'Adam.
Cette remarque arrache un rire à Justin avant qu'ils ne partent tous deux d'un côté différent, chacun pour retrouver celle qu'ils aiment.
Le brun ne mit par longtemps à retrouver Clare -elle était en train de rigoler avec Elo et Léo tout en sirotant un Coca. Pourtant, même s'il l'avait repérée, Justin s'immobilisa au milieu de la salle et la regarda quelques instants.
Clare était le genre de filles qu'on ne remarque pas spécialement au premier regard. De loin, elle pouvait passer pour n'importe qui, avec sa petite taille, ses cheveux mi-longs et son regard noisette. Pourtant, une fois qu'on creusait un peu, on se rendait compte à quel point cette fille était un véritablement un soleil. Une fois qu'on était entré dans sa vie, on ne pouvait plus en sortir. Les gens tournaient autour d'elle comme des planètes gravitent autour de leur étoile, et elle formait un véritable système à elle toute seule. Puis, peu à peu, l'ensemble des personnes qui étaient entrées dans sa vie formaient une magnifique et fascinante galaxie dont les autres étaient jaloux tant elle semblait être l'endroit le plus doux où vivre dans le monde entier.
Et, si certains ne voyaient pas tout ce qui se cachait derrière ce regard ambré au premier coup d'œil, Justin avait tout de suite vu en elle ce qu'il avait toujours cherché : une famille.
Comme par magie, Clare tourna la tête vers lui à ce moment précis. Elle lâcha probablement un mot d'excuse au petit couple et se retira, marchant droit devant elle pour rejoindre Justin. Il ne bougea plus en attendant qu'elle arrive jusqu'à lui, détaillant chaque parcelle de son visage pour les encrer à jamais dans sa mémoire. Mais, une fois qu'elle fut à sa hauteur, elle le dépassa comme si elle ne l'avait pas vu et disparut dans la foule.
Incrédule, Justin la suivit aussitôt. Elle alla jusque dans le couloir qui menait aux coulisses, dont la porte était désormais fermée. Une fois derrière elle, elle lui fit signe de leur ouvrir. Justin avala difficilement sa salive en enfonçant la clé dans la serrure avant de la tourner, les doigts tremblants. Et, une fois la porte ouverte, Clare s'engouffra en première dans l'obscurité.
-L'interrupteur est sur ta droite, murmura Justin en ayant l'impression de faire quelque chose d'interdit malgré le fait que le patron lui ait prêté les clés en toute connaissance de cause.
Enfin, il ne soupçonnait sûrement pas que les coulisses pourraient servir à... À quoi, au juste ?
-Non, on reste dans le noir, rétorqua Clare en fermant la porte derrière eux.
La moitié de son visage angélique était éclairé par un rai de lumière provenant du rideau, qui était mal attaché. Cependant, de l'autre côté, personne ne pouvait les apercevoir à moins de passer la tête au milieu des deux pans de tissu.
-Screw you le troisième rencard, déclara-t-elle finalement en rompant la distance qui séparait leurs deux bouches.
Leurs lèvres s'emboîtèrent à la perfection, comme si elles avaient été crées justement pour se rejoindre. Leurs langues étaient parfaitement en accord, et leurs mains, impatientes, caressaient doucement la peau de l'autre dans une délicieuse torture. Leurs deux corps étaient les notes de musique, et leurs cœurs la partition. Et, ensemble, ils jouaient la plus belle mélodie qui soit.
Ils avaient tellement reculé que le dos de Clare se heurta doucement au mur derrière elle. Elle glissa ses mains froides sous le t-shirt de Justin et le passa au-dessus de sa tête sans effort, leurs bouches ne se séparant que pendant quelques secondes.
-Donne-moi une bonne raison de faire ça, lui murmura-t-elle en posant ses mains sur ses joues.
Elle avait les doigts si froids que Justin eut l'impression qu'on venait de lui foutre la tête dans le frigo, mais il ne se dégagea pas ; c'était Clare, c'était elle, et rien que pour ça il adorait la fraîcheur qu'elle avait d'hiver en été.
-On en a envie tous les deux, répondit-il en l'embrassant sur l'épaule après avoir repoussé la manche de son chemisier.
-Bup, pas suffisant, répondit la blonde en imitant le bruit d'un buzzer.
Justin se recula et plongea alors son regard dans le sien, pénétrant.
Il espérait profondément que ce qu'il avait dit ce soir était rentré dans une oreille de Clare et n'était certainement pas ressorti par l'autre. Lors de leur première fois, il avait essayé de jouer au gars confiant pour qu'elle soit rassurée et guidée dans ses mouvements. Il lui avait aussi murmuré sans arrêt combien elle était belle, combien elle était parfaite et combien il l'aimait. Il avait été si doux avec elle que Clare avait fini par penser que ce n'était pas sa première fois, à lui. Et, sûrement par orgueil masculin, il n'avait pas voulu la contredire. Pourtant, maintenant, il voulait être sûr qu'elle sache qu'elle avait toujours été la seule.
-Je n'ai jamais connu d'autre fille que toi, répliqua-t-il.
Clare le regarda, ses lèvres gonflées légèrement entrouvertes, et balbutia :
-Pourtant, je croyais que...
-Non, dit-il doucement. Je n'aurais pas pu faire ça avec une autre, parce que je n'avais que toi en tête. Depuis que j'ai dix ans, je n'ai que toi en tête.
Clare sembla fondre sur place, puis murmura :
-Très bonne raison.
Et leurs lèvres se rejoignirent de nouveau, pour ne plus jamais se quitter.
...
Holà les enfants !
Je n'ai pas l'habitude d'écrire de petit mot à la fin de mes chapitres mais RASSUREZ-VOUS ce n'est pas la fin de l'histoire ! Nous sommes au chapitre onze, donc il en reste encore trois -c'est très peu, je sais, mon cœur va bientôt me lâcher. Je voulais juste vous raconter quelques petits trucs, histoire d'éclaircir quelques points importants que j'ai abordé pendant ce chapitre.
Tout d'abord, j'espère que vous avez tous passé un très, très, trèèèèèès joyeux Noël ! Que vous l'ayez fêté ou pas, seul ou en famille, que vous ayez eu des cadeaux ou non, j'espère que vous avez profité de cette période que je trouve tout simplement incroyable pour regarder un max de films de Noël (ma passion numéro une dans la vie) en mangeant du chocolat de Noël (ma passion numéro deux dans la vie) et en lisant Justin près d'un bon gros feu de cheminée (cette passion dépasse tout). Je n'ai pas posté de message sur mon compte pour vous le souhaiter parce que j'ai été, moi aussi, très occupée, mais je me rattrape en postant ce chapitre !
Si je dis que je me rattrape, c'est car il fait plus de 10 000 PUTAIN DE MOTS. Le truc de barges. Pour vous donner une idée, un chapitre de Clare, Elo ou Justin fait autour de 4000 mots et peut monter jusqu'à 5000 voir 6000 (ça n'arrive jamais, là je fais juste la meuf) en cas d'inspiration extrême. Donc là, ce ptit chapitre de 10 000 mots, j'espère que vous en avez profitez (si vous voulez faire honneur aux deux après-midi entières passées sur cette partie je vous conseille de la relire, ASAP).
Brefouille (comme on dit dans le ter-ter), après ce blabla fort sympathique je voulais aussi vous parler de la chanson Living in a dream que Justin nous chante avec tout son ptit cœur. Il se trouve que j'ai parlé de cette histoire que je chéris tant à l'un de mes amis (matmat si tu passes par là gros big up à toi gros) et qu'il a eu l'incroyable, que dis-je, merveilleuse idée d'écrire une chanson pour notre Juju national ! Je vous met donc les paroles en entier juste ici suivies de leur traduction :
LIVING IN A DREAM (english version)
Look at me I'm standing still
If you only know how good it feels
To see you crawling back to me
But listen baby.
So you thought I'd fall appart
Just watch my rise until this part
Don't try to understand my art
You'd figure you miss
[CHORUS 1] All the things you lost in me
Used to tell me I was crazy
Guess I can't say I don't know what it means
To be living in a dream
Ain't need no apology
Don't wanna hear you say you're sorry
I can't see the fools surrounding me
'Cause I'm living in a dream
'Cause I'm living in a dream
I won't ever turn auround
To see the life I left behind
You'd be here waitign for a sign
But I won't look back.
Found my place among the stars
They believed in me right from the start
Getting stronger using all my scars
Just listen and see
[CHORUS 2]
Wrong note in a song
That's what you are
My feelings you're tryin' to play
It won't be long
'til you break my heart
If I never fly away
Not that long ago
I would trust you, believe you
Now you're just a ghost
But my mind never come through
Don't you try to make me feel like
Like you've always been by my side
Ain't gonna lose anymore
'I've been a fool' tell me more
Look at me know
You should bow down
The one that proved you wrong
Put you in this song.
[CHORUS 3]
LIVING IN A DREAM (french version)
Regarde-moi, je suis immobile
Si seulement tu savais à quel point ça fait du bien
De te voir ramper vers moi
Mais écoute bébé.
Je n'ai besoin d'aucune excuse
Alors tu pensais que je m'effondrerai
Regarde juste mon ascension jusqu'à maintenant
N'essaye pas de comprendre mon art
Tu pensais que tu me manquerais
[REFRAIN 1] Toutes les choses que tu as perdues en moi
Tu disais que j'étais fou
Je suppose que je ne peux pas dire que je ne sais pas ce que cela signifie
De vivre dans un rêve
Je ne veux pas t'entendre dire que tu es désolé
Je ne vois pas les imbéciles qui m'entourent
Parce que je vis dans un rêve
Parce que je vis dans un rêve
Je ne me retournerai jamais
Pour regarder la vie que j'ai laissée
Tu serais ici en attente d'un signe
Mais je ne regarderai pas en arrière.
J'ai trouvé ma place parmi les étoiles
Ils ont cru en moi dès le début
Je deviens plus fort en utilisant toutes mes cicatrices
Juste écoute et regarde
[REFRAIN 2]
Une mauvaise note dans une chanson
C'est ce que tu es
Avec mes sentiments tu essaies de jouer
Ça ne sera pas long
Jusqu'à ce que tu me brises le cœur
Si je ne m'envole jamais
Il n'y a pas si longtemps
J'aurais eu confiance en toi, je t'aurais cru
Maintenant tu n'es plus qu'un fantôme
Mais mon esprit n'a jamais réussi à te traverser
N'essaie pas de me faire croire
Que tu as toujours été à mes côtés
Désormais je ne vais plus perdre
'J'ai été un imbécile', dis m'en plus
Regarde moi maintenant
Tu devrais te prosterner
Celui qui t'a prouvé le contraire
T'as mis dans cette chanson.
Il se trouve qu'il a carrément composé la chanson au piano, et que c'est tellement fantastique que je veux À TOUT PRIX vous la faire écouter. Je suis en train de perfectionner mes talents de chanteuse donc si un jour j'ai les couilles, peut-être que je vous ferai un cover dessus que je mettrai en média ? En attendant, j'attends qu'il m'envoie la version instrumentale complète que je vous partagerai à la fin de l'histoire. Donc pour l'instant, imaginez la chanson comme bon vous semble ! Tout ce que je peux vous dire pour la décrire c'est qu'elle est ouf (et c'est pas parce que c'est mon pote que je dis ça, fin si un peu mais EN VRAI PAS DU TOUT ELLE TUE VRAIMENT CETTE CHANSON PUTAIN), que c'est une chanson douce mais avec des accents rock comme on aime et que l'émotion qu'il y a est juste dingue. Si vous me croyez pas, je l'ai fait écouter à ma sœur et elle est aussi fan que moi. Vraiment, je vous jure. Hein, @ambrella_kaya ? (:
Je répète que les paroles traduites en français ne seront pas celles qui seront chantées réellement sur la mélodie qu'il a composé, mais j'ai décidé de traduire le texte original pour les non-bilingues (ptdr jsais pas pour qui jme prends). Au moins, vous comprenez un peu mieux ce que ça veut dire ! Je précise aussi que mon poto sûr n'a pas lu ni Clare, ni Elo ni Justin, donc les paroles reflètent ce qu'il a cerné de l'histoire quand je lui en ai parlé mais il n'a pas pu insérer des détails précis etc, et c'est tout simplement parfait comme ça ! Dîtes-moi ce que vous en pensez et j'espère que vous avez tout aussi hâte que moi de découvrir la chanson dans son intégralité, une fois qu'elle sera jouée par mon friend d'amour et chantée par mes humbles soins (j'ai voulu le forcer à la chanter pcq woula c'est aussi un chanteur hors pair mais j'ai vite compris que fallait pas pousser le bouchon trop loin mdrrr donc vous devrez vous contenter de ma voix mélodieuse).
Pour conclure (on dirait une dissertation, je m'entraîne pour la philo jsuis morte), j'espère que ce chapitre à rallonge vous a plu, et que vous êtes contents que je publie aussi souvent (ptdr si je suis en échec scolaire ça sera grâce à vous).
N'oubliez jamais que vous êtes forts, incroyables, gentils et beaux (vous êtes archi canons, vraiment) et que je vous aime fort. Merci de me suivre dans toutes mes aventures même quand ça a l'air foireux, parce que je prend réellement du plaisir à écrire et encore plus à être lue. Et si vous êtes sages, je ferais peut-être un quatrième tome... (c'est faux vous emballez pas).
love yall,
-mae.
PS : je vous ai déjà dit que je comptais me marier avec Justin plus tard ? fin, si Clare me le prête ahah
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